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3706«Is Merkel a CIA Asset?», interroge Finian Cunnigham (sur Sputnik.News, le 30 avril 2015). Effectivement, – au terme d’“agent” (de la CIA), nous préférons le terme asset qui veut aussi bien dire un “actif”, une “valeur boursière”, un “bien” (immobilier), un “bien-meuble”, une “rente” peut-être même, à l’excellent rapport ; c’est-à-dire quelque chose qui vous rapporte à condition d’être placée dans certaines situations, et dont la valeur, du point de vue du sens de la chose qui est la dynamique productrice d’argent, devient à peu près nulle lorsqu’elle n’est plus dans ces “certaines situations”. (Un “agent”, par contre, est en soi producteur d’avantages, – des informations en l’occurrence, – pour son contractant ; un “agent” agit si l’on ose dire, il provoque ces “certaines situations” où il trouve des valeurs intéressantes, il est producteur actif et souvent quasi-autonome, et l’“agent” peut lui-même manipuler les assets de l’agence pour laquelle il travaille. Mais un “agent” pour un chef d'Etat ou de gouvernement, c'est un peu trop risqué.)
... Quoi qu’il en soit, la question se pose toujours et elle se pose de plus en plus, et ainsi méritant bien qu’on fasse le point sur la réponse à donner, et ici sur la réponse que suggère le commentateur. Cunningham développe son argument, essentiellement à partir des récentes révélations d’il y a une décade selon lesquelles le BND allemand travaille de façon directe pour la NSA (et sans le moindre doute pour la CIA, éventuellement pour le MI6, dans les mêmes conditions de complète allégeance), en espionnant pour le compte de ces mentors anglo-saxons les propres entreprises stratégiques allemandes ou à intérêts allemands importants. Merkel était au courant et n’a rien trouvé à redire. L’affaire n’a pas fait grand’bruit hors d’Allemagne, où elle a eu son tintamarre, – parce que ces affaires ne font désormais plus grand’bruit, tant l’habitude de la corruption mise au jour est grande, et tant les soupçons à l’encontre de Merkel ne sont ni surprenants, ni nouveaux (voir notamment le 1er décembre 2014).
La crise ukrainienne était largement préparée de ce point de vue des relations USA-Allemagne avec la crise précédente Snowden/NSA ; avec le cas personnel de la chancelière, par les divers rebondissements de l’automne 2013 autour des “écoutes” extrêmement directes et intrusives de la NSA sur le téléphone portable personnel sinon intime de Frau Merkel, en plus de son action (celle de la NSA) en Allemagne. Il est certain qu’on a cru distinguer une crise fondamentale entre l’Allemagne et les USA notamment, à cette occasion (voir le 12 décembre 2013), tout de même tempérées par certaines doutes concernant cette même Allemagne qu'elle puisse bien tenir son rang et tenir tête (voir le 1er avril 2014). Les doutes n’étaient pas de trop.
Finalement, dans tous les cas à ce jour, il apparaît clairement que les “promesses” de fermeté de l’Allemagne à l’encontre des USA se sont diluées dans une incertitude remarquable concernant la politique allemande, et particulièrement la position de Merkel, dans la crise ukrainienne et par rapport aux relations avec la Russie. On comprend donc aisément qu’on puisse faire du cas-Merkel l’occasion d’un commentaire complet, à la lumière du dernier scandale en date qu’on a mentionné (les écoutes du BND pour le compte de la NSA), d’ailleurs marqué par une plainte officielle de EADS déposée devant la justice allemande.
«The claims that Merkel’s government knew about German state intelligence spying on behalf of the Americans against the country's own industrial interests raise disturbing questions about the integrity of German government leaders. The apparent betrayal of German national interests by Chancellor Angela Merkel is not only evident over the recent industrial spying scandal on behalf of America. The slavish pursuit by Merkel of Washington's anti-Russian policy over Ukraine — in contradistinction to her country's national interests — also cogently suggests that the chancellor is serving a foreign master.
»Recent reports that German state intelligence was spying on behalf of the Americans against the country's own industrial interests are bad enough. But then added to that are claims that the government of Chancellor Angela Merkel knew about the espionage — and turned a blind eye. This raises disturbing questions about the integrity of German government leaders, and primarily Angela Merkel. Is Merkel an asset for American intelligence, serving the geopolitical interests of Washington rather than the good of her own nation, or the wider good of Europe?
»The news story in question refers to reports in the German media last week of how Germany's Federal Intelligence (BND) collaborated with the US National Security Agency (NSA) in spying on multinational European defence companies, including EADS and Eurocopter. The specific eavesdropping on these firms — in which Germany has major national economic interests — reportedly dates back to 2008. It is inconceivable that the highest levels of German government, including Chancellor Merkel — did not know about the industrial espionage. Yet Merkel appears to have countenanced the illegal activity, even though such activity would have vitiated German national interests, affording advantage to American competitors...»
Cunningham examine la position des services de renseignement vis-à-vis de leurs confrères anglo-saxons, essentiellement des USA, et leur complète soumission à ces derniers, d’ailleurs plus ou moins formalisées par des traités secrets. Cunningham rappelle ensuite la pénétration massive de la CIA dans le monde médiatique allemand, et les révélations de l’année dernière, du journaliste Ulfkotte, sur les pratiques extravagantes de la CIA à cet égard (voir le 20 octobre 2014 et le 20 novembre 2014). Il termine par les remarques qu’on se fait évidemment sur les pressions intensives que la crise ukrainienne a dû activer, de Washington sur Berlin, pour un alignement sans réserve ...
«There is no reason to believe that the same domineering relation does not hold between US secret government and other European counterparts. But given Germany's central importance to the economy and policies of the European Union and its historical growing ties with Russia since the Second World War, Berlin would be a prime target for the Americans to exert leverage for their geopolitical advantage.
»When we look at German policy towards Russia over the Ukraine conflict it seems absurd on the face of it. German small businesses, major export companies and farmers are losing heavily from the Western sanctions imposed on Russia and from Moscow's counter-sanctions. Polls also indicate German public opinion is not supportive of the hostile policies, policies that have emanated from Washington and which the European allies have adopted, largely at the behest of Berlin...»
• Depuis ces diverses observations, ou parallèlement à elles, nous avons pu enregistrer certains évènements qui seraient en temps normal du domaine de l'anecdote, qui le sont certainement pour un commentateur-Système tenu au garde-à-vous par sa narrative, mais acquièrent une autre dimension dans le cadre du sujet que nous traitons. La première se trouve dans les remarques que fit Alexander Mercouris autour de la rencontre de Moscou de février 2015, entre Poutine, Merkel et Hollande. Nous avions noté ceci, le 9 février 2015 :
«D’abord un événement qui nous a paru intéressant à relever, tel que l’interprète Alexander Mercouris (dans le “Saker”-US le 7 février 2015 et “Russia Insider” le 7 février 2015)... Les circonstances décrites par Mercouris sont particulièrement intéressantes, à la lumière des hypothèses qu’il propose. Il observe que Merkel et Hollande sont venus à Moscou, non pas avec un plan pour l’Ukraine, – et nous dirions avec l’idée implicite qu’un plan pour l’Ukraine était une matière secondaire, – mais pour avoir un entretien “franc et complet” avec Poutine, – et nous dirions dans l’intention de connaître un point de vue sur la vérité de la situation qui soit complètement dégagé de ce qu’ils entendent jusqu’ici, qui soit aussi “protégé” de toute incursion et observation extérieures...
«“One of the most interesting things about the Moscow talks is that they mainly happened without the presence of aides and officials i.e. Putin, Hollande and Merkel were by themselves save for interpreters and stenographers. Putin and Merkel are known to be masters of detail and given his background as an enarque I presume Hollande also is. However the German and French officials will be very unhappy about this. The Russians less so because since the meeting is taking place in the Kremlin they are listening in to the discussions via hidden microphones. [...] There has been an extraordinary degree of secrecy about this whole episode and it rather looks as if Merkel and Hollande were anxious to stop leaks and to prevent information about the talks from getting out. Presumably this is why their officials were barred from the meeting. From whom one wonders do Merkel and Hollande want to keep details of the meeting secret? From the media? From other members of their own governments? From the Americans?...»
• Ensuite, il y a une simple observation de Poutine, en réponse à une question qui lui était posée lors de l’émission annuelle “questions-réponses” où le président russe répond à des questions du public, qui était rappelée sur Sputnik-français, le 16 avril 2015 :
«A la question de commenter l'état des relations géopolitiques avec l'Europe, [Poutine répond]: “Il est difficile de parler à des gens qui chuchotent même chez eux de peur des écoutes américaines. Et ceci n'est pas une blague, je ne plaisante pas”.» (Nous avouons bien volontiers que c’est le “Et ceci n’est pas une blague, je ne plaisante pas” qui nous a le plus impressionné. Parmi les divers dirigeants de notre monde enfiévré, Poutine est certainement celui qui se rapproche le plus, dans ses interventions, de la sincérité, et d’ailleurs la force de son propos l’exige autant qu’elle en témoigne.)
En confrontant ces diverses observations et remarques, et sans qu’il n’y ait rien de décisivement nouveau sinon les révélations sur le comportement du BND connu et couvert par conséquent par Merkel, nous serions sans hésitation tentés de juger l’hypothèse de Cunningham complètement fondée ; sans plus de surprise ni, peut-être d’indignation, puisque, à la lumière de l’histoire récente, des relations USA-Allemagne, des moyens de pression US et de la carrière de Merkel (jeunesse en RDA, dans une famille de dignitaires du parti) qui rend difficile de n’avoir pu rencontrer l’une ou l’autre occurrence pas nécessairement pendable mais néanmoins compromettante dans le cadre idéologico-rigide de notre psychologie en politique, c’est le contraire qui serait étonnant : il serait finalement difficile de croire que Merkel “is not a CIA asset”... La situation allemande, et même européenne, est donc particulièrement douloureuse à cet égard : Merkel étant ce qu’elle est, Tusk étant évidemment un agent d’influence US par Pologne interposée, Juncker étant une sorte d’appendice germaniste, qui partage manifestement la même position que Merkel (voir le 31 mai 2014), dans tous les cas par indifférence ou laisser-faire lorsqu’on se rappelle son départ de la fonction de Premier ministre luxembourgeois, et enfin une France absente, sinon complice par béatitudes satisfaite... (Si l'on veut rajouter perfide Albion, toujours au charbon...)
Nous ne serons certainement pas plongés dans la plus profonde affliction par ce constat. Encore une fois (il y a déjà eu des cas précédents décrivant la félonie des locataires du bloc BAO à l'avantage des USA), l’intérêt de la situation présente est de nous exposer au grand jour ce qui nous était jusqu’alors dissimulé, ou à demi dissimulé ; en effet, cette situation-là, des dirigeants allemands, luxembourgeois, des institutions européennes, de la Pologne, etc., existe depuis de nombreuses années, et pour les plus anciens, depuis des décennies. Simplement, nous nous en doutions un peu mais n’avions aucune certitude car aucun événement ne nous faisait prendre conscience de l'état des choses et de la trahison des esprits aussi vivement que les évènements d’aujourd’hui. Au contraire, aujourd’hui le soleil brille sur la réalité des comportements européens et des positions politiques réelles des uns et des autres. Par conséquent, avec notre habituel pessimisme roboratif, qui conduit par inversion vertueuse à un optimisme inattendu, nous observerions : 1) qu’avec un tel acquis, un tel paquet d’assets, on se demande bien comment les USA, depuis un demi-siècle, n’ont pas fait qu’une seule bouchée et à plusieurs reprises du reste du monde, avec l’Europe incluse dans le lot ; et 2) que tous ces dirigeants archi-corrompus et alignés à la baguette, ont d’autant plus de mal à tenir leur “rang” à la satisfaction de leurs employeurs, dans le cadre de crises de cette envergure, à la tête de pays dont la population ne les aime guère, et encore moins leur politique, et dans une occurrence où, au bout du compte, ils ne peuvent tout de même pas partager tous les objectifs des USA lorsque l'un d'eux peut déboucher sur la probabilité d’une guerre en Europe à l’occasion de l’Ukraine ... Ainsi ont-ils parfois l’esprit de chuchoter à Poutine pour que la NSA n’y comprenne rien, et Poutine a-t-il l’esprit de les inviter à un barbecue dans son bunker sécurisé, pour qu’on puisse parler à l’aise, en toute confiance et entre amis, des affaires européennes ...
Mis en ligne le 2 mai 2015 à 17H44
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