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300326 avril 2014 – En 2005, le Daily Mirror révéla qu’une très dure altercation avait opposé GW Bush et Tony Blair, les deux alliés-copains de l’invasion de l’Irak, parce que le premier voulait faire bombarder le siège de la station de télévision Aljazeera au Qatar. Un lecteur du Mirror écrivit en commentaire : «This doesn't surprise me. Whenever there is truth – unpleasant truth – it seems this administration wants to bomb it.» Nous écrivions le 23 novembre 2005 :
«Les commentaires et réactions recueillis par le Mirror ont été divers. “The Mirror quoted an unnamed British government official as saying Bush's threat was ‘humorous, not serious’”, écrit l’agence AFP. Le site Al Jazeera.com, premier intéressé, rapporte: “A source told the Mirror: ‘The memo is explosive and hugely damaging to Bush. He made clear he wanted to bomb Aljazeera in Qatar and elsewhere. Blair replied that would cause a big problem. There's no doubt what Bush wanted to do – and no doubt Blair didn't want him to do it.’” »
»Hier, le Daily Mirror titrait: “Bush plot to bomb his ally” (le Qatar, en l’occurrence, où se trouvent installées des bases US et britanniques). Le porte-parole du parti libéral britannique, Sir Menzies Campbell, observ[a] : “If true, then this underlines the desperation of the Bush administration as events in Iraq began to spiral out of control. On this occasion, the prime minister may have been successful in averting political disaster, but it shows how dangerous his relationship with President Bush has been.”»
C’était du temps où Aljazeera semait la panique dans les officines du pouvoir américaniste et notamment au Pentagone de Donald Rumsfeld, où l’on tenait, avec juste raison, le système de la communication comme l’une des armes importantes de la gigantesque bataille en cours. Ce sentiment de l’importance du système de la communication n’a cessé de s’amplifier tandis que l’originalité et le courage d’Aljazeera de s’affirmer contre la puissance américaniste de la communication, eux, se sont érodés jusqu’à s’effondrer au printemps 2011. Les USA ne l’ont pas emporté contre Aljazeera, il s’agit plutôt d’une évolution brutale et impérative de la direction du Qatar (propriétaire de Aljazeera) brusquement prise d’une fièvre étrange et entamant une bataille qui la plaça aux côtés des USA et du bloc BAO, notamment en Libye et en Syrie. Nous décrivions cette chute d’Aljazeera le 13 mars 2013, marquée notamment par la démission d’une partie non négligeable de son personnel éditorial ; cette démission, non pas conséquence de la politique éditoriale antiSystème conduite par la chaîne, et par conséquent des malédictions et menaces du bloc BAO (USA), mais au contraire parce que Aljazeera, sur ordre des riches princes qataris, avait abandonné cette ligne antiSystème qui terrorisait GW Bush.
Aujourd’hui, la terreur américaniste porte un nom : Russia Today (RT), – et, cette fois, elle ne se dissimule plus dans des mémorandums secrets mais s’étalent au grand jour, comme une terreur devenue soudain si écrasante qu’on ne peut s’empêcher de la proclamer. La chaîne de TV russe sème désormais une panique de la même sorte que celle qui frappait GW Bush en 2004, mais en bien pire, en bien plus catastrophique, tant l’enjeu est aujourd’hui beaucoup plus considérable qu'en 2004 et le poids du système de la communication dans la politique bien plus grand jusqu’à modifier la substance de cette politique.
(Signe de la force de ce sentiment, RT est en général désigné State-owned TV network par la presse-Système de l’américanisme, comme l’on exprimerait une brutale envie de vomir. Disent-ils, lorsqu’ils désignent l’un ou l’autre de leurs networks, Dysney-owned TV network, Time-Warner-owned TV network, Murdoch-owned TV network, parce qu’autant le savoir la nausée est alors bien plus considérable, pour nous certes, alors que, pour eux, cette origine effectivement infâme les satisferait plutôt dans le chef d’un estomac soulagé par la perspective de la rémunération...)
Ainsi eûmes-nous droit, hier, à un spectacle sans précédent dans l’histoire de la diplomatie, d’un secrétaire d’Etat faisant d’un des sujets de sa conférence de presse une attaque ad hominem contre RT, contre un organe d’information spécifique du système de la communication. Sur la forme, il s’agit de l’abaissement de la fonction la plus haute de l’ex-prestigieuse diplomatie américaniste au niveau de l’arrière-cuisine de la lutte de propagande d’un régime en guerre, – et même, dans ce cas, compte tenu de la description des conditions de cette intervention, d’un régime aux abois.
Kerry est-il coupable ? Pour être coupable, il faut avoir la fermeté et la force de commettre un délit en connaissance de cause. Ce n’est pas le cas de Kerry, à propos duquel il faut lire et relire les articles que lui consacre Robert Parry, fruits d’ailleurs d’une grande déception personnelle (Parry connut Kerry du temps où le jeune sénateur du début des années 1980 s’engageait dans des batailles honorables où il n’hésitait pas à prendre des risques pour mettre en accusation l’une ou l’autre puissance du système de l’américanisme). Le dernier en date des articles de Parry est du 25 avril 2014, où une fois de plus le journaliste et auteur d’investigations courageuses (Parry a écrit beaucoup de choses sur le scandale de l’Irangate des années Reagan, sur la dynastie Bush, etc.) règle son compte à l’ex-brillant jeune sénateur devenu ectoplasme représentant l’ex-prestigieuse diplomatie américaniste.
En parapsychologie, il est dit d’un ectoplasme qu’il est «une substance, de nature indéterminée, prenant une forme plus ou moins précise, extériorisée par un médium en état de transe». Réagissant à l’impérative influence du medium, – une Nuland-Fuck quelconque relayant, dans un garde-à-vous transi par sa mission de relais, des consignes-Système venues du Système, – Kerry a pris la forme qui convient, qui est celle de la perte de la maîtrise de ses nerfs dans cette occurrence où un organe non-américaniste (et plus souvent qu’à son tour antiSystème) du système de la communication s’affirme avec une force et une sophistication qui valent largement ceux de ses collègues haineux de l’américanisme. Néanmoins, si Kerry a ses nerfs, c’est en tant qu’ectoplasme, c’est-à-dire sans véritable conscience et sans savoir pourquoi, puisque parlant d’une voix assuré de quelque chose dont il ignore qu’il en parle... Cela, c’est une évidence mise en lumière par le jugement de Pépé Escobar (interview sur RT le 25 avril 2014) : «This is the top US diplomat speaking. It's ghost-written of course, he did not write these words himself. He didn't even know what he was reading.» (On peut lire sur RT un compte-rendu de l’intervention de Kerry qualifiant RT de “propaganda bullhorn”, le 25 avril 2014, et aussi la réponse furieuse de Lavrov, sur RT également, le 25 avril 2014.)
Kerry attaquant RT, c’est Kerry défendant la vertu américaniste dans son rejet effectivement vertueux de toute propagande, car le “quatrième pouvoir” ne cesse de prétendre répondre aux vœux des Pères Fondateurs qui en firent le garde-fou et l’honneur de la démocratie américaine (depuis, démocratie “américaine” devenue “américaniste”, – nuance de taille, comme l’on passe de la vertu espérée au vice réalisée). Après tout, sur cette vertu américaniste, acceptions l’appréciation statistique de Tyler Durden, de ZeroHedge.com, le 25 avril 2014 : «If the following news had been “sourced” by Ukraine news agencies, we would caveat it by saying it is almost certainly propaganda. However, since the source for this AP story appears to be “US officials”, we will only assign a 98% probability to it being propaganda.»
Par ailleurs, l’attaque de Kerry contre RT n’est pas une surprise même si ce n’est pas un acte de grande qualité de la diplomatie des États-Unis. La chaîne de TV russe a été l’objet d’attaques vicieuses, de montages de la part de groupes neocon autour du site The Daily Beast qui en est un des relais favoris. Le principal de ces montages, début mars, fut l’esclandre à l’antenne d’une présentatrice, Liz Wahl, prétendant qu’elle était sous le coup d’une censure pro-russe et qu’elle quittait la station. L’argument de la censure s’est révélée très faiblard lorsqu’une des personnalités dont Wahl avait prétendu qu’on l’avait contrainte à une telle censure démentit la chose (il s’agit de Ron Paul, voire son témoignage le 7 mars 2014), et lorsqu’il s’avéra de surplus qu’une place bien confortable et bien rémunérée attendait Wahl après sa démission-vedette. (On trouve notamment sur Truthdig.org, le 19 mars 2014, un bon récit du montage réalisé par le groupe neocon.) L’épisode ne servit donc qu'à démontrer que Russia Today était devenu assez important, assez influent, assez crédible, pour devenir une gêne grave pour le Système dont l’usage de narrative et du système de la communication est vital pour ses entreprises. L’intervention de Kerry renforce considérablement ce constat et montre combien, désormais, RT est l’une des machines antiSystème les plus efficaces dans la bataille au sein du système de la communication. (Il y a d’ailleurs d’autres attaques contre RT qui sont faites, notamment celle de Steve Bloomfield, dans le Guardian du 24 avril 2014. Bloomfield est un collaborateur de Monocle, luxueuse revue glamour et people australienne, fortement liée aux milieux de la publicité et évidemment marquée par une conception de globalisation maquillée du libéralisme bon chic bon genre, complètement dans l’orbite du Système. Dans le numéro de mai 2014 de Monocle, Bloomfield publie un long article qui est également une attaque en règle contre RT. Tout cela confirme la position principale de cible privilégiée de RT, et sa capacité de nuisance antiSystème.)
Cette puissance de RT, c’est ce que comprend parfaitement Saker, du site The Vineyard of Saker, qui résume, le 25 avril 2014, les multiples capacités de RT, et sa quasi-position de n°1 mondial dans le domaine de la dynamique de l’information au sein du système de la communication.
«But think about it: Russia Today does not broadcast in Ukrainian or Russian. It broadcasts in English, Spanish and Arabic. The only thing RT does broadcast in Russian are its documentaries on its dedicated website: http://doc.rt.com/on-air/. This is a tiny fraction of what the channel really does and its audience in Russia or the Ukraine is minute compared to the one of the big Russian TV channels. So why did Kerry single our Russia Today? The answer is obvious, of course, it is because Russia Today is a very popular TV channel outside Russia or the Ukraine. According to Wikipedia,
»“The network's signal is carried by 22 satellites and over 230 operators, which allows some 644 million people to watch the channel in more than 100 countries. RT America is available to 85 million people in the United States. In 2011 it was the second most-watched foreign news channel in the U.S. after BBC World News, and the number one foreign station in five major U.S. urban areas in 2012. It is also very popular among younger American people, U.S. college students, and in U.S. inner city neighborhoods. In 2013 RT has become the first TV news channel in history to reach 1 billion views on YouTube. According to the Broadcasters' Audience Research Board between 2.2–2.3 million Britons tuned their televisions to RT during the second half of 2012, making it the fourth-most watched rolling news channel in Britain, behind BBC News, Sky News and Al Jazeera English.”
»Remember the candid admission of Walter Isaacson, chairman of the Broadcasting Board of Governors, who openly declared that, “We can't allow ourselves to be out-communicated by our enemies, you've got Russia Today, Iran's Press TV, Venezuela's TeleSUR, and of course, China is launching an international broadcasting 24-hour news channel with correspondents around the world [and has] reportedly set aside $6 -10 billion dollars – we have to go to Capitol Hill with that number – to expand their overseas media operations.”
»So there you have it. The problem is not that Russia Today is stirring up the people of eastern Ukraine, the problem is that thanks to Russia Today the people in the West are beginning to see through the official propaganda! That is the real reason for Kerry frustrated outburst.»
Répétons-le, cette prestation de John Kerry est “sans précédent dans l’histoire de la diplomatie” en général, et donc des États-Unis comme nous l’écrivons plus haut. Cette bassesse, pour une fonction de secrétaire d’État qui se doit d’entretenir une certaine dignité, marque essentiellement l’absence totale de conscience des exigences qualitatives nécessaires de tout acte politique à laquelle sont parvenus les USA d’une part ; les dégâts considérables que RT et son immense audience causent à la politique des USA, à ses narrative, à ses constructions complètement fabriquées dans l’exposition de ses choix, de ces décisions, de sa politique en général, particulièrement celle qui est conduite en Ukraine.
On considérera donc, sans la moindre hésitation, que cette “sortie” de John Kerry est la reconnaissance de la puissance de RT et des effets considérables que cette station obtient auprès du public en général, y compris aux USA. On considérera donc, également sans la moindre hésitation, que cette “sortie” de Kerry constitue également une formidable publicité faite à la chaîne de télévision Russia Today, qui est ainsi officiellement intronisée comme le leader des réseaux de communication et d’information antiSystème, utilisant tous les moyens techniques de la presse-Système, avec un recrutement largement anglo-saxon, et notamment des journalistes US souvent déjà célèbres, et qui semblent se trouver bien dans le cadre de RT. (Le montage et la démission-bidon de Wahl, signalés plus haut, faits pour entraîner d’autres journalistes US de la chaîne russe, se sont soldés à cet égard par un échec complet : aucune démission n’a suivi le départ de Wahl.)
D’un autre côté que celui que nous avons considéré, cette intervention de Kerry rompant avec toutes les traditions de la diplomatie constitue paradoxalement une intervention assez logique et compréhensible. Cette remarque prend le contre-pied de ce que nous avons dit plus haut, mais après tout d’une façon très logique. Il s’agit simplement de replacer cette remarque dans le cadre bouleversé qu’est devenu le monde, et notamment la diplomatie, dans une époque de complète inversion. Il est absurde de considérer que la diplomatie d’une puissance comme les USA à son plus haut niveau hiérarchique puisse s’abaisser à attaquer d’une façon grotesque et diffamatoire une station de télévision, comme ferait un simple polémiste de bas étage ; il est également logique que la diplomatie US, dont la principale activité est de pure communication et productrice de narrative construite sur des mensonges systématiques, y compris à son plus haut niveau hiérarchique, tente d’éroder le crédit du principal réseau télévisé antiSystème qui axe son action sur une vision critique des activités du Système et des USA. La situation est d’autant plus spécifique à cet égard qu’on ne peut la comparer en aucune façon à celle des USA “face à” Aljazeera il y a dix ans ; d’abord parce que la partie engagée avec Aljazeera n’avait pas la puissance et l’ampleur décisive que celle qui est engagée avec Russia Today ; ensuite parce qu’effectivement Aljazeera pouvait être bombardée à tout moment dans ses œuvres vives, au Qatar même, et que ce n’est pas le cas pour RT. (De ce dernier point de vue, le technologisme [l’armement] pouvait encore triompher de la communication du temps d’Aljazeera ; on comprend qu’avec Russia Today, on ne puisse envisager en aucune façon un tel prolongement, et que la Russie n’a, en vérité, rien à voir avec le Qatar : ne la bombarde pas qui veut.) Par conséquent, John Kerry est, dans son intervention, parfaitement le secrétaire d’État de son temps, secrétaire d’État d’un temps d’inversion, de négation principielle, de mises en évidence de “valeurs” faussaires et trompeuses.
Par conséquent encore, on doit admettre qu’il s’agit d’un événement extrêmement significatif, à la fois du point de vue symbolique, à la fois du point de vue opérationnel. Il s’agit d’un Moment quasiment historique où se vérifie absolument le fait que la communication dans son sens le plus large est devenue la principale force régissant les relations internationales, dépassant de ce point de vue le technologisme lui-même. Ce que nous dit Kerry, in fine, c’est que Russia Today, dans son fonctionnement courant, est bien plus efficace, bien plus significatif dans ses effets, que les 40 000 hommes de troupes de l’armée russe “massés” le long de la frontière ukrainienne. A l’inverse, qu’importe le déploiement de F-16, de l’une ou l’autre corvette de l’US Navy en Mer Noire, de 600 parachutistes de l’armée US en Pologne pour des manœuvres si les médias-Système US, et particulièrement les stations TV, et les médias-Système à la réputation unique, ne parviennent plus à contenir la marée de communication de RT, et s’ils s’embourbent dans de cruelles sottises comme l’aventure du New York Times avec ses grotesques photos des “Russes infiltrés en Ukraine” ? Saker a raison de citer William Isaacson, – «We can't allow ourselves to be out-communicated by our enemies». (Et Pépé Escobar, concluant pour son compte, pour définir justement l’humeur américaniste en la circonstance : «[T]his is information war in fact. And the America's absolutely terrified. Because now it's not only CNN all over the world like during the war in Bosnia or during the first Iraq war. Now there is RT, Al-Jazeera, France 24, Deutche Welle, TVVE, CCTV... [...] They are terrified of Press TV in Iran, which also broadcasts in English...»)
“Moment quasiment historique”, qui vérifie la nouvelle corrélation et la nouvelle hiérarchie des forces aujourd’hui dans les relations internationales, et la valeur insaisissable des forces désormais prédominantes. En effet, la puissance de la communication est désormais la force dominante et son insaisissabilité est désormais avérée. Ces points sont mis en évidence d’une part par l’intervention de Kerry, d’autre part par le fait qu’un réseau de TV russe exerce une telle prédominance alors que la Russie (y compris l’ex-URSS avec sa réputation de superpuissance) a toujours été considérée durant l’ère de la communication comme une puissance extrêmement maladroite et inefficace dans ce domaine. Accorda-t-on jamais, pour sa capacité d’influence dans la guerre à l’intérieur du système de la communication, une capacité de seulement un milliardième de l’influence de RT à la Pravda du temps de Brejnev ou aux stations TV du temps d’alors ?
La réalisation de cette situation nouvelle, authentifiée par le label prestigieux du département d’État, introduit à la fois, encore une fois dans une situation déjà si dégradée par l’incertitude et le désordre, une incertitude plus grande et un désordre plus grand dans la situation des relations internationales, et particulièrement dans la situation de la crise ukrainienne avec ses diverses inconnues et ses risques si considérables (dont le resurgissement de situations potentiellement catastrophiques avec un retour brutal des facteurs les plus extrêmes du technologisme, comme le risque de confrontation nucléaire). D’un autre côté, bien entendu, cette situation nouvelle, cette vulnérabilité inattendue du système de l’américanisme au système de la communication qu’il maîtrisait si bien et qui se retourne contre lui (effet Janus), accentue affreusement la fragilité et la vulnérabilité du Système. Sans aucun doute, le visage crispé et figé de John Kerry représentait, lors de cette conférence de presse, le visage même du Système, son désarroi, son angoisse secrète, et d’ailleurs de moins en moins secrète, de plus en plus visible...
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