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1573Il est important de connaître ou, dans tous les cas, de tenter d’apprécier les tendances des différents services des forces armées US dans la crise iranienne, vis-à-vis de la perspective d’une attaque. On sait, par exemple, que l’U.S. Army et le Marine Corps n’y seraient pas impliqués et, d’une façon générale, y sont probablement hostiles à cause des menaces qu’une telle attaque ferait peser sur leurs forces en Irak. On connaît d’ailleurs, publiquement, la prudence du général Pace (un Marine, président du comité des chefs d’état-major) à propos des alertes anti-iraniennes de l’administration.
Dans la classification qu’on fait en général des positions des forces, l’USAF (surtout) et la Navy sont plutôt vues comme favorables à l’attaque. Mais il semble que, pour la Navy, il faille très sérieusement nuancer ce jugement.
Deux indications précises sont données dans l’article publié par le Sunday Times aujourd’hui sur le malaise des militaires au Pentagone, et le projet qu’auraient des officiers généraux de démissionner si une attaque avait lieu. (Nous commentons cet article dans notre rubrique F&C). Deux indications très nettes à propos de la Navy y figurent :
• La précision que des amiraux figurent parmi ces officiers généraux envisageant de démissionner («up to five generals and admirals are willing to resign rather than approve what they consider would be a reckless attack»).
• La précision extrêmement significative, montrant que la Navy entend jouer un rôle actif dans le Golfe pour contrecarrer autant que faire se peut d’éventuelles “provocations” montées par l’administration ou d’autres incidents pouvant conduire à une attaque : «A British official said the US Navy was well aware of the risks of confrontation and was being “seriously careful” in the Gulf.»
Dans ce cas, comment interpréter la nomination de l’amiral Fallon comme commandant en chef de Central Command, ce qui avait été vu comme un signe que l’administration prépare une attaque ? Cette interprétation reste valable, du point de vue de l’administration. Cela n’empêche pas l’interprétation inverse, cette fois du point de vue d’un Pentagone appuyé sur une connivence Gates-chefs militaires pour freiner la possibilité d’une attaque. La personnalité de Fallon, qui semble être un officier à l’esprit ouvert puisqu’il avait eu des conversations avec les Chinois lorsqu’il commandait dans le Pacifique, autorise cette spéculation. Dans ce cas, la nomination d’un amiral, “vendue” comme un argument belliciste à la Maison-Blanche, permet à un seul homme de contrôler à la fois les forces de la zone en général, et directement les forces aéronavales d’attaque, et de se montrer “seriously careful”.
Comment expliquer cette position de la Navy ? D’abord, la Navy est proche du Marine Corps, dont on sait l’opinion. Ensuite, la Navy a une vision globale de la situation, et surtout orientée vers le Pacifique. Elle sait qu’une attaque conduirait éventuellement à la réquisition de six à sept porte-avions (voir les précisions de Dan Plesch). Sur son effectif de onze porte-avions d’attaque, avec deux/trois en entretien de radoub, la Navy se retrouverait avec un/deux porte-avions pour contrôler toutes les mers du globe pendant une durée indéterminée. Elle serait dans l’impossibilité d’assurer sa mission centrale de contrôle des voies de communication. Ce serait à la fois une situation dangereuse et une réduction inquiétante du statut et du prestige de l’U.S. Navy.
Mis en ligne le 25 février 2007 à 14H32