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1220Voici un intéressant article du professeur Garry Wills, dans le New York Review of Book (le 9 octobre 2013), qui donne une image qu’il convient de retenir pour la compréhension de l’état réel de l’Amérique, et surtout de l'Amérique à l'heure de sa crise fondamentale qui vient de connaître un épisode paroxystique à Washington avec l'affaire du government shutdown. Le titre de l’article est «Back Door Secession», ce que l’on pourrait traduire avec l’esprit du technologisme moderniste qui convient, comme “La sécession stealthy” (stealthy pour “furtivement”, en référence à la technologie du même nom qui anime les pures merveilles du type F-22 ou JSF).
Garry Will est professeur d’histoire, très bien vu des milieux conformistes du système de l’américanisme, auteur de livres sur la période de la Guerre de Sécession aussi bien que sur le catholicisme. Pour le premier cas, il s’inscrit comme spécialiste de la période avec son Lincoln at Gettysburg: The Words That Remade America (Prix Pulitzer 1993), qui le classe parmi les zélotes d’une vision intégrée, libérale-progressiste et centraliste des USA. (Pour le second cas, – et pour compléter le tableau général, – on notera que Wills est dénoncé par nombre de centres catholiques comme un bien étrange “catholique fervent” dont les thèses l’apparentent à l’hérésie pure et simple, rapprochant ses conceptions d’une évolution du catholicisme vers une sorte de protestantisme. Dans Crisis Magazine, Tom Piatak écrit, le 20 février 2013, à propos de diverses déclarations de Wills concernant son nouveau livre Why Priests? A Failed Tradition : «In a five minute interview with Stephen Colbert [...] By my count, Wills took positions anathematized by 14 different Canons of the Council of Trent in this brief interview. Wills has become an open and unambiguous advocate of heresy.»)
Wills est donc le contraire d’un conservateur libertarien et sans aucun doute un adversaire affirmé du populisme, en même temps qu'un catholique appréciant les tendances déstructurantes inspirées de la modernité, – tout cela s'accordant parfaitement, après tout. Par conséquent, il peut donc être classé comme un centraliste-progressiste affirmé, qu'on retrouve proche des conservateurs-centralistes, de type belliciste, au sein de l'aile classique du parti républicain (type McCain-Graham). Il n’est certainement pas favorable, ni à la sécession, ni aux libertariens qui luttent contre un gouvernement central fort, ni aux tendances qui s’en réclament. Sa description de l’état actuel des USA n’en est donc, d’un certain point de vue, que plus significative. Elle signale combien la question de la cohésion des USA, quoique évoquée le moins possible dans les analyses de la situation générale US, est désormais une référence centrale de l’état général des USA. Il existe un état d'une sécession à la fois latente et effective (stealthy) qui se rapproche de la situation d’avant-1861, marquant ainsi combien le conflit actuel, le déchirement entre les différentes tendances à Washington, entre démocrates et républicains, entre extrémistes et centristes, etc., loin d’être un conflit artificiellement développé au nom des idéologies même si ce prétexte est souvent avancé, représente une réelle vérité de la situation US. Plus encore, on comprend combien la crise actuelle de l’américanisme finit par se retrouver dans les termes classiques du “pour ou contre le centralisme”, avec son extrême dans la question de la cohésion des USA et de la sécession.
Le propre argument de Wills, également idéologique, protestant contre le poids trop important des extrémistes et minoritaires dans les partis, est un argument spécifiquement de type-Système. L’arrangement courant aux USA, avant les remous actuels, se constituait dans l’étouffement des tendances de base, populistes sinon populaires, selon un processus de contrôle des appareils des deux ailes du “parti unique”, notamment à partir des échelons locaux et régionaux. Ainsi Ron Paul fut-il écarté de la candidature du “parti unique”-tendance républicaine, alors qu’il représentait une très forte poussée populaire. On comprendra donc que l’actuelle “dictature” des extrêmes à Washington, au sein du Congrès, qui heurtent tant les esprits éclairés, libéraux-progressistes et conservateurs-centralistes, n’est rien de moins qu’un rétablissement d’une véritable représentation démocratique, par le biais de diverses échappées extrémistes court-circuitant les mécanismes des partis de la nomenklatura washingtonienne, contre la dictature de l’arrangement électoral du système de l’américanisme qui a prévalu à Washington depuis l’origine. C'est un peu avec cet esprit qu'il est conseillé de goûter aux précisions que nous donne Garry Wills.
«On Monday, The New York Times reported that eleven counties in Colorado are promoting efforts to secede from their state government. Of course, men like Governor Rick Perry of Texas have gone further and threatened secession from the federal government. It is not much noticed that parts of the country act as if they had already seceded from the union. They do not recognize laws and Supreme Court decisions, or constitutional guarantees of free speech. For instance seventeen states have violated the First Amendment by preventing or hindering the work of “navigators”—organizations and businesses funded by the federal government to educate people on ways to follow the rules of the Affordable Care Act. Some groups routinely attempt to block health centers from advising women on the legal right to contraception. Eight state legislatures this year have passed voter restrictions that may violate the Fourteenth Amendment, and similar measures are pending in other states.
»The people behind these efforts are imitating what the Confederate States did even before they formally seceded in 1861. Already they ran a parallel government, in which the laws of the national government were blatantly disregarded. They denied the right of abolitionists to voice their arguments, killing or riding out of town over three hundred of them in the years before the Civil War. They confiscated or destroyed abolitionist tracts sent to Southern states by United States mail. In the United States Congress, they instituted “gag rules” that automatically tabled (excluded from discussion) anti-slavery petitions, in flagrant abuse of the First Amendment’s right of petition. [...]
»Just as the Old South compelled the national party to shelter its extremism, today’s Tea Party leaders make Republicans toe their line. Most Republicans do not think laws invalid because the president is a foreign-born Muslim with a socialist agenda. But they do not renounce, or even criticize, their partners who think that. The rare Republican who dares criticize a Rush Limbaugh is quickly made to repent and apologize. John Boehner holds the nation hostage because the Tea Party holds him hostage. The problem with modern Republicans is not fanaticism in the few but cowardice in the many, who let their fellows live in virtual secession from laws they disagree with.
»Republican leaders in Congress are too cowardly to say that the voting restrictions being enacted by Republican-controlled state legislatures are racially motivated. They accept the blatant lie that they are aimed only at non-existent “fraud.” They will not crack the open code by which their partners claim to object to Obama because he is a “foreign-born Muslim” when they really mean “a black man.” They will not admit that the many procedural laws adopted to prevent abortion are in violation of the law as defined by the Supreme Court. They go along with the pretence that all the new rules are “for women’s health.” De facto acts of secession are given a pseudo-legal cover. [...]
»So we have one condition that resembles the pre-Civil War virtual secessionism—the holding of a whole party hostage to its most extreme members. We also have the other antebellum condition—the disproportionate representation of the extreme faction. [...] The presiding spirit of this neo-secessionism is a resistance to majority rule. We see this in the Senate, where a Democratic majority is resisted at every turn by automatic recourses to the filibuster. We see it in the attempt to repeal the seventeenth amendment, which allows a majority of voters to choose a state’s senators. The repealers want that choice to go back to the state legislatures, where they rule thanks to anti-majority gerrymandering.
»The Old South went from virtual to actual secession only when the addition of non-slave Western states threatened their disproportionate hold on the Congress and the Court (which had been Southern in makeup when ruling on Dred Scott). It is difficult to conjecture what will happen if the modern virtual seceders do not get their way. Their anti-government rhetoric is reaching new intensity. Some would clearly rather ruin than be ruled by a “foreign-born Muslim.” What will the Republicans who are not fanatics, only cowards, do in that case?»
Mis en ligne le 18 octobre 2013 à 18H00