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1509Berlusconi a choisi d’aller à Saint-Petersbourg, rencontrer Poutine et quelques autres, plutôt que d'aller voir le Prince Abdallah de Jordanie à Amman. On lui en fait grief à Rome, où l’opposition de gauche juge que ce personnage fantasque et inconsistant autant qu'inconstant, perdu dans de piètres affaires de fesses et dans de misérables affaires de fric, préfère fêter l’anniversaire de son ami Poutine que d’aider à l’établissement de la paix au Moyen-Orient. Pour une fois, même s’il y a une fiesta pour l’anniversaire, le sérieux n’est pas du côté qu’on croit.
• …Car, aujourd’hui, à Saint-Petersbourg il y a aussi, et d’abord, une rencontre à trois: Poutine et Berlusconi certes, mais aussi le Turc Erdogan, comme l’indique Novosti ce 21 octobre 2009. En quelques mots simples: «Le gazoduc South Stream sera jeudi au centre d'une rencontre entre les premiers ministres russe, italien et turc, Vladimir Poutine, Silvio Berlusconi et Recep Tayyip Erdogan, à Saint-Pétersbourg.»
• Il faut dire que, le 19 octobre 2009, la Turquie a donné son feu vert pour le début des travaux de prospection en Mer Noire pour la mise en place de SouthStream. Au téléphone, Medvedev a remercié le ministre turc des affaires étrangères, qui l’avait appelé personnellement pour lui annoncer la nouvelle.
• On sait également que les négociations débutent, ou ont débuté ce mois-ci, entre Gasprom et EDF, pour associer les Français au projet.
• Enfin, Medvedev a calé, le 20 octobre 2009, la participation serbe au projet SouthStream, qui sera mise au point dans le mois qui vient.
SouthStream est un projet économique qui prend résolument les allures d’un axe politique. Il faut s’en expliquer.
@PAYANT L’affaire fut politisée avec la concurrence affichée du projet Nabucco, explicitement lancée pour brûler les Russes dans cette question stratégiques des gazoducs de la région Caucase/Russie. Nabucco est largement en retard sur SouthStream, mais ce n’est qu’une affaire technique. Plus essentiel est de constater que, politiquement, il a complètement échoué et provoqué une réaction politique qui peut aller loin. Il a suscité, par la posture agressive anti-russe qui avait accompagné son lancement, un axe qui prend incontestablement des allures politiques fortes. Berlusconi aura sans doute sa fiesta, mais il est surtout dans un entretien (SouhStream) qui prend les allures d’un axe Moscou-Rome-Ankara (auquel pourrait s’ajouter Paris, avec la cerise sur le gâteau – petite revanche du Kosovo – d’un accord secondaire avec Belgrade). Tout cela forme une belle cohérence politique. Pour une fois, nous dirions que l’opposition italienne a tort et que Berlusconi est bien plus avisé de se trouver à Saint-Petersbourg qu’à Amman, pour évoquer une “paix au Moyen-Orient” qui n’est que du bavardage tant que l’Europe n’aura osé enfin dire son fait à Israël – comme la Turquie le fait… Turquie qui, elle aussi, est à Saint-Petersbourg.
La cohérence de cette association économique qui prend des allures politique est particulièrement intéressante. Face aux manigances et aux manœuvres déstructurantes des divers complices, résidus de l’ère néo-conservatrice, cet “axe” est particulièrement structurant, et l’on espère que les négociations avec EDF vont y ajouter la France. L’affaire SouthStream est désormais absolument politique, encore bien plus que stratégique. Elle ne concerne plus la seule question de l’énergie mais, bien au-delà, la question politique de l’évolution des groupes et alliances dans la lutte des forces structurantes contre les forces déstructurantes.
On y trouve les rôles stabilisateurs et structurants de la Russie et de la Turquie, qui marchent main dans la main, et la possibilité pour des pays européens, loin des bavardages idéologiques de la Commission européenne, de jouer un rôle très important dans un vaste concept. Des pays de l’Europe élargie à la Russie et à la Turquie peuvent faire grande oeuvre et oeuvre utile en y impliquant effectivement l’Europe occidentale en tant que telle, hors de la servilité atlantiste qui commence à sentir le rance et le moisi. (En passant, on n’a pas fini d'évoluer dans le paradoxe et dans la comedia avec un Berlusconi, corrompu du type exubérant, si longtemps un des alliés n°1 de Bush... Mais tout est bon à prendre, dans une partie qui dépasse les jugements moraux sur des acteurs qui sont dans ce cas des instruments d'une politique féconde.) Dans ce cas, également, SouthStream n’est qu’un pion sur un échiquier bien plus vaste, qui concerne une nouvelle orientation politique, complètement structurante, du cœur de cet ensemble qui se rapproche de ce que les géopoliticiens désignent comme l’Eurasie – avec les rapports avec la Chine à l’Est qui soutien elle aussi tout ce qui peut lutter contre la déstructuration américaniste, avec les puissances de flanc-garde qui jouent dans ce jeu un rôle essentiel – on ne mesurera pas ses éloges à ce propos, encore une fois, à propos de la Turquie. Cette démarche structurante est un obstacle qui ne cesse de prendre du poids face à l’entreprise déstructurante et hystérique issue de l’époque Bush/neocons, regroupant, derrière les USA d’Obama qui ne peuvent fixer une politique assurée, autant les Etats-satellites type-Géorgie que l’Israël actuellement totalement paranoïaque de Netanyahou.
Un axe Moscou-Ankara-Rome (+ Paris?) à propos de SouthStream? Qu’importe SouthStream en l’occurrence, sinon comme un outil pour animer une dynamique politique structurante d’une importance considérable. Nous espérons donc que Berlusconi aura sa fiesta chez Poutine – il adore ces choses – car, pour une fois, il l’aura bien mérité.
Mis en ligne le 22 octobre 2009 à 06H41
N.B. à 09H51: après intervention aimable d'un de nos abonnés, nous avons découvert que, par une extraordinaire machination de notre inconscient sans doute moins innocent qu'il n'en a l'air, SouthStream était devenu ClairSream dans cette même partie réservée à nos abonnés. Les corrections ont été faites à cette heure. Seuls nos abonnés partageront notre secret, qui est, au choix, soit une coupable inattention, soit un innocent lapsus affreusement révélateur. Que l'oeil attentif de ce lecteur soit remercié, et nous-mêmes, nous l'espérons, pardonnés dans un même élan.
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