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1202Au milieu de la semaine dernière, une source à l’OTAN nous disait son étonnement: «C’est fascinant, c’est complètement nouveau… Les Russes sont désormais partout dans les médias occidentaux, Medvedev, Poutine, Rogozine, à toutes les TV, sur CNN, sur la BBC, sur la chaîne ARD allemande. L’armée russe a même institué une conférence de presse quotidienne et son porte-parole est très bon, très sérieux, très ouvert. C’est vraiment une nouveauté.»
La chose est vraiment apparue de manière éclatante avec la longue interview de Poutine à la CNN, réalisée le 27 août (texte en ligne le 29 août) au cours de laquelle il a accusé les Américains d’être derrière l’attaque géorgienne, pour provoquer une crise qui donnerait plus de chances à McCain de l’emporter.
«If my suppositions are confirmed, then there are grounds to suspect that some people in the United States created this conflict deliberately in order to aggravate the situation and create a competitive advantage for one of the candidates for the U.S. presidency. And if that is the case, this is nothing but the use of the called administrative resource in domestic politics, in the worst possible way, one that leads to bloodshed.»
(Deux jours plus tard; le 29 août, le même Poutine parlait sur une TV allemande (ARD); non seulement il confirmait sa version mais il ajoutait que des conseillers US avaient participé à l’attaque. Contre ces affirmations, l'écho médiatique des dénégations US est resté assez faible.)
Durant l’interview de CNN, Poutine s’est montré à l’aise. Il appelait l’intervieweur de CNN (Matthew Chance) par son prénom, rappelait sa rencontre avec George Bush aux JO de Pékin lorsqu’éclata la crise en désignant là aussi le président US par son prénom, et ainsi de suite. Toute la technique de la dialectique et de la posture médiatiques de l’homme politique occidental était déployée.
Le même Matthew Chance a publié le 29 août sur le blog de CNN des appréciations sur les circonstances ayant mené à l’interview. Ce 27 août, il arrive à Sotchi pour une interview-expresse de Medvedev, qui a été proposée par le cabinet du président russe. Medvedev vient d’annoncer la reconnaissance de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, et il commente cette décision pour CNN. Bonne journée se dit Chance… «Okay, good day’s work. But there was more: the phone rang and on the end of the line was Dmitry Peskov, Vladimir Putin’s press flak. The main man, Prime Minister Putin, wanted to give us an exclusive. A full-length, sitdown interview.
Il explique le cas de l’interview Poutine, avec certains détails et réticences (l’allusion au KGB, “un petit peu de sang sur les mains”) qui font partie du politically correct si puissant du côté occidental. Mais, s’exprimant en tant que journaliste également, il ne cache pas qu’une rencontre avec Poutine est, techniquement et professionnellement, une grande source de satisfaction. Le goût de l’information et du scoop est à cet égard un puissant moteur pour les journalistes occidentaux, pour répondre à cette ouverture des Russes.
»I should emphasize at this point how big this is for us. Vladimir Putin has virtually single-handedly transformed Russia into a powerful, confident, maybe even aggressive, state. He is a former KGB spy, and the former Russian president who eased his protege and hand-picked successor into the Kremlin job. He denies it, but word is he, not Medvedev, still calls the shots in Russia.
»And what’s more, he rarely gives interviews. Very rarely. CNN hasn’t spoken to him for more than seven years. To get him now, at a time like this, when Russia is so prominent in the minds of Americans and the world, was incredible, fascinating.
»And Putin doesn’t disappoint. The guy is short, stocky, a KGB-trained judo black belt with a cold stare, and his critics would say, more than a little blood on his hands. He made Russia’s ruthless crackdown on Chechen separatists into an almost personal vendetta.»
Dans sa conclusion, Chance explique ce qui s’est passé, comment a eu lieu ce changement d’attitude des dirigeants russes vis-à-vis des médias occidentaux
«Anyway, point is, things have changed — and here’s why, from a source who knows: Putin was in Beijing watching the opening ceremony when the war in Georgia erupted. He was constantly watching CNN to see how the conflict was being reported. And he didn’t like it. He hated it. He hated seeing Mikheil Saakashvili appealing for Western support, he hated that there was no one on TV putting across the Russian version of events.
»Why was there no one? Because there is no access in Russia, we were not allowed to go to the Russian side of the conflict zone. No Russian officials were available to talk to us, as usual. Georgia played the media game, Russia did not.
»A decision was taken then to change tack, to engage with the Western media, to aggressively argue Russia’s side. The Kremlin, which constantly complains of a bad press, could have learned this lesson years ago. But hopefully they see the value of us now. Doesn’t mean we agree with them, or that appearing on CNN will convert the West to Russia’s line.
»But at least they are in the debate now — and that can’t be bad for Russia.
Cette offensive russe est-elle efficace? Sans aucun doute. Elle a pesé d’un poids certain pour éviter de verrouiller définitivement la vision médiatique occidentale, établie presque dès le départ, sur l’idée de la seule responsabilité russe initiale. (Nous parlons ici de la représentation médiatique, évidemment biaisée dans divers sens comme chacun sait, et nullement de la réalité.) Depuis cette phase, intensive entre le 10 et 20 août, où Saakachvili fut omniprésent dans les médias occidentaux, les Russes ont regagné du terrain. Aujourd’hui, leur thèse de la crise recommence à être présente dans les médias, peut-être presque autant que celle des Géorgiens. Les Russes ont sans doute compris que la “guerre médiatique”, si importante politiquement, se livre moins dans le domaine politique en plaidant initialement leur cause politique, que dans le domaine professionnel, en suscitant l’intérêt professionnel des journalistes par des occasions multiples d’intervention pour leurs médias; ce n’est qu’à ce moment, lorsque l’accès des médias leur est ouvert qu’ils peuvent plaider leur cause politique.
Mis en ligne le 1er septembre 2008 à 08H44
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