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710“Sack Goldman”, – on avouera que le jeu de mots, compréhensible presque en traduction phonétique, est tentant et The Independent n’y a pas résisté. La furie anti-Goldman Sachs (GS), partie des USA et de l’action de la SEC, est en train de prendre des allures de procès en sorcellerie et en inquisition majeur. Il faut dire que GS est tout cela, – sorcier malfaisant, digne de l’inquisition et tout le reste. On verra où tout cela nous mènera, en attendant le spectacle est édifiant.
En attendant (bis), il n’est pas difficile de trouver aujourd’hui un article, de quelque presse que ce soit, alternative, people ou Pravda, pour sentir la chaleur des boulets tirés contre GS. Restons donc avec The Independent de ce 20 avril 2010, simplement “pour l’exemple”, chacun connaissant parfaitement les tenants et les aboutissants de l’affaire. Ici, nous pouvons mesurer l’ampleur de la colère britannique, où, pourtant, la vertu financière est chose sacrée. Mais GS, qui, hier encore, dominait le monde, aujourd’hui est précipité dans les flammes de l’enfer. Nous verrons de quoi demain sera fait.
«Goldman Sachs should be suspended from working for the Government until the outcome of a fraud case brought against the investment bank by US regulators is known, opposition politicians said yesterday.
»The demand from the Tories and the Liberal Democrats came as the Financial Services Authority (FSA) began an investigation into the Wall Street giant's operations in London. Goldman Sachs is on a rota of investment banks that advise the Treasury about debt issuance, which has risen dramatically as the budget deficit has escalated.
»Goldman is also keen to be involved in a potential fees bonanza from the privatisation of Northern Rock and the state's interests in Royal Bank of Scotland and Lloyds Banking Group, together with a rash of sales of state assets including the Tote bookmaker, the Student Loans Company and the Channel Tunnel rail link.
»Yesterday, however, there were calls for Goldman to be taken off the list of approved banks pending the outcome of a fraud investigation by the US Securities and Exchange Commission (SEC). America's financial regulator claims Goldman and one of its vice-presidents, Fabrice Tourre, defrauded investors by mis-stating and omitting key facts about a financial product tied to subprime mortgages as the housing market began to collapse. Goldman denies any wrongdoing.
»After Gordon Brown described the US bank as "morally bankrupt" at the weekend, Vince Cable, the Liberal Democrat Treasury spokesman, said yesterday: “The Government should not be paying for the services of a bank that is being investigated on both sides of the Atlantic. The allegations made against Goldman Sachs are extremely serious. Not a penny of taxpayers' money should be paid while these allegations hang over [the bank].”»
@PAYANT N’attendez nulle exclamation de notre part sur la monstruosité de la fraude, des montages, des manipulations et le reste des “artistes” de Goldman Sachs, au premier rang desquels la France éternelle, sarkozyste et globalisée a apporté sa contribution. (Le “Fabulous Fab”, comme il s’intitulait lui-même dans un e-mail, c’est-à-dire Fabrice Tourre, Français, vice-président de GS et détaché à la City de Londres, et l’un des cerveaux qui conçut le montage jugé désormais fautif aux yeux du monde ébahi.) Qu’il nous suffise de rappeler notre phrase ci-dessus: “GS, qui, hier encore, dominait le monde, aujourd’hui est précipité dans les flammes de l’enfer”… Ainsi la chose doit-elle nous permettre, une fois de plus et parce que seule cette sorte de commentaire a de réel intérêt, de mesurer la crise du système en général, sa corruption impossible à supporter même pour les apprentis-corrupteurs, sa décrépitude dans le désordre et le chaos. Hier, GS tenait les fils du “complot” qui tenait le monde, aujourd'hui il convoque précipitamment ses armées d'avocats pour élaborer en toute hâte un système de défense qui tienne la rampe... Ne vous fiez pas trop vite au “complots” du temps, ils durent moins qu'une bonne éruption d'un volcan islandais au nom imprononçable.
Qu’on nous épargne les fables et les éditoriaux sur ce système merveilleux capable de se retourner pour trouver sa branche pourrie et la couper à ras le tronc. Ce système, à force de voir ses branches pourries tomber l’une après l’autre (car il n’y a même pas besoin de les scier, la pourriture obligeant par simple crainte de l’explosion de casser toutes ces branches), commence à ressembler à un tronc réduit à sa plus simple expression, et lui-même pourri jusqu’à l’os, si l’on ose dire. On sait que GS n’est pas la première branche pourrie à menacer de s’écrouler et qu’on nous la citait en exemple il y a six mois comme une sorte de régénérescence du système après le coup de tabac du 15 septembre 2008. Il faut donc bien voir de quoi il s’agit.
La position de GS, passant du Capitole à la roche tarpéienne en l’espace de quelques mois et de quelques dizaines de $milliards d’on ne sait quoi, – fraudes, bonus, bénéfices, frais de restaurant ou frais de téléphone portable, – n’illustre fondamentalement ni la rapacité, ni la corruption, ni l’amoralisme du système, mais le complet chaos où le dit système s’agite désespérément. GS avait déjà été mis en cause (“moralement”, s’entend) en juillet 2009, en raison de ses bénéfices jugés “indécents” par le chœur des vierges vertueuses qui nous sert d’appareil politique. Et puis on avait fait avec et reconnu en GS le grand vainqueur du steeple chase du 15 septembre 2008, lorsqu’il s’offrit le scalp des finances grecques. Entretemps, le Sunday Times avait publié un long article, mi-admiratif, mi-prudent, où l’on discutait avec le grand CEO (Chief Executive Officer) actuel de GS, dont, en vérité, nous n’avons pas le nom en mémoire, au contraire de la phrase qu’il offrit, en désespoir de cause, à l’intervieweur du journal de Murdoch l’interrogeant sans doute sur le fondement des activités de Goldman Sachs. Il fut répondu que GS ne faisait pas autre chose, avec ses méthodes, ses gains et ses habiletés diverses, que «the God’s work». (Cf. “la main divine” qui arrange si bien les marchés du capitalisme pour nous ouvrir les portes du Paradis. Nous le jurerions, malgré l’étonnement discret du journaliste, le CEO de GS parlait du «God’s work» comme de la mission de Goldman Sachs presque avec des larmes dans la voix et un accent de vérité qui ne peut tromper.)
Aujourd’hui, horreur et déstructuration! Ne découvre-t-on pas que GS est un “escroc” comme il y en a dans tous les casinos du monde, où les joueurs professionnelles se baladent avec leurs martingales qui ont la particularité de jouer avec les règles du jeu plutôt que de les respecter? Et Dieu alors, dans tout ça, qui fera son job?… Laissons-les jouer avec leurs poussières (dorées, au demeurant). Observons que Washington et Londres commencent à vouer GS aux gémonies alors qu’on se rapproche des élections dans ces deux capitales, ce qui doit finir par vous convaincre que la démocratie, c’est une affaire qui marche.
Est-ce que tout cela est bien sérieux ? Non, bien sûr… Sauf que, nous observons la poursuite de la fameuse série de “la discorde chez l’ennemi”, dont la variante pourrait être après tout “les termites se dévorent entre elles”. Il n’est pas vraiment nécessaire de faire le décompte des pertes des uns et des autres, des assignations à comparaître, des amendes, des condamnations peut-être. Il suffit de constater que l’idole d’hier, honnie en passant avant-hier, acclamée le jour d’avant avant-hier, aujourd’hui est traînée dans la boue putride des vilains pris en flagrant délit de magouillages de nos vertus officielles. “Pas vu, pas pris”, ou bien “responsable mais pas coupable”, jusqu’ici, voilà que GS est désormais sous la menace la plus terrible qui soit. Il leur faut une victime expiatoire, un bouc émissaire, pour qu’ils continuent à psalmodier que, malgré tout, malgré ses moutons noirs, le système continue à marcher. Parce que, bien entendu, ils sont tous de la même boutique, et la stupéfaction douloureuse d’un Gordon Brown devant la découverte que GS est un océan de turpitudes diverses vous arracherait presque des larmes d’un rire sans joie.
Bon, nous n’allons pas pleurer sur le sort de Goldman Sachs, sorte d’Himalaya de la corruption et de la tromperie financière d’un système bâti effectivement sur ces “valeurs”. On dira, c’est toujours ça de pris, ou bien que c’est toujours un bon direct bien placé. Mais ne comptez pas une seconde que cela change quoi que ce soit à leurs pratiques, ni ne réforme l’irréformable système par essence. Par contre, amusez-vous tout de même à compter les coups, car ces coups de boutoir régulier dont l’attaque contre GS est le dernier en date, des coups régulier comme le balancier d’une de ces vieilles horloges de la salle à manger qui égrène le temps qui passe, finissent par vous faire penser qu’en vérité, désormais, le temps leur est compté. Du Bûcher des vanités au Régal des vermines, titres d’œuvres littéraires jamais plus d’actualité qu’aujourd’hui, notre cher système est effectivement, sous nos yeux attentifs et qui commencent à montrer la lueur d’une certaine satisfaction, tout bellement et discrètement en train de s’effondrer.
...«The God’s work», peut-être bien.
Mis en ligne le 20 avril 2010 à 12H24
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