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1190Un aspect important de la décision de la Cour Suprême du 21 janvier (voir notre Bloc-Notes du 22 janvier 2009) est en général assez peu débattu, voire même semble paraître occulté. Il s’agit de l’aspect purement institutionnel, que nous avions signalé. Dans les interventions que nous signalons dans Ouverture libre ce même 26 janvier 2010, cet aspect est indirectement présent.
@PAYANT Le cas du Représentant démocrate Grayson, que nous évoquons dans Ouverture libre, lorsqu’il donne des précisions sur les projets de loi qu’il a déposés à la Chambre, rejoint effectivement, d'une façon indirecte, l'aspect que nous envisageons. Même si certains de ces projets de loi précèdent de quelques jours la décision de la Cour – que Grayson devait connaître dans ses grandes lignes –ils seront évidemment interprétés comme tendant à tourner la décision de la Cour. Cela conduit à évoquer le conflit de type institutionnel et très fondamental qui se trouve derrière la décision de la Cour et les dispositions législatives, type-Grayson, qui pourraient être votées.
Cet aspect de la décision de la Cour Suprême est rarement évoquée depuis la décision du 21 janvier: la contestation possible de la décision de la Cour par des manœuvres juridiques, législatives ou autres. Dans le climat actuel, avec la tension qui règne dans tant de domaines politiques aux USA, cela constituerait dans l’esprit, encore plus que dans la lettre, une attaque contre le principe de suprématie de la Cour dans la Grande République – c’est-à-dire, suprématie de la Loi, ce qui est absolument le fondement de ce pays, qui n’a aucune tradition régalienne pour soutenir ce qui est l’apparence de la légitimité de la direction américaniste de Washington sur le reste.
Bien des observateurs ont remarqué que la décision de la Cour ne changeait pas grand’chose en volume d’intervention de la corruption des corporates vers les élus. Par contre, la force du symbole de cette intervention à ce moment précis, les à-côtés désagréables comme cette porte ouverte à l’intervention de forces étrangères sur l’orientation de la politique US (on accepte cela de l’AIPAC pro-israélien, pas du reste), suscitent une exacerbation des tensions potentielles, qui pourraient surgir à l’une ou l’autre occasion, pour un incident, pour une contestation électorale, etc., toutes ces choses dont la potentialité ne manque pas aujourd’hui.
D’où l’interrogation qu’on peut avancer à propos de cette décision de la Cour, obtenue par des Justices nommés durant l’époque Bush, archi-conservateurs et corrompus comme le tout-venant. De ce point de vue, on comprend cette décision qui favorise les centres de corruption du domaine des corporates, mais on observe aussitôt, dans le sens contraire, qu’elle apparaît comme une inutile provocation dans le climat actuel, pour des avantages dont on a vu qu’ils étaient réduits. L’explication de cette observation pourrait être que la Cour a agi plus par juridisme qu’on ne croit (ou “activisme juridique”, comme dit le Justice John Paul Stevens qui mena l’opposition à peine minoritaire – 4 juges contre 5). L’on voit ainsi, avec ce cas, que les divers centres de pouvoir, en plus des tensions de corruption, des affrontements partisans, etc., suivent également les automatismes de leurs domaines respectifs sans vraiment se préoccuper des conséquences sur la situation générale. De ce point de vue, par exemple, la décision du 21 janvier est moins “partisane”, moins “idéologique”, même si elle donne complètement cette allure, que celle qui proclama GW Bush vainqueur en décembre 2000. Ainsi crée-t-on un supplément de tension idéologique et politique, de déstabilisation, sans pour autant l’avoir cherché explicitement alors que tous ces hommes sont, par principe, partisans du principe de stabilité pour le système.
Quoi qu’il en soit, cette affaire est une bombe à retardement puisqu’elle implique la possibilité d’affrontement entre des pouvoirs essentiels du système. (Obama, après une réaction de contre-offensive, annonçant une action combinée Congrès-administration, s’est brusquement calmé et ne parle plus de rien. Il a admis que le terrain était brûlant.) L’action d’un Grayson, jeune franc-tireur démocrate qui admire le statut, l’efficacité et le dynamisme de Ron Paul et voudrait tenir ce rôle du côté démocrate, qui a l’avantage de ne pas être marqué idéologiquement (pas trop à gauche), pourrait provoquer des tensions avec la Cour, avec les projets de loi qu’il a introduits. Dans le contexte actuel, Grayson a tendance à pousser au maximum ces lois, qui pourraient lui assurer une popularité importante, qui l’installeraient éventuellement en novembre prochain (élections) comme chef de file d’une tendance populiste démocrate à la Chambre, si ce courant s’affirmait. A ce moment, un affrontement avec la Cour pourrait avoir lieu car ce jeune démocrate estimerait représenter, non seulement le Congrès, mais la population face à une Cour Suprême dénoncée comme soutien des intérêts des groupes de pression du Big Business.
Mis en ligne le 26 janvier 2010 à 19H31