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160424 janvier 2013 – A la suite du sommet du 17 janvier des 27 ministres des affaires étrangères de l’UE sur la situation au Mali, EUObserver.com a donné un rapide compte-rendu, le même 17 janvier 2013. Peu nous importe ici le contenu “opérationnel” de ce sommet, qui reflète les habituelles tendances des uns et des autres, les différences également habituelles entre la rhétorique et les faits, etc. Nous intéresse un passage de ce compte-rendu, où sont rapidement cités deux ministres, – le plus concerné d’entre eux, le Français Fabius, et celui du Luxembourg, dont l’intervention anecdotique est intéressante pour notre propos.
«“Terrorism is an absolute evil,” Fabius said. “France is not defending its economic or financial interests. It's defending the Malian population, the possibility of development in Africa. It's protecting Europe and it's protecting international law,” he added. He noted that Malians have, out of gratitude, named babies after a French helicopter pilot killed at the weekend.
»Luxembourg foreign minister Jean Asselborn said the Mali rebels are guilty of atrocities against women and children. “Look at what's happening in north Mali, should the EU let this take place in all of Mali and tomorrow, maybe, in Niger and Mauritania? ... We can't let these extremists and terrorists do what they do and create hell on earth for people,” he noted.»
On notera, à côté du détail étonnant de sentimentalisme anecdotique sur les bébés maliens poussant comme des champignons et baptisés du nom de la seule victime française répertoriée officiellement jusqu’ici dans l’aventure, l’emploi par les deux ministres de termes relevant de la symbolique satanique, du Mal soi-même, dans sa version la plus primaire, à la fois religieuse et d’un symbolisme forcé, horriblement artisanal, construit pour tenter de donner de la force à une pensée qui prétend elle-même donner de la force à un acte, dont la situation vous conduit à en faire quelque chose d’effectivement absolu pour forcer la réalité à ce propos (exercice de narrative)… “Le terrorisme est un mal absolu”, selon Fabius ; ces extrémistes et ces terroristes qui vont “installer l’enfer sur terre”, selon le ministre luxembourgeois. Dans ce cas, l’intervention du Luxembourgeois est effectivement anecdotique, et représente simplement sa contribution au soutien rhétorique à l’action française, – bien entendu, il n’ira pas plus loin, et ne proposera pas un bataillon luxembourgeois de “forces spéciales” et ardennaises pour renforcer le corps expéditionnaire français. Son intervention revient à renforcer la thèse française, qui relève de l’absolutisme complet, également en matière de rhétorique, et on pourrait effectivement l’inclure dans l’intervention de Fabius selon l’hypothèse que “l’enfer sur terre” peut effectivement avoir un rapport avec le “mal absolu”. Pour confirmation de l’état de l’esprit, on peut citer d’autres déclarations du même Fabius, cette fois concernant spécifiquement l’attaque de la station gazière en Algérie, avec les affrontements qui ont suivi. (Le Monde du 20 janvier 2013 nous informe sur cela) : «“Ce sont des tueurs, ils pillent, ils violent, ils saccagent”, a affirmé le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius sur la radio Europe 1… […] “Il n'y a aucune impunité pour les terroristes et il n'y en aura pas… […] Face au terrorisme, il faut être implacable”»
Le thème est donné. Il y a là, non pas un aspect politique, non pas une évolution de l’intelligence et des idées mais bien une pente de la psychologie… On le voit également avec l’intervention du président François Hollande à Doubaï, le 15 janvier 2013, Hollande se posant une question suivant une question qui lui était adressée, et y répondant : «“Que faire des terroristes ? Les détruire”, a ajouté le chef de l'Etat. “Les faire prisonniers, si possible.”» Si l’on voulait une transcription fidèle, ce serait ceci : “Que faire des terroristes ? Les détruire… Les faire prisonniers, si possible.” Les trois points signifieraient un certain temps de réflexion, – quelques secondes de silence, ce qui se remarque, et c’est de la psychologie et nullement de la rhétorique ou de l’éloquence… On peut ainsi suivre la réflexion de ce président-là, s’apercevant qu’il a employé le terme tout de même formidablement abrupt (“les détruire”), qui relève également de ce vocabulaire du type “absolu” noté plus haut à propos de Fabius. Le silence du temps de réflexion donne le temps de redescendre sur terre pour quelques instants, de constater ce que la psychologie vous a fait dire, de pondérer le propos, et d’avancer l’hypothèse “les faire prisonniers, si possible” (sans nécessairement évoquer leur envoi dans une sorte de Guantanamo français, ce qui est à noter).
Ainsi en est-il du discours français. On aura peu de difficultés à y voir des échos du discours bushiste des années 2001 et suivantes, autour du thème de “la Grande Guerre contre la Terreur” et tout ce qui s’ensuit. L’idée se trouve également chez le premier ministre britannique Cameron (voir Antiwar.com du 21 janvier 2013), avec cette formule-choc et chic qui nous en rappelle d’autres : “La guerre en Afrique du Nord va durer peut-être des décennies” («It will require a response that is about years, even decades, rather than months and it requires a response that is patient, that is painstaking, that is tough but also intelligent, but above all has an absolutely iron resolve; and that is what we will deliver over these coming years…»)… Là aussi, c’est du Bush ressourcé (à peine), ou disons du Bush-Blair modernisé (postmodernité modernisée : post-postmodernité) ; disons, du “néo-bushisme”, expression que nous conserverons. Cameron a également, parmi ses diverses vaticinations du week-end, désigné le terrorisme qui s’est manifesté en Afrique du Nord comme “une menace existentielle”, – toujours recyclage de la rhétorique Bush-Blair. (Du côté américaniste, c’est moins évident… On bataille dur entre la Maison-Blanche et le Pentagone, la première estimant que les intérêts des USA ne sont pas mis en cause par ce qui se passe dans la zone du Sahel, le second nettement d’avis contraire. Obama n’est pas chaud pour une nouvelle croisade bushiste, l’assassinat par drones lui suffisant. On attend avec intérêt de voir ce qui se passera au Pentagone lorsque Hagel y arrivera, et dans la politique US en général lorsque Kerry aura remplacé les harpies [Hillary-Rice-Nuland] au département d’État.)
A première vue, on pourrait dire “rien de nouveau sous le soleil”, et si on a l’esprit leste : “l’infamie continue en recommençant…”. Il nous semble que ce n’est pas le cas. A côté des déclarations martiales de Cameron, ce qui apparaît est une très solide critique de ce même Cameron, pour ces mêmes paroles, de la part de la gauche progressiste et interventionniste (liberal hawks), qu’on désignera “libéral-interventionnisme” selon le sens politique et anglo-saxon du terme “libéral”, dont le Guardian est le plus sûr miroir, le porte-parole. Ces derniers temps, le Guardian a montré une certaine lassitude pour le libéral-interventionnisme tel qu’il était pratiqué, en commençant à observer combien l’assaut libéral-interventionniste contre la Syrie se transformait en un chaos où les gangsters-pilleurs et les groupes extrémistes islamistes prenaient aisément le dessus. L’affaire Mali-Algérie offre soudain la perspective d’un virage beaucoup plus accentué. La doctrine bushiste de la “guerre globale” contre le terrorisme (Great War On Terror) n’a jamais été la tasse de thé des libéraux-interventionnistes ni de leur porte-drapeau, le Guardian. Certes, les méthodes sont similaires (bombes et assassinats, interventionnisme, bons sentiments sélectifs, suprématisme américaniste-occidentaliste, etc.) mais l’argument est complètement différent. Les libéraux-interventionnistes font dans la dentelle : ils sélectionnent les cibles (Kosovo, Libye, Syrie) à l’aune de leurs propres vertus, qui valent ce que l’on sait ; par contre, ils ne veulent pas entendre parler de la figuration de l'ennemi en une “globalisation” de la terreur dont ils jugent qu’elle passe évidemment dans sa représentation, quasiment aussitôt, de l’anti-terrorisme à l’anti-djihadisme, à l’anti-islamisme, pour se terminer en islamophobie et croisade contre le monde arabe et les pays caractérisés par la religion de l’Islam, cela représentant en réalité un vaste ex-Tiers-Monde que ces mêmes libéraux-interventionnistes jugent victimes de l’oppression colonialiste et de ses suites. (Cela est caractérisé par cette crainte de la bipolarisation qu’implique la “globalisation” de la menace, nous renvoyant, nous du bloc BAO, dans une bipolarité extrémiste qui déplaît à la vertu libérale-interventionniste.) Laissons de côté les jugements de valeur et les références à l’histoire, et l’histoire faussée, et l’hypocrisie de l’idéologie, etc., et constatons la divergence. Le fait qu’à l’occasion de l’affaire Mali-Algérie, cette divergence se fait jour à nouveau, et très rapidement, et à notre sens bientôt béante.
• Citons deux textes du Guardian (The Observer) qui vont dans ce sens… D’abord, une mention de celui de Peter Beaumont, le 20 janvier 2013, protestant des complications du problème du Mali, et donc rejetant les explications simplistes qui, quoiqu’opposées, alimentent toutes les deux le cadre de l’affrontement global à-la-Bush : «Terrorism is just one of many scourges to beset the people of Mali for decades, – Blaming al-Qaida or neo-colonialism is too simple in a country where many have been marginalised for too long.»
• Il y a aussi le texte de Jason Burke, du Guardian du 21 janvier 2013, centré sur l’affaire des otages en Algérie : “La crise des otages en Algérie ne signifie pas que nous soyons revenus aux jours sombres de l’extrémisme – Cameron a tort de qualifier les militants d’Afrique du Nord de ‘menace existentielle’”. Burke donne des arguments opérationnels, notamment concernant les capacités des “terroristes”, que ce soit al Qaïda ou Tartempion, pour donner une allure objective et opérationnelle à son analyse. (Beaumont en rajoute ce 23 janvier 2013 en expliquant pourquoi la crise des otages de la station gazière, plus qu’être une alerte terrible d'une force en expansion, est plutôt une preuve du délitement des capacités du terrorisme international.)
«Since the beginning of the Algerian hostage crisis, David Cameron has repeatedly emphasised the seriousness of the threat such incidents pose. Al-Qaida in the Maghreb and other northern African groups, he has said, pose a “large and existential threat” that is “global [and] … will require a global response … that will last decades”. It needs to be “top of the international agenda”, he said on Sunday.
»Cameron came relatively late to the conflict against Islamic extremism, arriving in Downing Street in 2010, and thus perhaps can be forgiven a lack of perspective. His rhetoric is almost identical to that of British and US leaders in the first years after the 9/11 attacks, a time of great fear and deep ignorance when the threat from Islamic militancy, if often exaggerated, was nonetheless serious. Then there were bombs or other attacks, mass-casualty and otherwise, in Europe, the Maghreb and the Middle East, south Asia and the Far East. […]
»In contrast, last year, British intelligence analysts, despite exhaustive efforts, could find no credible threat from Islamic militants to the biggest sporting event held in the UK for decades, the Olympic Games. "If you had told me back in 2005 that we would be where we are today, I'd have thought you were deluded," one said at the time, when discussing the threat posed to London. The US could find no threat during the autumn's presidential campaign either. The Arab spring has certainly opened new opportunities for violence in new areas, reinforcing the obvious point that a phenomenon that has roots in social, political, cultural and religious factors going back decades, if not centuries, in the Islamic world and, crucially, in the Islamic world's relationship with the west, will be with us for a long time to come. But, spectacular as the hostage crisis has been, it does not mean we have returned to the dark days of before. It is because militant attacks have been so infrequent – or at least distant – that this recent episode has had such an impact. Bin Laden is dead, al-Qaida's ability to cause harm greatly reduced, and the local dynamics that now characterise the impossibly fragmented world of contemporary extremism make militant groups resilient but render complex 9/11-type attacks almost impossible to organise. Extremism remains a threat, and an evolving one, but the danger is not “existential”.»
Le fond de la démarche Guardian-Beaumont-Burke est bien idéologique, et marque une rupture en train de se faire entre les bushistes et associés (dits-conservateurs, quoique le terme soit fort peu appropriés, mais il satisfait l’analyse idéologique des libéraux-interventionnistes), sous la forme nouvelle des néo-bushistes, et les libéraux-interventionnistes dont nous parlons. Les deux factions, réparties dans un désordre significatif du bouleversement réalisé depuis 2008 et le développement du bloc BAO (c’est-à-dire sans que des expressions idéologiques conséquentes soient affirmées par les acteurs, inattentifs à ces tendances), s’étaient à peu près accordées lors des affaires libyenne et syrienne. Les deux trouvaient de quoi alimenter leurs rhétoriques : la tendance bushiste, rescapée des belles années Bush (donc, pas encore néo-bushiste), en plaçant la Libye et la Syrie dans un courant global, plutôt anti-bloc BAO et anti-politique-Système qu’antiSystème pour ne pas pervertir dans notre esprit la vertu du dernier terme, et cela malgré les contradictions évidentes (dans le cas syrien, des fractions “terroristes” faisant partie du “courant global” parmi les anti-Assad) ; les libéraux-interventionnistes, en développant leur rhétorique d’un bellicisme interventionniste sélectif, accordé à l’identification des “dictatures” antidémocratiques comme objectifs de leur action.
Avec le Mali prolongé dans l’affaire algérienne, cette identification des objectifs vole en éclats. Le courant bushiste a opéré sa mue jusqu’à la décadence, avec la mort du modèle initial, et s’est signalé pour ce qu’il est ; ceux qui le sollicitent à nouveau sans réellement s’en aviser sont identifiés comme des “néo-bushistes” nés plutôt d’une psychologie à la dérive que d’une appréciation idéologique ; ils adoptent effectivement la rhétorique classique de l’agression globale et de la guerre également globale et “sans fin” (“Grande Guerre contre la Terreur”) qui caractérisent le courant. Les libéraux-interventionnistes, eux, se séparent décisivement de leurs alliés de circonstances en refusant une doctrine qui les conduirait à abandonner leurs supposés vertu de sélectivité de l’adversaire (pour eux, les gouvernements malien et algérien sont au moins aussi suspects, sinon coupables de la faute antidémocratique et de la violation des droits de l’homme, que les forces que ces gouvernements affrontent).
D’abord et préliminairement pour ce commentaire plus général et parlant des dirigeants européens du bloc BAO engagés dans cette affaire, observons que nous croyons absolument à l’absence totale, dans ces esprits très bas et préoccupés des seuls effets immédiats dans des affaires dont l’apparente complexité les effraie ou les dépasse, de toute conception idéologique originale, de tout dessein conceptuel, de toute stratégie, etc. Il importe d’ailleurs de ne pas être complètement critique à cet égard. Il s’agit d’une époque manifestement métahistorique, où des forces puissantes et manifestement incontrôlables par le sapiens-Système, de type politique standard, sont à l’œuvre. Ces directions politiques, placées devant des événements tourbillonnants et très rapides dans leurs enchaînements, ne peuvent fournir, même si elles le voulaient dans l’hypothèse extrême et surréaliste où elles en auraient, leurs propres appréciations politiques et stratégiques. Par conséquent, elles tendent à se replier vers des idéologies et des “stratégies” (qui ne sont en général que des “tactiques” exploitées et développées jusqu’à l’excès) largement promues et applaudies dans les années qui se sont déroulées depuis 2001 par une pratique intensive du système de la communication. Il n’y a aucune appréciation, aucune préoccupation du fait que ces idéologies et ces “stratégies” ont abouti à des désastres (Irak, Afghanistan, etc.) dont les effets catastrophiques se poursuivent. L’important est de s’accrocher à des étiquettes, à des appréciations toutes faites, qui placent ces directions politiques dans des courants et des dynamiques connues, conformes, approuvées officiellement par le Système… Ainsi une prise d’otage dans le désert algérien à une station gazière devient une “menace existentielle” d’une guerre promise à “durer des décennies”. L’affirmation est infondée, gratuite, mais ce terrain-là de la communication est sûr, comme on l’a entendu avec Bush et Blair pendant des années. Dans tout cela, l’essentiel est psychologique et, pour les dirigeants politiques, il y a la nécessité de s’approprier une référence dite “sérieuse” qui conforte leurs psychologies dévastées et vulnérables.
…Ce qui nous conduit à affirmer, une fois de plus, que c’est effectivement à partir de la psychologie essentiellement qu’il faut juger de l’évolution des choses qu’on constate ici, et non de l’intelligence des actes, ni des idées, ni de la stratégie, ni des divers à-côtés d’intérêts divers accompagnant la stratégie, etc. La psychologie permet de comprendre le fonctionnement des directions politiques essoufflées qui ne font que suivre le Système et les événements. Dans le cas qui nous occupe, la principale “évolution des choses”, c’est la nécessité où ont cru se trouver ces directions politiques d’adopter une posture et une rhétorique complètement extrémistes dans leur logique et leur développement, toutes deux selon les exigences du système de la communication,. (L’intervention au Mali et la prise d’otages en Algérie en elles-mêmes sont des questions opérationnelles qui n’imposent pas nécessairement telle ou telle posture, telle ou telle rhétorique.) Tout cela conduit effectivement à une rhétorique que nous qualifions de “néo-bushiste”, non pas à partir d’une idéologie, d’un constat, d’une ambition, etc., mais bien d’un enchaînement psychologique suscité par le système de la communication. Il s’agit de ne pas se trouver psychologiquement solitaire, ou psychologiquement antiSystème (horreur !), sans la référence qu’on espère structurante (dans un sens inverti, cela va de soi) de formules idéologiques et extrémistes entrant dans un cadre d’une logique éprouvée et estampillée-Système, pour présenter les événements dans la dynamique du système de la communication. Il est psychologiquement impossible à ces personnages, en cas d’intervention, d’intervenir en observant simplement qu’ils protègent un régime contre une agression (la véracité ou pas du propos est un autre problème), comme cela fut fait à de multiples occasions dans le passé, dans diverses occurrences africaines. Ils sont enchaînés à des logiques extérieures à eux, après s’être enchaînés à des événements de leur propre chef (la Libye pour la séquence actuelle) offrant le facteur primordial de l’élément dynamique déclencheur de la déstabilisation de la même séquence. Ils le sont parce que leur psychologie est totalement pulvérisée par la crise (2008, Europe, euro, etc.) ; c’est parce que cette psychologie est pulvérisée par la crise qu’elle “se sent” solitaire et a besoin pour une action à entreprendre de s’appuyer sur une référence admise universellement par le Système ; le bushisme (néo-bushisme) fait l’affaire.
Il est donc manifeste, dans l’évolution qu’on décrit, que l’événement nouveau est le retour d’un bushisme qu’il faut qualifier de néo-bushisme, en le séparant soigneusement de son origine et de son apparente substance idéologique, puisque seule la psychologie est en jeu ; en le séparant soigneusement de la partie américaniste (qui tend à s’en détacher) pour l’accrocher d’une façon complètement paradoxale à l’Europe et aux puissances européennes activistes, – principalement la France et le Royaume-Uni. C’est une remarquable césure, moins stratégique que psychologique répétons-le, qui conduit l’extrémisme global qui fut l’apanage du bushisme et des USA, à un autre extrémisme global qui devient l’apanage des extrémistes européens. Les Britanniques ont bien entendu fait l’aller-retour, d’abord avec les USA (Bush-Blair), désormais avec les Européens (les Français), avec leur habituel double jeu, – mais passons, car ce double jeu sans aucun avantage est assommant à détailler, dans son habituelle banalité… Il n’empêche que les Britanniques, malgré leur légendaire habileté, sont prisonniers d’un enchaînement psychologique vers la globalisation exrémiste des menaces (l’estampille-Système néo-bushiste) pour que leur direction politique ne se sente pas psychologiquement solitaire dans son engagement. Cet emprisonnement s’est fait, notamment, dans le chef d’un MI5 (contre-espionnage) qui a été réorienté dans le cens. (Un remarquable téléfilm de “fiction” du plus grand intérêt, Page Eight, produit en 2011 par la BBC, montre comment le MI5 a été l’objet d’une refonte imposée par le pouvoir politique pour conduire un travail développant des thèses adaptées à la psychologie chancelante du pouvoir politique, pour la relever en nourrissant les narrative à mesure.)
Paradoxalement, la situation que nous décrivons tend à témoigner de l’homogénéisation chaotique du bloc BAO où les influences classiques se dissolvent complètement dans le magmas que constitue ce bloc sous les pressions de la politique-Système, essaimant de tous les côtés, avec des effets complètement différents, parfois contradictoires mais jamais décisifs, selon les circonstances. Il est évident que le Sahel, l’Afrique représentée ici par l’axe Algérie-Mali, pèsent directement sur ces psychologies des puissances européennes, dans le sens de la perception (néo-bushiste) d’une globalisation d’une menace dite existentielle, et laisse beaucoup plus indifférents des USA tendant de plus en plus vers un isolationnisme psychologique radical. Le retrait US serait alors d’autant plus radical que c’est plus l’idéologie libérale-interventionniste que l’idéologie bushiste (néo-bushiste) qui a animé leur politique belliciste sous Obama, même si le résultat concret est une politique qui vaut largement en cruauté et en illégalité celle du bushisme, mais en tentant d’éviter des engagements extérieurs conséquents pour satisfaire l’isolationnisme psychologique, en proposant un “interventionnisme isolationniste” (la guerre des drones, acte purement isolationnisme d’une politique cruelle et illégale, en est une marque caractéristique).
Les extrémistes européens, par la psychologie, Français et Britanniques principalement, tentant d’entraîner les autres, ressuscitent “la Grande Guerre contre la Terreur”, mais non plus comme une idéologie à prétention hégémonique et universelle comme elle prétendait l’être dans les années 2001-2005, mais comme une cure d’une psychologie totalement pulvérisée par la crise (2008, Europe, euro, etc.). On dira que le résultat est le même, – mais ce n’est le cas que pour un instant, pour un très court instant, qui semble déjà s’estomper.
(On le voit bien, avec la rapidité de la communication, des événements, de l’Histoire elle-même : on ne parle plus guère de la prise d’otage et la campagne au Mali ne fait plus que une ou deux minutes des JT–Système standards, quand on en parle encore. La mobilisation médiatique et psychologique se dissout littéralement, révélant évidemment sa réelle substance, type crème pâtissière et pâte à choux de l’éclair au chocolat qui fait notre délice. L’espèce d’unanimité-Système qui avait salué l’initiative française est en train de se craqueler et de se dissoudre, surtout de la part des pays arabes et africains, – avec, caracolant en tête comme d’habitude, l’allié fidèle de la France qu’est le Qatar, qui alimente également les divers occupants du Nord du Mali contre qui les Français sont déployés avec prudence et circonspection. L’on pense avec un peu de regret pour eux, les Français-Système complètement américanisés jusque dans la façon de faire la guerre [impératif de la Force Protection], avec quel brio et quelle rapidité, sans gilets pare-balles ni lunettes de soleil, ni “forces spéciales” hyper-cagoulées, ni Rafale en soutien, fut réglée l’affaire de la ville de Kolwezi prise par des “rebelles” en 1978 au Zaïre, avec des centaines d’otages européens à la clef : avec largage dans la nature autour de Kolwezi, sans soutien aérien ni logistique, des parachutistes légionnaires du 2ème REP avec les hommes d’un commando parachutiste belge, les uns et les autres réduits à leurs équipements individuels ; cela pour reprendre la ville en trois jours, avec pertes minimales, y compris des otages, et liquider la rébellion.)
Les perspectives de leur “Grande Guerre de la Terreur” néo-bushiste sont bien entendu totalement différentes de leur grande inspiratrice bushiste. Une déroute de la psychologie ne peut servir de base sérieuse et acceptable à un modèle belliciste et interventionniste, même pour un échec grandiose comme ce fut le cas du modèle initial ; le résultat sera nécessairement bas et médiocres, sans Austerlitz ni Dien Bien-phu. Les affrontements internes au bloc BAO (avec les libéraux-interventionnistes) feront le reste. Ce sont les échecs tonitruants et les échéances électorales qui ont vaincu le bushisme en quelques années ; c’est la fragilité psychologique qui dispersera le néo-bushisme, en quelques mois sinon quelques semaines, et nous conduira à une situation interne du bloc BAO bien pire que celle qui précéda l’affaire malienne… De quelle façon se fera cette déroute, qui concerne bien plus le bloc BAO que la situation au Mali, et la communication (la psychologie) bien plus que la “guerre” sur le terrain, c’est une autre perspective, hors de notre portée, mais sans aucun doute plus proche que lointaine. La certitude d’ores et déjà actée est que nous avons gagné un affaiblissement supplémentaire de la psychologie et une discorde idéologique parmi les composants de la politique-Système, avec les vertueux libéraux-interventionnistes qui ne veulent pas du retour, même cosmétique, même pour un instant, de l’ombre de l’insupportable mauvais bougre que fut le pauvre GW Bush. Tout cela est de la politique réduite à un théâtre d’ombre où s’exacerbent de pauvres psychologies à la dérive, avec querelles d’étiquettes et concurrences de maquillages. Bien sûr, la véritable crise ne se trouve ni au Mali ni dans les confins désertiques de l’Algérie, mais bien dans le brouhaha de la crise d’effondrement du Système. Elle se poursuit à son rythme, effréné certes.
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