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1394Erik Rush est un commentateur, africain-américain, ultra-conservateur, collaborateur du site WorldNetDaily représentant la frange chrétienne-évangéliste maximaliste de la droite US, dont la cible principale est l’islamisme, c’est-à-dire, pour faire court dans leurs pensées, les musulmans un général. C’est ce qu’a fait Rush, – faire court, – sur son tweet, – objet de communication où il est effectivement recommandé de faire court. A propos du cas “Bostonmarathon” (l'attentat du marathon de Boston, en langage tweet), Rush écrit d’abord : «Everybody do the National Security Ankle Grab! Let's bring more Saudis in without screening them! C'mon!» Interrogé sur le fond de sa pensée, Rush répond effectivement court, – et clair, tenant compte que le “them” dans ce second tweet signifie “les musulmans” : «Yes, they’re evil. Let’s kill them all.»
The Independent a publié un compte-rendu sur l’incident qui, on s’en doute dans ces temps de communication extensible et extensive à l’infini dans un temps infiniment court, a pris des proportions nationales, puis internationales et quasiment de civilisation-en-crise… (Le 16 avril 2013.)
«His comments nevertheless provoked a fierce reaction. One user wrote: “Hope people don't go on the ‘Muslims did it’ bandwagon. Don't be an idiot and know the facts first.” Another commented: “Apparently someone at Fox News tweeted ‘Kill All Muslims’ after the explosions. As a Boston resident, and as a human being, I'm disgusted.”
»Mr Rush responded to one Twitter user who complained about his comments by saying: “Sarcasm, idiot.” But in subsequent comments on the social networking site he hit out at “Islamist apologists.” He wrote: “It's nice to see all the Islamist apologists standing up for those who would waste them in a heartbeat.”
»Mr Rush, a New York-born conservative columnist and frequent guest on Fox News, gained notoriety during the 2008 election campaign when he highlighted controversial comments made by Barack Obama’s former pastor Jeremiah Wright. He has also written articles critical of Islam. Last year, Mr Rush wrote a comment piece titled ‘Yes, Islam is an enemy’. In it he argued that Islam was incompatible with American society. “Islam has never played well with others, and this is because it is a worldview with a creed, dogma and religious aspects, rather than a religion per se. All of these militate against its tolerance of divergent societies and cultures,” he wrote. He went on: “This is truth: Both the political left and Islamists in America have been exploiting the First Amendment and Americans’ generous nature in order to conquer us.”»
Bien, laissons là le commentateur Rush, non sans avoir observé qu’il n’est pas un excité isolé, une exception hystérique qui confirmerait une règle de calme, de mesure, d’appréciation rationnelle. Il est un exemple parmi d’autres, de très nombreux autres, dans une atmosphère qu’on pourrait qualifier du mot déjà employé d’“hystérisation”. Le marathon de Boston, compétition exemplaire et traditionnelle puisque la première du genre fut instituée en 1897, a donc confirmé d’une façon effectivement massive l’apparition comme système majeur de la guerre qu’est prétendument notre époque, l’AHM, – ou “arme d’hystérisation massive”.
Simon Jenkins, du Guardian, en est à la fois atterré et stupéfait (le 16 avril 2013). Il cite un proverbe chinois qui nous instruit sur la tactique de l’ennemi qui cherche à “nous faire faire ce qu’il veut que nous fassions”, et Joseph Conrad dont le fameux Secret Agent disait que le but du poseur de bombe n’est pas de tuer mais de créer la peur de mourir. Jenkins prend donc sa plume pour dénoncer cette considérable hystérisation qui a suivi, comme effet principal, l’attaque du marathon de Boston. Il n’est pas assuré que lui-même ne donne, par certains côtés de son raisonnement, l’exemple même de cette hystérisation, mais la démonstration n’en est que plus convaincante.
«I know who the real terrorists are. Some of them set off a bomb during the Boston marathon, killing three people and injuring 176. Such things happen regularly round the world. For those in the wrong place at the wrong time it is a personal catastrophe.
»Such deeds are senseless murders, but they are not terrorism as such. What makes them terrorist is the outside world rushing to hand their perpetrators a megaphone. Murder is magnified a thousandfold, replayed over and again, described and analysed, sent into every home. A blast becomes a mass psychosis, impelling a terror of repetition and demands for drastic countermeasures. An act of violence that deserves no meaning is given it.
»Today in Britain Margaret Thatcher's memorial service was being “reviewed in the light of the intelligence and security environment“, as if Boston had suddenly rendered London insecure. Sunday's London Marathon was likewise “under discussion”, as officials had to deny that it might be cancelled. David Cameron had to speak. Boris Johnson had to speak. Could the Boston bomber have been awarded any greater accolade? I heard a radio reporter intone that it was “incredibly difficult to make sporting events safe and security”. It is not incredibly difficult, it is impossible. But who dares say so, when the great god terror stalks the land, hand-in-hand with the BBC's World at One? […]
»This heightened sensitivity to terror is ubiquitous. Back in Britain there is not 10 minutes’ peace on a Virgin train without a voice intoning that we should “look out for any suspicious objects or persons and report to the police”. This is pure Big Brother, the mutualisation of suspicion. A quiet walk round Westminster or Kensington is jarred by wandering policemen toting machine guns. They may be just showing off, but showing off to what purpose? We have even come to regard it as normal.
»Domestic security has become “national security” and left to account only to public fear. It employs millions of Americans, in a country under no existential threat. I asked a British civil servant if, at planning meetings, anyone ever suggested a particular counter-terror measure might be over the top, such as surface-to-air missiles at the Olympics. The answer was no one would dare. Richard Branson lacks the guts to stand down his scaremongerers. The Met's Bernard Hogan-Howe lacks the guts to call off his Westminster Tonton Macoute. […]
»The Chinese proverb bids us always to ask what the enemy most wants us to do. The terrorist craves us to give him publicity, reaction and retaliation. The media is his megaphone. There is a world of difference between reporting a bombing and giving it blanket coverage. This week's media has shown no inclination to deny terror the oxygen of publicity. Asked what the significance of the Boston bomb was, the US terrorism expert Rick Nelson told the BBC: “The fact that here we are talking about it…”»
… Il est venu à nos oreilles distraites que l’Assemblée nationale et française aurait observé une minute de silence pour les victimes de Boston, à l’ouverture de la séance, hier. (Nous ne sommes pas sûrs du tout de nos oreilles qui sont d’un âge vénérable, et si la chose est fausse dont acte, – mais l’on admettra que si non è vero, è ben trovato tant l’esprit est bien rendu, de la réaction qui a parcouru le bloc BAO à cette occasion du marathon de Boston) … Le conformisme rend stupide, et le conformisme hystérique rend hystériquement stupide, même si c’est dans le complet coupé trop court et informe du président Hollande et derrière sa mine apparemment sereine du président “normal” qui est aux manettes de contrôle. Le caractère remarquable de l’hystérisation dans les circonstances référencées est bien qu’il ne nécessite pas nécessairement et systématiquement l’hystérie voyante, mais une hystérie dans une situation extraordinairement relative dont on ne connait plus rien, ni de la réalité, ni de sa vérité, sinon qu’elle est dans tous les cas, – hystérie voyante ou hystérie au second degré, – le produit du conformisme-Système qui ne cesse de contraindre notre psychologie. Notre psychologie est donc la victime secondaire, mais combien puissamment atteinte, de l’attentat.
Certes, le spectacle du bloc BAO est, sans surprise, très affligeant et lourd à supporter. Il n’empêche qu’il y a très certainement un enseignement à tirer, non pas de l’attentat, non pas des coupables, non pas des déclarations officielles, non pas des appréciations politiques, etc., mais plutôt de ce caractère d’hystérisation. La grotesquerie est manifeste d’enflammer le monde pour un tel événement, quand on le compare aux amoncellements de misères et de cruautés qui parcourt le monde chaque jour. (Le Washington Post a eu l’idée, inhabituelle pour lui parce que bienvenue, de publier une analyse d’AP où nous est détaillé un décompte de quelques événements sanglants, dans le cadre d’attentats ou d’affrontements autour du terrorisme, qui ont eu lieu dans le monde le jour où l’attaque contre le marathon avait lieu : voir le 17 avril 2013. Le décompte mesure l’hypocrisie de nos manifestations d’auto-victimisation.)
Comme on peut l’observer à l’éclairage de l’évidence, l’hystérisation va donc avec le conformisme, et c’est le conformisme qui permet l’hystérisation en désignant aux psychologies le champ de l’épanchement et de l’anathème sans limites à l’occasion d’un tel événement. Le conformisme semble ainsi donner à ceux qui le suivent licence pour se précipiter dans l’hystérisation. Nous soupçonnerions grandement que cette hystérisation dans le conformisme soit, justement, une manière de défoulement des contraintes qu’impose le conformisme, qui n’est pas toujours, ni aisé, ni enrichissant à suivre. Mais la situation est alors remarquable et complètement invertie, parce que cette hystérisation-défoulement doit se faire nécessairement, puisqu’autorisée par le conformisme, dans le cadre conceptuel toléré par le conformisme. Par conséquent ce n’est pas du tout un défoulement mais une hystérisation de la chose qui nécessiterait un défoulement, – donc, le contraire d’un défoulement. Ainsi, on ne garde de l’hystérisation-défoulement, que l’hystérisation. Ainsi apparaît-on, non comme un individu libéré des chaînes du conformisme, mais comme un dément du fait du conformisme, un dément au sens de pathologiquement “irresponsables”. (Effectivement, qui ne suit que le conformisme dans sa pensée n’a aucune pensée propre, aucune responsabilité, irresponsable par définition, donc dément.) Bien entendu, l’une des méthodes pour évacuer ce problème est d’écarter son irresponsabilité en s’accouplant à l’infraresponsabilité, mais la démence n’en disparaît pas pour autant.
Comme on l’a suggéré plus haut, cette hystérisation se fait d’ailleurs dans tous les sens, y compris dans celui du type-“il faut raison garder”, où un auteur se félicite que l’hystérisation n’ait pas tout emporté (cela reste à voir, au reste), comme si tout de même l’attentat du marathon de Boston rendait compréhensible que l’on versât dans l’hystérie, et que c’est une grande sagesse que l’on ne s’y soit pas perdu… Un analyste que nous jugeons souvent de fort bon sens, Stephen M. Walt, montre qu’il a lui-même, sous une forme d’apparence très rationnelle, une faiblesse de type hystérisation lorsqu’il se félicite que le monde entier du bloc BAO (pléonasme, cela va sans dire) n’ait pas tout à fait versé dans l’hystérisation. (Walt reste tout de même américaniste et à l’intérieur du Système.) Observer ceci à propos des réactions à l’attentat de Boston, c’est pratiquer une hystérisation invertie en grossissant monstrueusement l’événement pour pouvoir conclure que la réaction est finalement mesurée :
«Thus far, the response to this outrage has been encouraging. For the most part, people have refrained from ill-informed speculation about responsibility. Boston and Massachusetts officials responded intelligently, swiftly, and calmly to yesterday's events, and ordinary citizens at the scene reacted in ways that makes one proud of our common humanity. If the perpetrators were seeking to sow confusion and panic or trigger some sort of massive over-reaction, they failed. I am confident we will eventually find out who did this and that they will eventually be brought to justice.» (Foreign Policy, le 16 avril 2013.)
En d’autres mots, nous dirions que, de quelque façon qu’on apprécie les réactions constatées après cet événement qui ne serait en temps normal qu’un incident possible sinon inévitable dans une société aussi complexe que la nôtre, elles conduisent à constater la fragilité et la vulnérabilité extrêmes de nos psychologies, et, plus généralement dit, de “notre” psychologie-Système. Ainsi le constat vient-il, ou se confirme-t-il serait-il plus juste de dire, de l’existence d’un extraordinaire contraste, d’une contradiction presque insupportable, entre un groupe humain (le bloc BAO) inscrit dans un Système qui ne peut se concevoir qu’en guerre permanente, nihiliste et dissolvante, et entièrement soumis à lui, et l’incapacité presque pathologique de la psychologie de ce groupe humain d'appréhender les conséquences les plus courantes, les plus anodines d’une telle situation de guerre. Le conformisme-Système déployé pour dissimuler cette contradiction, l’irresponsabilité prestement camouflée en infraresponsabilité, l’hystérisation qui ne résout rien de la frustration qui nous écrase, voilà le véritable bilan de l’attentat de Boston. Ce n’est qu’une confirmation de l’enfermement que crée la dynamique surpuissance-autodestruction du Système pour le sapiens évoluant sous son empire : à la fois affirmation de surpuissance, à la fois incapacité mortelle de l’assumer et de la supporter.
Mis en ligne le 17 avril 2013 à 14H46
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