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973L’une des devinettes classiques de la crise actuelle, – la grande, l’ukrainienne avec toutes ses explosions diverses, ses “départs de feu” plus puissants que la source de l’incendie, etc., – est la détermination du “qui tient qui ?”, entre Kiev et ses soutiens directs du bloc BAO, principalement les foisonnants réseaux activistes US de divers intérêts, conceptions et origines. On doit prioritairement examiner cette question à la lumière des remarques d’Immanuel Wallerstein que nous rapportions le 24 mai 2014. Ces remarques, en effet, proposent l’hypothèse, impérative selon Wallerstein, que ce sont désormais les “manipulés”, les outils d’agression et de désordre machinés par le Système (Establishment elites, dit Wallerstein) qui tiennent leurs manipulateurs, et non le contraire selon la logique de la chose :
« ... Most analysts of the current strife tend to assume that the strings are still being pulled by Establishment elites. Each side asserts that the low-level actors of the other side are being manipulated by high-level elites. Everyone seems to assume that, if their side puts enough pressure on the elites of the other side, these other elites will agree to a “compromise” closer to what their side wants.
»This seems to me a fantastic misreading of the realities of our current situation, which is one of extended chaos as a result of the structural crisis of our modern world-system. I do not think that the elites are any longer succeeding in manipulating their low-level followers. I think the low-level followers are defying the elites, doing their own thing, and trying to manipulate the elites. This is indeed something new. It is a bottom-up rather than a top-down politics...»
On doit encore remarquer, en, mettant cette analyse en parallèle avec celle consacrée à l’article de Parry sur MH17/Poutine ce 9 août 2014, que le cas présenté par Robert Parry qui restitue la version nouvelle de ses sources de l’Intelligence Community correspond complètement au schéma proposé par Wallerstein. Dans l’hypothèse MH17/Poutine envisagée, ce sont même les “sous-manipulés” (les extrémistes faisant partie de la direction de Kiev-la-folle, et devant en théorie être manipulés par cette direction, elle-même manipulée par les réseaux US) qui se servent de leurs appuis-manipulateurs pour exécuter une opération absolument catastrophique, déstabilisatrice de tout le processus de la crise. Cette version a la vertu à la fois du désordre et de l’inversion caractérisant la situation générale et globalisée.
La méthodologie étant ainsi fixée, nous allons nous attacher à un cas précis (un autre cas précis, avec celui de Parry), qui concerne une interview faite par Russia Today le 8 août 2014, de F. Michael Maloof, disons “expert” US et, comme nous le percevons fortement, “porteur de messages” de divers centres de pouvoir US. Nous avons déjà eu affaire à Maloof et nous faisions, le 14 août 2012, ce portrait de lui, assez peu flatteur de notre chef (à propos d'une nouvelle concernant l'hypothétique réactivation du “triangle de Weimar”)...
F. Michael Maloof «est un personnage éminemment douteux, qui semble porter ses diverses compromissions comme autant de décorations de campagnes glorieuses, avec plusieurs CV amovibles et tous de type narrative, l’une ou l’autre casserole de corruption, lui-même présenté dans le texte, sans rire, comme “a former senior security policy analyst in the office of the secretary of defense”… Ce qu’il reste d’assuré, c’est que Maloof, qui était du programme “Office of Special Plans” de Rumsfeld en 2001-2003 (OSP, fabrication spéciale des narrative sur les armes de destruction massive de Saddam, voir le 14 mai 2003), qui est resté constamment un homme de Richard Perle, est marquée à la culotte pour ses parcours de corruption et d’extrémisme “neocon”.
»La démarche [de Maloof
Notre jugement est donc que Maloof est en général un agent, un “porteur d’eau” des neocons, donc des extrémistes de Washington, – mais que, de toutes les façons, il est toujours “porteur d’eau” («Maloof ne travaille que sur consigne»), donc qu’il peut l’être aussi pour d’autres sources, – et l’on pense nécessairement, on le verra, au Pentagone dont il dépend toujours en partie en raison de son passage dans la hiérarchie du DoD lors de l’ère Rumsfeld. Or, ce qu’il dit dans l’interview de RT est, à cet égard, assez clairement nuancé. Dans ce cas, il ne s’agit certainement pas d’un “message” neocon... D’une façon générale, Maloof montre une grande compréhension pour la position russe et suit la version générale des événements qui est celle de la partie russe. Il est très critique de l’activisme du secrétaire général de l’OTAN Rasmussen, qui vient de passer à Kiev pour proclamer, une fois de plus, la cessation complète de la coopération de l’OTAN avec la Russie. (Dans cette crise, Rasmussen est l’un des figurants les plus exceptionnellement médiocre des légions du bloc BAO. L’effondrement de la qualité des Secrétaires Généraux de l’OTAN est un signe de la dégradation qualitative de l’organe, – il suffit, à cet égard, de comparer Rasmussen avec un Luns ou même un Wörner.)
Mais nous nous attachons plus précisément à un aspect de l’intervention de Maloof dans l’interview cité. Il concerne un parallèle qu’il fait entre l’actuelle crise ukrainienne et la crise de Géorgie d’août 2008
Russia Today : «NATO also voiced its support for the Kiev government. How far will it go help the country?»
Michael Maloof : «It can only go so far, because Ukraine is not a member of NATO, they cannot invoke Article 5, in which each state would have to react to an attack on a NATO country. They can provide some assistance, Europe ultimately will be reliant on the US for its assistance, and I doubt that it will be all that forthcoming. The US resources are low, we have commitments elsewhere in the world and even those sanctions may be imposed, what both sides are beginning to see is that the sanctions do not do anybody any good.»
Russia Today : «Rasmussen said NATO was working ‘more closely with Ukraine to reform its armed forces and defense institutions.’ Do you think NATO might provide military help to Kiev?»
Michael Maloof : «I think it is already, military assistance has been given to Kiev, including from the US. They can give so much in terms of intelligence support, they are probably sending advisers but the military assistance will probably be somewhat limited because it is just so much they can do without further provoking and raising concerns in Moscow as to what the true intentions of Kiev might be. And again, Kiev is really a questionable government in the eyes of a number of people because of what happened and how they came to be. And I think again countries can cooperate, they need to step back and talk these things through, and ratcheting up with threats is to give moral support to Ukrainian government.
»I can recall what happened in Georgia in 2008 after the US finished military exercise in Georgia, and yet Georgians were buoyed up by that confidence that the US will come to assistance if the Russians were ever to attack them. What happened is that the Georgians then initiated the conflict and as a consequence there was a response. I am concerned of what might happen if Kiev will react in the same way because the NATO countries will only be able to provide so much assistance and they may be developing a false confidence as a consequence...»
Cette allusion précise à l’affaire géorgienne, avec prise en compte de la présence US en Géorgie, faisant croire à l’imposant président géorgien Saakachvili qu’il avait le feu vert et le soutien opérationnel actif de Washington pour une attaque contre la Russie, pour se retrouver, seul, face à la riposte russe, n’est pas précisément une narrative type-neocon. Par contre, cela pourrait être une version de l’appréciation d’une faction du Pentagone qui n’apprécie pas nécessairement les folies interventionnistes et subversives type neocon/département d’État, par les risques d’implication des forces armées US directement face aux Russes qu’elles font courir dans les cas envisagés, – Géorgie, comme modèle de l’Ukraine, mais dans des conditions bien entendu infiniment pires et catastrophiques vu l’engagement du bloc BAO, l’interprétation de communication de toute la crise, la tension avec la Russie, la diffusion métastasique de cette crise dans nombre de domaines stratégiques... Dans ce cas, Maloof, qui ne voyage ni n’intervient jamais sans consigne, suit-il plutôt les consignes du Pentagone dont il reste toujours plus ou moins l’obligé pour la sécurité de son emploi de consultant ?
A cela, on répondra : Dempsey (voir le 28 juillet 2014). C’est alors l’occasion de préciser qu’émerge une autre interprétation de l’intervention de Dempsey à Aspen, au Colorado, qui pourrait être appréciée indirectement et à “front renversé. L’idée serait alors que Dempsey est effectivement intervenu pour installer la Russie comme un nouveau grand adversaire d’une néo-Guerre froide, – mais pour préparer plutôt l’argument de la nécessité du contrôle des événements, et surtout des proxies type-Kiev : “Attention, la Russie étant cet adversaire avec cette stature, la prudence est plus que jamais nécessaire parce que tout engagement direct implique le risque d’une conflit potentiel au niveau nucléaire”. Dans ce cas, dit encore cette interprétation, Maloof devient effectivement un “porteur d’eau” du Pentagone, chargé d’avertir qui de droit, les lecteurs de RT et le reste, des risques que fait courir l’irresponsabilité du gouvernement de Kiev. Au moins, là-dessus, les Russes ne démentiront pas...
L’interprétation est proposée mais nullement catégoriquement affirmée, – qui peut prétendre à une affirmation catégorique dans un tel climat de communication ? Il n’empêche qu’à côté des échos venus de Parry et de l’IC, on dispose de divers éléments qui nous encouragent à conclure que des fissures de plus en plus nettes apparaissent dans le mur de l’apparente résolution américaniste contre la Russie, surtout en Ukraine au milieu des éclats de Kiev-la-folle. Il faut tenir compte d’une façon très sérieuse de l’hypothèse constante, qui est plutôt une hypothèque d’ailleurs, de la division dans le camps washingtonien, entre différents départements, agences, etc., comme en existe toujours potentiellement la posssibilité et comme cela devient opérationnellement effectif quand les crises impliquées durent, se compliquent, produisent des effets inattendus, etc. La fragmentation du front interne washingtonien (en ce compris la fragmentation entre les différents “opérateurs-manipulateurs” washingtoniens et leur éléments-proxy sur place, en Ukraine) est un élément potentiel de désordre au moins aussi important, et sans doute plus aisément réalisé (on est entre confrères), que les menaces de mésentente ou de divergences transatlantiques.
Mis en ligne le 9 août 2014 à 13H24
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