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1028Israël et son lobby washingtonien, l’AIPAC, sont inquiets à propos du sort de l’aide annuelle qu’Israël reçoit des USA ($3,1 milliards, sur les $5,1 milliards qui constituent le total de l’aide US à l’étranger que gère le département d’État). Le 29 mars 2013, UPI a publié une analyse sur cette question, notamment à partir d’un article de The Times of Israël affirmant que cette aide sera réduite à la suite de l’entrée en vigueur de la loi sur la séquestration. La réduction est calculée par le journal à $500 millions.
On détaille déjà les programmes militaires qui pourraient être touchés, – puisque, effectivement, cette aide, derrière le faux-nez du titre général d’“aide à l’étranger” constitue quasi directement une aide militaire US portant sur l’acquisition par Israël de matériels militaires US. (Les USA attendent par conséquent que cette aide soit directement dépensée par Israël en commandes de matériels militaires US. L’aide à Israël constitue également, d’une façon à peine indirecte et nullement dissimulée, une aide massive du gouvernement à l’industrie de défense US sous la forme d’une garantie annuelle de commandes. On voit bien ce mécanisme dans le fait qu’Israël ne soumet quasiment aucune de ses commandes militaires hors-Israël à une concurrence sélective.)
«The Times of Israel reported that the bulk of the cuts affecting Israel made under the process known as “sequestration” that took effect March 1 “will come in Israel's share of U.S. foreign aid funding.” […] “The cuts would have a dramatic impact on the Israel Defense Forces' ability to meet its acquisitions plans for several military systems, including the F-35 Joint Strike Fighter, new C-130 Hercules transport planes and Namer armored personnel carriers under construction in the joint Systems Manufacturing Center in Lima Ohio,” The Times of Israel noted.
»But that, it said, “may not be the most painful.” The cuts are also likely to affect joint U.S.-Israel missile defense programs that are handled by the Pentagon. These include the high-altitude Arrow-3 system being jointly developed by state-owned Israel Aerospace Industries and the Boeing Co., and David's Sling, under development by Rafael Advanced Defense Systems of Israel and the U.S. Raytheon Co. and designed to intercept medium,-range missiles…»
La dépêche UPI rappelle que le président Obama a promis un “soutien éternel” des USA à Israël, ce qui confirme bien son statut de prophète qui lui permit de remporter sa première élection en 2008. Le nouveau secrétaire à la défense Chuck Hagel, désigné par nombre de ses ex-amis républicains du Sénat comme un ennemi manifeste d’Israël, s’est empressé de recevoir, dès qu’il est arrivé au Pentagone début mars, le ministre israélien de la défense (alors encore en fonction) Ehud Barak, pour lui affirmer que les USA feraient en sorte de maintenir la “supériorité qualitative” d’Israël sur ses adversaires potentiels, – cela passant, du moins l’a-t-on compris ainsi, par l’engagement implicite de la poursuite de l’aide US au niveau actuel.
Dan son analyse, UPI cite Jason Ditz, de Antiwar.com (fait assez remarquable que cette citation d’un collaborateur de Antiwar.com dans un réseau-Système d’information tel que UPI) ; Ditz observant qu’il est assuré que nombre de parlementaires vont se précipiter “au secours” d’Israël pour tenter d'empêcher, ou de réduire au minimum les effets de la séquestration sur le montant de l’aide annuelle à ce sacro-saint “allié éternel” : «In the end, this is useful for both U.S. hawks and Israel's own, as they can mutually scare-monger about the prospect of losing programs of little real utility and convince Congress to exempt them from the cuts. Whether this will work remains to be seen but historically Congress has caved in pretty quickly faced with such lobbying.»
Pourtant, le Lobby lui-même, selon le surnom donné à l’AIPAC, n'est pas du tout à son aise. Malgré sa réputation et son statut de toute-puissance d’influence, il s’avère que l’AIPAC est réellement inquiet devant cette possibilité de réduction de l’aide annuelle… «[AIPAC] has demanded special treatment for Israel, a politically risky move that would include special legislation to ensure aid flows to the Jewish state if other means fail. That course carries significant political risks, as most Americans would deeply resent maintaining high levels of economic and military aid to Israel while they have to endure austerity measures.
»“This is still premature,” an AIPAC source conceded. But he stressed: “We need to find a way to ensure full assistance.” “Despite ongoing budget woes, it is critical that the United States live up to its aid commitment to Israel,” AIPAC declared. “As our one reliable Middle East ally, Israel serves critical national security objectives. Any reduction in that aid would send the wrong message to Israel's – and America's – enemies.”»
… Les arguments et situations des uns et des autres étant archi-connus, et en général de fort peu d’intérêt, le véritable intérêt de cette incertitude colorée d’un embryon de polémique est justement qu’elle (l’incertitude) existe. Il s’agit des faits divers mais conséquents et liés entre eux… 1) Le fait que personne ne sait ce qu’il va résulter exactement de l’application de la séquestration (qui est déjà vieille d’un mois) ; 2) le fait que le processus conduisant à la nouvelle situation budgétaire va prendre un temps assez long, sans qu’on puisse déterminer le véritable délai ; 3) le fait que cette nouvelle situation budgétaire sera établie progressivement, poste après poste, avec d’éventuelles révisions dues aux interférence causées par ce désordre, ce qui renforce encore le climat d’incertitude en faisant de mesures pourtant présentées comme définitives un champ supplémentaire d’incertitude ; 4) le fait, enfin, que malgré le caractère massivement sacro-saint de l’aide US à Israël, dans la situation imposée par le Système, personne, y compris au Congrès archi-manipulé par l’AIPAC, n’est capable de garantir l’aide à Israël à un niveau donné.
La séquestration, dont on attendait soit qu’elle serait une bombe épouvantable (une “apocalypse”), soit qu’elle serait un pétard mouillé sans conséquence, s’avère être la source d’un nouveau contingent de termites poursuivant et accroissant le travail de dissolution du Système. La question de l’aide à Israël est à la fois un bon exemple et un bon cas d’opérationnalité pour montrer ce caractère inédit de la séquestration. La puissance de cette mesure se trouve donc au moins aussi bien dans l’incertitude qu’elle crée, que dans les mesures qu’elle va susciter ; l’attitude extrêmement prudente de l’AIPAC, autant que son inquiétude, en sont une démonstration convaincante. Personne ne contrôle ce processus de la séquestration, ce qui laisse la porte ouverte à bien des possibilités d’accident et au désordre qui s’ensuit. L’une de ces possibilités, certainement parmi les plus intéressantes par ses conséquences politiques, est que, selon les circonstances et les modalités de la mise au point de ce que serait la nouvelle situation de l’aide à Israël, on pourrait voir naître au Congrès, surtout chez les républicains qui sont les soutiens les plus activistes d’Israël, un conflit entre les inconditionnels “‘faucons” en matière de sécurité nationale, et les “faucons” en matière de fiscalité, – “national security hawks” contre “fiscal hawks”, avec un rôle important à tenir, dans ce cas, pour Rand Paul à la position déjà affirmée, du côté des “fiscal hawks”.
Un aspect plus général qui doit être mis en évidence se trouve dans la confirmation que l’énorme machinerie-Système qu’est la pouvoir washingtonien est bien une mécanique, un système elle-même, que personne ne contrôle et qui évolue d’une façon autonome. Il s’agit d’un système spécifique, ou un sous-système si l’on veut, enfanté naturellement par le Système mais qui acquiert lui-même son autonomie non seulement vis-à-vis des dirigeants politiques (il y a longtemps que la chose est accomplie), mais vis-à-vis du Système lui-même. Il est évident que l’aide à Israël est un des points fondamentaux de la politique-Système, et le fait que rien ne peut garantir qu’elle puisse être maintenue à son niveau est certainement une indication de cette rupture entre entités qui naissent les unes des autres mais se trouvent très vite détachées les unes des autres et conduits à fonctionner de façon autonome. On peut considérer, selon ce point de vu, que la séquestration en tant que telle, depuis qu’elle est entrée en vigueur, est devenue elle-même un système autonome, protégé autant par l’appareil législatif qui l’a créée et mise en action, par les pesanteurs bureaucratiques, par des mécanismes de comptabilité que personne n’arrive à contrôler et ainsi de suite. C’en est à un point où l’on peut se demande d’une façon très sérieuse si une force quelconque, extérieure à cet ensemble de systèmes spécifiques et autonomes aura la capacité d’interférer pour imposer une décision, – dans ce cas, concernant l’aide annuelle des USA à Israël. Même le prophète qui promet l’“éternité” à qui le mérite, saura dans ce cas s’abstenir de trop s’impliquer dans ce labyrinthe, pour ne pas mettre en jeu le triste crédit politique qu’il entretient avec sa position d’ambiguïté et d’irresponsabilité développée dans les querelles internes du système washingtonien.
Mis en ligne le 1er avril 2013 à 09H25