La perception amplifiée de la crise de la défense britannique

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On observe l’accroissement rapide de la perception d’une crise profonde de la défense britannique, à cause des contraintes budgétaires dues à un enchaînement d’événements dont la crise financière est le dernier et le plus sévère. Nous parlions hier, 2 juillet 2009, de cette question dans le contexte plus large de l’évolution de la stratégie britannique, à propos du rapport Shared Responsibilities – A national security strategy for the UK, de l’Institute for Public Policy Research (IPPR).

Un second rapport, plus précis dans les chiffres comptables de la crise, est publié par le plus traditionnel think tank de l’establishment britannique, le RUSI (Royal United Services Institute), – le fameux “Chatham House”. Defense News en date du 2 juillet 2009 en décrit succinctement le contenu, qui implique une réduction massive prévisible du budget britannique de la défense (actuellement à un niveau de £39 milliards).

«Defense spending in Britain is facing a 10 percent to 15 percent cut in real terms over the next six years as the government puts in place austerity measures to tackle massive public debt, a top British military think tank said in a report released July 2.

»The Royal United Services Institute says the 2010-2016 period could see between 4 billion pounds and 6 billion pounds wiped off the defense budget as a consequence of Britain's fiscal crisis. But it warns that even if the government increases taxes, bigger defense spending reductions are in the cards if the administration opted for a modest level of real terms growth to health and education or if the economy fails to recover its previous rate of growth by next year.

»The RUSI report, called Preparing for the Lean Years, is authored by Malcolm Chalmers, the Professor of Defence and Foreign Policy at Kings College of London. It is the latest contribution to a growing debate here about what sort of armed forces can Britain afford in the medium to long-term.»

Bien entendu, le rapport du RUSI complète celui de l’IPPR en ce sens qu’il lui donne une prospective comptable impressionnante, avec des réductions budgétaires massives qui paraissent inévitables. Il renforce évidemment l’argumentation du rapport de l’IPPR et augmente la pression d’influence pour ouvrir un débat sur une révision stratégique fondamentale de la politique de sécurité nationale britannique. De telles réductions toucheront les structures mêmes de l’appareil de défense et nécessitent d'ores et déjà une analyse structurelle de cet appareil appelant à des changements de stratégie.

La publication de ces deux rapports coup sur coup indique éventuellement une coordination des acteurs voulant renforcer la pression pour ouvrir ce débat. Dans tous les cas, il s’agit sans aucun doute d’une maturation de la crise de la défense britannique. La chronologie confirme cette analyse, dans la mesure où l’on commence à mesurer d’une façon concrète les effets budgétaires à moyen terme de la crise financière. La défense est très fortement touchée parce que ce domaine était déjà en crise avant cette crise financière. Les années d’engagement britannique dans les divers épisodes de la “guerre contre la terreur”, aux côtés des USA, ont porté des coups très rudes aux structures de l’appareil de sécurité nationale au Royame-Uni. Cet historique de la crise explique que le rapport de l’IPPR ait placé son analyse au plus haut niveau dans le cadre d’une stratégie fondamentale qu’il met en question, qui est l’engagement stratégique aux côtés des USA.

De cette façon, le rapport du RUSI confirme en l’amplifiant le sens de l’analyse générale impliquée dans le rapport IPPR: la crise est budgétaire effectivement, mais l’analyse doit être stratégique parce que les solutions devront impliquer des modifications stratégiques fondamentales. On peut dire que le Royaume-Uni n’a plus les moyens, même s’il le voulait, même si les USA continuaient à avoir une position de force, de poursuivre la stratégie instituée par Blair d’engagement coordonné et actif, et quasiment intégré, au sein de la politique expansionniste US. Bien entendu, cette stratégie “blairiste” de l’époque 9/11 est d’autant plus mise en question que les USA sont eux-mêmes en crise et n’ont plus que des perspectives défensives, voire de retraite et de repli, à offrir à leur fidèle allié. La conclusion offerte par l'IPPR et confirmée indirectement par le RUSI est alors que, retraiter pour retraiter, autant le faire en essayant que ce soit plus à l’avantage du Royaume-Uni en crise qu’à l’avantage des USA en crise. Cette conclusion paraîtra à beaucoup relever du catalogue de monsieur de La Palisse; elle serait pourtant révolutionnaire pour l'esprit britannique.


Mis en ligne le 3 juillet 2009 à 06H04