La crise, crescendo et fortissimo

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La crise, crescendo et fortissimo

La crise financière US entre dans une nouvelle phase, crescendo et fortissimo, avec la situation de l’effondrement de la banque institutionnelle de Wall Street (fondée en 1850 par les trois frères) Lehman Brothers. Après l’échec des négociations pour une reprise, le climat ce matin annonçait une faillite qui est déjà, avant même d’exister, retentissante.

L’élément nouveau de la crise à cette étape, après de multiples étapes précédentes, c’est le retrait du jeu du gouvernement US, refusant désormais de prendre à son compte le renflouement des divers effondrements de l’institution financière US. C’est ainsi que Jeremy Walters qualifie cette situation ce matin: “perdre patience”. La question concerne évidemment les conséquences: que va-t-il se passer pour l’institution financière ultra-libérale, en général pleine de mépris pour toute idée d’interventionnisme de la puissance publique, qui a été tenue la tête hors de l’eau depuis plus d’un an grâce à l’intervention de la puissance publique?

«Like the passing of the dinosaurs, the great beasts of Wall Street are dying off, extinguished by what is now unambiguously the worst financial crisis since the Great Depression.

»Until last night, it had been generally assumed that the US authorities would do whatever was necessary to prevent Lehman Brothers, one of the so-called “bulge bracket” firms of global financial markets, from going under. After all, that's what they've done to date, by guaranteeing the country's two largest mortgage organisations, providing the wherewithal for an orderly takeover of Bear Stearns, and by making massive amounts of liquidity available to prop up the US banking system as a whole.

»But finally the US Treasury seems to have run out of patience, and or money, and refused to provide the guarantees being demanded by Barclays and others as a condition for acquiring the stricken bank. As a consequence, Lehman's is expected to file this morning for Chapter 11 bankruptcy protection, the equivalent of a UK administration.

»It's a huge gamble for Hank Paulson, the beleaguered US Treasury Secretary. He was determined to draw a line in the sand at some point by saying to Wall Street “no more state bailouts”. But nobody knows for sure what the consequences of so doing might be…»

Nous progressons donc dans l’appréciation de la chose: «…unambiguously the worst financial crisis since the Great Depression.» Alan Greenspan, chronologiquement suffisamment éloigné de sa direction de la Fed pour qu’on puisse ne pas trop lui rappeler ses responsabilités dans la situation actuelle, ne prend plus de gants pour qualifier la situation. Dans une interview à ABC, reprise par CNN hier, Greenspan parle d’une crise financière comme on n’en voit qu’une par siècle, du plus grave événement financier qu’il ait jamais vu, et d’un événement dont il n’imagine pas une seconde qu’il n’aura pas de graves répercussions sur l’“économie réelle”.

«The U.S. credit squeeze has brought on a “once-in-a-century” financial crisis that is likely to claim more big firms before it eases, former Federal Reserve chief Alan Greenspan said Sunday. Greenspan told ABC's ‘This Week’ that the situation “is in the process of outstripping anything I've seen, and it still is not resolved and it still has a way to go.”

»“Indeed, it will continue to be a corrosive force until the price of homes in the United States stabilizes,” Greenspan said. He predicted that would not happen until early 2009, and said the odds of U.S. recession have gone up in recent months. “I can't believe we could have a once-in-a-century type of financial crisis without a significant impact on the real economy globally, and I think that indeed is what is in the process of occurring,” he said. While recent declines in the prices of oil and food may help avert a recession, he said, “I wouldn't put my money on it.”»

Personne n’a pris le moindre risque pour sauver Lehman Brothers, personne ne semble plus vouloir ni ne pouvoir prendre le moindre risque. L’ironie étant de mise chez les commentateurs anglo-saxons lorsque le système qu’ils chérissent arrive au bord de l’abîme, c’est à Madonna et à un concert à Wembley horriblement mal préparé et réalisé, qui contribuera à éroder la confiance qu'on a dans le talent de cette artiste, que se réfère Stephen King pour qualifier la situation, avec justement cette précieuse vertu envolée, – la confiance:

«What do a Madonna concert and a banking crisis have in common? Not much, you might think. But, as I sat through an excruciating performance of “Borderline” in Wembley Stadium on Thursday night, I realised that Madonna and mammon go together rather well. The common link is trust (or its loss) [...] This issue of trust is a problem across a wide range of markets. Information failures can destroy markets remarkably quickly. Financial markets, in particular, rely on trust. Indeed, those familiar with the banking system know that it depends entirely on trust...»

Nous voici une fois de plus devant le précipice, à chaque fois un peu plus près. Plus personne ne croit à la sauvegarde de la chose. La psychologie est en crise, comme la finance et comme le système lui-même. Pour l’instant, nous remisons à l’arrière-plan et en pages intérieures notre concert de sinistres prévisions concernant l’économie russe parce que la Russie refuse de s’aligner sur les vertus impératives du système occidental.

Hier soir, le Financial Times annonçait: «Les banques de Wall Street se battent pour leur survie». Derrière Lehman, en attente de la catastrophe, les autres, avec Merrill Lynch déjà en situation d'urgence. Le système se bat pour sa survie.

 

Mis en ligne le 15 septembre 2008 à 06H44