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1989Si l’on étudie les besoins et les activités des uns et des autres, les montages, les transferts illégaux de capitaux du Pentagone au Pentagone par des voies détournées avec retour à la cas départ, – bref, tout ce que la séquestration, cette loi faite surtout pour ne jamais servir, est en train d’interdire, – on comprend l’intérêt du Pentagone, avec le soutien du lobby israélien et de l’industrie US d’armement, pour maintenir l'aide militaire US en Egypte, sujet de notre intérêt à ce point. Nous partons donc de cette situation pour observer les agitations considérables en cours autour de la question des fournitures d’armes à l’Égypte. Cette question ne relève pas de la seule quincaillerie, tant s’en faut ; elle détermine les influences, les équilibres politiques et stratégiques, sinon les alliances au bout du compte... L’espace égyptien est, aujourd’hui, à cet égard, aussi sûr à traverser et à évaluer qu’un espace fait de sables mouvants dans une tempête de sable.
• Stratégiquement, l’aide militaire US à l’Égypte est en partie (en partie seulement) garante de la bonne volonté de la direction égyptienne de faire de son pays un carrefour stratégique important pour les USA. Le 17 juin 2013, USA Today a publié un article sur les diverses modalités dont les USA bénéficient, dans le chef de ce “carrefour stratégique” qui leur est ouvert. On observera que ces avantages sont présentés comme d’autant plus cruciaux que le Pentagone se trouve dans une situation de contrainte budgétaire (“ budget pressures”), ce qui renvoie à la séquestration.
«The U.S. military is heavily dependent on Egypt to move personnel and equipment to Afghanistan and around volatile parts of the Middle East, complicating U.S. efforts to place pressure on the Egyptian military in the wake of its violent crackdown on protesters. “Egypt has been a cornerstone for the U.S. military presence in the Middle East,” said James Phillips, an analyst at the Heritage Foundation.
»During the past year, more than 2,000 U.S. military aircraft flew through Egyptian airspace, supporting missions in Afghanistan and throughout the Middle East, according to U.S. Central Command, which is responsible for the region. About 35 to 45 U.S. 5th Fleet naval ships pass through the Suez Canal annually, including carrier strike groups, according to the Bahrain-based fleet. Egypt has allowed U.S. warships to be expedited, which often means getting to the head of a very long line of ships waiting for access to the canal.
»“The Egyptian military has always been good to us,” said Kenneth Pollack, an analyst at the Brookings Institution. Egyptian cooperation is particularly critical at a time when the Pentagon is facing budget pressures and tensions with Iran remain high.»
• D’un point de vue un peu différent, celui de la gestion, de la ventilation et du véritable usage de l’aide militaire US à l’Égypte ($1,3 milliard sur $1,55 milliard d’aide annuelle), Juan Cole développe plusieurs raisons, sans aucun rapport avec l’aspect légal et éthique, pour lesquelles l’administration Obama est plus que réticente pour suspendre l’aide militaire à l’Égypte. On trouve ce texte sur son site, le 17 août 2013... On mentionne ici quelques-unes des raisons moins souvent citées, et intéressantes à observer, parmi les dix qu’il énumère... (On observera en complément que certains “achats” égyptiens que mentionne Cole, notamment celui de divers contingents de chars M1A1 Abrams, sont très largement supérieurs aux besoins égyptiens. De larges contingents de M1A1 sont entreposés dans des casernes égyptiennes, sans usage, leurs livraisons ayant plutôt correspondu aux besoins de production des usines d’armement US qu’à l’équipement des unités blindés égyptiennes. Éventuellement, selon des arrangements anciens, ces chars devraient pouvoir servir d’appoints intéressants pour des unités US si celles-ci devaient intervenir dans la région. Mais ce type d’arrangement devient aujourd’hui moins certain, selon la tournure des événements.)
«... 2). The military aid, $1.3 billion a year, is mostly in-kind, a grant of weaponry . It must be spent on US weapons manufacturers. It is US arms manufacturers like Lockheed-Martin and General Dynamics (and their employees) who would suffer if it were cut off. 3). The Congress gave the Egyptian Generals a credit card to buy weapons, and they’ve run up $3 billion on it for F-16s and M1A1 tanks. If the US cancelled aid, the US government would still have to pick up that bill. 4.) Even most of the civilian aid is required to be spent on US goods and materiel. It is corporate welfare for the US. 5). The aid was given as a bribe to the Egyptian elite to make nice with Israel. Given the chaos in Sinai, and Egypt’s instability, Congress is more worried about that issue than at any time in 40 years. 6). The Israelis asked the US not to suspend the aid. 7). Congress even structured the economic aid to require some of it help joint Israeli-Egyptian enterprises in Egypt, so some of the aid to Egypt actually goes to... Israel...»
• ... En d’autres mots, cette “aide militaire” US à l’Égypte fait partie de la gigantesque architecture de manipulation d’argent, de “blanchiment” d’argent, cette espèce d’organisation mafieuse établie par le système washingtonien et le complexe militaro-industriel, dont le Pentagone use, avec l’approbation tacite du Congrès, en suivant certains circuits, dont ceux que Cole a indiqués. On comprend que, dans des temps de séquestration où de tels arrangements ne sont plus possibles directement (alors qu’il y en avait à profusion entre le Pentagone et le Congrès), les arrangements indirects, au travers des “aides à l’étranger”, prennent toute leur valeur, leur poids d’or si l’on veut. En ce sens, on comprend que l’enjeu du maintien ou de la suspension de l’aide est loin de n’être qu’un problème politique et stratégique directs entre les USA et la zone considérée ; et qu’il est loin, également, de n’être qu’un enjeu où l’Égypte est seule demanderesse, mais que le Pentagone l’est aussi.
• D’autre part, certaines indications et spéculations persistantes, sans confirmation d’aucune sorte mais sans démenti catégorique non plus, circulent sur l’opportunité que la Russie verrait à se placer comme fourniture d’armements à l’Égypte si les liens entre l’Égypte et le Pentagone venaient à connaître de sérieuses difficultés. Cet aspect des choses est d’abord apparue en corrélation avec le voyage surprise, et discret sur le fond sans du tout l’avoir été sur la forme, – la visite de Bandar, avec quatre heures d’entretien avec Poutine le 31 juillet, n’a nullement été dissimulée, puisqu’il y a même eu des séances photos pour l’occasion. Ainsi y a-t-il eu cet article de Egypt Independent, apparu sur son site puis retiré, dont le site The Diplomat fait grand cas, ce 16 août 2013. The Diplomat met en évidence le sérieux de Egypt Independent et indique que l’article avait été repris par d’autres sites avant d’être retiré (voir The Whatchtowers du 17 août 2013). L’essentiel de l’article se rapportait à ceci :
«Vladimir Putin appears to be seizing on the Egyptian crisis and the U.S. response to it to expand Russia’s influence in the Arab world’s most populous country. [...] Shortly afterwards, Egypt Independent reported that Putin had called an extraordinary session in the Kremlin to put “all Russian military facilities ‘at the Egyptian military's disposal.’” The report, which cited several sources without providing any further details about them, also said that “Putin will discuss Russian arrangements for joint-military exercises with the Egyptian army.”»
• Quoi qu’il en soit, ce domaine de l’armement égyptien, ou de changement éventuel de fournisseur d’armements avec la question de l’influence qui va avec, est un sujet qui est d’actualité, entre rumeurs et nouvelles démenties c’est selon, depuis le même 31 juillet et la même visite à Moscou de Prince Bandar, ce chef du renseignement saoudien considéré par la CIA comme “notre homme à Ryad”, mais qui aurait l’air moins pressé de répondre aux appels de Washington (voir le 17 août 2013). Le 3 août 2013, DEBKAFiles avait fait très fort en annonçant une possible visite de Poutine au Caire le 7 août, et un possible accord sur la fourniture d’armements russes à l’Égypte financé par l’Arabie : «President Vladimir Putin is set to visit to Cairo – possibly next Wednesday Aug. 7 – on the advice of Saudi intelligence chief Prince Bandar bin Sultan, DEBKAfile reports exclusively. The prince landed in Moscow Wednesday, July 31 without warning. He told Putin that Saudi King Abdullah was in favor of the Russian president going to Cairo as soon as possible and did not rule out the visit occasioning the signing of a large Russian arms sale to Egypt, bankrolled by the oil kingdom.»
Ensuite, diverses spéculations furent publiées concernant ce même voyage de Bandar, dont principalement, à partir d’une dépêche Reuters du 7 août 2013, affirmant que Bandar avait apporté l’offre d’un contrat d’armement de $15 milliards (mais pour l’Arabie, il n’était plus question de la Syrie) en plus d’une promesse de contrecarrer tout projet de fourniture gazière vers l’Europe concurrençant la vente de gaz russe à l’Europe, contre l’abandon du soutien russe à Assad en Syrie. Plusieurs articles et déclarations russes ont brutalement rejeté cette version qui ressemblait un peu trop à un marchandage de bazar. Pourtant, le site russe Argumenty Nedeli Online reprenait le 8 août un succédané de la version DEBKAFiles, selon ses propres sources (traduction du russe : «Riyadh asked Putin to support the Egyptian military, which had ousted Qatar`s protégé, former Muslim Brotherhood president Morsi. It is expected that Putin will in the very near future be making a lightning visit to Cairo in order to bless by his presence the conclusion of arms deals between our countries. But since impoverished Egypt has effectually nothing with which to pay for the weapons, the deal is being financed by the Saudis. The support of a secular, albeit military, Egyptian regime as a counterweight to radical Islamists is in principle to the benefit of Moscow also.»)
• Cette longue chronique de l’incertitude ne peut être repoussée sous l’accusation classique d’un “canard”, d’abord parce qu’il y a eu la visite de Bandar, ensuite parce que l’idée d’une grosse somme d’argent saoudien vers la Russie a continué à être largement développée, notamment en connexion avec l’Égypte, enfin parce que les nouvelles du bloc BAO à cet égard vont dans le sens d’un durcissement vis-à-vis de l’Égypte, portant notamment sur la question des armes occidentales vendues sous les diverses conditions qu’on sait à ce pays. Les Allemands semblent se diriger vers une interruption des livraisons d’armes, en espérant entraîner le reste des pays de l’UE (voir PressTV.ir du 19 août 2013). Le même PressTV.ir indique, ce même 19 août 2013, que l’idée au moins de la suspension de l’aide US à l’Égypte gagne du terrain au Congrès et commence à prendre un aspect bipartisan.
(De ce côté-là, on pourrait avoir de surprenantes alliances de facto. Dans le parti républicain, l’archi-faucon McCain, qui a toujours soutenu l’aide à l’Égypte au nom de l’interventionnisme et de l’influence militariste US, a finalement annoncé qu’il passait dans l’autre camp pour forcer les militaires à (r)établir au plus vite la démocratie dans ce pays, selon un autre aspect de sa doctrine de l’interventionnisme cette fois qualifié de “démocratique”, qui rallie également, en général, les neocons et les libéraux interventionnistes. McCain retrouve dans ce camp son archi-ennemi au sein du parti républicain, Rand Paul, qui demande depuis longtemps l’abrogation de l’aide militaire US à l’Égypte selon le principe du non-interventionnisme, sinon d’une version “allégée” du néo-isolationnisme. Bien entendu, le mouvement pour suspendre sinon supprimer l’aide militaire US ne se réduit pas à ces seuls deux sénateurs mais touche d’autres parlementaires de ces tendances normalement antagonistes.)
On comprend l’importance de ce débat multiple. On comprend aussi qu’on ne peut le réduire aux arguments habituels d’une géopolitique qui ne joue plus qu’un rôle annexe dans les décisions. Plus importants, dans le cas US, le rôle que joue les industries d’armement et les pressions qu’elles exercent sur les parlementaires, et, bien sûr la position d’Israël favorable à la poursuite de l’aide. Pourtant, c’est la communication qui domine tout, logiquement en tant que facteur le plus important dans la détermination de ce qui tient lieu de politique extérieure/de sécurité nationale ; la communication, dans ce cas, pour ces personnalités aux psychologies diversement corrompues, c’est la narrative sur la démocratie et les droits de l’homme qui accompagne l’énoncé d’une politique qui, sans cette narrative justement, n’aurait plus guère de sens. On comprend ce rapport de force des influences du Système lorsqu’on voit l’évolution d’un McCain et de nombre d’interventionnistes-bellicistes. (Et, dans cette partie, si le Congrès arrivait à dégager une fraction très importante contre la poursuite de l’aide militaire, l’affaire serait proche d’être entendue à cause du pouvoir des parlementaires sur le budget du gouvernement, et la couardise courante de BHO, en plus de sa propre incapacité à décider clairement sa position sur la question.) En d’autres termes, la question de l’armement de l’Égypte, c’est-à-dire de l’influence extérieure prépondérante sur l’Égypte, est vraiment posée, ouverte, et constituera un débat capital pour orienter et déterminer l’évolution de la politique de sécurité nationale/la politique extérieure de l’Égypte.
Mis en ligne le 19 août 2013 à 10H29