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2669Nous avons cité, ici ou là, fortuitement à telle ou telle occasion, l’expression d’“ère psychopolitique”. Depuis, nous avons travaillé sur ce concept, notamment et largement dans le cadre de notre rubrique de defensa, dans le numéro du 25 novembre 2006 de notre Lettre d’Analyse de defensa & eurostratégie. Le propos prenait notamment appui sur le “rapport Stern”, dont nous avons parlé à diverses occasions. Le rapport Stern concerne la crise climatique, dont on sait qu’elle déclenche désormais, — il était temps à moins qu’il ne soit trop tard, — une mobilisation massive.
C’est moins du “rapport Stern” et de la crise climatique que nous voulons parler ici, mais de ce concept de l’ère psychopolitique qui, dans notre appréciation, a remplacé l’ère géopolitique. C’est surtout un travail d’identification et de définition, que nous poursuivrons par d’autres analyses, que nous présentons ici.
Nous avons sélectionné, dans la rubrique de defensa de dd&e du 25 novembre les passages qui fournissent une aide pour la compréhension de ce nouveau concept. Cette démarche nous paraît très utile dans la mesure où elle donne un outil intéressant pour mieux comprendre les événements qui nous pressent.
Effectivement, nous reviendrons sur cette question.
Face à ce qu'on juge être sur l'instant un grand événement, la réserve aussitôt s'impose temporairement. C'est cette réserve pour un temps de réflexion et d'appréciation intuitive qui nous permet d'établir la mesure de la relativité du monde, et la mesure de la relativité de notre psychologie face au grand événement, — pour tenter de lui donner, à lui, ce grand événement, sa mesure historique réelle.
C'est la raison pour laquelle ce n'est que dans cette chronique du 25 novembre, un mois après l'événement, que nous réagissons en profondeur à cet événement formidable — décidément et mesure prise, c'est bien le cas — qu'est le rapport Stern. Auparavant, nous avions eu quelques réactions (voir sur notre site dedefensa.org, notre Faits & Commentaires du 27 octobre). C'était pour prendre date et pour ouvrir les voies de réflexion qui nous semblaient appropriées, pour ouvrir la voie à l'intuition également. Nous aurions pu consacrer notre rubrique de defensa au rapport Stern dans notre numéro précédent; nous en avons eu la tentation; nous l'avons écartée. La mesure du temps qui passe donne seule les outils de mesure de l'historicité d'un événement, de sa puissance potentielle, de son énergie libératrice possible.
Cela dit qui concerne notre méthode, notre “cuisine intérieure” si l'on veut, il est temps d'en venir aux faits et aux réflexions que ces faits nous inspirent non sans avoir conclu en notant combien cette “cuisine intérieure” décrit également un cheminement historique pour la perception des choses. Certes, répétons-le, le rapport Stern est un événement. Comme certains l'ont observé («It's Economy, Stupid!», titre du Times de Londres du 31 octobre), il frappe au coeur en annonçant les dégâts que la crise climatique va causer à notre économie. (En Pounds puisque nous sommes chez les Britanniques, £2.680 milliards par an en plein coeur de la crise, soit 20% du PIB mondial, — une Grande Dépression chaque année.) En d'autres mots et selon un autre point de vue, diront les spécialistes en communication, c'est un bon coup de communication. De façon très caractéristique, certains vont jusqu'à penser que le rapport Stern, parce qu'il prend comme base les événements catastrophiques de la crise climatique jusqu'ici objets d'une chaude (!) polémique, règle son compte à cette polémique.
C'est une curiosité de la psychologie humaine qui relève de la puissance de la conviction, là où la science s'avère impuissante à trancher. (Jusqu'ici, la science n'a pu complètement et définitivement trancher sur la réalité de la catastrophe climatique. Nous ne sommes pas au bout du constat des impuissances de la science. C'est même notre sujet central.) Le rapport Stern, comme tout document qui se veut rigoureusement “scientifique” (les économistes ont cette prétention) prend pour acquise la perspective de la crise climatique, pour mieux développer son travail. Il joue le “tout se passe comme si...” Du coup, cette méthodologie installe notre conviction, et les résultats du rapport Stern semblent asseoir définitivement la perspective de la crise. Débat tranché... Voyons maintenant les dégâts...
La “psychopolitique” à la place de la géopolitique. Les “dégâts” du rapport Stern sont incontestablement d'ordre psychologique. Même pour le contester — et cette contestation est urgente pour les partisans du système, dans tous les cas ceux d'entre eux qui voient dans les propositions de Stern une menace pour certains mécanismes du système — il faut en accepter les prémisses qui sont que la crise climatique est d'ores et déjà commencée. Ainsi le rapport représente-t-il un piège psychologique dans la mesure où il oblige les adversaires d'une dramatisation de la crise climatique — dramatisation dont ils savent qu'elle implique une mise en cause également dramatique du système — à effectivement accepter implicitement cette dramatisation. C'est là un principe de dialectique: dès lors que vous êtes forcé de polémiquer sur la conséquence d'un événement, même si vous étiez incliné à mettre en doute cet événement vous êtes alors contraint de l'accepter.
Cette description fait comprendre l'importance formidable de la dimension psychologique, l'importance qu'a acquise cette dimension psychologique dans le débat politique. Comme d'habitude, il est simple de citer le développement des communications et de l'information comme cause principale, peut-être même fondamentale, du phénomène. Il n'empêche que sa répétition systématique, le remplacement des “événements réels” par la force plus ou moins grande de la “représentation des événements réels”, finissent par créer des conditions complètement différentes, nouvelles et sans précédent.
Essayons-nous à une identification de ces changements, par le biais d'expressions inédites qui ont avec elles la force même du langage lorsqu'il exprime une vérité fondamentale, un bouleversement historique. Nous dirions alors qu'il nous semble que nous sommes passés de l'ère géopolitique classique des XIXème et XXème siècles à l'ère “psychopolitique”, — de la politique sous l'influence de la géographie à la politique sous l'influence de la psychologie. La politique était influencée par la géographie parce que le développement du machinisme et, par conséquent, des moyens de transport (y compris le transport des bombes), y invitait impérativement. La politique est désormais influencée par la psychologie car l'époque a créé des outils fondamentaux de pression sur cette psychologie, par le moyen de la communication et de la circulation de l'information.
Ainsi les crises ne sont plus ce qu'elles étaient. Elles ne sont plus menaces d'affrontement ou affrontements géographiques, mais menaces d'affrontement et affrontements psychologiques. (C'est la raison pour laquelle la crise irakienne représente de la part des USA une tentative complètement obsolète, un retour à une époque déjà enterrée. On décrira cela comme le paradoxe des paradoxes parce que, précédemment, comme tout au long de la Guerre froide, les USA tenaient le monde dans leurs mains grâce à leurs moyens d'influence et à l'effet de fascination qu'ils produisaient chez les autres. C'est-à-dire qu'ils avaient précédé cette nouvelle époque, qu'ils ont évidemment largement contribué à créer, — et voilà qu'ils en abandonnent la maîtrise au moment où cette nouvelle époque triomphe, au profit des outils de l'époque dépassée de la géopolitique. On aura rarement rencontré un tel manque de discernement, une telle erreur stratégique.)
Aujourd'hui, les événements deviennent très difficiles à définir en tant qu'événements hors de nous-mêmes et de notre capacité de perception (mais aussi de déformation). Pour y parvenir, pour ceux qui entendent ne pas céder au changement, qui entendent rester conformes aux normes prétendument objectives du jugement, il est nécessaire de faire appel, justement, au conformisme le plus extrême. Ainsi aboutit-on, sous l'argument de sembler rester objectif, objectivement “sérieux”, à une interprétation qui est de pur virtualisme, qui se moque de la réalité comme d'une guigne, qui s'auto-congratule de ses propres communiqués de victoire comme s'il s'agissait d'autant de victoires. Les séminaires de l'OTAN, secrétaire général en tête, les symposiums de l'UE, président de la Commission au pupitre, sont à cet égard à mourir de rire pour celui qui goûte la comédie de ces “précieux ridicules” postmodernes.
Ces gens sont d'un autre temps, vieillis avant l'heure, irrémédiablement dépassés. Ils comptent encore la puissance en nombre de chars et en centaines de $milliards gaspillés au-delà de tout entendement. Curieusement, ils disposent jusqu'à plus soif des instruments de l'ère nouvelle et ne s'en servent que pour tenter de prolonger la survie artificielle de l'ère géopolitique qui s'achève. Ils n'ont pas réalisé, eux qui pourtant manipulent l'information dans le but qu'on sait («L'opinion publique, ça se travaille», disait-on du temps de la guerre du Kosovo) qu'effectivement l'information ne rend pas compte des événements, mais, en les présentant, les modifie et, plus encore, les offre à notre modification (notre interprétation) selon notre disponibilité psychologique. Le courant est aujourd'hui devenu tellement puissant et tellement incontrôlable qu'il n'est plus possible d'imposer arbitrairement une vision conforme (et géopolitique) de l'événement, comme on faisait du temps de la propagande. Nous sommes effectivement dans une époque où, pour une majorité de citoyens, l'information officielle est jugée, en toute connaissance de cause, comme beaucoup plus suspecte que la plupart des sources d'information indépendantes, non officielles, etc., — cela, parce que les sources officielles continuent à s'exercer aux manipulations trop grossières pour être un seul instant considérées.
Nous sommes dans une époque où la simple affirmation d'un événement, répétée et répétée, souvent d'une manière élaborée et crédible, finit par créer l'événement. La vérité est devenue subjectivité totale à cet égard, matière malléable par excellence, — mais nullement matière maîtrisable.
Voici un exemple. Lorsque le commentateur américain Robert Parry écrit, le 6 novembre: «Indeed, one reason this new America has the look of incipient totalitarianism is that the Right has created such a powerful media apparatus that it can virtually create its own reality», deux choses s'affrontent: d'une part l'affirmation que les médias contrôlés par les républicains ont créé “leur propre réalité” (virtualisme), d'autre part l'affirmation que l'Amérique “semble être devenue totalitaire”. Aucune de ces deux affirmations n'est “vraie” à proprement parler, pourtant elles définissent ce qui a été vécu comme deux “vérités” successives, selon la perception courante: d'abord la croyance en la vérité créée par les médias contrôlés par les républicains, ensuite le soupçon de plus en plus grandissant que l'administration GW Bush a mis en place un système spécifique et que ce système est totalitaire.
L'ère psychopolitique tue l'objectivité... C'est un fait difficilement contestable que la démarche de l'ère psychopolitique a pour effet de tuer l'objectivité... Mais pas nécessairement de tuer la notion d'objectivité? Il y a une nuance capitale et fondamentale. La révolution dans la manufacture des événements historiques qu'introduit l'ère psychopolitique n'est pas d'une génération spontanée, surgie de rien pour s'imposer en un éclair. Elle a une cause, une substance, une logique. Ce n'est pas une révolution “gratuite”, faite pour le seul but de la destruction qu'elle suscite.
La subjectivité psychopolitique qui s'attaque à la réalité objective coutumière disons de l'ère géopolitique (pour situer la chronologie de la chose mais sans en suggérer la responsabilité), s'attaque en réalité à une objectivité des plus suspectes. Cette “réalité objective” mise en cause n'est rien moins que celle de la propagande qui fleurit au XXème siècle, avant de s'épanouir dans le leurre suprême qu'est le virtualisme, qui est une tentative d'objectivation absolue, mécanique (par la psychologie plus que par l'influence sur le jugement), par des techniques plus habiles, de la démarche jusqu'alors assurée par la propagande. Puisque la propagande ne donnait que des effets fragiles dans sa tentative d'objectivation forcée, on passa au virtualisme. Dans tous les cas, on comprend qu'il s'agit d'une objectivité forcée, faussaire. S'élever contre cette “objectivité”-là (celle du virtualisme), c'est faire oeuvre de salubrité morale et intellectuelle.
Par ailleurs, il y a une continuité de la logique dans cette évolution. Le virtualisme est à la fois le produit et l'incitateur de l'ère psychopolitique. Il n'est possible que grâce à l'explosion des moyens de communication et de l'information, et leur déplacement au centre du schéma de la puissance, à la place des outils industriels et mécaniques. Par conséquent, le virtualisme est le pont entre la fausse “objectivité” de l'ère géopolitique (la propagande) et l'affirmation d'objectivité qui voudrait s'imposer à toute force dans l'ère psychopolitique, et qui, au contraire, est attaquée de toutes parts. On reconnaît d'ailleurs cette démarche, qu'on retrouve dans le phénomène Internet: développé par le système et pour le système, pour son enrichissement et sa puissance dans ce cas, en un sens pour son objectivation également, et qui se retourne contre ses créateurs lorsqu'il est utilisé par les indépendants, les dissidents, etc., — autant de voix subjectives qui mettent en cause la soi-disant objectivité du système.
Nous assistons à un fantastique transfert des moyens de la puissance, de la représentation de la puissance, de la substance de la puissance. Cela doit faire vaciller certains esprits rationnels qui sont habitués à penser en termes de ce qu'ils nomment la réalité, — volume, poids, formes, destruction explosive, etc. Mais si l'on considère l'Histoire, on peut trouver des analogies. La puissance au Moyen-Âge était faite, non des structures religieuses, mais d'un phénomène purement psychologique: la foi, et les outils de la puissance auxquels on se réfère par priorité (les armes, la chevalerie, etc.), n'étaient que des annexes de l'outil central de la puissance, — la foi. Il nous semble que nous vivons une révolution semblable en ramenant la substance même de la puissance à la psychologie.
Nous revenons à ce sujet qui fut l'argument conduisant à cette réflexion sur le constat du passage à l'ère psychopolitique. Le rapport Stern est un étrange produit, involontairement d'une habileté diabolique. Il utilise des outils de l'ère géopolitique, notamment avec l'accent central mis sur la puissance de l'économie dans ses facteurs les plus quantitatifs, ce qui a été la marque des deux derniers siècles de l'ère moderne devenue ère géopolitique aux XIXème et XXème siècles, pour provoquer un effet psychologique massif qui est une marque fondamentale de l'ère psychopolitique.
A nouveau, mais cette fois à la lumière de notre tentative de conceptualisation de l'ère psychopolitique, nous insistons sur cette manoeuvre réalisée de façon quasiment mécanique, notamment avec les moyens habituels de pression médiatique et virtualiste, pour faire franchir un pas de géant à la psychologie humaine en lui imposant la consigne que l'étape de la discussion autour de la réalité de la crise climatique est dépassée.
Notons bien ici que nous ne prenons pas le rapport Stern, justement, au pied de sa lettre. La question de la lutte contre la crise climatique ne nous intéresse pas dans la mesure où elle ne se pose pas. S'il y a crise climatique et s'il est admis que cela est de notre responsabilité, et si nous pouvons lutter contre elle, alors la question de la lutte ne se pose pas puisqu'il apparaît évident que l'on ne peut rien faire d'autre que de lutter. Ce qui nous intéresse, bien entendu, est tout ce que cette lutte implique de mises en cause diverses, d'interrogations jusqu'ici écartées, bref la dimension politique et culturelle de la chose qui est implicitement tracée. Ainsi avons-nous la parfaite définition d'un événement de l'ère psychopolitique, même si les intentions et les outils de départ sont d'une autre ère. L'effet premier est psychologique (imposer le fait de l'existence de la crise climatique aux psychologies), l'effet général est politique (mises en cause à venir de principes fondamentaux du système qui prétend imposer une hégémonie politique sans partage par l'idéologie unique).
Notre observation suivante est que nous pensons que l'effet du rapport Stern, par ses conditions de présentation, de diffusion, d'exploitation, etc., est à la fois immédiatement perceptible, à la fois dissimulé et rampant dans les psychologies, et d'une puissance extrême dans ce cadre. C'est, là aussi, parfaitement un événement de l'ère psychopolitique. Dans cette nouvelle époque, à cause des conditions créées par la communication, il est très difficile d'appréhender l'effet d'un fait sur ses données visibles au départ, ou sur ses données mesurables par la seule raison objective. C'est encore un signe, bien entendu, de la perversion à laquelle est parvenue cette raison objective telle qu'elle a été maquillée, manipulée, déformée par les pratiques de l'ère précédente, de la propagande idéologique jusqu'au phénomène assurant le lien entre les deux ères, le virtualisme bien entendu. C'est dire que le rapport Stern a échappé à ses créateurs et à ses concepteurs, du moins pour les buts précis au nom desquels ils lancèrent cette démarche.
Tout cela justifie, évidemment, de tenter d'analyser de plus près le rapport Stern dans ses effets possibles, probables, et le plus souvent des effets cachés et parfois révolutionnaires. [...]
Qu'est-ce que la puissance aujourd'hui? Qui est capable de répondre à cette question devant l'effondrement de références qui, justement, mesuraient le zénith de la puissance, — devant l'effondrement de la puissance américaniste en Irak, qui est le signe le plus convaincant de ce qu'on doit décrire comme un changement fondamental du paradigme? Mais qui, à Washington, peut accepter cela: l'effondrement de la puissance américaniste en Irak? Aucune psychologie n'y résisterait... Alors, les mesures qui s'imposent sont prises. Nous vivons dans un monde post-orwellien. Pfaff écrit: «It is not Orwellian because the creators of this cartoon-like conceptual world have themselves become actors in the virtual universe their ideas and actions have made. They have left reality behind — or they simply ignore it, as they did in invading Iraq.»
L'essentiel du dynamisme des choses humaines, aujourd'hui, dépend de l'interprétation qu'en donnent l'information qu'on en a et les communications qui la transportent. L'information n'est plus un constat, un témoignage, ni même une manipulation (désinformation); c'est une dynamique, une “chose en soi”, qui n'a plus de rapport obligé avec l'objet ou la situation qu'elle prétend décrire, mais qui crée l'objet ou la situation qu'elle prétend décrire pour justifier son existence, puis pour manifester sa puissance. Mais cela, — cette puissance — n'est jamais suffisant pour réduire la réalité. Le rapport entre les deux — virtualisme et réalité — n'est pas décroissant (de plus en plus de virtualisme réduit la réalité jusqu'à la tuer et à la remplacer); comme l'Irak l'a montré, ce rapport est antagoniste: de plus en plus de virtualisme exacerbe la réalité et suscite sa “concurrence”... On irait jusqu'à croire, jusqu'à penser que le virtualisme, en même temps que l'exacerber, pousse la réalité à se régénérer elle-même pour réaffirmer sa puissance.
Notre psychologie est au centre de tout cela. C'est elle qui manipule, qui conçoit, qui exacerbe le virtualisme; c'est elle qui essuie les effets de ses échecs, de sa confrontation avec la réalité. Notre psychologie est aujourd'hui le centre de notre puissance et elle est aussi, juste à côté, presque à se confondre, une pathologie conduite jusqu'à la marge de la plus grave crise possible. L'ère de la psychopolitique qui remplace la géopolitique nous transporte au coeur de crises inconnues, que nous continuons à jauger avec le regard et l'esprit du siècle d'avant. Le postmodernisme, qui croit au virtualisme jusqu'à croire qu'il a transformé la réalité, continue à observer le monde fabriqué comme s'il s'agissait du monde réel.
Nous n'appréhendons plus les événements. Nous les voyons venir avec un regard de myope, nous les mesurons faussement, nous nous préparons à leur choc en en confondant les effets, pour nous retrouver confrontés à des choses complètement inconnues. Notre savoir est si assuré et si faussé qu'il nous prépare absolument à des mondes qui n'existeront jamais. Un bouleversement électoral annoncé, que nous croyions maîtrisé d'avance, nous bouleverse comme nous n'imaginions pas qu'il soit possible, puis nous en oublions aussitôt la leçon centrale pour nous replonger dans la réalité fabriquée qui nous avait si complètement trompés précédemment. Nous touchons au coeur de notre crise fondamentale.