Hantise USA: de la loi martiale à la sécession

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Hantise USA: de la loi martiale à la sécession

16 mai 2015 – Nous n’avons pas suivi la déjà longue généalogie de l’exercice Jade Helm 15, – que nous nommerons, pour faire bref, de l’acronyme JH15 que le Pentagone ne désavouerait pas. Le premier signe est l’annonce par le JSOC (Joint Special Operational Command), le commandement interarmes des forces spéciales qui a une réputation enviée et interlope, le 24 mars 2015, de l’exercice JH15. C’est aussitôt une attention très particulière qui est portée à JH15, selon le réflexe de curirosité suspicieuse que les élites-Système qualifient de “complotiste” pour en disqualifier ceux qui le développent. (Wikipedia a ouvert un site «Jade Helm 15 conspiracy theory», ce qui indique bien la couleur de la chose. On y trouve la référence JODSC pour diriger vers l’annonce de l’exercice, avec la mention «Retrieved May 1, 2015». Pour notre part, nous avons constaté, lors de notre essai, que cet URL ne donnait aucun accès.)

Le premier article d’alerte, type-article-fleuve, venu bien entendu d’Infowars.com, date du 27 mars 2015. C’est cette alerte, remarquablement précoce et documentée, qui est sans aucun doute le détonateur de l’affaire. Depuis, l’avalanche ne cesse pas, sur l’internet essentiellement d’abord pour accuser le pouvoir, ou les forces armées, de préparer l’instauration de la loi martiale, pour la presse-Système essentiellement d’abord pour dénoncer le “complotisme”. (Pour notre cas, on trouve ce 15 mai 2015, un article en Ouverture libre qui aborde la problématique du contrôle de la population avec des moyens de contrainte, article suscité par l’exercice JH15, qui a conforté notre intérêt pour notre sujet.) Ce qui fait la particularité de cette affaire est de trois ordres, qui mesurent à la fois sa dimension, sa spécificité et son extension récente :

• Elle est essentiellement un affrontement de communication, mais extrêmement fourni et puissant, et sur la longue durée. La cause chronologique en est que l’annonce de la chose porte sur un exercice qui débutera le 15 juillet et durera deux mois dans au moins sept États, avec débordement sur deux autres, sur la ceinture méridionale des USA, de la côte Est à la côte Ouest, disons approximativement tout au long de la frontière mexicaine (Wikipedia : «Jade Helm, a “realistic” military training exercise which will involve the Green Berets, Navy Seals, and the 82nd Airborne Division, is set to take place from July 15-Sepember 15 and will cover at least nine U.S. states.») Cela implique des munitions puissantes pour la polémique jusqu’à septembre prochain.

• Malgré ce tapage considérable, la communication autour de JH15 est très largement resté concentrée aux USA mêmes, dans le système de la communication intérieure de ce pays. Les causes sont habituelles, – l’ignorance des conditions intérieures US par la presse-Système du bloc BAO hors-USA, et l’habituel réflexe-Système de parler le moins possible de ce qui peut mettre en cause l’intégrité du “modèle américain”. Il y a aussi, et surtout pour notre cas (voir plus loin), les tendances et les habitudes désormais de plus en plus sollicitées par les crises de proximité des réseaux antiSystème.

• Depuis fin-avril-début-mai, le débat a pris une tournure officielle remarquablement virulente. Des parlementaires (les sénateurs Cruz et Paul, le député Gohmert) interviennent, “comprennent les interrogations de la population”, s’inquiètent auprès des autorités fédérales, du Pentagone, etc. Le Texas s’agite et le gouverneur lui-même dénonce JH15 en annonçant qu’il mobilisera la Garde Nationale (le New Yorker, dans son numéro daté du 18 mai 2015 : «Greg Abbott, the governor of Texas, had not sprung into action. In a Facebook post from April 28th, he wrote, “I’ve ordered the Texas State Guard to monitor Jade Helm 15 to safeguard Texans’ constitutional rights, private property, and civil liberties.”») Du domaine “complotistes”-versus-“comploteurs”, toujours handicapé par les préjugés et figurant comme un débat “fermé” pour cette raison, cette affaire est en train de passer au niveau d’un débat national ouvert où l’on commence à parler sérieusement d’une question polémique qui hante les esprits depuis 9/11. Il s’agit d’une part de l’évolution ou de la transformation des USA en un pays militarisé, susceptible de se retrouver en état de loi martiale si certains incidents, ou la crainte de certains incidents survenait ; il s’agit d’autre part de l’autonomie, voire de la souveraineté des États de l’Union devant cette tendance.

• L’article du New Yorker déjà cité est significatif. Il cite la récente fusillade de Phoenix, Arizona, lors d’une réunion, où deux hommes amés de fusils d’assaut semblèrent vouloir attaquer une réunion d’une association anti-islamiste. (Un garde blessé, les deux agresseurs tués.) Spéculation : ISIS ou pas ISIS ? L’article du prestigieux New Yorker, évidemment anti-“complotiste“ a tout de même un ton mesuré, du type nous-comprenons-les-inquiétudes-de-la-population. Il rappelle les mesures interprétées comme étant de restriction des libertés civiques et qualifiées pour le moins de “maladroites” (Patriot Act & Cie), les abus largement documentés (Snowden/NSA), il fait allusion à la toute-fraîche actualité avec les dérives gouvernementales françaises suite à JeSuisCharlie et conclut en appelant en termes mesurés et conciliants au bon sens de la population texane. C’est qu’il y a entre 32% et 45% de citoyens US plus ou moins inquiets et qui voient dans JH15 une manœuvre du gouvernement pour établir un contrôle militaire et policier de la population (45% pour un sondage Gallup du 7-10 mai, voir le 13 mai 2015). C’est dire si nous sommes loin désormais du seul contexte “complotiste”...

«There has been some realization that collecting and connecting dots when everything and anything looks like a dot is less than illuminating. The French, whose ideas about civil liberties are different from ours—with their insistence on policing schoolgirls’ head scarves and comedians’ jokes—seem, in the wake of the Charlie Hebdo attacks, to be headed in a different direction. They are debating an intelligence bill that would remove limits on domestic spying. That is where we were after 9/11, when the Patriot Act was passed and when we made mistakes. The Jade Helm training exercises are drawn on a map of the Southwest not because it’s ground zero in an incipient civil war but because the landscape there is similar to that of battlefields that we have rushed and wandered into in recent years, in countries that do have “insurgent pockets.” Texans should know where the real borders are.»

• Parmi les divers autres documents disponibles, montrant notamment que nous en sommes arrivés à un débat et une polémique de niveau national, c’est-à-dire sorti de la sphère “complotiste”, nous considérons comme significative et d’un réel intérêt la réponse que le secrétaire à la défense Carter a fait au sénateur Cruz à propos des inquiétudes du second concernant JH15. Ce qui est remarquable, c’est le ton de la lettre assez longue et détaillé, ton presque moqueur et ironique, – sans jamais tomber dans l’irrespect, certes, mais pas si loin, et surtout, d’une certaine façon en noyant le poisson ... C’est assez inhabituel pour une réponse d’un dirigeant de l’exécutif faite à un sénateur de stature importante (au sein du parti républicain, Cruz est même un possible prétendant à la nomination républicaine pour les présidentielles de 2016).

L’idée générale est du type “mais comment pouvez-vous imaginer que les forces armées puissent avoir une telle conduite séditieuse comme l’imaginent certains citoyens US (qui sont également vos électeurs), et notamment qu’elles puissent intervenir contre les USA (contre un État des USA) alors qu’elle sont là pour les défendre”, assortie de l’affirmation et de la réaffirmation que le Texas fait partie des USA... Cette démonstration fait appel à divers précédents historiques, montrant une complète loyauté des forces armées, notamment la guerre de Sécession où, justement, ces forces armées de l’Union attaquèrent des États de l’Union dont l’Union n’avait jamais accepté la sécession  ; cela revient indirectement à rappeler des occurrences où les forces armées des USA peuvent effectivement intervenir contre des États de l’Union.

Ce qui est remarquable également dans la lettre de Carter, c’est un simple détail dans la formulation, dans une occurrence où les bureaucraties n’ont certainement pas l’habitude de faire montre d’inattention pour cette sorte de détails. Et l’on ne peut douter une seconde que Carter, nouveau-venu à la tête du Pentagone [depuis mars], a expressément confié à sa bureaucratie, dans une occurrence si délicate, le soin de mettre en forme très précisément des aspects formels de ce courrier dans ses passages les plus délicats. Il s’agit de l’avant-dernier paragraphe  :

«We are assured it is a military training exercise. I have no reason to doubt those assurances, but I understand the reason for concern and uncertainty, because when the federal government has not demonstrated itself to be trustworthy in this administration, the natural consequence is that many citizens don't trust what it is saying.»

Carter écrit donc : «We are assured it is a military training exercise. I have no reason to doubt those assurances, but I understand...» ; ce qui signifie, compte tenu du contexte  : “On nous assure qu’il s’agit d’un exercice militaire d’entraînement. Je n’ai aucune raison de douter de ces assurances, mais je comprends [les raisons qui conduisent d'autres à en douter...]...” ; dans cette interprétation, le “nous” de “On nous assure...” signifierait alors “on nous assure, à vous le sénateur Cruz et à moi-même...” puisque Carter parle à Cruz, et puisqu’il continue comme s’il disait plus précisément “Quant à moi, [j]e n’ai aucune raison de douter de ces assurances, mais je comprends...”. C’est une curieuse formulation pour celui qui est le chef de tout ce qui dépend du Pentagone, donc des forces qui vont effectuer l’exercice, de leurs chefs et de leurs intentions. La formulation devrait être plus simplement et catégoriquement : “Je vous assure catégoriquement qu’il s’agit d’un exercice militaire d’entraînement, mais je comprends...”.

Il s’agit d’une formulation pour le moins prudente même si (le reste du paragraphe) elle se veut catégorique mais au nom d’une affirmation polémique et nullement probante de quoi que ce soit selon laquelle, aujourd’hui, tous les citoyens mettent systématiquement en doute tout ce qui est affirmé par l’administration fédérale. Cela signifie-t-il que Carter, nouveau-venu au Pentagone, est obligé d’avaliser tout ce qu’on lui dit sans d’autre certitude que la confiance qu’il met dans ces affirmations ? Cela signifie-t-il que ce cas, – ces affirmations des différents services que le chef du Pentagone est obligé d’accepter “en confiance”, – est l’une des raisons du départ toujours inexpliqué de son prédécesseur Hagel qui aurait expérimenté à l’une ou l’autre reprise que certains cas ne justifient pas cette confiance ? Cela signifie-t-il que Hagel n’a rien pu dire d’assuré selon son propre chef et son autorité à son successeur, à propos de l’exercice JH15 ?

(A la lumière de ce passage, la première affirmation de la lettre, qui avait laissé une impression catégorique révèle les mêmes ambiguïtés... «Thank you for your inquiry into whether the Jade Helm 15 military exercise is the first wave of a federal takeover of Texas, the Trojan Horse, as it were, of the end of sovereignty in the Lone Star State. Our response, contrary to the long tradition of official correspondence and military bureaucracy, is concise: no.» Pourquoi ce “Our response” [“Notre réponse”], et pas“My response” [“Ma réponse”], et cette façon de parler de concision alors qu’on s’embarque dans une longue digression historique et polémique, “pour noyer le poisson” dirait-on à nouveau, pour aboutir au paragraphe décortiqué ci-dessus ?)

JH15 contre le Texas

Nous nous sommes attardés sur la fin de cet exposé des faits à des détails parce que, comme chacun sait au pays de Shakespeare, The devil is in the details (ce qui se traduit assez logiquement, selon la si bonne communication par-dessus le chanel, par “le bon Dieu est dans les détails”). Il faut dire que le sujet est explosif aux USA, et d’actualité permanente depuis de nombreuses années, depuis 9/11, et plus précisément depuis 2009 et l’arrivée tonitruante de Tea Party. Pour cette raison, justement, il est difficile d’appréhender un événement dans son déroulement, dans sa substance : sera-ce un événement passager ou bien quelque chose de plus profond, appelé à durer et à laisser des traces, voire à déboucher sur une dynamique incontrôlable ?

Il nous semble que JH15 a fait ses preuves. Apparu sous la forme d’un communiqué anodin du JSOC le 23 mars, il n’a cessé d’enfler depuis, pour atteindre les sphères officielles au début de ce mois, avec l’intervention de personnalités officielles dans la personne de plusieurs parlementaires. Entretemps, les évènements de Baltimore ont amené un peu de beurre dans les épinards de ceux qui jugent que les autorités fédérales sont à l’affut du moindre prétexte pour imposer des mesures autoritaires et la fusillade de Phoenix a fourni un élément indirect de dramatisation. Ce qui est remarquable dans cette affaire-polémique, c’est que la polémique, justement, a pris du temps à d’affirmer. La presse-Système n’a pas étouffé l’affaire mais a pris résolument la voie du “complotisme”, au point, comme on l'a vu, que Wikipedia a ouvert une pageJade Helm 15 Conspiracy Theory” (plutôt que “Jade Helm 15”).

Le problème est que le “complotisme” n’est pas dans ce cas sans appui solide dans la mesure de la spécificité, du caractère inhabituel et de la massivité de l’évènement annoncé. Ainsi a-t-on vu le processus se renverser : au lieu du “complotisme” se développant sur un événement spectaculaire qui a déjà éclaté et a suscité une narrative, et par conséquent se heurtant à une version officielle, c’est cette fois le “complotisme” qui précède l’aspect spectaculaire de l’événement. Cela est dû essentiellement à l’activisme notoire de Infowars.com, qui réagit le 27 mars après l’annonce quasiment inaperçue de JH15 trois jours avant. Il y a à boire et à manger chez Infowars.com, mais cette fois il aurait plutôt ouvert l’appétit...

En effet, l’événement s’est “calibré” de lui-même lorsqu’au caractère déjà signalé de l’exercice, se sont ajoutées les circonstances opérationnelles. JH15 opère principalement pour une manœuvre figurant une opération massive de contrôle des populations et des structures de fonctionnement économique et politique principalement dans sept États (Texas, Nouveau Mexique, Colorado, Arizona, Utah, Californie, Nevada). Selon le scénario de l’exercice, deux États sont déclarés comme “hostiles” au centre fédéral, le Texas et l’Utah, avec une “poche insurrectionnelle” dans l’extrême Sud de la Californie, tandis que le Nouveau Mexique est classé comme “incertain mais penchant vers l’hostilité”. C’est bien sûr essentiellement le choix du Texas qui s’est avéré explosif, avec aussitôt la spéculation de savoir s’il s’agit d’un simple choix d’exercice ou s’il y a derrière un véritable jugement opérationnel des forces et des éléments de sécurité nationale du centre fédéral. Le choix du Texas est explosif en raison de la puissance de cet État, de sa spécificité voire de sa prétention à la souveraineté, de la puissance de son mouvement néo-sécessionniste (le plus puissant avec le mouvement néo-sécessionniste du Vermont). Du coup, les jugements et les opinions, complotisme ou pas, se sont vivement tendus. On a ainsi abouti à l’annonce spectaculaire du gouverneur du Texas de la mobilisation de la garde Nationale pendant l’exercice, pour surveiller les agissements des forces de l’US Army opérant sur le territoire et autour de l’État. («I’ve ordered the Texas State Guard to monitor Jade Helm 15 to safeguard Texans’ constitutional rights, private property, and civil liberties.»)

Cet enchaînement transforme les données du problème, ou plutôt crée un problème aux données connues dans l’histoire des USA, et toujours craintes par le pouvoir central. La rhétorique polémique, dès lors qu’elle est suscitée dans les conditions qu’on voit, à partir d’une poussée populaire qui est née de l’activité des réseaux avec comme élément déclencheur la formidable puissance d’audience de Infowars.com, prend aussitôt les allures d’un affrontement constitutionnel entre l’État et le centre, pour savoir qui dirige qui, qui a autorité sur l’État mis en question, etc. ; c’est-à-dire, les habituels instruments de la grande querelle de la sécession, qui reste le problème structurel fondamental des USA, avec la problématique de la souveraineté... Très vite, on n’est plus très loin de parler d’affrontement, d’accuser l’un d’abus de pouvoir fédéral intolérable, d’accuser l’autre de tendances sécessionnistes.

Ce qui rend JH15 encore plus explosif, c’est d’autre part une question d’autorité et de contrôle des forces, que nous effleurons plus haut en faisant notre petite explication de texte du secrétaire à la défense Carter. Une certaine impression prévaut d’un certain “flou” dans cette vaste opération, ce flou alimenté par le caractère assez singulier des forces spéciales (largement présentes dans JH15), que Seymour Hersh, par exemple, présente comme une sorte de “Garde Prétorienne”. (... Du président pensait Hersh en 2011, mais aujourd’hui cela est moins sûr, quoique l’idée de “Garde Prétorienne” subsiste, – mais de qui, alors ?). Bien entendu, s’ajoute là-dessus le soupçon classique concernant la technique connue des manœuvres pour préparer sinon effectuer, soit une prise de contrôle, soit une conquête pure et simple d’un territoire. (L’invasion de la Tchécoslovaquie par les forces du Pacte de Varsovie en août 1968 avait été précédée par plusieurs exercices aux frontières de la Tchécoslovaquie qui permirent de faire des concentrations de forces postées pour l’invasion, voire d’enchaîner directement d’une manœuvre à l’invasion elle-même.)

Un aspect remarquable de tout ce tintamarre, qui a encore de longues semaines pour éventuellement prendre encore de l’ampleur, c’est l’absence de l’argument le plus simple, – celui qu’avance explicitement Carter dans sa lettre : pourquoi une armée nationale envahirait-elle une portion de son territoire qui, par ailleurs, se trouve dans une situation en apparence normale, – ni insurrectionnelle, ni même en rapport crisique avec le centre ? On voit là l’effet de communication considérable véhiculé depuis plusieurs années par des tensions internes de divers ordres, surtout depuis la crise de 2008, et marquées par un antagonisme latent mais d’une puissance stupéfiante au sein du Système entre les élites-Système et divers composants antiSystème du territoire, avec même certains éléments du Système évoluant vers des positions antiSystème dans certains cas. C’en est à ce point où la question évoquée plus haut ne se pose même plus : il n’est même plus nécessaire d’avoir une cause d’antagonisme pour évoluer vers l’antagonisme, parce que la situation est antagonisme pur....

Il n’y a pas un cas d’affrontement bien précis, une querelle nettement identifiée, mais une perception générale d’un état de tension crisique qui prend naturellement aux USA la forme d’un affrontement de type centrifuge (les composants de l’Union contre le “centre“ de l’Union). Dans ce cas, on mesure le travail de termites réalisé par les réseaux sur l’internet, avec des centres activistes particulièrement virulents (Infowars.com). Il s’agit de l’expression américaniste du malaise général produit par le processus d’effondrement du Système qui s’effectue dans des conditions difficilement identifiables, sinon insaisissables, mais qui alimente sans aucun doute une atmosphère anxiogène et des réflexes d’antagonisme de type localiste, et, pour l’expression politique, à tendance sécessionniste. Face à cette évolution, l’attitude du “centre” (du Système) est fonction de sa constante réaction de surpuissance, de sa sur-réaction face à des dangers ou des menaces simplement hypothétiques ; il s’agit évidemment d’un renforcement de la puissance vers la surpuissance, avec l’armement en constante militarisation des polices, des opérations constantes de surveillance et de contrôle des populations, et enfin, comme dans le cas de JH15, des mouvements de forces militaires qui sont complètement inhabituelles et à la limite des pratiques constitutionnelles, sinon en violation de ces pratiques (le Posse Comitatus Act de 1878 limitant l’emploi des forces militaires fédérales sur le territoire des USA). Le résultat est d’accroître encore la tension et, éventuellement de donner de la substance, sinon simplement de donner naissance aux menaces jusqu’alors réduites à des hypothèses antagonistes. Peut-être JH15 est-il en voie de suivre, ou de susciter ce processus.

Une dernière remarque concerne une sorte d’“isolationnisme communicationnel” qui tend à séparer la perception des situations crisiques entre les différentes zones, les continents, les ensembles, etc., favorisé par le comportement de la presse-Système qui dissimule tout, de toutes les façons, mais aussi et surtout dans ce cas par le comportement des dissidences et des résistances. Pour notre compte, on constate que, sauf quelques cas spécifiques, la dissidence et la résistance aux USA sont peu intéressées par la situation ukrainienne, et à peine un peu plus par la situation de tension avec la Russie, juste le temps d’évoquer la possibilité d’une guerre nucléaire. C’est, en plus des crises au Moyen-Orient où des forces US sont engagées, les crises intérieures de manipulation et de tension qui retiennent surtout l’attention, tandis qu’elles sont souvent faiblement documentées pour les dissidences et les résistances européennes. C’est le résultat d’une extension de toutes les façons et dans tous les sens du domaine crisique. Cela ne constitue nullement un obstacle à l’évolution antiSystème et réserve au contraire des opportunités nouvelles lorsque des crises jusqu’alors ignorées des autres zones arrivent à un paroxysme et offrent brusquement une occasion de renforcement aux crises de ces autres zones. Il y a des convergences souterraines, que nous ignorons souvent pendant un temps, qui contribuent à l’accélération de l’effondrement du Système sans que le phénomène puisse être mesuré pour ce qu’il est.