L'Arizona poursuit sa charge

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Même si elle se passe discrètement parce qu’on n’aime guère, en général, aux USA, exposer le linge sale de la famille, la question de la loi anti-immigrants de l’Arizona continue de se développer et de faire des vagues.

Une nouvelle de RAW Story du 12 juin 2010 nous apprend plusieurs choses, notamment à propos de cette loi (dite SB 1070) et de celui qui l’a rédigée et l’a développée, le sénateur de l’Arizona Russell Pearce.

«“It will be the law of the land,” Pearce said to a few hundred participating in a support rally for SB1070. “We're not waiting on Washington, D.C.” […]

»The author of Arizona's controversial anti-immigrant law has a new target in mind for the fall legislative session: The children of illegal immigrants.

»State Sen. Russell Pearce, the primary sponsor of Arizona's new law allowing police to ask for proof of citizenship when they suspect a person is in the country illegally, says he plans to introduce a bill this fall that would deny citizenship to children born in the United States to illegal immigrants. The bill would also require the children of illegal immigrants to pay tuition to attend public schools.

»If such a bill were to pass, Arizona would find itself in the midst of a constitutional showdown. The 14th Amendment of the US Constitution states that anyone born in the US is a citizen, and that "no state shall make or enforce any law which shall abridge the privileges or immunities of citizens of the United States.”

»In an interview with Time magazine, Pearce acknowledged that his proposed law would face a constitutional challenge even before it came into force, but argued the law is necessary because undocumented immigrants have “hijacked” the 14th Amendment and are using their US-born children to gain benefits from the US government. That phenomenon is sometimes referred to as “anchor babies.”»

• Enfin, dans une note ajoutée au texte, introduisant une nouvelle apprise entretemps, RAW Story ajoute cette précision : «UPDATE: Arizona State Sen. Russell Pearce says he is working with representatives from 18 other states to have an anti-immigrant law similar to Arizona's passed “in a third of the country,” reports the Arizona Republic.»

Notre commentaire

@PAYANT On imagine bien entendu combien ces diverses dispositions et intentions continuent à exacerber les critiques des milieux humanistes et libéraux (progressistes) à cause de mesures qui vont complètement à contre-courant des “valeurs” humanistes et progressistes et de la philosophie générale du système, — lequel adore se parer de faux masques humanistes ayant la vertu de faire passer les monstrueuses pilules d’une organisation économique et sociale absolument déstructurante et prédatrice. Laissons là cette querelle secondaire pour notre propos, même si elle agite les salons et justifie nombre de prises de position. Cette attitude ne fait d’ailleurs certainement pas du sénateur Pearce, a contrario, si l’on prend le parti essentiel de critiquer le système et de laisser de côté celle de ses initiatives, un héros de quelque façon que ce soit. Sa loi et ses intentions diverses restent ce qu’elles sont, surtout avec la disposition qu’il veut y ajouter concernant les enfants d’immigrants nés sur le territoire des USA. Il s’agit de textes particulièrement durs et qui sont qualifiés de “xénophobes” selon certains, mais cela sans qu’il soit assez souvent rappelé pourquoi ils sont jugés nécessaires aujourd’hui par certains Etats (c’est-à-dire, essentiellement à cause des dispositions de libre échange établies avec l’accord ALENA de 1994 qui a monstrueusement accru l’immigration illégale, ce qui nous ramène au cœur du système et de ses habitudes, malgré sa morale vertueuse). Quoi qu’il en soit, l’important pour notre propos reste de distinguer l’essentiel de l’accessoire dans cette affaire.

L’essentiel, bien sûr, c’est l’esprit et les actes de plus en plus anti-washingtoniens, allant dans le sens d’une attaque du moteur du système qu’est l’autorité de Washington sur le reste pour protéger le caractère de puissance homogène aux USA. «We're not waiting on Washington, D.C. », dit le sénateur Pearce, ce qui est une affirmation somme toute intéressante pour illustrer l’état d’esprit en Arizona par rapport au “centre”… Et non seulement en Arizona, mais potentiellement dans 18 autres Etats, ce qui représente effectivement un tiers des USA. C’est-à-dire qu’un tiers des USA pourrait bientôt être doté d’une loi d’importance nationale, traitant un des problèmes nationaux essentiels, sans que, jusqu’ici, Washington ait fait quelque chose de sérieux pour réguler ou contrôler ce mouvement. Cette situation constitue un phénomène important, qui est notablement de caractère centrifuge. Le plus remarquable, en l’occurrence, c’est l’espèce d’indifférence, ou d’apathie, de l’administration Obama, devant ce mouvement.

Et puis, il y a désormais l’affaire dite des “anchor babies”, qui rend les choses formellement beaucoup plus délicates. Laissons, là encore, la question du contenu de cette loi et la critique humanitaire qui s’y rapporte, et attachons-nous à l’essentiel. Cette loi viole le 14ème amendement de la Constitution et, dès lors, elle soulève un problème formel qui ne pourra être ignoré. On se trouve devant un enchaînement qui peut être très dommageable, dans un problème qui aurait dû être réglé au niveau national pour éviter une telle situation et qui ne l’a pas été à cause de la paralysie général régnant dans ce même Washington. (C’est en 2007 qu’un effort majeur a été fait au Congrès, à Washington, pour une législation nationale sur l’immigration, notamment concernant les illégaux, et a échoué. Si cette législation nationale avait été votée, l’Arizona n’aurait pu agir comme il l’a fait.). L’initiative ayant été prise par les Etats, et avec le probable succès qu’on entrevoit (jusqu’à 18 Etats), il devient extrêmement difficile, avec des risques de conflits, de tenter d’enrayer ce mouvement maintenant. Or, l’on voit que ce mouvement comporte désormais un aspect qui pourrait s’avérer complètement inconstitutionnel. Il devient alors impossible de l’ignorer, si la nouvelle législation du sénateur Pearce progresse, et l’on risque alors de rencontrer de graves situations de confrontation, dans des conditions où les populations locales sont souvent très favorables à ces initiatives au niveau des Etats.

Ainsi se sont créées peu à peu, à cause du désordre et de l’impuissance à Washington, les conditions d’une situation qui pourrait déboucher sur de graves conflits constitutionnels entre un (des) Etat(s) et le “centre”. L’état d’esprit est désormais caractérisé, dans les Etats, par la remarque du sénateur Pearce : «We're not waiting on Washington, D.C. »


Mis en ligne le 15 juin 2010 à 11H49