La Chine se durcit

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L’“intérêt” des circonstances entourant la “crise iranienne”, et ce qui la transforme en crise haute, tient en ce que l’action offensive et oppressive du bloc BAO contient ses propres limites dans l’état catastrophique du même bloc BAO. Ainsi, lorsque l’embargo sur le pétrole iranien est décidé par l’UE, il est prévu pour commencer dans six mois, parce qu’un embargo immédiat conduirait à une aggravation immédiate de la situation des pays de l’UE qui dépendent dans une part non négligeable du pétrole iranien, et qui sont déjà dans une situation économique catastrophique. On reconnaît dans ces mouvements convulsifs l’influence irrépressible du Système, qui est la force aveugle qui conduit tout cela, et le comportement maniaque des dirigeants politiques du bloc qui en découle.

Il n’y a pas à véritablement parler de “montée de la tension” car la tension est déjà au plus haut, dans cette posture étrange que nous avons qualifiée de “tension figée”. Le jeu étant ainsi complètement étalée sur la table (“All options are on the table”, nous disent mécaniquement, depuis 2005, nos dirigeants, marionnettes-perroquets du Système) ; tout le monde peut se déterminer sans interférences de surprises déstabilisantes. Ainsi en est-il des puissances hors-BAO, car il y en a, et de grand poids. Ainsi en est-il de la Chine, qui abrite un cinquième de la population du monde, – ce qui, dans cette époque du règne de la quantité (voir René Guénon), n’est pas sans importance.

C’est le diplomate indien devenu commentateur M K Bhadrakumar qui, sur son site personnel Indian Punchline, met en évidence des signes de l’évolution de la Chine dans cette crise, le 18 février 2012. (M K Bhadrakumar, qui publie aussi sur AsiaTimes, semble beaucoup plus à son aise sur Indian Punchline pour exprimer nettement son analyse, d’une façon plus concise et plus nette, sur des sujets spécifiques mais de grandes importance. On a là le cœur de sa pensée, d’autant qu’il se concentre sur l’Inde et sa politique, et sur les rapports de l’Inde avec les puissances [Chine, USA, Pakistan, Iran], en délaissant un peu le labyrinthe caucasien et ses innombrables pays-“stan”.)

«The western speculations that China might cut down oil imports from Iran against the backdrop of the sanctions by the United States can now be conclusively buried. The National Iranian oil Company [NIOC] reached an agreement with China’s UNIPEC to increase Iranian oil exports to China to 500000 barrels per day. The last year’s contract between NIOC and UNIPEC provided for only 220000 bpd of crude and 60000 bpd of gas condensate. Evidently, a substantial increase in Chinese imports from Iran is envisaged this year.

»The NIOC-UNIPEC deal indicates three things: a) the drop in China’s import of Iranian oil in January was due to commercial reasons pending the negotiation of the present agreement; b) China is ignoring the US sanctions against Iran; c) China has independent policies toward Iran and the GCC states.»

M K Bhadrakumar renvoie à China Daily, du 17 février 2012, qui nous donne toutes les indications sur l’accord entre la Chine et l’Iran, qui engage la Chine pour une période d’au moins un an, comme importatrice majeure du pétrole iranien. Il poursuit par diverses remarques sur l’évolution politique de la Chine, à l’ONU, autour de la Syrie, etc., et conclut en commentant un éditorial du site chinois Global Times, du 18 février 2012, qu’il tient justement comme un complément et un habillage de doctrine politique des autres faits qu’il a mentionnés. Ce que nous dit l’éditorial est qu’il est temps de cesser de prendre la Chine comme un géant trop craintif et pusillanime, souvent dissimulé (pour ses votes à l’ONU) derrière la Russie ; la Chine, au contraire, commence à s’affirmer, éventuellement et logiquement aux côtés de la Russie dans les cas évoqués, mais en application d’une politique désormais fermement établie.

«China voted against a draft resolution on Syria at the UN General Assembly Thursday, days after it vetoed a UN Security Council draft resolution pressing for regime change in Damascus.

»The country's courage to truly express itself and to calmly stand its ground is worthy of merit. Some Western media ridiculed certain nations, including China and Russia, for these choices. The trajectory of China's influence on world politics is rising. The West should be advised to reduce its expectations on abstention votes by China. Like it or not, China's stance must be taken into more serious consideration… […]

»We have to halt the stereotyped view of China, which is a player more willing to make concessions to avoid trouble. They should be advised to look at China as a country that does not bring unnecessary trouble, but also never shuns away from dealing with trouble head-on.

»We are a peace-loving nation, which has not been involved in any military conflict for more than two decades. In sharp contrast, countries such as the US and Britain have engaged in numerous wars during the same period. Now, they think to lecture us on justice. Surely, they cannot ignore the irony.»

…On pourrait aussi bien prendre cet éditorial pour l’annonce de ce que va être la nouvelle stratégie chinoise, lorsque la réunion du Parti Communiste chinois la déterminera pour les quatre années à venir, en même temps qu’elle désignera le nouveau président, à la fin de cette année. Mais il s’agira moins d’une stratégie née d’une réflexion, même si elle l’est en partie, que d’une stratégie imposée par les évènements. Singulièrement, la nébuleuse qu’on nomme “crise iranienne”, avec tous des alentours (Syrie comprise), y est pour beaucoup, et le fait confirme que la nébuleuse se transforme effectivement dans ce que nous avons désigné comme la crise haute. La Chine n’en est certes pas la seule tributaire, et le réalignement stratégique chinois la seule conséquence.`

Le nouveau contrat d’importation de pétrole iranien est à placer en parallèle avec la même démarche de la part de l’Inde, qui s’est engagée également pour un an avec l’Iran, à une valeur sensiblement égale du volume des importations de pétrole. (A elles deux, les engagements d’exportation de ces puissances dépassent le quart de toute la production pétrolière de l’Iran d’un peu plus de 4 millions de barils/jour). De même que dans le cas chinois, la politique indienne est nécessairement influencée, dans la crise haute, par ce courant vital d’importation de l’Iran. Tout événement brutal à l’encontre de l’Iran ne peut pas ne pas déclencher de réactions du côté indien et chinois. De même pour la Russie, qui considère que ces intérêts de sécurité nationale sont liés à l’intégrité de l’Iran. On observera que ces trois pays font partie du BRICS et qu’il se pourrait bien que l’Inde transforme sa position d’observateur au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai en position de membre à part entière, comme la Chine et la Russie qui sont les membres fondateurs.

On observera également que ces rapprochements objectifs, par exemple entre la Chine et l’Inde, ne se font pas par règlement des litiges ou apaisement des antagonismes géopolitiques immémoriaux entre ces deux immenses pays, mais sous l’empire de la nécessité. C’est bien en cela qu’il s’agit d’une crise haute, avec, également, cette marginalisation des intérêts géopolitiques en même temps que l’élargissement du champ des engagements à toutes les puissances. Aujourd’hui, la “crise iranienne” devenue crise haute concerne directement toutes les puissances, des USA à la Chine, des rives occidentales du Pacifique aux rives orientales du Pacifique, ce qui résume, stratégiquement et géographiquement, la puissance essentielle du monde. Ce ne sont ni la géographie, ni la politique qui ont accompli la chose, alors que la “crise iranienne” dure depuis 2005 au niveau des menaces d’attaque sans avoir jamais mobilisé la puissance du monde comme elle le fait désormais, depuis décembre 2011. C’est essentiellement le système de la communication dans l’exploitation de divers incidents (“capture” du RQ-170 par les Iraniens début décembre 2011, pour commencer), ces évènements nés du désordre installé depuis 2009-2010, entraînant des conséquences politiques, militaires, économiques, après avoir converti la psychologie à cette transformation fondamentale qui est la transcription dans la situation du monde des courants métahistoriques à l’œuvre.


Mis en ligne le 20 février 2012 à 04H55