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501413 janvier 2014 – Nous employons souvent dans nos textes l’expression “crise d’effondrement du Système” (équivalent d’autres expressions, plus rarement employées de “Grande Crise” ou de “crise générale du Système”). On observera ici, et cela vaut aussi pour d’autres articles du Glossaire.dde, que l’emploi généralisé du terme “crise” n’est pas nécessairement approprié selon la stricte définition de la chose ; mais il l’est, selon nous, si on situe cet emploi dans un contexte particulier, qui est effectivement celui que nous choisissons, que nous désignons explicitement ou qui est simplement implicite chez nous ; il s’agit du contexte de cette période spécifique de “fin de civilisation”, ou de “fin de ‘notre’ contre-civilisation” comme nous désignons la “civilisation” où nous nous trouvons depuis le début du XIXe siècle. La “crise” devient alors dans ce cas une circonstance d’une séquence temporelle et civilisationnelle plus large, plus ample et évidemment décisive, et une circonstance si fortement liée à cette “séquence temporelle et civilisationnelle” qu’elle en est d’une même substance. La “crise” devient une composante essentielle, et de plus en plus exclusive, du Temps Général que nous vivons, et elle se caractérise par une sorte de structuration, voire même jusqu’à représenter l’idée assez paradoxale, sinon oxymorique, d’une “paroxysme durable” qui devient de plus en plus un “paroxysme structurel”, qui devient la seule façon d’être de notre temps métahistorique. (Cela renvoie essentiellement à notre Glossaire.dde du 30 avril 2013 sur “le facteur crisique”, avec des concepts tels que l’infrastructure crisique.)
Ces précisions sémantiques apportées qui situent déjà le sujet de notre travail dans la continuité et la paradoxale stabilité d’une crise continue jusqu’au final, l’expression (“crise d’effondrement du Système”) mérite évidemment, sinon réclame qu’on s’attache au fait ainsi affirmé de l’effondrement du Système. Cette nécessité est d’autant plus forte que nous présentons cette “crise d’effondrement du Système” comme étant non pas menaçante, mais en cours, sous nos yeux, ou bien sous nos pieds, ou encore au-dessus de nos têtes, et finalement et essentiellement dans nos têtes elles-mêmes (dans notre psychologie). Il s’agit donc d’une expression qui, non seulement laisse entendre et laisse à penser, mais affirme clairement et hautement que, pour nous, le phénomène d’“un événement en train de se faire” est un fait acquis.
L’expression et l’emploi de l’expression vont effectivement dans ce sens, et cela demande une explication. Nous signifions ainsi que si nous nous interdisons d’affirmer d’une façon objective (on en verra plus là-dessus, plus loin) que l’“effondrement du Système” en cours est un fait acquis, nous confirmons par contre que nous prenons sur nous et sous notre responsabilité, disons “subjectivement” en attendant une clarification de ce terme dans cet emploi précis, d’affirmer que, pour nous, l’“effondrement du Système” en cours est un fait acquis. Voilà les éléments précis du problème ainsi posés.
Nous signalons à ce point une circonstance conjoncturelle qui n’est pas essentielle pour le propos mais qui, disons, le situe dans le temps et l’illustre. Cette circonstance n’a certainement pas déterminé cette réflexion générale mais elle a contribué sans aucun doute à nous décider de la mettre en forme et à la publier à ce moment précis. Il s’agit d’un fait qui est lié à la vie courante du site dedefensa.org.
Différentes réactions de lecteurs mettent en question ou bien discutent le fait même de “l’effondrement du Système”, tel que nous le présentons implicitement comme acquis, et tel que nous le décrivons comme “en cours”. Leurs critiques portent souvent sur des modalités qui demanderaient sans doute, selon eux, des réponses de notre part, – sauf que nous avons déjà donné ces réponses au travers d’autres textes (l’essentiel de ces réponses sont rassemblées dans l’article du Glossaire.dde sur “le Système”, le 8 juillet 2013). Voici quelques-unes de ces critiques, rapidement résumées par nous : il s’agit d’un choix nullement exhaustif ni limitatif, et l’on en trouverait d’autres dans le même sens, mais ce matériel nous semble résumer l’essentiel de ces critiques.
• Le Système ne cesse de se renforcer, il fait donc tout sauf s’effondrer. Au contraire, il ne cesse d’affirmer son emprise sur nous et nous promet un empire peut-être sans fin, si l’idée a un sens, sur nos destins.
• L’action du Système, dirigées par des rassemblements ou des conglomérats mystérieux de puissances (humaines, supposons-nous), est sans cesse orientée vers une plus grande efficacité de désordre. Le désordre qu’il crée et qui l’affecte également, et de plus en plus, est paradoxalement la marque de sa maîtrise invincible.
• Il n’y a pas de puissance disons antiSystème disponibles, qui puisse prétendre “battre” et détruire le Système, sans même prétendre offrir une alternative. Le Système est opérationnellement invincible, il ne peut donc être considéré comme en train de s’effondrer.
Ces appréciations critiques de notre affirmation sur l’“effondrement (en cours) du Système” font partie d’une approche classique, disons rationnelle au sens inauguré par la modernité. Ce dernier point (“au sens inauguré par la modernité”) est complètement essentiel puisqu’il s’agit de la modernité, et que la modernité est selon nous un facteur qui peut s’identifier avec le Système ; c’est donc raisonner selon une approche intellectuelle toute entière conditionnée par le Système. On en verra plus, plus loin, là-dessus. En attendant, un peu d’historique, de notre historique s’entend, n’est pas déplacé ici.
Ce passage n’est pas fondamental directement pour l’analyse entreprise ici, mais il a pour but d’accentuer la cohérence de notre propos en en rappelant son soubassement, toujours selon notre interprétation historique. Si cela semble long pour notre “lecteur pressé”, celui qui veut savoir vite, libre à lui de sauter ce passage avec la citation... (Ce conseil vaut pour d’autres passages avec citation, et pour d’autres choses encore, mais il faut alors réaliser que le “savoir” se transforme en une acceptation ou un refus abrupt d’affirmations toutes faites, ce qui interdit, dans les deux cas, toute critique constructive en cantonnant l’esprit dans le domaine du “c’est à prendre ou à laisser”.)
Nous faisons remonter l’origine opérationnelle de cette “approche classique, disons rationnelle au sens inauguré par la modernité”, à la Renaissance mais avec les racines qui sont à identifier pour nous dans l’évolution du christianisme depuis son origine jusqu’au “Temps des Cathédrales”. (Voir la Deuxième Partie du tome II de La Grâce de l’Histoire, mis en ligne le 20 juillet 2013 et présentée le même 20 juillet 2013.) Avec le tournant opéré selon nous immédiatement après cet épisode de “Temps des Cathédrales”, le christianisme dans sa partie de lui-même où il doit être considéré comme événement humain et historique, découvre alors sa faiblesse fondamentale (explicitée dans le récit référencée) d’une vulnérabilité à l’inversion et à la déstructuration. Il devient alors, dans ces conditions d’influence considérable qu’il exerce et d’évolution qu’il entreprend, la matrice originelle de cette même modernité, – y compris le scientisme moderne, en complète opposition avec l’orientation des civilisations de l’Antiquité (voir le 1er décembre 2013). Cette approche n’implique nullement une condamnation quelconque du christianisme du point de vue spirituel et de la mission fondamentale qu’il s’était assigné mais implique le constat qu’à notre sens, à ce moment de son histoire ici complètement identifié, le christianisme en tant qu’événement historique a dévié de sa mission fondamentale. Voici quelques citations de ce texte référencé qui illustreront et expliciteront notre propos.
«“Mais à l’aube du Trecento, le mouvement de croissance qui dégageait insensiblement la pensée d’Europe de l’emprise des prêtres détournait désormais les hommes d’Europe de la surnature. Il les menait vers d’autres routes et vers d’autres conquêtes. […] Dante lui-même, et les premiers qui l’admirèrent, cinglaient vers de nouveaux rivages”, [écrit Georges Duby]. ‘Les lendemains qui chantent’, disent-ils ? Déjà pointe, en effet, ce qui s’installera dans notre conscience, dans notre mémoire, dans notre raison bientôt subvertie, dans notre cœur et dans notre émotion, et j’irais jusqu’à dire, – qu’on me pardonne, – dans nos tripes, dans les tripes de notre pensée, la notion irrésistible, fascinatoire, exaltante, ensorceleuse, racoleuse jusqu’au plus profond de soi, – la notion de ‘progressisme’, comme si l’on opposait soudain la gloire de l’homme à la gloire des cathédrales, comme si la dialectique humaine et bientôt humaniste avait trouvé le vaccin irrésistible contre toute forme approchante de cette gloire-là (celle des cathédrales) et en voie désormais d’être jugée pernicieuse comme serait un péché originel. Par la grâce soudain devenue indéfinissable du Christianisme qui semblera bientôt avoir trouvé sa voie dans le délice paradoxal de la déviation, le sapiens est engagé sur la voie du pardon futur par l’oubli à venir de ce qu’il commence à entreprendre, par effacement par avance du péché qui s’esquisse déjà, par inexistence rétroactive de la faute puisque la faute esquissée aujourd’hui, au crépuscule du Temps des Cathédrales, deviendra vertu demain, une fois digéré la parcours qui va de la Renaissance au ‘déchaînement de la Matière’… Cette façon d’absoudre par antériorité, cela fait la Chute moins raide. [...]
«“…Voici pourquoi, malgré la stagnation de la production et le marasme des échanges, la propension au luxe, loin de fléchir, s’exaspéra. Enfin, et surtout, l’affaissement des structures matérielles provoqua l’effritement, l’effondrement d’un certain nombre de valeurs qui avaient encadré jusque-là la culture d’Occident. Ainsi s’établit un désordre, mais qui fut rajeunissement et, pour une part, délivrance. Tourmentés, les hommes de ce temps le furent certainement plus que leurs ancêtres, mais par les tensions et les luttes d’une libération novatrice. Tous ceux d’entre eux capables de réflexion eurent en tout cas le sentiment, et parfois jusqu’au vertige, de la modernité de leur époque. Ils avaient conscience d’ouvrir des voies, de les frayer. Ils se sentaient des hommes nouveaux.”
»En vérité, notre incrédulité est à cette mesure qui nous arrête, qu’il s’agit d’apprécier comme l’on perce un mystère, – si l’on peut, – et l’on pourra vite, mystère de polichinelle… Cette incrédulité s’adresse au commentateur par ailleurs si éclairé (Duby) lorsqu’il décrit le Temps des cathédrales : comment peut-on, après avoir rencontré l’“homme gothique”, cet “être sauvé”, “illuminé par les rayons de Dieu” et avec son visage sur la clarté duquel “s’ébauche le sourire des anges”, comment peut-on accueillir l’“affaissement” et l’“effondrement” de tout cela presque avec une sérénité satisfaite… Ces mots, “progrès”, “modernité”, ont en eux la puissance de la magie noire du maléfice, n’est-ce pas, sa fascination, l’espèce d’attirance irrationnelle qu’elle exerce sur nos psychologies soudain affaiblies par la musique de la chose, comme Ulysse par le chant des sirènes ; mais le rusé Ulysse, lui, avait pris la mâle précaution de se faire lier au mat de son navire...»
Voilà posé le soubassement de notre appréciation historique du processus menant à la modernité d’abord, à la subversion de la raison qui va avec ensuite, à l’épisode central de notre propos enfin qui concerne le Système et son inévitable crise d’effondrement. Notre approche rompt complètement avec ce mouvement qui présente la voie ouverte à la “raison triomphante” grâce à la modernité. On ne peut en effet parler de “raison triomphante” dans le sens hautement qualitatif et dans le sens objectivement vertueux implicite parce que ce soi-disant “triomphe” implique la raison parce qu’elle est subvertie. Cela sous-entend, dans notre chef, que la raison n’aurait pas assuré, tant s'en faut, la voie qu’elle a suivie si elle n’avait pas été subvertie. Par conséquent et tout au contraire, notre choix fondamental est de rejeter l’assurance de la justesse de l’évolution de la modernité parce qu’elle est assurée par la raison, parce que cette raison-là est subvertie et nullement parce qu’il s’agit de la raison évidemment. (Cette subversion de la raison étant décisivement verrouillée dans le cadre de la modernité avec le phénomène du “déchaînement de la Matière”.)
C’est dire qu’à notre sens la raison seule aujourd’hui, dans sa situation où elle est plus que jamais subvertie, ne peut rien comprendre aux fondements de la situation présente, parce qu’elle est le porte-parole trompeur de la subversion d’elle-même. C’est la le choix fondamental de notre conception, dans sa dimension méthodologique : on l’accepte ou on le rejette, en toute liberté. Mais si on l’accepte, on ne peut opposer à notre conception des arguments sortis de cette “raison subvertie” seule, comme le font certains devant notre affirmation de “la crise d’effondrement du Système” en cours. Si on le rejette, alors nous nous séparons sur ce problème considéré, et l’on comprend qu’aucun dialogue n’est plus possible sur les conséquences opérationnelles de ce “problème” puisque les fondements même de ce qui va nourrir la communication sont absolument différents, et l’on comprend également que les critiques venues de ce cadre extérieur au nôtre n’ont pour nous aucun intérêt. Cela ne signifie pas une hostilité sans retour, une bataille, un affrontement, etc., cela signifie simplement que là-dessus on utilise des langages différents, et qu’il faut en rester là. Le dialogue ne peut avoir lieu que chronologiquement et spirituellement au-dessus, à propos du problème métaphysique qui s’est opérationnellement manifesté, – pour nous, lorsque la christianisme a rompu, c’est-à-dire lorsque nous jugeons qu’il a rompu son destin, après “le Temps des cathédrales”, pour se précipiter dans la modernité, et nous avec, – pour nous encore, lorsque la raison s’est trouvée subvertie par les conditions de la modernité naissante préludant sa propre vérité éclatant dans le “déchaînement de la Matière”.
Maintenant, nous en venons au cœur du sujet, qui est cette thèse, ou plutôt cette hypothèse circonstanciée, de la “crise d’effondrement du Système” fondée sur l’affirmation que le Système, dans sa mécanique même, dans sa dynamique, dans sa finalité, ne peut que s’effondrer. Nous allons raisonner du bas vers le haut, à partir de constats “opérationnels”, pour bien signifier que nous n’avons pas établi une théorie purement intellectuelle à partir de laquelle nous avons cherché, sélectionné, voire “arrangé” des faits pour qu’ils y correspondent ; nous avons été conduit à des constats d’une situation, puis à une thèse qui est d’abord une hypothèse, qui pourrait alors se lire comme une théorie mais qui n’en est pas une au sens habituel du raisonnement, qui n’en est une que si on la classe arbitrairement comme telle. D’ores et déjà, nous signalons, ou nous répétons car il nous est déjà arrivé souvent de le faire, que ce raisonnement par induction s’est fait évidemment par la raison, mais une raison que nous affirmons débarrassée de la subversion de la modernité par son ouverture à l’intuition haute.
Les “constats opérationnels” sont essentiellement exprimés par des citations qui sont toutes extraites de notre article du Glossaire.dde sur “le Système”, en date du 8 juillet 2013. Il n’y a rien de plus logique puisque l’analyse et la définition du Système sont essentiellement centrées pour nous par son caractère opérationnel fondamental, qui est son inéluctable effondrement. Nous faisons deux citations à cet égard.
Il s’agit de la description du mécanisme selon lequel le Système suivant la dynamique formulée par l’abrégé “dd&e” (voir le 7 novembre 2013) recherche déstructuration et dissolution grâce à sa surpuissance, jusqu’au but final de l’entropisation. Mais pour développer cette surpuissance, il a besoin de se structurer, et son action de déstructuration et de dissolution finit très vite par agresser et détruire en les dissolvant ses propres structures. Ce constat est impératif aujourd’hui où le Système, au sommet de sa surpuissance et dominant tout sans aucun doute, constituant le Tout de notre contre-civilisation, ne peut exercer sa dynamique dd&e que contre lui-même puisqu’il n’a plus guère d’obstacle fondamental structuré auquel faire subir ce traitement ; plus il agit de la sorte plus il se sent effectivement s’autodétruire, plus il renforce sa poussée de surpuissance pour éviter cette autodestruction plus il s’agresse lui-même et s’autodétruit... C’est la logique fermée implacable de l’équation surpuissance-autodestruction. Voici un extrait décrivant l'opération, du texte du Glossaire.dde sur “le Système”, du 8 juillet 2013.
«La (sur)puissance intrinsèque du Système s’exprime nécessairement, sans autre but et objectif possible dans le sens de la déstructuration enchaînant sur le reste, selon le processus dd&e. Nous l’avons désignée comme “surpuissance” pour marquer à la fois le caractère dynamique fondamental du Système, et sa tendance évidente à toujours vouloir surpasser les effets qu’il produit, par logique évidente de sa dynamique. En quelque sorte, plus il déstructure-dissout, plus il doit déstructurer-dissoudre. Nous estimons que les grands événements historiques des deux derniers siècles et au-delà peuvent aisément être interprétés de cette façon, et même éclairés décisivement, et ainsi exprimer effectivement ce phénomène. Nous estimons que notre époque, marqué par l’accélération de l’Histoire et la contraction du temps, approche très rapidement d’un état d’achèvement de l’action du Système dans le champ de la déstructuration très certainement, dans le champ de la dissolution vers l’entropisation secondairement et non encore accomplie quoiqu’en cours accéléré d’accomplissement... (C’est pourquoi nous interprétons tous les événements, comme la globalisation, l’effondrement des principes tels que souveraineté et légitimité, le développement du désordre financier et du “capitalisme sauvage”, le recours aux moyens de force dépendant de moins en moins de normes légales, les phénomènes d’éclatements sociaux et sociétaux, le multiculturalisme, etc., du point de vue de l’affrontement entre la déstructuration et les structures, – au-dessus de toute autre interprétation et influant radicalement le jugement qu’on en peut avoir, sans aucun soucis des contradictions possibles par rapport aux classements “terrestres“, – politiques, idéologiques, etc..)
»C’est alors qu’apparaît le phénomène essentiel de basculement, d’inversion paradoxale puisque inversion vertueuse, de “surpuissance-autodestruction”. La surpuissance du Système impliquant inéluctablement et irrévocablement la destruction de tout ce qui est organisé, structuré, selon le processus dd&e, poursuit dans cette voie quand tout est effectivement devenu victime de dd&e. Or, le Système, pour mener depuis deux siècles son entreprise, a été obligé lui-même de se structurer en “machiner à déstructurer” ; en d’autres termes, il est devenu paradoxalement une entité structurée. Son besoin, son dynamisme surpuissant exponentiel de déstructuration se poursuivant, le Système qui ne rencontre plus rien à déstructurer, finit alors par s’attaquer à lui-même puisqu’il reste la seule chose à déstructurer. Il entre alors dans cette logique de basculement et d’inversion surpuissance-autodestruction puisque sa surpuissance s’emploie désormais à se détruire lui-même.»
Dans cet extrait, nous nous concentrons sur l’attitude du sapiens, dont nous-même certes, pour tenter de bien comprendre l’extrême difficulté du processus à suivre et de l’action qui s’en déduit. C’est en effet une souffrance intellectuelle très forte et parfois proche de l’insupportabilité qu’après avoir identifié le Système comme la perversité même, voire la Représentation Totale du Mal, de souhaiter qu’il ne cesse de se renforcer (faire acte de surpuissance) le plus possible et le plus vite possible. C’est pourtant la logique même puisque ce renforcement de la surpuissance accélère le processus d’autodestruction, avec l’idée synthétisée fondamentale et qui doit être affirmée : la mort (l’effondrement) du Système est dans le Système lui-même et seul le Système peut avoir raison du Système et il s’y emploie.
Cela ne nous empêche pas, bien entendu, d’être systématiquement du parti antiSystème, de la Résistance et de soutenir tout ce qui est antiSystème et Résistance, qui vient de partout y compris du Système. C’est une nécessité de sauvegarde et d’énergie intellectuelles pour soi-même, voire d’hygiène intellectuelle pour éviter la pathologie fatale de la folie, mais aussi une tactique qui va de soi selon un constat stratégique évident : toute résistance antiSystème accentue la riposte automatique de la production de sa surpuissance par le Système, et donc la course du Système vers son autodestruction.
«Nous terminons par un point de méthodologie qui aurait aussi bien pu figurer en forme d’avertissement, qui est une répétition de nombreuses affirmations déjà faites dans ce sens, dont nous sentons qu’il faut que nous le répétions avec constance, qui est le problème de la forme du destin du Système. Nos lecteurs, s’ils veulent nous lire, doivent accepter nos conceptions formelles et conceptuelles très précisément et comprendre les conclusions que nous en tirons pour nos analyses. (Ensuite, la chose lue, ils sont tout à fait libre de conclure pour leur compte : “cet homme est fou/malade/faussaire/et ainsi de suite.)
»En effet, nous constatons très souvent, dans les remarques amicalement critiques qui nous sont faites, et dans les arguments qui nous sont opposés, la très grande difficulté sinon l’absence complète de la prise en compte de notre argument fondamental, sinon exclusif : la mort du Système est dans le Système et nulle part ailleurs ; et sa mort passe par sa (sur)puissance (c’est le fameux binôme, ou la fameuse équation c’est selon, surpuissance-autodestruction). Il est inutile de nous opposer des défaites conjoncturelles de forces qualifiées (à tort ou à raison) antiSystème, ou bien encore l’atonie du public, l’absence de réaction, d’organisation de tel fait antiSystème, les fausses “révolutions” avortées, etc. Là n’est ni l’enjeu ni le sort de la bataille, qui ne s’expriment en aucun cas par des notions de “victoires” ou de “défaites” ; ces “victoires” ou “défaites” se feraient nécessairement, dans les cas envisagés, dans le cadre du Système puisque le Système est partout, et donc nécessairement contrôlées ou récupérées par le Système à son avantage.
»Il se trouve comme un élément fondamental pour nous que, dans notre système de pensée, nous croyons, pour notre compte, par intuition sans nul doute mais aussi par confirmation rationnelle selon une réflexion suivie et argumentée, voire éventuellement par expérience selon notre point de vue, à l’existence de forces supérieures échappant à la maîtrise humaine. Par ailleurs, tout dans notre perception, notre réflexion, notre expérience, et bien sûr notre intuition, nous conduit à avancer très fermement le jugement qu’aujourd’hui, le “sapiens”, guidé en cela par son “hybris” producteur notamment de “narrative” faussaires sans nombre, n’a jamais, – nous disons bien jamais, – été aussi peu maître de son destin, et du destin de la part du monde qui lui est attribuée, par rapport à l’Histoire que nous connaissons, et même, et surtout, dirions-nous, par rapport à l’histoire de ce qu’on nomme les Temps Anciens (l’antiquité). Ce n’est pas une question de conquête ni de puissance technologique, etc., mais une question de mesure de l’esprit, qui est le clef de la perception structurée du monde. Sapiens a perdu tout sens de la mesure du monde au profit de cette hybris diabolique, par conséquent tout ce qu’il croit maîtriser est pure illusion.
»... Par conséquent, ces “forces supérieures” absolument hors de la maîtrise humaine dont nous parlons sont effectivement plus actives et influentes que jamais, comme cela est le cas lors des “époques” de rupture fondamentale et métahistoriques ; elles le sont sans qu’il soit nécessaire à ce point que nous les identifions et les habillions d’acronymes type-Pentagone et traduisions leurs pensées et objectifs grâce au brio des trillions de trillions de tristes mégabits de la NSA. Cette conviction s’appuie, chez nous, sur ce que nous considérons être un arsenal intuitif et rationnel. Ainsi sont nos règles du jeu, et elles doivent être respectées pour appréhender complètement nos textes, – encore une fois jusqu’à ce qu’un verdict d’internement psychiatrique soit prononcée contre nous. Mais, jusque là, lisez ce que nous écrivons exactement. Le destin du Système est en lui-même ; la seule dynamique qui importe pour le résultat final est ce subtil déplacement si bien aidé par le phénomène antiSystème, en train de se faire inégalement selon les domaines mais toujours selon la même tendance, cette dynamique transversale faisant donc évoluer, et quasiment transmutant cette dynamique fondamentale de la surpuissance en cette autre dynamique fondamentale de l’autodestruction.
»Là-dessus, nous ne prétendons pas avoir raison, comme s’il s’agissait d’un débat du Café du Commerce, entre qui a tort et qui a raison. Pour nous, il y a une conviction (certains diraient “une foi”) basée sur l’intuition et la raison, qui nous dit que cela est, et cette conviction ou cette foi est le limon essentiel de notre travail. Nous affirmons que ce “limon” n’entrave en rien ni n’influence en rien, dans leur mécanique paradoxalement libérée certes, ni notre jugement de raison, ni notre esprit critique qui sont alors les outils de l’intelligence.
»Que nos lecteurs soient peinés par telle nouvelle du monde, découragés par telle autre, conduits à des conclusions de défaite irrémédiable par telle autre encore, n’a aucune importance pour notre propos, – même si nous compatissons à leur sentiment d’abattement. Nous-mêmes subissons les mêmes assauts de cette sorte de faiblesse, qu’il nous faut à chaque fois écarter. Le doute nous habite chaque jour, mais, finalement, nullement à propos de l’objet central de notre pensée mais à propos de notre capacité à être digne et à hauteur de cet objet dans nos analyses, – et c’est un exercice bien plus épuisant que le “j’ai raison” ou le “il a tort”. Cette idée fondamentale est la clef de notre liberté...
»La complexité de l’exercice que nous proposons est de confronter immédiatement, en “temps réel” comme ils disent, c’est-à-dire en temps courant et banal, cette conception fondamentale qui ne peut être que métaphysique avec le cours de ce même temps courant/banal, en tentant d’identifier les événements souvent vulgaires et très bas selon cette référence incontestablement d’une très grande hauteur ; rechercher les signes épars de cette hauteur dans la bassesse générale... (De là l’importance de l’emploi que nous faisons du terme “opérationnaliser” : il s’agit d’activer, de faire agir une perception métaphysique dans les événements courants, à propos de ces événements courants.)
»Cette méthodologie est notre choix et elle est essentielle, et la lecture qu’on fait de nos textes ne peut en faire l’économie une seconde, pour une seule phrase. C’est ainsi et ce ne peut être autrement. Encore une fois, au bout du compte, vous pouvez toujours passer à autre chose en conseillant à l’auteur de ces lignes “va jouer avec ta poussière...”. A chacun sa liberté intellectuelle, ce qui est la vraie valeur de la liberté de l’esprit ; un fardeau bien plus qu’une licence, parce que la liberté ne se définit dans toute sa puissance qu’à travers un certain nombre de contraintes qu’elle est dans l’obligation de respecter.»
Nous avons exposé jusqu’ici diverses circonstances, considérations, analyses, etc., qui nourrissent notre conviction du phénomène en cours de l’effondrement du Système. Nous parlons aussi bien des positions de principe et théoriques, des perspectives métahistoriques, etc., que des circonstances quotidiennes que nous fournit l’actualité du temps présent, et que nous analysons systématiquement d’un point de vue métahistorique et selon cette idée de l’effondrement du Système.
Nous considérons en effet que les événements, observés sur le terme et dans la perspective que nous avons présentée, vont effectivement tous dans le sens de l’hypothèse de l’effondrement du Système, et de l’effondrement comme étant un processus en cours, et cela avec suffisamment de puissance et de vélocité pour rendre cette hypothèse non seulement plausible et digne de considération, mais proche d’être impérative. Il s’agit là de notre position exprimée, naturellement de notre point de vue et avec nos propres références, c’est-à-dire une position subjective si l’on veut. Cela ne nous semble nullement, ni un handicap, ni une faiblesse, ni un discrédit, et même au contraire ; nous nous trouvons dans une époque complètement déstructurée, où toute trace de référence objective a disparu (notamment dans le chef des autorités officielles et des élites, voir le 30 décembre 2013), où par conséquent un point de vue subjectif peut être soutenu hors de toute condamnation de disqualification pour parti-pris, “engagement”, etc. Il n’existe plus aucune autorité de référence qui puisse aujourd’hui prononcer une condamnation de disqualification d’une pensée ayant la prétention d’approcher une vérité pour “crime” de subjectivité, puisqu’une telle référence n’existe plus. Il existe donc la possibilité réelle, sinon inévitable d’un certain point de vue si l’on considère que la vérité objective existe hors de notre entendement et de nos capacités et que notre mission principale reste de nous en approcher, qu’une position de subjectivité structurée par une raison débarrassée de la subversion rencontre une vérité objective sous la forme de ce que nous désignons pour notre part comme une “vérité de situation”. (Cette expression reste à définir plus longuement : elle s’applique à cette occurrence où c’est paradoxalement une situation subjective, changeante, etc., qui permet une rencontre de la vérité, parce qu’elle permet de secouer l’oppression de la subversion imposée par le Système.)
Là-dessus se pose la question la plus pressante, sinon la plus oppressante dans les conditions où nous vivons, de la durée et des circonstances de la “crise d’effondrement du Système”, de son opérationnalité si l’on veut. C’est une question d’autant plus oppressantes que le processus de l’effondrement est paradoxal en apparence (plus de surpuissance pour atteindre l’autodestruction) : “Vous affirmez l’effondrement du Système mais le Système est de plus en plus puissant”, etc. La question de la durée est évidemment hors de nos capacités et hors de notre propos, – puisqu’il n’est pas question, ici, ni de divination, ni de voyance, ni de prospective, etc.
On peut évidemment citer des exemples historiques d’effondrement, qui montrent qu’on peut constater l’effondrement sans pour cela que la chose se fasse à la vitesse que suggère en apparence le terme. Certains historiens vont jusqu’à identifier les premiers signes de l’effondrement de l’Empire de Rome au sommet de son “siècle d’or”. Pour Aldo Schiavone, (L’Histoire brisée, La Rome antique et l’Occident moderne, 1996 dans l’édition originale, 2003 dans l’édition française, chez Belin), on en distingue le premier signer en 143 ou en 144, voire 155 après J.C. (la datation diverge à propos de cet événement bien identifié), à l’occasion d’un discours prononcé par un jeune rhéteur grec, Aelius Aristide, devant la cour impériale à Rome, et célébrant paradoxalement la gloire de l’Empire. (Le fait du début de la phase finale de l’effondrement effectif de l’Empire est daté avec la prise et le sac de Rome par les Barbares, en 410. Lorsqu’il écrit La Cité de Dieu, Saint-Augustin fait son travail en référence à l’événement en cours, qu’il considère comme la fin de la Rome impériale, comme s’il en offrait une alternative d’inspiration divine. La chose est achevée plus de soixante ans plus tard, selon Lucien Jerphagnon : «... la funeste date de 476, où il passera définitivement aux mains des Barbares».)
A l’inverse, l’événement de l’effondrement peut aller très vite, comme l’effondrement par dissolution de l’URSS, qui était une entité ayant les caractères, sinon d’un empire, dans tous les cas d’un système. La seule remarque que l’on puisse faire à la lumière de ces deux exemples extrêmes est que les facteurs de la puissance dans l’époque de la modernité, – les technologies et la communication, – sont à la fois producteurs de surpuissance et producteur d’autodestruction, selon le sens de la dynamique qui peut très rapidement se transmuter, – à l’image des constituants du Système lui-même. La remarque apparaît donc d’une importance extrême et la rapidité de l’effondrement est donc l’hypothèse de loin la plus plausible, sinon la seule concevable, puisque nous sommes à l’hyper-avancée de la modernité.
Quoi qu’il en soit et selon ces divers points de vue exposés plus haut, l’on comprend que nous affirmions ne rien prévoir et, surtout, ne rien savoir des modalités chronologiques de l’effondrement du Système. Dans ces affirmations négatives, c’est précisément le “savoir” que nous repoussons. Nous ne savons rien et nous réfutons pour ces cas le “savoir” du “je crois/je pense/je suis sûr que je sais” de certains exercices de prospective et de précision. (Il s’agit là d’une affirmation dépendant de notre conception de l’“inconnaissance”.) Vous ne verrez jamais dans nos textes un raisonnement fondé exclusivement sur une situation hypothétique en 2020 ou en 2025, non plus que sur un texte annonçant l’effondrement pour telle date. Si parfois nous mentionnons et commentons de telles prévisions, voire si nous en avançons nous-mêmes l’hypothèse de sa possibilité à condition qu’elle soit très rapprochée, c’est dans la mesure où nous considérons ces observations comme ayant, quoi qu’il en soit de leur justesse ou de leur fausseté, un effet assuré sur les psychologies, avec à l’esprit l’importance primordiale que nous accordons au domaine de la psychologie (voir l’hypothèse sur l’effet du centenaire de 1914 sur les psychologies, le 2 janvier 2014). Donc, “c’est dans la mesure où nous considérons ces observations comme” antiSystème et contribuant à la déstabilisation du Système, a la transmutation de sa dynamiques de surpuissance en dynamique d’autodestruction, que nous en faisons leur exposition.
Toutes ces considérations d’inconnaissance circonstancielle concernant la durée et l’aspect chronologique qui lui est lié peuvent être repris pour les circonstances de la crise. Nous ne savons pas ni ne pouvons savoir, et nous nous refusons à savoir ou plus précisément “à croire que nous savons” là aussi. Ces affirmations d’inconnaissance valent d’autant plus que nous affirmons que l’effondrement est “en cours” : il est manifeste que nous ne pouvons savoir quels événements précisément le manifestent, d’autant que nous ignorons ce qu’est l’effondrement. L’inconnaissance règne : elle est forcée mais elle est aussi vertueuse parce qu’elle nous interdit toute interférence qui pourrait entraver le processus.
Ces diverses considérations, et explicitement aussi bien qu’exclusivement dans les conditions sans précédent (technologie, communication) de la modernité, rendent compte par ailleurs de l’impossibilité de trouver une référence historique pouvant nous renseigner sur l’événement en cours aujourd’hui. (Même l’effondrement de l’URSS ne suffit plus à cet égard.) La disparition de toute référence objective (voir ci-dessus) fait effectivement de cette impossibilité circonstancielle une impossibilité objective absolue.
Nous avons donc institué dans nos travaux notre propre référence subjective (comme vue ci-dessus également) et cette référence subjective est matérialisée par l’hypothèse que, d’une part, l’effondrement du Système est inévitable, et que, d’autre part, il est en cours. On a vu, et nous le répétons encore, que de nombreux événements, des évidences, une logique supérieure à nous (supra-humaine) selon notre conviction, vont dans ce sens, ce qui fait de ce choix subjectif, pour nous, une référence aussi solide que s’il s’agissait d’une référence objective. C’est ce que nous nommons plus bas la référence dite du “pari pascalien”, où la dimension hasardeuse de ce qu’est un pari nous paraît être très largement compensée par la grandeur de l’esprit et de l’intelligence du personnage impliqué dans l’expression. Nous dirions même que, dans ce cas de la modernité avec ses conditions si spécifiques, le mot “pari” est tout juste approprié parce qu’il ne rend pas justice à ce qu’il y a de force, voire de quasi-évidence, dans l’option choisie.
On peut évidemment être en désaccord avec cette hypothèse et la rejeter, mais on ne peut, une fois immergé dans le cadre de nos travaux ainsi clairement et impérativement tracé, la discuter parce que notre choix a été d’en faire la référence opérationnelle fondamentale de notre travail, en quelque sorte le principe fondateur et structurant de notre travail. Répétons-le, si cela était nécessaire ou par simple souci de documentation (on en trouve d’ailleurs dans nombre de textes du site dedefensa.org), notre “cuisine personnelle” donnerait de très nombreuses explications et considérations pour justifier notre choix de cette hypothèse, notamment à un niveau très haut où nous estimons que la raison, débarrassée de sa subversion moderniste, s’ouvre à l’intuition haute, – ou bien s’est débarrassée de la subversion moderniste par la grâce de l’intuition haute (c’est le sens principal du titre de l’ouvrage La Grâce de l’Histoire). Mais notre position de principe si l’on veut par notre choix, notre position sans aucune possibilité de nuance, – c’est la condition nécessaire et suffisante d’un principe fondateur, – est qu’il n’y a aucun intérêt pour nous à discuter cette hypothèse (effondrement inéluctable du Système et effondrement en cours) dès lors que nous en avons fait le choix, et que même cette perte de temps et d’intérêt constituerait une trahison de notre principe fondateur et un risque grave de subversion de la pensée pour notre cas. (D’où l’importance de l’“inconnaissance”.)
Il s’agit donc, si l’on veut, et comme l’expression a été déjà annoncée, d’un “pari pascalien”. L’expression dans sa signification haute mentionnée plus haut est d’autant plus appropriée que nous faisons entrer dans cette hypothèse des facteurs non-humains, notamment des forces hors du contrôle humain, des facteurs supra-humains dans le sens métaphysique de supranaturel. Notre époque ayant fait hara-kiri en tant que civilisation pour assumer pleinement d’être une contre-civilisation, et ayant supprimé dans ce cadre l’idée d’une référence objective, c’est effectivement toute une pseudo-civilisation à prétention universelle qui perd cette structure principielle fondamentale, qui est réduit à une subversion, une inversion et une dissolution de ce qu’est une civilisation, ce qui correspond parfaitement à son absence de sens et à son impuissance totale à assurer la moindre autorité à ses recommandations, à fonder ses consignes sur la moindre légitimité. Il s’en déduit que tous ceux qui refusent l’obligation du nihilisme ou de la folie qu’impose nécessairement selon l’appréciation même de la raison non-subvertie cette situation de la contre-civilisation découverte pour ce qu’elle est sont tout à fait fondés à faire appel à des références supra-humaines. Aucune autorité à prétention référentielle et principielle, expédiée par le “ayant fait hara-kiri” de la contre-civilisation et privée de toute légitimité et de toute autorité, ne peut se manifester à cet égard. De ce point de vue et pour ce qui concerne la référence supra-humaine, que cette chose-simulacre se taise.
Cette idée de “pari pascalien” a déjà été exprimée à plusieurs reprises sur le site : par exemple le 22 juillet 2013 ou le 15 novembre 2013.
• Du 22 juillet 2013 : «Notre choix ontologique, notre conviction spirituelle si l’on veut, relevant d’une foi plus que d’une croyance, – “foi” vient du latin fides et signifie “confiance”, – est au contraire que le Système, parce qu’il représente le Mal, ne peut être supérieur à tout et, par conséquent, nous ne tenons aucun compte de l’axiome contraire. Notre choix ontologique est opérationnalisé, pour nous, par l’affirmation que nous nous trouvons dans la crise d’effondrement du Système, – “opérationnalisation” de notre axiome, en d’autres mots, – et, dans ce cas, la crise Snowden/NSA affirme sa “pureté” et son caractère “premier” en étant effectivement un modèle de la crise d’effondrement du Système. Qu’elle soit ou non le “modèle final” est absolument indéterminable, et aucune réponse n’est possible pour nous, mais elle est inscrite dans cette voie de “modélisation”.»
• Du 15 novembre 2013 : «Les théoriciens du “désordre créateur” (doctrine officielle depuis 9/11, officieuse auparavant), tiennent bon la rampe et attendent toujours ce qu’il faudrait désormais appeler du nom de “miracle” si l’on considère l’embourbement continuel, la dissolution en constante accélération de tous les acteurs politiques tenants de cette théorie, les divers désordres de plus en plus sans retour qui sont engendrés par nos politiques, – un “miracle”, c’est-à-dire une soudaine organisation grâce à des impulsions d’origine inconnues et supra-humaines de tout cet embourbement, au bénéfice des “stratèges du désordre”. (Par conséquent, doctrine du “chaos créateur” précipitamment et fondamentalement amendée par la doctrine des “lendemains qui chantent”.) Un “miracle”, c’est donc effectivement en appeler à des références supra-humaines, et après tout pourquoi pas. Mais dans ce cas, nous avons les nôtres, de références, avec une “stratégie” de la dissolution plutôt que du désordre ayant pour but, éminemment stratégique lui, de favoriser décisivement la dynamique de l’autodestruction du Système ; et ces références signalées plus haut, ces “courants métahistoriques dont les sapiens-Système ne sont en rien les organisateurs ni les comptables, mais dont ils sont simplement les outils avec leur sens tactique au profit d’une stratégie supérieure dont le dessein ne peut être réduit aux machinations terrestres”. C’est un choix à faire, qui tient de la conviction et/ou de l’intuition, et il n’y a nulle part de démonstration rationnelle et évidemment humaine disponible. C’est ce qu’on appelle un risque intellectuel, de type “pari pascalien”, – ce qui a été écrit et décrit maintes fois sur ce site, et qui n’est pas précisément “tourner autour du pot” (pour reprendre l’expression utilisée par un lecteur).»
Voyons maintenant le sens de ce “pari pascalien”, du point de vue de sa justification fondamentale, selon notre conception. Ce sens est évident, toujours pour notre compte, parce qu’il est énoncé par nous, dans nos travaux, depuis un certain temps, et nous ne cessons pas de le confirmer : le sens de notre “pari pascalien”, c’est que le Système est le Mal. Nous avons déjà beaucoup travaillé sur le Mal, d’ailleurs en nous expliquant souvent sur cette notion de “Mal” qui effraie certains par la connotation religieuse, voire superstitieuse, qu’elle n’a pourtant absolument pas dans notre conception. (Voir notamment le Glossaire.dde sur “le Mal-I”, le 14 février 2013.) Nous avons tout aussi souvent exprimé notre conviction que ce que nous nommons “le Mal” ne se définit pas par des notions morales, – même si ces conséquences peuvent être définies selon ce critère, – mais se caractérise par la recherche quasiment mécanique de la déstructuration, de la dissolution et de l’entropisation (la fameuse formule dd&e), c’est-à-dire la destruction de toute forme, toute conception, toute intelligence recherchant harmonie, ordre et équilibre, c’est-à-dire la destruction de tout ce qui est “être” au sens métaphysique. Par conséquent, le Système, parce qu’il est le Mal, ne peut vaincre puisque, étant déstructuration, dissolution et entropisation lui-même, il est nécessairement le contraire d’“être”, ou bien le simulacre d’un “être” pour détruire tout ce qui est “être”, ; il est donc le contraire de ce qu’il serait obligé d’être pour durer et s’affirmer nécessairement comme “être”, c’est-à-dire essentiellement pour venir au bout de sa tâche.
Cette approche est évidemment, fondamentalement et nécessairement métaphysique. Il est impossible et inacceptable d’écarter cette voie pour la simple raison qu’il n’y en a pas d’autre possible qui satisfasse aux nécessités de notre propre tâche, comme il est impossible et inacceptable d’écarter une hypothèse parce qu’elle ne conviendrait pas aux critères du Système et de la modernité. Au contraire, le fait même que cette hypothèse soit radicalement bannie par le Système et la raison humaine subvertie (faussaire) qui le relaie et l’exprime est un argument puissant, sinon irrésistible, en sa faveur.
D’autre part, nous estimons que cette ouverture à la voie envisagée est une nécessité de survie intellectuelle … C’est peut-être même une thérapie préventive contre la folie qui a déjà touché certains (voir ci-dessous), et qui nous menacerait tous si, tous, nous restions dans le mode logique, spirituel, etc., du raisonnement-Système.
Les conséquences de notre classification du Système comme la représentation opérationnelle du Mal est d’éloigner la responsabilité de la situation actuelle de l’élément humain, selon notre mesure de la responsabilité du sapiens qui ne se manifeste que par proximité du Mal, dans la mesure des diverses faiblesses du même sapiens. (Voir pour cette conception, par exemple, avec la référence à la citation de Plotin qui explique magnifiquement cette conception, dans divers textes du site dedefensa.org, le premier à le faire étant du 10 septembre 2010.) Cette responsabilité humaine atténuée, donc cette autorité humaine autonome atténuée à mesure, cette absence de rapport fondamental de responsabilité directe avec la surpuissance, l’organisation, l’universalité du Système dans le sens du Mal, tout cela fait que, pour nous, cette entité qu'est le Système ne peut-être d’origine humaine. Il s’agit encore d’un “pari pascalien” dans la forme, mais nous attendons toujours et nous attendrons longtemps qu’on puisse opposer à cette conception des faits probants hors d’une “raison raisonneuse” dont nous avons déjà largement montré qu’elle nous est profondément suspecte lorsqu’elle est laissée à elle-même dans les circonstances présentes, comme c’est le cas.
Il se déduit de ce qui se précède qu’il n’y a pas de complot humain fondamental et organisateur de tout, centralisateur et manipulateur du Système, il n’y a que des “complots humains opérationnels”, — à foison, ceux-là, certes, – des complots de circonstance, pour faire avancer la machinerie, pour suivre les consignes du Système, dans le chef des plus zélés collaborateurs du Système par une voie ou l’autre et sans nécessaire réalisation de la finalité de l’entreprise. (Combien de “zélés collaborateurs” du Système ont seulement la plus vague idée de ce qu’est la finalité du Système ? La réponse la plus probable est “aucun”.) Le complot central, le maître d’œuvre qui domine tout, c’est le Système lui-même, qui est une entreprise illégitime, simulatrice dans ses objectifs (faire prendre le Mal pour ce qui est bien, pour assurer le triomphe du Mal), dissimulée dans son organisation par rapport aux buts poursuivis... D’où l’importance de constamment rechercher l’identification de tout ce qui concerne le Système, – les origines fondamentales du Système, la manifestation directe de ses activités derrière le brouillard de la tromperie et de l’inversion permanentes, ce qui ressort de ses activités, etc.
Nous sommes effectivement dans une époque exceptionnelle car cette identification devient de plus en plus évidente aujourd’hui, parce que le Système joue “le tout pour le tout” et ne prend même plus la peine de simuler. (C’est un autre signe de la surpuissance à son degré ultime, donc de la transmutation en autodestruction en pleine action ; autre signe enfin de la crise d’effondrement du Système...)
… L’effet de cette action à découvert du Système (du Mal) est de créer une situation objectivement schizophrénique, – ou la schizophrénie comme situation générale de la marche du monde, comme s’il existait effectivement une psychologie collective puisqu’il existe une pathologie psychologique collective dans la situation que nous impose le Système. Cette schizophrénie se trouve dans ceci que, d’un côté, la destruction du monde progresse à une rapidité stupéfiante, chaque jour découverte comme plus grande que constatée et pronostiquée la veille, du fait de l’activité du Système (avec la perspective que peut-être l’autodestruction du Système finira par précéder l’achèvement de la destruction du monde) ; que, d’un autre côté, les diverses parties impliquées réaffirment sans cesse la justesse de l'évolution en cours, avec une force décuplée, par fidélité à la dialectique de simulacre (le Système) et par fidélité à la dialectique de vertu (une assurance de transmutation et de renforcement décisif de la grandeur du monde, etc., sous l’égide des conceptions de la modernité et des notions d’avancement progressiste des affaires du monde, bref la narrative du Progrès constamment ressassée).
Les effets sur nos psychologies de sapiens sont considérables. Ils sont de deux ordres :
• L’angoisse pour ceux qui “savent plus ou moins”, qui se rendent plus ou moins compte de cette contradiction, que ce soit consciemment ou pas, qu’ils l’expliquent ou tentent de l’expliquer ou pas, qui vont ou ne vont pas jusqu’aux hypothèses les plus transcendantes et métaphysiques (le Mal à visage découvert agissant pour la destruction du monde, etc., tout cela observé par une raison débarrassée de sa subversion au profit de l’intuition haute, donc observé rationnellement). Cette sorte d’hypothèse, acceptée consciemment ou assumée inconsciemment, est nécessaire et inévitable ; mais dans le climat oppressant et terroriste de la modernité, elle est absolument angoissante et écrasante. C’est un fardeau inévitable, une souffrance terrible et permanente, par définition impossible à écarter. Cette terrible souffrance est due au doute inévitable affectant notre psychologie selon les sautes de sa perception, avec ses effets sur la raison. Nous avons notre hypothèse, notre principe de réflexion, et nous avons foi (fides, ou “confiance”) en elle et en lui. Mais il s’agit, comme on l’a vu, d’une démarche subjective qu’il faut soutenir de toutes ses forces, et par conséquent il ne peut s’agir aucunement de certitude ; il s’agit donc aussi d’une bataille de soi-même avec soi-même pour maintenir le choix intellectuel fait, où la certitude n’a aucunement sa place, et cette restriction est la source de la souffrance dont nous parlons, s’exprimant sous cette forme d’angoisse.
• ... Une forme bien développée et convaincante d’un état d’exaltation permanent s’apparentant à une folie pure et simple, qui touche les élites-Système et les serviteurs-Système les plus passionnées et les plus proches du centre de fusion du Mal. (Les cas en pointe de cette folie, on les rencontre depuis un certains temps, chez les neocons, chez les traders, chez les théoriciens de l’hyperlibéralisme, chez les défenseurs d’une NSA maximaliste et universelle, chez les philosophes théoriciens de l’AC, ou “art contemporain”, etc.) Il ne s’agit pas de recommander que ces extrémistes soient internés dans les établissements psychiatriques, ce qui serait absurde puisque ces établissements dépendent du Système et ont une toute autre définition de la folie, mais de proclamer unilatéralement et selon notre approche subjective qu’ils sont effectivement dans un état s’apparentant à la folie. Dont acte et passons.
La “crise d’effondrement du Système” est donc nécessairement une crise fondamentale, directe ou indirecte, identifiée ou pas comme telle mais ressentie dans tous les cas, pour les sapiens au niveau le plus individuel de leur psychologie profonde. Elle constitue même la crise décisive pour l’espèce, ressentie au niveau individuel de toutes les façons et surtout dans le champ psychologique mais dérivant d’une pression collective constituant effectivement un climat général, une “nouvelle façon d’être” à laquelle nul n’échappe. La crise d’effondrement du Système est devenue, aujourd’hui, avec tous ses prolongements, tenants et aboutissants, le seul événement concevable de l’histoire du monde. Il ne peut être question d’étudier autre chose.
On trouvera dans notre rubrique Analyse, à la date du 13 janvier 2014 (Notes sur l'effondrement du Système), des observations sur le contenu et la démarche de ce Glossaire.dde. La formule de ce texte de commentaire est ainsi présenté :
«Cette démarche vaut exclusivement pour la rubrique “Glossaire.dde”, dans la mesure où cette rubrique reprend d’une certaine façon la méthodologie de “dde.crisis”. Elle ne sera bien entendu pas systématiquement utilisée, valant essentiellement pour les articles importants du “Glossaire.dde”, – ceux dont l’importance, souvent en volume d’ailleurs, parfois en complexité, peut décourager la lecture pour certains, – et particulièrement, d'autre part, pour ceux dont le sujet est plus précisément lié à l’actualité, comme l’est celui-ci sur “la crise d’effondrement du Système”.»
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