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975Le sommet entre l’Union Européenne et les USA, le 3 novembre dernier à Washington, a laissé une très mauvaise impression à Bruxelles, dans les milieux européens. Même si personne n’en parle officiellement – on s’en doute tant le sujet est tabou – on peut sans la moindre hésitation parler d’un “malaise”.
@PAYANT Le président Obama, qui avait d’autres occupations ce jour-là, n’a passé qu’une petite heure au sommet du 3 novembre, le temps de quelques photos pour quelques poignées de mains. Les officiels européens ont éprouvé une très mauvaise impression et certaines notes de hauts fonctionnaires européens appréciant la rencontre, diffusées en interne, ont été classées “confidentielles” (la preuve) tant le langage employé était extrêmement dur. Les Européens ont été effarés des problèmes de stagnation du pouvoir à Washington, constatant notamment combien Obama est pieds et poings liés par rapport au Congrès, notamment sur les initiatives de lutte contre la crise climatique qui est un des thèmes favoris de l’Europe institutionnelle.
Le “malaise transatlantique” prend une forme très étrange. Devant les objurgations lancées pour tenter de revitaliser les relations transatlantiques entre l’UE et les USA, certains fonctionnaires s’avouent incapables de contrôler un tel processus. «Les fonctionnaires des services chargés de ces relations à la Commission reconnaissent qu’ils ignorent combien de “task forces”, de comités, de groupes communs ou pas travaillent sur cette question dans l’appareil bureaucratique transatlantique, explique une source européenne. On en arrive à penser qu’il est impossible de parvenir à établir un contrôle du processus pour tenter de lui donner une orientation ou une impulsion. Les relations transatlantiques avec l’UE stagnent et étouffent sous le poids d’une sorte de bureaucratie de la coopération transatlantique.»
Du côté US, des interventions très pressantes sont enregistrées, notamment lors de séminaires transatlantiques, pour une “relance” des relations transatlantiques, avec des propositions portant sur tous les domaines imaginables. «On trouve de plus en plus d’experts US pour insister sur la nécessité de régénérer les relations transatlantiques, dit notre source, et l’on a même entendu, lors d’un séminaire cette semaine, l’un d’entre eux parler de la nécessité d’un G2, mais entre les USA et l’Europe !» Ces experts viennent des milieux très classiques de l’establishment US, du type Council of Foreign Relations.
Dans ces rencontres, lorsque les experts US sont confrontés à des remarques plus structurées des Européens, par exemple concernant le désordre épouvantable (pour la référence aux dossiers de “coopération” transatlantique plus ou moins en cours) d’affaires comme le JSF (avec des participants européens qui sont privés de l’accès aux codes sources) ou le ravitailleur en vol KC-45 de l’USAF (où le concurrent EADS/Northrop Grumman refuse désormais de participer à la compétition à cause de spécifications qui favorisent Boeing), ils ne répondent pas d’une façon précise sinon par une confusion inévitable. «Là encore, suggère notre source, la sensation est de se trouver devant des experts qui, passant des souhaits aux réalités, reconnaissent implicitement qu’il s’agit, avec le système de l’américanisme, d’un système totalement bloqué.»
En réalité, tout cela ressemble plutôt à un appel au secours, comme une reconnaissance implicite du côté US que les USA ne contrôlent plus la situation de leur hégémonie qui devient ainsi une coquille vide, ni même leur propre situation intérieure. Il semble que ces appels à la coopération transatlantique, sur un tissu de coopérations innombrables, déjà lancées et sans effets réels, un tissu de plus en plus paralysé, saturé de programmes et de structures bureaucratiques qu’on ne parvient même plus à identifier, constitue une tentative de faire sortir le système de l’américanisme de la léthargie générale et mortelle où il s’enfonce. En un sens, la situation européenne n'est pas meilleure mais la différence est évidemment que les Américains viennent d'une situation psychologique où ils croyaient dominer le monde et la gestion de leur propre puissance.
(Bien entendu, les résultats de l'enquête PEW Research, que nous commentons ce même 4 décembre 2009, ont tout à voir avec ce “malaise transatlantique”.)
Mis en ligne le 4 décembre 2009 à 07H17