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557Les Israéliens s’inquiètent également (nombre de motifs d’inquiétude en ce moment, comme on le voit par ailleurs) de l’attitude des USA. Une analyse de DEBKAFiles du 3 décembre 2011 reflète assez clairement cette inquiétude, qui n’est pas exempte d’une irritation considérable. Il s’agit de l’attitude des USA vis-à-vis de l’Iran, vis-à-vis de l’attitude d’Israël vis-à-vis de l’Iran, vis-à-vis d’une possible attaque de l’Iran par Israël. Il faut dire qu’il y a eu, en trois jours, un renouvellement sans nuance de l’affirmation, par le président Obama, qu’Israël était pour les USA un allié dont l’importance n’est surpassée par aucun autre allié des USA, et un allié avec la sécurité duquel les USA ne transigent en rien. Trois jours plus tard, donc, le secrétaire à la défense Panetta donne une conférence où il émet toute une série de sévères restrictions à l’encontre d’Israël, pour ce qui concerne sa politique vis-à-vis de l’Iran, et ses possibles actions dans ce cadre. Les déclarations de Panetta constituent une cinglante rebuffade des propos du ministre de la défense israélien Barak deux jours plus tôt, outre de ce qui est de la contradiction dans l’esprit avec la déclaration d’Obama (mais là, faut-il s’y attarder, surtout avec Obama en campagne présidentielle ?)
«US President Barack Obama declared in ringing tones Wednesday, Nov. 30, “We don't compromise when it comes to Israel's security. No ally surpasses Israel in importance to the US.”
»Three days later, US Defense Secretary Leon Panetta in a lecture to the Brookings Institute was crystal-clear about what America expects Israel to deliver in return. He cited “Israeli estimates” to argue against an Israeli strike against Iran's nuclear facilities because “it would set back (the program) by one to two years at best.” He urged Israel to take risks and get to “the damn negotiating table” with the Palestinians, and “mend fences with countries like Turkey, Egypt and Jordan, which share an interest in regional stability” – in view of Israel's “growing isolation in a volatile region.“
L’analyse du site DEBKAFiles est extrêmement critique des déclarations de Panetta, dans lesquelles il voit de très nombreuses contradictions. C’est une contradiction doublement ou à répétition, pour DEBKAFiles, que les USA aient continuellement empêché Israël d’attaquer les installations nucléaires iraniennes lorsqu’elles étaient vulnérables, qu’ils déclarent aujourd’hui que l’Iran n’a jamais été aussi proche d’avoir une arme nucléaire et constitue un très grave danger, et qu’ils insistent pourtant sur le fait qu’une attaque est moins que jamais envisageable… «By continuing to hold back Israel back, is he saying that Iran should be allowed to go all the way to manufacturing a nuclear bomb without military interference? Is the US defense secretary advising Israel to learn to live with a nuclear-armed Iran, even though its menace is constantly expanding?»
Mêmes critiques acerbes sur la question des sanctions, que les USA présentent comme l’alternative acceptable à toute attaque contre l’Iran, alors que DEBKAFiles affirme que c’est tout le contraire : «The defense secretary then offered the opinion that “sanctions and diplomatic pressure were working" to isolate Iran. DEBKAfile's Middle East sources emphasize that he would not find a single informed politician, general, intelligence official or economist in the region who agreed with him. Just the reverse: the region's leaders and international financial community report that the Islamic Republic has overcome sanctions with remarkable success and they have not slowed down its nuclear progress by a second.»
Ce que Panetta a exposé, c’est que les USA sont effectivement engagés à protéger la sécurité d’Israël, mais dans une telle mesure absolument conditionnelle et terriblement contraignante que cette sécurité corresponde à celle des USA également… Cela se voit et se juge du point de vue de l’affaire iranienne, mais aussi du point de vue de l’affaire du “printemps arabe”. L’amertume israélienne est considérable de ce point de vue également. «Neither does he [Panetta] address the anti-Israel posture adopted by the rulers of Egypt, Turkey and Jordan to persuade their people of their affinity with the Islamist forces rising in the region, like the ultra-orthodox Salafis of Egypt.»
D’où cette conclusion qu’il est temps pour Israël d’affirmer clairement ses intérêts de sécurité nationale, face aux positions US. «It is time for Jerusalem to state clearly to the Obama administration that there is no way to reconcile Israel's essential security needs with the rejection of a military operation to cripple Iran's nuclear program; or to promote the rise of Islamist forces in the Arab capitals neighboring on the Jewish state and at the same time hold Israel to account for not reaching out to them.»
Dans le cours de son analyse, DEBKAFiles s’attache à un passage de l’intervention de Panetta où ce dernier parle d’“estimations israéliennes” contre une attaque contre l’Iran («He cited “Israeli estimates” to argue against an Israeli strike against Iran's nuclear facilities…»). Plus loin, le site fait cette remarque révélatrice à ce propos : «The “Israeli estimates” he cited referred to the most outspoken opponents of the Netanyahu-Barak government, namely the former Mossad chief Meir Dagan, the ex-chief of staff Gaby Ashkenazi, former military intelligence chief Amos Yadlin, as well as Kadima leader Tzipi Livni.»
Il s’agit d’une remarque particulièrement importante dans une analyse d’un site dont les liens avec les milieux de sécurité nationale israélienne sont effectifs et très intenses. On ne peut la prendre, dans ce contexte, comme simplement anodine et de circonstance, comme on ne peut prendre comme telle l’allusion directe qu’y a fait Panetta dans un discours public. Cela signifie, et la remarque de DEBKAFiles tend à le confirmer, que la partie US, et notamment les milieux de sécurité nationale et le Pentagone, considèrent ce qu’on pourrait désormais nommer “le groupe Dagan”, dont on sait l’importance que nous lui accordons, non seulement avec sérieux, mais comme un groupe alternatif au pouvoir israélien officiel. Cela peut même signifier, – et c’est notre conviction à cet égard, expliquant d’autant plus la remarque de DEBKAFiles, – que des contacts directs ont été établis entre la partie US et ce groupe, impliquant un soutien effectif des USA à cette “‘opposition informelle” à la direction Netanyahou-Barak. Si c’était le cas, comme nous le croyons, cela signifierait un changement structurel important, sinon même fondamental, dans les relations USA-Israël dans la mesure où serait mise en question la légitimité de la direction Netanyahou-Barak aux yeux des USA, et la reconnaissance qu’un groupe informel d’anciens dirigeants de sécurité national représente la légitimité réelle de la position d’Israël dans une affaire de la plus haute importance pour Israël, pour les USA d’une certaine façon, et par conséquent pour les relations entre les deux pays.
On trouve ici un cas concret du problème que nous avons soulevé le 2 novembre 2011 concernant la dé-légitimation des directions politiques en place (de l’Etat, si l’on veut), pour diverses raisons dont, dans ce cas, une rupture entre ces directions politiques qui continuent à entretenir des analyses et des projets complètement irréalistes par rapport à la vérité de la situation générale, et des ensembles, voire des regroupements quasiment formels comme dans le cas de Dagan où l’on pourrait parler d’un “groupe Dagan”, de hauts fonctionnaires de la sécurité nationale qui estiment qu’il est temps de prendre en compte cette vérité de la situation. Effectivement, le résultat de cette évolution participe puissamment à la chute générale de la légitimité des directions politiques, cette fois attaquée par l’une des parties les plus importantes et les plus hautes du corps des hauts fonctionnaires qui devrait être sous l’autorité de cette légitimité. En même temps que la légitimité, bien entendu, l’autorité s’effondre également. Le pouvoir se parcellise dans ce domaine également et le cas israélien montre que l’on devrait être conduit à des situations où même dans des relations de gouvernement à gouvernement, la légitimité des directions en place est directement mise en cause, voire publiquement mise en cause comme le montre implicitement la déclaration de Panetta éclairée par l’appréciation de DEBKAFiles.
Cette affaire est d’autant plus significative pour le concept de légitimité et son actuelle dissolution accélérée que le “groupe Dagan” n’est nullement en opposition politique classique avec Netanyahou-Barak. Il ne s’agit pas de “colombes ” contre des “faucons”, l’ancien chef du Mossad n’étant certainement pas un modéré dans la lutte contre tous les groupements considères comme anti-israéliens, ni même contre l’Iran. Il s’agit donc d’une opposition qui porte sur le fondement même, et donc la légitimité de l’action du gouvernement pour appliquer une politique dont les lignes générales sont celles qu’accepte Dagan. Que cette opposition tende à se constituer sans aucun mandat populaire, sans aucune des habituelles procédures du Système, montre bien qu’il s’agit là de la mise en cause directe du principe de légitimité qui devrait protéger le gouvernement israélien aux yeux de ses hauts fonctionnaires, c’est-à-dire de ses auxiliaires les plus importants. Ce n’est plus le cas, et c’est le signe de l’existence de cet événement d’une extrême importance sur la voie de la dissolution, non seulement d’un principe fondamental, mais du Système lui-même.
Mis en ligne le 5 décembre 2011 à 06H51
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