Iago, l'impromptu de Brisbane

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Iago, l'impromptu de Brisbane

18 novembre 2014 – L’on sait que nous travaillons selon une méthodologie qualitative extrêmement sélective, pour arriver à sortir de la masse grotesque à force d’être colossale d’informations et de commentaires des synthèses significatives permettant d’approcher ce que nous voudrions déterminer comme “vérité d’une situation”. (Une “situation” temporaire, circonstancielle, etc., et parfois, une fois ou l’autre dans un éclair, la vérité complète de la situation du monde à l’instant où cela semblerait pouvoir être perçue.) Nous avons donc quelques commentateurs choisis, “favoris” si l’on veut, que nous consultons régulièrement ; et choisis parce que nous avons apprécié leurs personnalités, leurs capacités positives de jugement et leurs travers qui influent sur leurs jugements selon les circonstances, donc parce que nous apprécions autant pour leurs variations de jugement relativement à ce qu’ils sont que pour leurs jugements en tant que tels. Ces commentaires (leurs commentaires) ne nous intéressent donc pas, en aucune façon, parce qu’ils exprimeraient constamment ce que nous pensons ou parce qu’ils nous inclineraient à penser comme eux ; il n’y a rien de plus étranger à notre démarche que cette sorte de référence-là parce que nous ne formons pas notre jugement à partir de ceux des autres, mais en intégrant sans nous en dissimuler une seconde cette sorte de référence quand cela renforce et enrichit notre démarche propre qui est d’abord celle d’une complète indépendance appuyée sur l’expérience, sur des appuis principiels de la solidité qu’on imagine, et sur ce que veut bien nous dispenser l’intuition haute. Ce préambule permet, nous le pensons, de mieux comprendre l’importance conjoncturelle que nous attachons, à telle ou telle occasion, à tel ou tel jugement. C’est effectivement le cas pour ce F&C.

Aujourd’hui, nous faisons en effet appel à deux commentateurs pour porter un jugement sur le G20 de Brisbane, parce qu’il s’avère que nous pourrions éventuellement juger (cela doit être confirmé dans notre esprit) que le G20 de Brisbane représente peut-être un événement extrêmement significatif du bouleversement complet de la forme de la politique du monde. Le poids de ce jugement est considérable, – raison pour laquelle il est avancé avec la plus extrême prudence et qu’il doit être absolument entendu qu’il peut être et même qu’il doit être soumis régulièrement à un affinement, à la recherche d’une confirmation, éventuellement à des révisions enrichissantes. Nous avançons selon une voie complètement hypothétique, avec toute la fragilité qui va avec ; mais l’importance de l’hypothèse, qui est de forme métahistorique, qui rencontre notre construction hypothétique fondamentale de ce que représente ce passage catastrophique et eschatologique du temps historique relevé soudain par la métahistoire, nous incline à cette démarche encore tout juste esquissée...

• ... Nous faisons donc appel à deux commentateurs, dont le premier est le Russe Mikhaïl Gorbatchev. Nous le citons plus souvent ces derniers temps après nous être désintéressé de lui durant une longue période où il était manifestement tombé sous l’influence des groupes BAO type Soros & Cie, – où l’on voit bien que notre référence gorbatchévienne n’est certainement pas la constance de la justesse de son jugement. (Voir le 19 mars 2014 : «Ces dernières années, Gorbatchev s’était éloigné de Poutine, qu’il avait soutenu au début, en accentuant continuellement ses critiques contre lui au nom du corps de doctrine-Système du bloc BAO (droitdel’hommisme, démocratie, etc.). Gorbatchev avait été plus ou moins “récupéré” par un appareil d’agents d’influence et de publicistes occidentaux qui l’avaient poussé dans cette direction. A l’occasion de cette crise ukrainienne, Gorbatchev, qui a très vite dénoncé l’influence du bloc BAO dans les évènements Euromaidan, rompt décisivement avec cette emprise. Il soutient la décision de la Crimée, le rattachement de la Crimée à la Russie, lui qui est né en 1931 à Stavropol d'une famille russo-ukrainienne.»)

Gorbatchev se manifeste désormais, depuis la crise ukrainienne, de plus en plus dans un sens tonitruant (voir encore le 11 novembre 2014), comme si l’entrée déjà bien affirmée (83 ans) dans la huitième décennie de sa vie le revigorait, ou bien lui donnait le sens de l’urgence face à une situation qu’il devine catastrophique. Le 11 novembre, justement, Gorbatchev s’était manifesté par un discours furieux à Berlin, où il mettait en accusation les USA et le bloc BAO, comme traîtres à leur parole dès la Chute du Mur et 1989, et responsables exclusifs des catastrophes que l’on voit partout s’accumuler. Ici, dans l’intervention qui nous intéresse, c’est à Obama qu’il s’en prend, Obama en qui il avait fondé des espoirs à son arrivée à la présidence. (Voir le 10 juillet 2009.) Gorbatchev parle donc d’Obama à Brisbane, pour le G20, selon des propos rapportés par RT le 17 novembre 2014, – propos de désappointement, sinon d’un certain mépris pour ce que l’ancien dirigeant soviétique et russe juge de la lâcheté et de la faiblesse du président des USA.

«Former Soviet President Mikhail Gorbachev has called the US president a ‘lame duck.’ Commenting on the recent G20 summit in Australia, Gorbachev said he was disappointed in Obama and that he ‘thought better’ of the American leader. “Obama is a lame duck. One must not finish the job in such a mediocre way. He just decided to throw accusations around. He will be of no avail any more, unfortunately. I've thought better of him,” the former leader of the USSR told Rusnovosti radio. Gorbachev, who is praised around the world as a great advocate of democracy, used the American term – meaning an elected official, approaching the end of his time in office –- when talking about Obama's comments at the G20 summit...»

• Le second commentateur nous intéresse beaucoup plus, non parce qu’il serait classé à un niveau supérieur que le précédent, mais parce qu’en l’occurrence il complète et, surtout, élève singulièrement le propos de Gorbatchev. Il s’agit de l’Indien MK Bhadrakumar, et, pour lui aussi, nos lecteurs savent combien nous apprécions ses jugements et ses analyses d’une façon très contrastée. A chacune de ces récentes sorties critiques des USA qui rencontraient évidemment notre appréciation (le 1er mars 2014 et le 31 juillet 2014), nous n’avons pas manqué de rappeler combien, à nombre d’autres occasions, le diplomate indien devenu commentateur sombrait selon nous dans une sorte d’appréciation faussement rationnelle et véritablement fascinée du rôle des USA, – tout de même, récemment avec l’hypothèse que cette fascination serait en train de se dissoudre sous les très rudes coups des diverses vérités de situation  : «Nous poursuivons notre suivi des commentaires de l’excellent MK Bhadrakumar, l’ancien et expérimenté diplomate indien, passé effectivement commentateur des relations internationales. On sait que Bhadrakumar cultive (cultivait ?), à côté de ses excellentes analyses sur les pays hors du bloc BAO, une certaine fascination pour les USA, comme grand régulateur des dites relations internationales. Il semble que cette fascination soit en train de très rapidement se dissoudre...»

... Dans tous les cas, ce n’est pas Brisbane qui aura freiné ce que nous espérons être la dissolution de cette fascination propre à un diplomate, pour la soi-disant vertu régulatrice des relations internationales des USA. Au contraire, et au contraire d’une façon époustouflante, son court texte de commentaire sur Brisbane (sur son Indian PunchLine, le 17 novembre 2014) est d’une fulgurance absolument exceptionnelle. Sa mise en accusation des USA, et principalement d’Obama, est bien au-delà de la politique et concerne le jugement métahistorique, – nous passons du lame-duck de Gorbatchev à BHO-Iago, c’est-à-dire comme “incarnation du Mal”. Bhadrakumar dénonce le traitement fait à Poutine au travers d’une machination infantile, orchestrée par Obama pour une mise en scène de plus («... un théâtre de communication dont le seul but est d’accréditer la narrative du bloc BAO. Les arguments sont d’une nullité consternante, les attitudes dignes de l’agitation de jeunes élèves dans une cour de récréation d’école primaire, lorsque se font les rassemblements conformistes où chacun veut briller plus que l’autre en rajoutant sur la sottise originelle», selon nous le 17 novembre 2014) ; tout cela avec le zèle du laquais de service (l’Australien Abbott) ; tout cela pour faire du Orwell de La ferme des animaux avant d’en arriver à l’Othello de Shakespeare... Pourtant, juge Bhadrakumar, la mise en scène fut contrecarrée par la nouvelle de quelques décapitations de plus par ISIS/EI/Daesh, rappelant que, par leur rôle dans l’organisation de cette meute islamiste, la responsabilité des USA est entière, comme dans tant d’autres occurrences, avec bien plus de sang sur les mains que celui que le président des États-Unis croit distinguer sur les mains des autres. Ainsi Bhadrakumar parle-t-il d’une “justice poétique”, qui pourrait aussi bien être la justice divine.

«There is some poetic justice nonetheless that in the event, the US’s triumphalism of turning the G20 into a pulpit to bait Russia proved short-lived. The IS has reminded Obama that the US has a lot of blood on its hands and murder begets murder. By the way, it is not Muslim blood alone; the “regime change” Obama presided over in Ukraine in February has so far killed 4000 people. What is one American life in Mesopotamia comparison? Yet, Obama calls It “pure evil” when IS killed a single American.

»The G20 at Brisbane could have been turned into a creative forum to try to find a solution to the Ukraine crisis. Instead PM Tony Abbott got a midnight phone call from Washington to turn the summit arena into an Orweliian animal farm. Which he did loyally...»

Bhadrakumar passe rapidement une revue les derniers événements pseudo-diplomatique, avec la pseudo-politique US qui tient son rôle, tout cela devant désormais être infecté par cette grotesque-sinistre comédie de Brisbane destinée à rester selon lui comme un des legs catastrophiques de la présidence Obama. («[...T]he bitterness created at Brisbane in Russia’s relations with the West will vitiate the climate of world politics as a whole. The bad blood in US-Russia ties will find its echo in the United Nations Security Council while that body is called upon to address the “hotspots”. It will outlive the Obama presidency.»)

Mais surtout, dans les dernières phrases de son texte, Bhadrakumar va soudain à l’essentiel (souligné de gras par nous) ... «Again, what happens if Russia abandons its self-restraint and switches gear to active opposition to the US’ policies — from one of passive non-cooperation? So far this hasn’t happened for a variety of reasons. Is the G20 at Brisbane a defining moment, finally, for the Russian elites who pander to the West? The point is, to borrow Obama’s own expression about the IS, Russia just experienced “pure evil” from the US. What was exhibited at Brisbane was malignity of the sort that is “motiveless” — like Iago’s in William Shakespeare’s play Othello.»

Pure evil” et “Mal incarné”

Ce que nous voulons mettre en évidence se trouve dans deux constatations. La première est que ces deux interventions de nos deux commentateurs, qui présentent des caractères assez abrupts, des jugements tranchés et même plus que cela, concernant le comportement des Etats-Unis/du président des Etats-Unis, impliquent, compte tenu de la position, de l’expérience et de la stature des intervenants, une véritable exaspération du jugement. Non seulement on critique ce comportement, on s’y oppose, mais en plus on s’interroge sur son fondement, sur sa logique, et on ne trouve pas d’explication rationnelle acceptable. Le résultat est alors l’exaspération devant cette politique nihiliste, déstructurante, productrice de désordre, qui ne débouche sur rien et qui agit exclusivement dans un sens maléfique. Ce constat doit être interprété, selon nous, comme une réaction psychologique qui équivaut à un fait politique de grande importance, qui ne va pas cesser de gagner du terrain à mesure que se poursuivra ce comportement, – car ceci est assuré dans notre chef : le comportement nihiliste de la direction-Système des USA, non seulement se poursuivra mais s’accentuera.

La seconde constatation concerne évidemment l’intervention de Bhadrakumar. Ses dernières phrases de conclusion disent ceci : “Le fait est que, pour employer l’expression d’Obama à propos de l’‘État Islamique’, la Russie a rencontré le ‘Mal incarné’ dans le chef du comportement des USA (du président des USA). Ce qui fut mis en évidence à Brisbane est un comportement maléfique de la sorte qui n’a pas d’explication (rationnelle), – à l’image du Iago de l’‘Othello’ de William Shakespeare”. Nous traduisons à dessein “pure evil” par “Mal incarné”, parce que le “Mal” (une traduction de evil) est nécessairement pur, et qu’il fut, dans le cas de Brisbane, effectivement incarné par Obama. La référence à Iago est importante, dans la mesure où ce personnage de Shakespeare est en général reconnu comme le plus mystérieux et le plus inexplicable de toute l’œuvre shakespearienne, – inexplicable sinon par le fait qu’il serait, lui également, le “Mal incarné” le plus parfaitement réalisé dans un personnage de théâtre. L’article Iago du Wikipédia dit ceci :

«Iago is one of Shakespeare's most sinister villains, often considered such because of the unique trust that Othello places in him, which he betrays while maintaining his reputation of honesty and dedication. Shakespeare contrasts Iago with Othello's nobility and integrity. With 1,097 lines, Iago has more lines in the play than Othello himself. [...] Shakespearean critic A. C. Bradley said that “evil has nowhere else been portrayed with such mastery as in the evil character of Iago”, and also states that he “stands supreme among Shakespeare's evil characters because the greatest intensity and subtlety of imagination have gone into his making.” The mystery surrounding Iago’s actual motives continues to intrigue readers and fuel scholarly debate...»

Cela nous paraît donc être un événement intellectuel extraordinaire, par rapport à nos références et à nos rangements courants, qu’un commentateur aussi policé, aussi attentivement rationnel, aussi professionnel, aussi “réaliste” et aussi “diplomate” dans tous les sens du terme que l’est MK Bhadrakumar, emploie cette image, cette analogie, et émette ce jugement qui dépasse de cent coudées l’appréciation politique jusqu’à être d’une autre essence. Dire de l’“État Islamique” qu’il est le “Mal incarné” est une chose, où entre beaucoup de communication, de narrative, de manipulation et de simulation faussaire, de désordre bureaucratique, de démagogie, de corruption psychologique, etc., tous ces caractères faisant l’essentiel de l’état de l’esprit d’un politicien postmoderniste comme l’est Obama, – sans qu’il faille s’en alarmer outre-mesure, ni s’interroger sur “le Mal” à ce propos ; dire d’Obama qu’il est, en sa qualité de président des États-Unis, le “Mal incarné”, est une autre chose, prodigieusement différente, lorsqu’elle est dite par un Bhadrakumar.

D’abord, un tel jugement signale qu’on est justement à court de jugement, – “à court de jugement” si l’on s’en tient aux références rationnelles habituelles. C’est la première constatation qu’on a vue plus haut (“mais en plus on s’interroge sur son fondement, sur sa logique, et on ne trouve pas d’explication rationnelle acceptable”), qui est ici répétée mais désormais prolongée par ce constat : puisqu’on est à court d’“explication rationnelle acceptable”, alors on choisit un jugement qui est hors de cette “rationalité acceptable” et l’on en vient à poser le diagnostic du Mal en se référant à Iago. Et le miracle se produit, en quelque sorte : ainsi dispose-t-on d’une explication évidemment complète et satisfaisante du comportement des États-Unis, c’est-à-dire de ce que nous nommons la direction-Système de l’américanisme, dans le chef de son représentant le plus élevé en autorité et en pouvoir. Effectivement, le “Mal incarné” ne peut produire qu’une politique absolument nihiliste au regard de notre raison, et absolument déstructurante et dissolvante au regard de notre évaluation de ses effets.

On observera que cette explication du “Mal” [evil] est, à propos des USA et de sa direction-Système, de plus en plus souvent employée par nombre de commentateurs, mais en général du genre polémique ou extrêmement engagés dans l’antiaméricanisme/l’antiSystème, c’est-à-dire d’un autre calibre que Bhadrakumar, qui ne prétendent pas à une analyse politique stricte. Le terme, ou l’expression, est employée le plus souvent comme une image sans réelle conséquence rationnelle, comme une illustration où l'effet compte plus que la signification. Ce n'est pas le cas de la sorte d'esprit qu’est celui de Bhadrakumar. C’est pourquoi nous répétons et renforçons notre propre jugement : “un événement intellectuel extraordinaire, par rapport à nos références et à nos rangements courants”.

Peut-on s’arrêter là ? Évidemment non.

Ce qui est dit est dit, et plus encore lorsque cela est dit à propos d’une événement majeur, constant, vérifié par la documentation, la répétition, la durée, etc., qui caractérisent la politique de la direction-Système des USA dans son orientation maléfique depuis quelques années, – sinon de nombreuses années, si l’on veut bien plonger au cœur de l’histoire récente en écartant l’historiologie hagiographique de complaisance. Le jugement prend encore plus de sérieux, toujours selon la personnalité de celui qui l’a émis et qui nous fournit l’occasion de cette analyse, – car c’est bien d’une analyse qu’il est question, et non pas du constat d’un accident, fût-il extraordinaire. C’est dans tous les cas notre jugement à nous, si l’on connaît un tant soit peu nos appréciations générales sur les caractères du temps présent, leurs dimensions métahistoriques, l’orientation de nos observations, etc., dont on trouve toute la documentation voulue dans la rubrique Glossaire.dde autant que dans les pages de La Grâce de l’Histoire, – sans parler de nombreux articles sur ce site, depuis de nombreuses années.

La question que soulève alors l’appréciation de Bhadrakumar est de savoir si l’on ne se trouve pas désormais dans le cas où le jugement général ne pourrait pas, ou plutôt ne devrait pas, dans les circonstances extraordinaires qui sont celles du temps catastrophique présent, s’évader du territoire de la raison, – ou plutôt de la raison telle qu’elle fut subvertie par la modernité, selon notre appréciation. (Voir le 18 juillet 2010.) Envisager que le comportement de la plus forte et de la plus magnifiée puissance du monde soit la production de l’“incarnation du Mal”, que son président soit le “Mal incarné”, nous fait entrer et fait entrer la politique de plain-pied sur le territoire de la métaphysique de l’Histoire telle que nous l’entendons, et de tous les domaines qui lui sont liés.

(Cela ne nous fait pas pour autant entrer dans le domaine de la religion, comme l’on a l’habitude de faire lorsqu’on évoque “le mal” en rangeant ce concept embarrassant dans un placard accommodant dont l’étiquette porte aussi bien la mention “liberté de croyance/liberté de religion” que le commentaire “placard des ustensiles dépassés”. On peut se référer à ce cas lorsqu’il est question de l’“État Islamique”, malgré tous les faux-nez qui encombrent cet événement ; pas lorsqu’il est question de la politique des États-Unis, malgré ce qu’on peut estimer être, pour certains jugements, la forte religiosité conceptuelle des USA, mais qui n’est dans tous les cas nullement établi comme un fait central et doit être tenu selon nous comme une appréciation accessoire. Non, lorsqu’un Bhadrakumar parle du “Mal incarné” [“pure evil”] dans le cas de la politique de la direction-Système des USA et de sa plus haute autorité, la référence religieuse est soit accessoire, soit nulle. Impossible de ranger la chose dans ce placard-là.)

Bien entendu, nous le répétons, cette perspective (“entrer [...] de plain-pied sur le territoire de la métaphysique de l’Histoire telle que nous l’entendons, et de tous les domaines qui lui sont liés”) ne nous effraie ni ne nous déplaît en aucune façon puisqu’il s’agit d’une dimension qui nous est familière, et pour laquelle nous plaidons continuellement. Nous développons cette orientation, – en mettant à part pour ce cas ce qui concerne nos propres convictions, – pour la méthodologie que nous jugeons nécessaire pour parvenir à comprendre cette période catastrophique où nous vivons. On en voit là-dessus, notamment dans le Glossaire.dde du 25 juin 2014 sur la “dimension métahistorique”, à l’intertitre «Utilisation méthodologique du pari pascalien» : « De ce point de vue, on ajoutera que la démarche métahistorique est fondamentalement basée sur la raison comme outil d’exploration et d’exploitation du concept. Cette idée est contenue dans un développement général, dans un passage du deuxième tome (Le deuxième Cercle) de La Grâce de l’Histoire, où est exposé l’avantage d’une réflexion rationnelle dans un cadre conceptuel acceptant la dimension divine (ou “dimension ineffable”) comme référence principale instaurant le fait de la spiritualité comme structure de la réflexion rationnelle.»

L’événement que nous voulons souligner dans ce cadre général est celui de l’avancement catastrophique de cette époque, au point où des esprits qui n’ont jamais utilisé cette méthodologie dans leurs commentaires, y sont conduits sinon contraints. En effet, arrivés au point où nous sommes, la politique des USA, – mais disons enfin, plutôt, la politique-Système, car c’est intégrer ainsi notre arsenal dialectique, – ne peut plus s’expliquer que par sa “proximité du Mal” (voir le 14 janvier 2013), c’est-à-dire par sa fonction opérationnelle d’“incarnation du Mal”, ou autrement dit sa fonction d’opérationnalisation du Mal. C’est bien entendu dans ce sens que nous confirmons l’hypothèse évoquée plus haut selon laquelle “le G20 de Brisbane représente [...] un événement extrêmement significatif du bouleversement complet de la forme de la politique du monde”.