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1528Le prix de “la guerre contre la Terreur” est en train de dépasser celui de la Deuxième Guerre mondiale pour les USA, selon une évaluation de l’Institute of International Studies, de l’université Brown. Le coût pour les USA de la Deuxième Guerre mondiale est situé, en dollars et en coûts actualisés, à $4.100 milliards, selon le Congressional Budget Office qui est l’organe extérieur d’évaluation des coûts budgétaires du Congrès. Brown offre une évaluation du coût de la “guerre de la Terreur” selon les données actuelles entre $3.700 milliards et $4.400 milliards. (Insistons sur le mot “actuel” ; les opérations se poursuivant, les évaluations vont évidemment encore augmenter.) La “guerre contre la Terreur”, c’est cette sorte de “campagne militaire” lancée à l’occasion de l’attaque du 11 septembre 2001 et en riposte à cette attaque, et qui comprend notamment les “guerres” d’Irak et d’Afghanistan. (Diverses publications rendent compte de cette nouvelle estimation, dont l’article de Rupert Cornwell, de The Independent, le 30 juin 2011, et Aljazeera.net du 30 juin 2011 également.)
L’estimation de l’université Brown est évidemment différente des chiffres officiels, qui rendent compte des seules dépenses “autorisées” par le Congrès. Cette évaluation officielle se réfère à un monde budgétaire absolument fictif, une narrative de dépenses budgétaires, endossée par Obama lui-même lors de son discours sur l’Afghanistan de la semaine dernière («Over the last decade, we have spent a trillion dollars on war, at a time of rising debt and hard economic times…»). Dans certains domaines, – celui des pertes humaines, notamment, – on peut juger les estimations de Brown extrêmement prudentes par rapport à d’autres évaluations, et cela n’est d’ailleurs pas dissimulé dans les commentaires du rapport.
Cornwell écrit : «This staggering sum emerges from a new study by academics at the Ivy-league Brown University that reveals the $1.3 trillion officially appropriated on Capitol Hill is the tip of a spending iceberg. If other Pentagon outlays, interest payments on money borrowed to finance the wars, and the $400bn estimated to have been spent on the domestic “war on terror”, the total cost is already somewhere between $2.3 and $2.7 trillion. And even though the wars are now winding down, add in future military spending and above all the cost of looking after veterans, disabled and otherwise and the total bill will be somewhere between $3.7 trillion and $4.4 trillion. […]
»The human misery is commensurate. The report concludes that in all, between 225,000 and 258,000 people have died as a result of the wars. Of that total, US soldiers killed on the battlefield represent a small fraction, some 6,100. The civilian death toll in Iraq is put at 125,000 (rather less than some other estimates) and at up to 14,000 in Afghanistan. For Pakistan, no reliable calculation can be made.
»Even these figures however only scratch the surface of the suffering, in terms of people injured and maimed, or those who have died from malnutrition or lack of treatment. “When the fighting stops, the indirect dying continues,” Neta Crawford, a co-director of the Brown study, said. Not least, the wars may have created some 7.8 million refugees, roughly equal to the population of Scotland and Wales.»
Ces estimations ne sont pas surprenantes dans la mesure où cette échelle de coûts est largement acceptée depuis les estimations de l’équipe Stiglitz-Bilmes de 2008 sur “la guerre de $3.000 milliards”. Dans nos réflexions du 8 mars 2008, du 19 mars 2008 et du 22 mars 2008, nous mettions en évidence combien ces estimations de Stiglitz-Bilmes constituaient une révolution, catastrophique évidemment, dans la situation du complexe militaro-industriel (CMI) par rapport à la puissance économique et budgétaire des USA : les dépenses militaires, vu jusqu’ici comme un facteur enrichissant de l’économie, se sont transformées en un fardeau mortel. Plus récemment (le 1er octobre 2010), Stiglitz-Bilmes projetaient la probabilité d’une somme globale totale, pour “la guerre contre la Terreur”, de $6.000 milliards.
Par rapport aux guerres précédentes, il y a une différence importante renvoyant à cette opposition “fratricide” entre la guerre et l’économie US, qui est une idée nouvelle par rapport à la thèse de la vertu de “l’économie de guerre” (et des diverses guerres engagées) suivie depuis la Deuxième Guerre mondiale : l’argent dépensé est de l’argent qui n’existe pas… Cornwell :
«The difference is that America's financial position has worsened considerably in the meantime, with a brutal recession and a federal budget deficit running at some $1.5 trillion annually, while healthcare and social security spending is set to soar as the population ages and the baby boomer generation enters retirement. Unlike most of America's previous conflicts moreover, Iraq and Afghanistan have been financed almost entirely by borrowed money that sooner or later must be repaid…»
En termes plus généraux, il s’agit de l’idée que la guerre est en train de détruire celui qui la fait, – les USA, – alors que l’idée de départ de la “philosophie” du CMI est que la guerre serait un moyen de sauver les USA de la situation économique et budgétaire catastrophique née de la Grande Dépression ; un moyen de sauver le régime capitaliste, si l’on veut. Il s’agit d’une évolution où le système de la communication a joué un rôle faussaire considérable, en camouflant les réalités économiques et budgétaires sous une présentation, également faussaire, de la situation des USA. Littéralement, “la guerre contre la Terreur” menée par les USA pour donner à cette puissance une impulsion hégémonique irrésistible, détruit (a détruit) les USA à la façon, désormais fameuse, des “termites”.
…Rien de fondamentalement nouveau dans l’évaluation de l’université Brown, certes, mais elle intervient à un moment politiquement décisif, où la perception de l’effondrement des USA est très forte, à partir des décisions de BHO sur l’Afghanistan. Cette évaluation des coûts de “la guerre contre la Terreur” est donc attendue également dans ses effets psychologiques, qui devraient donner un supplément “rationnel” de consistance à cette perception de l’effondrement. L’effet psychologique sera, là aussi, important, basé sur une formule d’équivalence antagoniste particulièrement frappante. Budgétairement et économiquement, la “guerre contre la Terreur” est le double négatif de la Deuxième Guerre mondiale, appuyé sur cette équivalence approximative des coûts : la Deuxième Guerre mondiale a construit d’une manière irrésistible la puissance US, la “guerre contre la Terreur” l’a détruite (c’est d’ores et déjà fait), tout aussi irrésistiblement… Tout cela, pour la séquence, à partir de l’opération de l’attaque 9/11, dont le coût général, pour ceux qui l’ont réalisée (officiellement, al Qaïda et ben Laden), est évalué à $500.000. Le rapport est intéressant, économiquement certes mais aussi, plus hautement, pour mesurer l’état de cette “contre-civilisation” qui est nôtre.
Mis en ligne le 1er juillet 2011 à 08H18
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