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1361Où se livre donc désormais l’essentiel de la “bataille” de la crise libyenne ? Aujourd’hui, nous dirions beaucoup plus à Evere, dans la banlieue de Bruxelles, au siège de l’OTAN, que dans les sables divers de la Libye. On parle bien entendu des querelles sur le commandement et le contrôle de l’opération Dawn Odyssey, selon le nom de code US qui fait l’unanimité empressée des membres de l’alliance, des querelles impliquant la France, la Turquie, les USA, le Royaume-Uni, les autres à titres divers, l’OTAN certes, avec l’ONU et l’UE en arrière plan ; ah, accessoirement, il est aussi question de la Libye. Malgré les précédents du Kosovo et de l’Afghanistan, où il y eut quelques débats et grincements de dents au sein de l’OTAN, mélangeant les aspects techniques et politiques, on peut aisément observer qu’il n’y a jamais eu un tel désordre au sein de l’alliance.
• Le Guardian du 23 mars 2011 (au soir) donne un compte-rendu de la journée du 23 à Evere, avec les querelles diverses et l'incapacité de l'alliance d’arriver à un accord. Le quotidien libéral de Londres a changé l’orientation de son commentaire, en montrant combien la pression des Anglo-Saxons est très loin de conduire les débats, et même cette pression en position de défense et de recul, alors que la veille, il laissait entendre le contraire. Ce sont surtout la Turquie et la France qui conduisent les débats contradictoires, avec d’autres pays affirmant des positions plus indépendantes (les Allemands ont soustrait leur navire au commandement OTAN, dans la flotte chargée en Méditerranée de faire respecter l’embargo vers la Libye).
«[T]he attempt at a Nato show of unity in policing a UN arms embargo was undermined by a third day of squabbling at alliance headquarters in Brussels over who should be in charge of the air campaign.
»Amid arguments over the scope and command of the air campaign against Tripoli, Turkey both blocked Nato planning on the no-fly zone and insisted that Nato be put in control of it, in order to be granted a veto over its operations, senior Nato officials said. “Turkey blocked further planning while the coalition [of the willing] continues,” said a senior official. Ankara wants the broad coalition involved in the air campaign to cede control to Nato in order to limit its operations, the official added. The Turks specifically called for a halt to air attacks on ground targets in Libya and signalled that agreement on this would be the price of their assent.»
Les Français ont une position antagoniste des Turcs, en exigeant que le commandement politique de l’opération ne soit pas confié à l’OTAN (point sur lequel ils l’ont emporté sur les Anglo-Saxons). Cette position diamétralement opposée à celle de la Turquie, rejoint paradoxalement le fond de la position turque. Les Français ne veulent pas d’une direction OTAN pour empêcher que l’opération ne dégénère en une opération strictement OTAN, avec les excès probables ; les Turcs veulent que l’OTAN assure la complète direction de l’opération, pour pouvoir mettre leur veto à des actions de l’OTAN, et ainsi limiter l’action de l’OTAN avec ses excès.
«The Turkish position put Ankara at odds with France, which has successfully thwarted strong US and British pressure to put Nato at the political helm of the air campaign overseeing the UN-decreed no-fly zone over Libya. Paris insisted that the governments of the “coalition of the willing” taking part in the strikes against Gaddafi's military infrastructure would lead and make the decisions. “It is important to make clear that the leadership is not Nato,” said Alain Juppé, the French foreign minister. “We see this as a UN operation under a UN mandate. It is implemented by a coalition of European, North American and Arab countries.”»
• Malgré tous les doutes spéculatifs sur la position en retrait des USA (hypothèse sur une manipulation US, dans tous les sens, pour aboutir au contraire de ce qui est montré, à une restriction manifeste des USA), la réalité est bien que les USA sont en retrait. C’est la cause principale du désordre à l’OTAN. Lorsque les USA ne sont pas là, au centre des débats, pour activer la machine otanienne qui est une chose de l’américanisme, les contestations se font jour de tous les côtés. Or, l’abstention US est une réalité, compte tenu du caractère et de la position politique d’Obama, de l’absence de moyens sérieux des USA, et d’une situation washingtonienne qui est loin d’être favorable à l’intervention US. The Independent du 24 mars 2011 donne quelques détails là-dessus. (D’autres précisions existent, sur des positions hostiles à l’intervention US en libyen que ce soit effectivement celles de démocrates, celles de républicains, dont le Speaker de la Chambre John Boehner, celle d’un Dennis Kucinich, celle d’un Ron Paul.)
«…President Obama who has made winding down US involvement in Libya a top priority for the administration. Complaints are already surfacing about the cost of US operations, while some in Congress say they were not properly consulted before the intervention started. Some in his own Democratic party questioned the very principle of American involvement, saying the country had no vital interests in Libya. “We don't have a clear diplomatic policy or a clear foreign policy when it comes to what's going in Libya,” said the outgoing Virginia senator Jim Webb.»
Imposons-nous une rupture ici, pour bien marquer que notre sujet s’élargit jusqu’à changer de substance, qu’il ne concerne certainement pas le résultat de la bataille en cours entre OTAN, USA, Turquie, France (tiens, pas question de la Libye). En effet, l’OTAN n’a aucune importance quand elle agit. Elle ne compte que lorsqu’elle ne fait rien et ne sert à rien dans le domaine pour lequel elle a été conçue, car elle est alors utile à “fixer”, pour le compte des USA, les alliés européens serviles et consentants ; la basse-cour est bien rangée, en ordre et caquette du plaisir de la servilité volontaire. Dès que l’OTAN agit, c’est la catastrophe
De même pour ces “alliés européens”, dont tant et tant se désolent de les voir choisir l’OTAN pour faire leurs activités militaires, au lieu de l’Union européenne. Si l’on met à part les polémiques qu’on a signalées
Mais, pour cela, pour cultiver cette impunité rassurante de la servilité subventionnée, il faut que les USA soient présents. Aujourd’hui, ils ne le sont plus, dans tous les cas d’une façon active et sérieuse, pour toutes les raisons du monde qu’on détaille quotidiennement depuis la catastrophe irakienne. En fait, il s’agit de la première crise sérieuse à l’OTAN avec les USA en position de déclin accéléré, et crise en partie due à cette situation des USA, et aggravée par cette situation. Du coup, toutes les tensions contenues, qui apparaissent épisodiquement mais restent sous contrôle, se manifestent cette fois avec une vigueur inattendue, où l’on voit des pays aussi importants que les USA, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, la Turquie, prendre des positions divergentes sans lemoindre souci de les dissimuler. Si l’on a coutume de se plaindre, à juste raison, des divisions à l’intérieur de l’UE et de la paralysie de l’UE qui en résulte, on devrait commencer à découvrir que la situation n’est, aujourd’hui, pas meilleure à l’OTAN, dans une occurrence (la crise libyenne) qui implique une pression directe et constante sur cette même OTAN (ce qui n’est pas le cas pour l’UE, dont la dimension sécurité reste balbutiante). Ce qui nous permet d’en arriver à notre constat principal…
Le principal effet de la crise libyenne et de la façon dont elle a été abordée, et dramatisée, avec des mésentente profondes, est d’exacerber les tensions à l’OTAN. Il s’agit d’un cas bien plus grave que celui de l’UE, où, au contraire de l’OTAN, aucune unité, aucune homogénéité n’a jamais existé en matière de sécurité. Le constat est donc que la crise libyenne, née des divers agissements du fantasque colonel Kadhafi, a comme effet de mettre en danger grave de déstructuration, la principale entité qui maintienne une unité atlantiste-occidentaliste sérieuse. La responsabilité des USA dans cette occurrence est avérée, mais il s’agit également d’une situation inévitable dépendante de la position générale et la dynamique de cette puissance. L’on voit donc, en élargissant le point de vue et en acceptant l’idée que les effets indirects peuvent, sur le terme, avoir des conséquences considérables, que l’on pourrait, que l’on devrait bientôt accepter l’hypothèse que la chaîne crisique qui a notamment engendré les troubles libyen, puis la crise libyenne actuelle, est en train de répandre son onde de choc jusque vers les structures fondamentales de l’ordre américaniste-occidentaliste. On pourrait y voir une manifestation des plus originales, et quasiment involontaires à force d’enchaînements indirects, des conceptions asymétriques qui caractérisent la guerre de quatrième génération (G4G), – ce qui ne serait rien de moins que la G4G selon Kadhafi. Mais, certes, les acteurs sont secondaires ; ce qui compte, c’est que, dans cet enchaînement, dans cette attaque contre une structure du Système, on retrouve par divers biais et enchaînement imprévus, la situation de l’affrontement de la chaîne crisique qui se poursuit dans les pays arabo-musulmans contre le Système.
Mis en ligne le 24 mars 2010 à 11H59
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