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1640Depuis le 14 octobre 2011, un film d’enquête et de documentaire sur “la guerre humanitaire” en Libye est disponible sur l’Internet. On le trouve sur son site portant le même titre (La guerre humanitaire) que lui, http://www.laguerrehumanitaire.fr, en version française et en version anglaise. (Voir aussi un autre accès sur le blog du film.) Le film a été tourné en juillet et août, par Julien Teil, avec Mahdi Darius Nazemroaya et Mathieu Ozanon.
La présentation écrite du film dit ceci :
«Ce document permet de comprendre comment le droit international et la justice internationale fonctionnent mais surtout comment leurs principes élémentaires peuvent être contournés. Les différentes résolutions adoptées contre la Libye se fondent sur la base d’allégations diverses : notamment sur la déclaration selon laquelle Kadhafi aurait utilisé l’aviation contre son propre peuple et engagé une violente répression contre l’insurrection, celle ci coûtant la vie à plus de 6000 civils. Ces allégations ont été diffusées sans jamais avoir pu être vérifiées. C’est pour tant sur la base de ces affirmations que le gouvernement de la Jahamirya Libyenne a été exclu du conseil des droits de l’homme des Nations unies avant d’être renvoyée devant le conseil de sécurité des Nations Unies.
»L'une des principales sources à l’origine de l'affirmation selon laquelle Kadhafi aurait décimé son propre peuple est la ligue libyenne des droits de l’homme, une organisation rattachée à la Fédération internationale des droits de l’homme (la FIDH). Le 21 Février, le secrétaire général de la ligue libyenne des droit de l’homme le Dr Sliman Bouchuiguir avait été à l’origine d’une pétition avec l’organisation UN Watch et la National Endowment for democracy. Cette pétition est signée par plus de 70 ONG . Puis, quelques jours plus tard, le 25 Février 2011, le Dr Sliman Bouchuiguir s’est rendu au conseil des droits de l’homme des nations unies afin d’y exposer les allégations concernant les crimes du gouvernement de Mouamar Kadhafi. Au cours du mois de Juillet dernier nous nous sommes rendus à Genève afin de nous y entretenir avec le Dr Sliman Bouchuiguir…»
Cette description est conforme au sens du film, et à son engagement évident. L’affaire ne laisse guère de doute, quant aux modalités et aux conditions qui ont présidé à l’institutionnalisation de la nécessité, pour le bloc BAO, d’intervenir en Libye. En gros, on pourrait dire que la justification de l’intention d’attaquer l’Irak par l’administration Bush fin 2002-début 2003, jusqu’aux fameux débats de l’ONU, ou bien encore la même occurrence pour le Kosovo en mars 1999, avaient plus de tenue “juridique” que ce qui a été fait cette fois à propos de Libye. Les “justifications” par l’OTAN (Kosovo) et par les Anglo-Saxons (Irak) étaient bidouillées, elles aussi, parce que, bien entendu, tout cela est du même sac. Nous voulons dire que le “travail” de bidouillage, en 1999 et en en 2002-2003, était infiniment plus “propre” et plus sérieux que celui qui a été fait pour la Libye ; les montages étaient plus soignés, mieux présentés et mieux documentés ; Dieu sait, pourtant, qu’ils déchaînèrent critiques et condamnations à l’époque, jusqu’au cas qu’on se rappelle tout de même de la France bloquant tout espoir d’une résolution de l’ONU autorisant l’attaque de l’Irak.
C’est cela qui nous apparaît précisément dans ce film, ce que nous désignerions comme l’extrême précarité de la légalité bidouillée par le bloc BAO, et le peu d’intérêt, d’ailleurs, du même bloc pour un travail sérieux, – au contraire, encore une fois, de 1999 et de 2002-2003. Le film montre remarquablement cette évolution, principalement avec les interventions, réponses et précisions, du Dr. Sliman Bouchuiguir, qui semble se balader sans savoir où se poser entre inconscience, imprudence, ingénuité et la plus complète indifférence pour d’éventuels effets et conséquences de ce qu’il dit. (Bouchiguir confirmant les chiffres précis des victimes, par milliers, qu'il affirme avoir lui-même réunis dont il avait lui-même fait la promotion officielle et internationale, pour ajouter à plusieurs reprises, catégoriquement comme s'il y avait là une preuve suprême, qu’il n’y a aucune preuve formelle, parce qu’il n’en existe pas, qu’on s’est appuyé disons sur “le bouche à oreille”, qu’on a confié les enquêtes complémentaires aux plus importants ministres du CNT, défecteurs plutôt que transfuges du régime Kadhafi et donc particulièrement bien outillés pour l’objectivité humanitaire, précise et vertueuse. Et ainsi de suite, tout du même tabac également bidouillé...) Les dénonciateurs des faussaires du Kosovo et de l’Irak, les sources chez ceux qui “savaient”, n’avaient distillé leurs révélations qu’à mesure, dans un contexte d’incertitude, de défiance et de surveillance, et de précisions détaillées pour ce qui devenait public. Ici, on a plutôt l’impression que le Dr. Sliman Bouchuiguir est une sorte d’“électron libre”, à qui personne, notamment des “services” du bloc BAO, n’a pris la peine d’expliquer la façon dont il importe d’être prudent et mesuré, précis et sérieux, avec des enquêteurs journalistiques, pour les flouer à mesure. Ce constat ne signifie pas une seconde que nous soyons poussés à mettre en question la valeur du document, car c’est tout le contraire.
Ce document a une valeur double. D’une part, il montre, sans même nécessité de démontrer tant l’évidence et la grossièreté sont grandes, le “bidouillage” du montage de l’argument de “la guerre humanitaire”. Il s’agit d’une confirmation. D’autre part, et c’est complètement nouveau, il a sa valeur inédite comme la marque de l’évolution de l’époque ; il montre l’absence de tout sérieux, de toute approche structurelle dans ces montages. On sent qu’il y aurait comme un air de BHL dans tout cela (le Dr. Sliman Bouchuiguir doit lui être cher), et donc un aspect mirobolant et complètement du domaine de l’amateurisme germanopratin postmoderniste. On dira aussitôt : quelle importance, puisque l’ONU a voté, que l’attaque a eu lieu, que toutes les autorités constituées et une bonne partie de la presse-Système ont dit “Amen” à la “guerre juste” et qu'on n'y revient plus à ce niveau de l'imposture. (Pour la presse-Système, en France surtout, pauvre pays où un journaliste [Eric Zemmour] qui observe qu’il y a sans doute eu des victimes civiles du fait des attaques de l’OTAN, ce qui est de notoriété publique et internationale, se fait traiter de “menteur” par un ministre [Juppé], réputé selon Chirac comme “le plus intelligent de nous tous”. Mais on sait bien qu’en l’occurrence, Juppé a su se faire aussi bas que Sarkozy pour évoluer à la façon d’un Rafale opérant à basse altitude en Libye, ce qui est sa façon à lui d’évoluer.)
Nous ne nous plaçons pas du tout du point de vue d’une bataille avec le Système, selon les normes du Système, pour faire rétablir une vérité à l’intérieur du Système ; cela, l’établissement (le rétablissement) d’une vérité à l’intérieur du Système, est devenu une impossibilité complète, à la différence, même, de 1999 et de 2002-2003, où la dynamique du Système n’avait pas encore cet absolutisme, cet hermétisme d’aujourd’hui, dans l’enfermement de la poussée constante du couple surpuissance-autodestruction. Nous avons donc notre position hors système, notamment avec notre position d’inconnaissance (refus personnel de nous engager dans les dédales d’enquête et de débats sur les détails des impostures du Système, pour garder notre objectif essentiel qui est une attaque générale du Système “de l'extérieur”) ; cela ne nous empêche pas de tomber sur tel ou tel film-documentaire, montrant justement la grossièreté et l’impudence imprudentes, devenues la marque de la tromperie du Système ; avec de tels matériels que ce film, c’est une bonne position pour œuvrer à l’affaiblissement constant du Système. Cet amateurisme grossier, correspondant aussi bien à l’intervention de personnages comme BHL et à l’abaissement de ministres tel que Juppé, n’expose pas le Système à l’établissement de la vérité ou à une condamnation d’un quelconque tribunal international puisque tout cela est partie liée dans un constant montage (dynamique de surpuissance) ; mais il signale une fragilité sans cesse accrue, et des blocages divers en constante augmentation, du même Système (dynamique d’autodestruction). Cette évolution impliquant une extraordinaire fragilisation des dernières apparences, sur lesquelles repose ce qui leur reste de légitimité, est de ces forces en mouvement qui devraient faire comprendre, indirectement, – le rapport psychologique de cause à effet devrait très vite nous apparaître évident, – pourquoi des “indignés” s’installent à Wall Street, qu’on ne les en déloge pas, qu’ils parviennent à susciter en quelques jours une mobilisation majeure aux USA et dans le monde, cela comme dans l’indifférence des autorités du Système pour organiser une réaction sérieuse sinon par la simple résistance répressive sans la moindre efficacité. L’absolutisme (surpuissance) et la fragilité (autodestruction) du Système produisent une réaction extérieure grandissante.
Les crapules et les bandits, caractères et genres de nos directions politiques, sont devenues autant d’amateurs. C’est un peu comme la décadence du “milieu” en France ou du crime organisé aux USA, à partir des époques où les caïds, les grands chef, les capi, qui savaient tenir leur langue et tenir leur parole, savaient également maquiller leurs vilenies, en professionnels de la chose. Aujourd’hui, les petits voyous incontrôlés ont pris leur place, mesurant la décadence de l'ensemble ; ils ne vivent que sur des “coups” de l’instant, instructurés, sans aucune apparence de tenue ni volonté de cohéerence. Les magouilles s’abaissent à mesure, comme on le voit en Libye et en tant d’autres crises. Faute suprême ! Si l’on bâtit son gouvernement sur la tromperie des autres et du bon peuple, il faut le faire en ne laissant pas trop penser, aux uns et aux autres, qu’on les prend pour autant d’imbéciles, sinon comme autant de non-êtres. Le contraire alimente les tensions psychologiques et forge les frustrations qui suscitent les résistances et les révoltes. Mais peu importe la critique dans ce cas ; les caïds devenus voyous ne sont que le reflet du Système qu’ils servent ; ils chutent à son rythme.
Mis en ligne le 18 octobre 2011 à 05H06
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