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2363Le cabinet hollandais devrait se prononcer vendredi 1er février sur la question des avions de combat, et, plus précisément, sur la question de la participation au programme américain JSF (F-35). Diverses indications, retrouvées par ailleurs dans le ton général de la presse hollandaise comme dans nombre de commentaires, font penser que l'attitude du cabinet pourrait être positive. (Parmi les éléments nouveaux, un arrangement comptable qui fait que l'industrie hollandaise prendrait à sa charge 50% de la participation demandée par les Américains, qui serait de $800 millions, le reste étant pris en charge par le gouvernement. Cette participation au programme de développement n'implique aucune garantie de retour pour l'industrie hollandaise.)La décision du cabinet hollandais, si elle est prise, n'en serait pas pour autant définitive puisque commencerait alors l'examen de cette participation hollandaise au JSF devant le Parlement hollandais. La date du 1er mars est avancée comme délai pour le Parlement, ou bien un peu plus avant dans le mois de mars, les Américains attendant (exigeait?) une réponse pour le mois d'avril.
Voilà les éléments nouveaux d'un dossier dont nous avons déjà parlé sur ce site, dans notre analyse d'octobre dernier. Ainsi exposés, ces éléments ne nous disent pas grand'chose de la réalité de ce dossier, de son importance et, surtout, des conditions étranges et qui semblent parfois irréelles où se déroule le processus en cours. On croirait être en présence d'un processus de sélection entre quatre candidats, puisque la Royal Netherland Air Force (RNethAF) les a notés et, par conséquent, classés; on croirait que les quatre candidats ont été minutieusement examinés, testés, essayés, évalués; mais pas du tout puisque trois de ces quatre candidats n'existent pas tout à fait ou pas du tout, c'est selon, et qu'un seul a été essayé, et que pourtant la RNethAF s'est fait une religion de fer. Enfin, si l'on rappelle que les chasseurs néerlandais devront être remplacés vers 2010-2012, ce qui exigerait, selon toutes les normes de prudence économique et opérationnelles, un choix vers 2006-2007, on est conduit à observer que cette précipitation défie les normes de bon sens, de mesure et de prudence, qui sont des qualités qu'on s'est habituées à voir accolées à la réputation des Hollandais. Encore, se dirait-on, les Hollandais, qui sont bons Européens, ont-ils choisi précipitamment pour renforcer le processus européen, donc choisi un avion européen? On sait qu'il n'en est rien et que c'est le contraire.
Mais toutes les remarques de bon sens que nous avons proposées ci-dessus semblent contredire l'affirmation initiale que nous avons faite, selon laquelle le cabinet hollandais se prononçait «plus précisément sur la question de la participation au programme américain JSF». Cette affaire Pays-Bas/JSF contraint le commentateur à des démarches et des observations bien contradictoires. Ce sont les Américains qui forcent les Pays-Bas (et d'autres pays pour le même cas) à se prononcer avec une telle précipitation et une telle avance, sur un avion qui n'existe pas (le leur), dans des conditions économiques et opérationnelles purement théoriques, sinon une pure rhétorique de marketing, dans une atmosphère politique dont on nous dit, depuis le 11 septembre 2001, que “rien ne sera plus jamais comme avant” et dont, par conséquent, il faut attendre bien du changement par rapport à ce que nous promettent ces mêmes spécialistes du marketing de l'époque d'avant. On ignore, dans tous les cas précisément, ce que les Hollandais, et notamment les ministres hollandais, gagneraient à une telle décision précipitée, mais on comprend que les Pays-Bas risquent d'y perdre leur vertu de prudence, de mesure et d'objectivité luthérienne.
La RNethAF a donc du examiner quatre prétendus-candidat qui sont à des stades divers de développement, et certains à un stade même pas initial.
• Le constructeur (Lockheed Martin) du JSF vient d'être sélectionné, en octobre 2001, et la première version de cet avion, la version ADAC-V à décollage vertical qui n'est pas celle que veut la RNethAF, devrait atteindre le stade de l'entrée en service dans le Marine Corps en 2007. La version USAF, celle qu'examinait la RNethAF, est prévue pour 2009-2010. On comprend que toutes les données concernant le JSF opérationnel aujourd'hui ne peuvent être que pure projection théorique.
• L'Eurofighter Typhoon (Allemagne, Espagne, Italie, UK) est dans sa phase ultime de développement. La RNethAF n'a pu l'essayer parce que l'appareil n'est pas encore complètement au point. Le Typhoon doit entrer en service autour de 2005.
• Le Dassault Rafale commence à entrer en service dans sa version Marine et quelques exemplaires sont déjà opérationnels sur le Charles-de-Gaulle, dans la zone de l'Océan Indien. (Ce déploiement se fait au sein de l'infrastructure américaine qui contrôle les opérations autour de l'Afghanistan. Il se passe à merveille et les Américains peuvent donc, eux-mêmes, évaluer l'avion français, et constater notamment l'absence de problème d'interopérabilité. Il serait intéressant d'avoir les avis des Américains sur le Rafale.) Les Français proposent aux Hollandais une version avancée en coopération. (Bien entendu, les Hollandais ont essayé et testé le Rafale.)
• Lockheed Martin F-16C-60 (Block 60) semble là pour la figuration. Il a été évalué en bonne part “sur papier”, ou, disons, en simulation, puisque ce modèle (commandé par les EAU) n'existe pas encore.
Et voilà que la RNethAF, dans un accès de transparence inattendu et qui laisse à penser à certains, a laissé filer dans le domaine public (dans la presse néerlandaise) les “cotations” des candidats, – dans les domaines technologiques et opérationnels essentiellement. Les résultats, quantifiés à partir des critères de la RNethAF, dont on connaît le sérieux et le professionnalisme, sont les suivants: 6,97 pour le JSF, 6,95 pour le Rafale, 5,83 pour le Typhoon, 5,80 pour le F-16C-60.
La situation est sans précédent: trois des quatre candidats sont jugés selon des données théoriques plus ou moins avancées, un seul a été essayé. Que penser de la “note” donnée au Typhoon, dont les références théoriques sont proches de la réalité d'un avion presque achevé, par rapport à la “note” donnée au JSF, dont les références théoriques sont autant éloignées de la réalité que possible? Que penser de la quasi-égalité entre un “avion de papier” (le JSF) et un avion qui commence à entrer en service (le Rafale), – sinon que c'est, du point de vue des Européens et des Français, une extraordinaire performance: les Français font donc, aujourd'hui, un avion quasiment aussi bon que ceux que feront, dans quatre ou cinq ans, les Américains... Que penser, sinon l'évidence en forme de lapalissade, à savoir que plus on s'éloigne de la réalité dans cette sorte de jugement moins on est dans la réalité. Si l'on peut apprécier fermement le jugement sur le Rafale, par contre celui qui est fait sur le JSF ne vaut que ce que nous vaudra la politique capricieuse, incertaine et complètement unilatéraliste de Washington et du DoD, – c'est-à-dire qu'aujourd'hui il ne vaut pas tripette.
Mais, pourraient rétorquer les Hollandais, il s'agirait finalement, dans le cas d'un choix pro-JSF, du choix d'entrer dans un programme de développement et non du choix d'un avion. Ce choix-là (d'un avion) se ferait dans trois, quatre, cinq ans, lorsqu'on en saura plus sur le JSF, et alors les concurrents (européens) du JSF seront toujours là. Personne, ni aux Pays-Bas, ni en Europe, ne croit une seconde à ce qui paraît être une fable complète. Le choix hollandais, à ce niveau d'entrée dans le programme JSF semblerait engager, quasi-automatiquement, une future commande de JSF. Curieusement, les seuls à croire à la possibilité d'un choix non-JSF malgré un engagement dans le programme JSF, on les trouve du côté américain, et cela pourrait être un signe qui nous conduit à la question du coût, autre argument important des Hollandais. On cite ici un commentaire de Richard Aboulafia, et on le cite parce que Aboulafia est un homme sérieux, pas un de ces porte-plumes au service des firmes qui tiennent le haut du pavé. Dans une page qu'il a faite pour Aviation Week & Space Technology du 14 janvier 2002, Aboulafia identifie comme la première des «looming questions for the JSF program»:
«First, although the F-35 (and Boeing's X-32) development efforts successful validated many of the technical challenges presented by the project, the issue of cost remains unsolved. A combat aircraft with the features capabilities and weights of the F-35 typically costs at least $50 millions, particularly if the U.S. military services follow their historical pattern of making numerous requirements changes along the way. After all, the F-22 began life with a $35-million price goal, and now costs multiples more. And, if Lockheed Martin is eventually forced, for political reasons, to share work, the price could further increase as production arrangements grow more complicated.»
Et, plus loin, après avoir mentionné encore, à plusieurs reprises, cette question du coût, Aboulafia en vient à envisager la question du marché à l'exportation. Il mentionne les pays étrangers d'ores et déjà engagés dans la phase de développement et/ou sur le point de le faire et expose enfin:
«But will these and other customers sign up for production? In October 2001, a Netherlands government report indicated that although JSF involvement would generate skills and business for the country's aerospace companies, it might be prohibitively expensive if the nation is locked into a fighter procurement choice for the next fighter acquisition. If JSF costs rise (or if valuable workshares fail to materialize) participating countries will have few alternatives.»
Par conséquent, on comprend combien la question du coût du JSF est un point essentiel. Il est actuellement “promis” à 40 millions d'euros (plus ou moins $35 millions). Ce point est présenté comme un avantage décisif, puisque les autres concurrents importants (les Européens) seraient présentés à un prix plus élevé (sans qu'il soit guère fait mention de la qualité des avantages industriels accompagnant ces offres, par rapport à la proposition américaine). Là-dessus s'ajoute un autre argument, lui aussi présenté comme décisif, et ainsi exprimé dans la presse hollandaise: le JSF est le seul avion qui permette aux Pays-Bas, dans l'avenir, d'être inter-opérable avec les Américains. Cette affirmation n'a rien à voir avec la réalité (voir plus haut le cas actuel du Rafale à bord du Charles-de-Gaulle), d'autant que le serpent de mer de l'interopérabilité se réduit à un processus électronique de communication commun, selon les normes OTAN, installé à volonté sur tout avion de combat moderne, et qui l'est effectivement sur les avions de combat occidentaux. Par contre, l'argument-JSF est intéressant a contrario: comme on l'a déjà dit dans notre analyse d'octobre dernier, le JSF proposé à l'exportation à l'excellent prix dont les Hollandais font des gorges chaudes est dépourvu ce systèmes internes qui lui permettraient d'évoluer hors des structures opérationnelles américaines (la fameuse structure américaine dite system of systems). Pour avoir un avion complet à cet égard, avec équipements rajoutés, on aurait un modèle au prix largement majoré (les évaluations allant autour de $60 millions, certaines atteignant désormais $80 millions). Le modèle proposé aujourd'hui aux Pays-Bas a cette étrange caractéristique, dans nos temps de développement des structures de défense européennes (PESD et compagnie), de n'être pas utilisable dans un environnement européen, avec des partenaires européens (sans les Américains).
Pour clore le chapitre du coût, un autre facteur doit être ajouté. C'est peut-être la plus intéressant et il expliquerait encore mieux certaines des craintes d'Aboulafia («... if the U.S. military services follow their historical pattern of making numerous requirements changes along the way...»). Il s'agit de l'évolution de la situation à Washington.
Il y a un nouveau “paysage” à Washington. Non seulement depuis le 11 septembre mais depuis quelques jours, depuis qu'il s'est confirmé que l'administration GW a ouvert toute grande les vannes budgétaires pour le DoD (première mesure: un budget FY2003 augmenté de $48 milliards par rapport au précédent). Cela signifie une chose, essentiellement: le principe institué sous l'administration Clinton est renversé. L'administration Clinton avait imposé la règle selon laquelle, pour les programmes de défense et contrairement à la coutume tout le long de la Guerre froide, la priorité économique l'emporterait sur la priorité de sécurité nationale. (On sait de quoi l'on parle: la priorité de sécurité nationale, qui est de ne reculer devant aucun argument économique pour intégrer à un système les meilleures technologies possibles, est la cause principale de tous les dépassements de coût dont l'histoire du Pentagone depuis 1947-48 est pleine.) La décision de GW, dans le climat de Grande Guerre contre la Terreur qu'on connaît, implique massivement ce renversement de priorités. On en revient à la priorité de sécurité nationale, c'est-à-dire qu'on passe de Clinton à Reagan.
Désormais, il faut avoir comme référence la période du réarmement Reagan (1981-86), en plus excessif et moins contrôlée économiquement en raison du climat de mobilisation. Pour savoir ce qu'a produit l'époque du réarmement Reagan, il suffit de rappeler le détail des coûts du développement des systèmes d'arme aéronautiques de la période :
• Le B-1B, bombardier stratégique, version de relance dite “économique” (sans la géométrie variable) du bombardier B-1A de 1974, abandonné par Carter en 1977. En 1974, le B-1A était prévu à $45 millions l'unité. Le B-1B, produit en 1981-85, a dépassé largement les $300 millions l'unité (autour de $33 milliards pour 100 exemplaires), avec en plus l'abandon de l'ensemble ECM (contre-mesures électroniques) qui ne marchait pas et qui menaçait d'atteindre des coûts pharaoniques.
• L'ATB/B-2, bombardier stratégique furtif, passé de 132 exemplaires à $280 millions l'exemplaire en 1982 à 21 exemplaires à $2,2 milliards l'exemplaire en 1991.
• Le chasseur ATF (actuel F-22 Raptor), démarré en 1981, fixé à $37 millions l'exemplaire en 1987, toujours en développement aujourd'hui et dont le prix unitaire est situé, aujourd'hui encore, entre $180 et $200 millions.
• L'ATA/A-12, démarrant en 1984, basé sur la technologie furtive, abandonné en 1991 à cause des délais et des dépassements de coût, ainsi que des difficultés techniques dans le domaine de la furtivité. Ce dernier point est intéressant pour ceux, non-Américains, qui attendent d'une participation au JSF des transferts de technologies : dans le cas du A-12, l'USAF refusa de transférer sa technologie furtive à l'US Navy.
[Sur cette question, voici un extrait de notre Lettre d'Analyse de defensa, Vol17, n°08 (voir aussi notre rubrique Contexte, dans le prochain numéro, Volume 17, n°10, de de defensa) :
« Addendum : une précision sur les perspectives du transfert de technologies
« L'un des arguments des coopérations avec les États-Unis, c'est l'avantage (pour les Européens) du transfert de technologies US vers l'Europe. Une récente précision, qui est une révélation dans ce domaine, permet d'en tracer les limites d'une façon draconienne. Dans le livre ''The $5 billion Misunderstanding'' (Naval Institute Press, Annapolis, Maryland, 2001), l'analyste de défense James P. Stevenson présente une enquête détaillée sur l'histoire du General Dynamics A-12, avion de pénétration à technologie furtive développé pour l'U.S. Navy à partir de 1984 et abandonné en 1991. Le préfacier Herbert L. Fenster (avocat qui a joué un rôle dans le procès General Dynamics versus l'U.S. Navy à propos de l'abandon du A-12) présente rapidement les causes de ce désastre bureaucratique. L'une d'entre elles est que ce projet devait utiliser des technologies (furtives) en possession de l'USAF et que l'USAF refusa de transférer à la Navy (''the necessary technologies, [...] to the extent available, were under the close control of the air force, which was not about to share those technologies with the navy.''). Cette situation de 1984-91 s'est évidemment aggravée, comme on le constate avec les tensions entre armes aujourd'hui (voir dd&e, Vol17, n°06, rubrique ''Contexte''). On imagine, avec cette référence, quel peut être le sort des promesses et des espoirs de transferts de technologies des USA vers l'Europe. »]
Le JSF était (emploi du passé nécessaire) un programme-Clinton, conçu par l'équipe Clinton selon le principe que la priorité économique l'emporterait sur la priorité de sécurité nationale (pour cette raison également, le principe joint – une même cellule pour toutes les versions, USAF, Navy, Marines – fut adoptée). C'est dans ce cadre qu'on envisagea la possibilité miraculeuse que le JSF renversât la tendance du Pentagone de l'augmentation systématique des coûts des système (l'inversion de la fameuse “loi d'Augustine”, d'après Norman Augustine ancien CEO de Lockheed Martin, qui nous dit qu'en 2050, tout le budget DoD servira à acheter un avion de combat, qui servira chaque semaine trois jours avec l'USAF, trois jours avec la Navy et un avec le Marine Corps). Cette bonne intention de l'équipe Clinton de renverser l'inflation des coûts ne vaut plus rien aujourd'hui puisque nous voilà de retour à la méthode Reagan : priorité absolue à la sécurité nationale et plus aucune considération d'économie n'arrêtera la bureaucratie du DoD d'ajouter encore et encore, tel et tel système, avec les millions de dollars d'augmentation qui défilent. Devant cela, les Européens n'auront qu'à se taire et à décompter les miettes du désastre, comme ils le firent il illo tempore (comme ils firent pour le F-111, autre programme américain joint, que la RAF britannique dut abandonner en 1966 à cause des augmentations de coût, alors qu'elle avait abandonné en 1964 son beau TSR-2 pour l'avion américain).
Est-il nécessaire de noter que cette affaire JSF/Pays-Bas a une dimension politique, qu'elle n'a en fait que cette dimension-là pour la rendre digne d'intérêt et particulièrement importante? Le choix du JSF par les Pays-Bas serait un coup mortel porté à l'industrie aéronautique militaire européenne, c'est-à-dire à l'industrie stratégique qui conditionne la puissance. On a vu qu'il n'y a aucun argument économique et opérationnel sérieux pour le choix du JSF, qu'au contraire il y a des arguments économiques et opérationnels sérieux contre ce choix. Par conséquent, l'argument politique doit jouer un rôle essentiel ? Oui et non.
Il est caractéristique de noter, comme par contraste, comme par contre-pied si l'on veut, que nombre de sources européennes certainement peu suspectes d'indulgence pour les Pays-Bas notent que ce pays est, de loin, le plus exigeant dans le processus de constitution d'une Force de Réaction Rapide européenne crédible. Il n'y a donc pas de politique hollandaise anti-européenne systématique, en ce qui concerne la défense, et même au contraire. C'est une bonne nouvelle et une heureuse surprise.
Dans ce contexte, le choix du JSF pourrait apparaître d'autant moins compréhensible politiquement. Ce ne serait pas si étonnant. La faveur dont jouit le JSF dans certains quartiers du monde politique hollandais est une “affaire” tout court plus qu'une réelle affaire politique, – et l'on comprend bien ce que cela veut dire, c'est-à-dire qu'il faut placer cette “affaire” dans la logique du choix de l'hélicoptère (US) Apache par les Hollandais, en 1997, et des réseaux d'influence établis par les Américains à cette occasion. La question du choix éventuel du JSF n'est une réelle affaire politique que lorsqu'on la considère du point de vue européen. C'est alors qu'elle prend toute sa dimension et qu'un tel choix apparaît à sa vraie lumière, un choix si catastrophique qu'il serait, s'il était fait, historiquement jugé comme une trahison de la logique et de la puissance européenne. C'est une lourde et malheureuse responsabilité pour les Pays-Bas.
Les commentateurs s'emploient à tenter de nous démontrer que notre époque est compliquée. Ils n'ont pas raison. Cette époque n'est rien d'autre que celle d'une corruption si complète de l'esprit et de sa psychologie qu'on la jugerait presque comme parfaite et achevée, et l'on sait bien qu'il n'y a rien de plus simple au monde, de moins complexe politiquement, que la corruption en toutes choses. Cette affaire JSF/Pays-Bas est un exemple de cette situation, – un exemple, voulons-nous dire, et l'on s'en doute, de la corruption absolue de l'esprit européen que l'on constate aujourd'hui dans nombre de ces milieux politiques des pays européens qui ne parlent que d'Europe. Une définition de notre époque, de notre époque si simple, est mieux rendue par ce mot de Jacques Maritain, qui l'appliquait à sa propre époque (la fin des années 1920, des temps qui ressemblent tant aux nôtres) : « un désordre établi. »