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1100Lorsqu’on sut que l’Iran nous avait dissimulé quelque chose – démarche impensable dans les pays civilisés qui ne dissimulent jamais – ce fut un tollé absolument général. On en avait eu un avant-goût avec la diplomatie ordonnée de vitupérations de notre-Président. Les exclamations catastrophées, accompagnées de suggestions d’intervention militaire pour garder le cap politique général de nos orientations courantes, ont été nombreuses. Les Israéliens observaient avec une belle sobriété que l’on était proche d’une catastrophe nucléaire, d’un Armageddon cartographique (dito, Israël accompagné de ses fidèles 200 têtes nucléaires, rayé de la carte). Le G20 vit une belle unité des trois pays habituels (France, UK, USA), au son des déclarations martiales, accompagnant l’annonce que la crise (financière et économique, celle-là) est finie ou tout comme.
Pourtant, les choses, en-dessous de cette surface tempétueuse, sont moins abruptes qu’il n’y paraît.
• Steven Thomas, sur McClatchy Newspapers, observe le 25 septembre 2009: «The revelation Friday that Iran has a secret nuclear facility capped a calculated effort by Obama to build pressure against Iran days before a multinational confrontation over its nuclear plans on Thursday in Geneva, Switzerland. […]
»“This is a very clever way of doing it,” said Fariborz Ghadar, a professor at Penn State University and Iran scholar at the Center for Strategic and International Studies. “We've been taking baby steps. Now we have the Oct. 1 meeting coming up and we have an ace in the hole, knowing that these guys have been cheating again. He played the cheating card. They're making Iran look really bad.”
»How long Obama will keep negotiating, and whether there's some point at which he'd stop talking and take military action against Iran's nuclear facilities, however, is unknown. Rather than canceling the Oct. 1 Geneva meeting between officials of Iran and Britain, China, France, Germany, Russia and the U.S., as some neoconservatives argued he should, Obama incorporated the meeting into his negotiating strategy.»
…Les positions des uns et des autres variaient alors selon les interprétations, et selon les moments également, entre l’annonce par l’Iran de l’existence d’une usine jusqu’alors inconnue, le G20 et la prochaine réunion du 1er octobre à Genève. On observera que les interprétations des journaux n’excluent pas la confusion.
• Pour McClatchy Newspapers encore, le 25 septembre 2009: «Western powers and Russia Friday turned up the heat on Iran to suspend its uranium enrichment program… […] Unlike Brown and Sarkozy, Obama didn't explicitly threaten tougher economic sanctions if Iran continues to reject five U.N. resolutions that require it to suspend uranium enrichment and accept a deal to ensure that its program is for civilian purposes only. “We are already in a very severe confidence crisis,” Sarkozy said. “Everything, everything must be put on the table now. We cannot let Iranian leaders gain time while the motors are running.”»
• Pour The Independent du 27 septembre 2009, l’atmosphère ressemble de plus en plus à celle d’une confrontation, mais cela n’empêche pas de trouver des nuances: «While Britain looks for a diplomatic solution, the US is threatening sanctions and won't rule out military action… […] The chief option is tougher economic sanctions, but on Friday Mr Obama and administration officials did not rule out military action.»
• Enfin, et pour ce qui est de la période de temps envisagée, et jusqu’à nouvel ordre, la réaction d’Hillary Clinton, le 26 septembre 2009, par AFP, montre un ton calculé de conciliation appuyée, après l’annonce par les Iraniens qu’ils coopéreront avec l’IAEA.
«US Secretary of State Hillary Clinton on Saturday welcomed Iran's decision to admit International Atomic Energy Agency (IAEA) inspectors to a newly disclosed uranium enrichment plant. “It is always welcome when Iran makes a decision to comply with the international rules and regulations, and particularly with respect to the IAEA,” Clinton told reporters at talks with Gulf Arab foreign ministers. She was reacting to comments from Ali Akbar Salehi, Iran's atomic energy chief, who said on Iranian state television, “we have no problem for inspection within the framework of the agency regulations.” […]
»“We are very hopeful that, in preparing for the meeting on October 1, Iran comes and shares with all of us what they are willing to do and give us a timetable on which they are willing to proceed,” she added.»
@PAYANT Résumons les événements, après avoir fait le ménage dans cet amoncellement de postures et de déclarations d’hommes politiques si anxieux de nous faire croire qu’ils existent… Alors que, déjà, la tension était forte à l’ONU, avec les habituelles postures type-Sarkozy, l’habituelle tromperie d’interprétation (de traduction, même) du discours du président iranien, bref toutes les grosses ficelles occidentaliste accompagnant la paranoïa israélienne, tombe la nouvelle de l’usine d’uranium enrichie des Iraniens. Aussitôt, c’est la mobilisation, de la posture toujours, dans le type habituel, hystérique et apocalyptique. A nouveau, on parle de l’“option militaire”, comme aux bons vieux temps bushistes. Puis il apparaît qu’on se réunira tout de même avec les Iraniens, le 1er octobre, – mais, paraît-il, en position de force, comme dit Fariborz Ghadar, puisque l’Iran passe pour le “méchant” et, donc, devrait être incliné à lâcher du lest. Il semble que l’Iranien-Américain Fariborz Ghadar (professeur à Penn State University et expert du CSIS de Washington), en s’occidentalisant, perd de vue les caractères de sa culture d’origine, s’il croit que le seul fait de cette manœuvre médiatique et sémantique du côté occidental et associés influera de manière décisive sur la politique iranienne.
On dit et on écrit notablement (Washington Times du 26 septembre 2009, Wall Street Journal du 26 septembre 2009) qu’Obama était déjà au courant de l’existence ou de la probabilité de l’existence de cette usine depuis plusieurs mois, que les SR l’étaient depuis plus longtemps, et que d’autres encore étaient informés, les Français, les Allemands, les Israéliens, et vous et moi sans doute. Si cela est confirmé, la connaissance d’Obama de l’existence de l’usine est un point intéressant pour comprendre l’attitude du président US. (La nouvelle a été présentée comme venue de la Maison Blanche par le Washington Times et le Wall Street Journal, deux quotidiens qui sympathisent avec les neocons et qui semblent avoir paradoxalement bien des entrées à la Maison-Blanche d’un Obama qu’ils exècrent. On peut aussi noter que certaines sources rapportent que l’information sur la chronologie viendrait initialement et évidemment de milieux proches des services de renseignement US, peut-être avec un grain de Mossad. On peut toujours le dire, maintenant que la chose est connue, le renseignement n’aimant pas apparaître pris au dépourvu par une telle révélation. [D'ailleurs, il a toujours montré qu'il en sait toujours beaucoup, y compris l'existence des armes de destruction massive de Saddam alors que Saddam ne fut jamais mis au courant.] On s’étonnera par contre que rien n’ait filtré depuis des mois et des mois que la chose serait connue, ces milieux du renseignement étant coutumiers des pratiques des “fuites”, plus ou moins intentionnées et manipulées, vers la presse. Les services ont bien d’autres “révélations” sur les travaux iraniens dans le domaine, prêts à nous être servis.)
Quoi qu’il en soit, on peut observer que, dans cette affaire, le président US a fait montre d’une maîtrise remarquable, sans perdre de vue son but, qui est moins de faire passer l’Iran pour le “méchant”, comme le dit Ghadar, que de parler avec l’Iran. Il faut écarter les schémas conventionnels et garder à l’esprit le poids de la situation générale, hors des fascinations courantes – ce poids étant, principalement, la chute de la puissance US, dont Obama ne cesse de tenir compte. Il n’est donc pas question ici de leadership (des USA sur les autres) – cela, aussi, c’est une interprétation dépassée. Il est question des réactions des pays engagés dans le même bateau et qui cherchent une solution commune, les uns et les autres s’en tirant plus ou moins bien. Nous ne sommes plus au temps de Bush qui cherchait à rassembler une croisade, mais au temps d’Obama qui cherche, avec la coopération des autres, à résoudre le problème iranien aux moindres frais.
Dans sa première réaction, BHO n’a pas suivi les maximalistes, neocons et Israéliens en tête, qui réclamaient l’annulation de la rencontre du 1er octobre et le passage immédiat aux sanctions, en attendant la castagne finale. Ses réactions immédiates sont bonnes, on s’en aperçoit une fois de plus, avec du sang-froid, de la mesure. Le problème, là aussi comme dans les cas précédents, est de savoir jusqu’où il peut mener cette ouverture acceptable dans cette péripétie. On est moins sûr de lui parce que les faiblesses de ses qualités pourraient à nouveau apparaître: l’excellente tendance à la mesure et à l’arrangement qu’il montre comme réaction première peut conduire à manquer de résolution lorsque ce sera nécessaire (résolution pour parvenir à un accord avec l’Iran si le travail préparatoire en donne l’opportunité).
Pour les deux autres, le Britannique et le Français, rien de nouveau. Les Britanniques sont à la dérive et suivent plus ou moins celui que leur instinct suiviste leur indique (les USA), mais avec leurs nuances tactiques, et sans savoir exactement quel est leur but. Le gouvernement Brown, à cet égard comme à bien d’autres, est un pouvoir en sursis. Les Français sont menés par un énervé qui multiplie les déclarations intempestives dans ce cas, et gaspille par conséquent son crédit – s’il en a. Autant l’énergique énervement de Sarko est avantageux et remarquablement démonstratif dans certains cas, quand cela le conduit à des déclarations tonitruantes sur la crise comme à la tribune de l’ONU (avec un texte écrit par d’autres, certes), autant l’énervement devient désordre et rodomontades dans d’autres cas, le conduisant à l’excès intempestif sur un problème comme l’Iran par un maximalisme verbal sans intérêt. Russes et Chinois suivent avec prudence et circonspection, soutenant ou ne contrecarrant pas le mouvement mais veillant à ce qu’il ne dérape pas trop.
En appendice technique, on notera que les caractéristiques de cette usine, installation covert et dissimulée, installée à l'intérieur d'une montagne près de la ville sainte de Qom, avec l’idée déjà répandue que d’autres installations de cette sorte pourraient exister, rendent compte des difficultés considérables de ce que serait l’option militaire de détruire les installations nucléaires iraniennes, pour des conséquences déstabilisantes assurées accompagnant l’attaque. On reparle de l’option militaire, certes, mais c’est pour en mesurer encore mieux les extraordinaires difficultés et le potentiel explosif qu’elle recèle.
Mis en ligne le 28 septembre 2009 à 05H49
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