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1812Cela fait des décennies que le FMI a été accusé par quelques rares économistes latino-américains puis européens de contribuer à la prise en main des économies des pays pauvres en imposant à ceux-ci des programmes dits d'ajustement structurel visant à réaliser différentes “réformes” politiques en échange de prêts dudit FMI.
Si certaines de ces réformes, telles la lutte contre la corruption, se justifiaient, l'essentiel visait à privatiser de nombreuses activités jusqu'ici exercées par des structures politiques et sociales traditionnelles. L'irruption en force des grandes entreprises américaines dans ces secteurs avait provoqué l'apparition de nouvelles classes dirigeantes soumises aux impératifs de l'économie américaine, sans que la pauvreté et le sous-équipement en soient sérieusement diminués. Les populations avaient fini par s'en apercevoir. A la suite de l'argentin Nestor Kirchner, un nombre croissant d'hommes politiques et d'économistes de ces pays avaient fini par contester la “vertu” prônée par le FMI et sa comparse la Banque Mondiale, qui cachaient des appétits anglo-saxon autrement plus ambitieux, mais mieux dissimulés.
Le FMI a-t-il changé depuis ces époques? En apparence la dureté de son discours contre la mauvaise gestion et la dette s'est un peu atténué. Mais le fonds de sa démarche, visant à réserver aux “bons élèves” du capitalisme les ressources qu'il collecte parmi ses membres n'a pas changé. Ces bons élèves sont, plus que jamais, ceux qui libéralisent l'accès aux ressources traditionnelles, qui désengagent les Etats de toute politique économique et sociale, qui livrent les pays concernés aux grands investisseurs internationaux, investisseurs industriels puis de plus en plus financiers. Certains avaient pensé que Dominique Strauss-Kahn, en ouvrant un peu le FMI aux pays émergents, aurait pu modifier quelque peu le rôle de l'organisme dans la mondialisation. Mais DSK a chuté comme l'on sait, à la satisfaction sinon à l'instigation de ceux qu'il inquiétait à Washington.
Aujourd'hui, le FMI, en reprenant sans nuances le discours du désendettement par la rigueur au détriment des investissements publics productifs, mène à l'égard de l'Europe la même politique de déstructuration qu'il menait précédemment à l'égard des pays du tiers monde. Tout paraît conçu pour empêcher les pays européens de puiser dans leurs ressources productives potentielles pour s'émanciper de la quasi-colonisation imposée par les forces économiques et financières dominant à Wall Street et Washington. Bien entendu, cette politique s'appuie sur les larges minorités d'intérêts européens acquis à l'atlantisme, qui croient y trouver leur compte.
Pour conduire une telle démarche de décérébralisation, un langage brutal de conquête ne serait pas très adroit. Il prend au contraire la forme d'une pléthore de “théories économiques” et de modèles mathématiques censés incarner une science omnisavante, devant s'imposer tant aux peuples qu'aux gouvernements. Mais il ne trompe que les naïfs et les incompétents rêvant à la possibilité d'une économie politique scientifique pouvant réguler un monde fait de compétitions brutales pour les ressources et les pouvoirs.
On s'explique mieux dans ces conditions la divine surprise des Européens découvrant ce jour, grâce à la « confession » tardive d'un expert du FMI (lien) qu'il n'existait aucune base scientifique sérieuse permettant de faire correspondre la réduction d'un euro dans les budgets publics à une réduction d'un euro dans le produit national du pays concerné. Tout montre au contraire que joue un effet multiplicateur inverse. Un euro non dépensé par le budget public entraine plusieurs euro non dépensés et donc non investies par les acteurs économiques du pays concernés. Ainsi les Européens face à des Américains et Asiatiques qui investissent à tour de bras avec l'argent versé libéralement par leurs banques centrales, se retrouvent les jambes entravées dans la course qui les oppose à leurs rivaux. Le phénomène était depuis longtemps dénoncé par certaines oppositions socialistes, ou par des “économistes atterrés”. Mais on a pu constater, dans le cas français, qu'une fois arrivés au pouvoir, ces socialistes ont repris à leur compte le discours répressif des forces financières internationales. Jérome Cahuzac, dans sa discussion avec Jean-Luc Mélanchon le 7 janvier, s'en est fait le porte parole jusqu'à la caricature (voir y compris une vidéo de l'émission, à ce lien).
Est-ce à dire que les citoyens européens vont, découvrant l'ineptie des contraintes imposées par les gouvernements et le FMI, exiger enfin des changements profonds dans les traités soumettant la Banque centrale européenne à la domination du capitalisme international? Probablement pas. Sans penser qu'à proprement parler un complot organisé des oligarchies internationales s'exerce pour empêcher les peuples européens de réagir, on peut cependant faire l'hypothèse que des forces profondes sont en jeu dans le monde actuel pour maintenir l'assujettissement des citoyens de la base aux forces dominantes. On parlera d'un Système, dont l'étude et la dénonciation devrait être une priorité. Cela fait longtemps que Dedefensa recommande cette démarche salutaire. Le terme de Système sera jugé peu scientifique. Mais il l'est au moins autant que les modèles mathématiques du FMI.
Jean-Paul Baquiast