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1549Nous présentons un travail documentaire important de monsieur Frédéric Dedieu, 34 ans, de formation universitaire sociologique et journalistique. Monsieur Dedieu a eu divers emplois et collaborations dans divers médias de la presse écrite et télévisuelle, surtout dans la région bordelaise où il habite (Arte, France 3, France 3 Régions, etc.), mais il nous semble bien que c’est l’étude de la structure, la situation présente et l’évolution du monde de la presse française, et plus largement du système de la communication en France, qui l’intéresse. Selon ses propres termes, «Je ne travaille plus dans les médias depuis maintenant quelques temps à la fois par choix (dégoût du milieu), et par difficulté à trouver des projets honnêtes et intéressants qui évidemment qui ne font pas vendre.»
Le travail qu’il nous a présenté portait le titre de “La presse française : de l’atlantisme assumé au pavlovisme décérébré –Retour sur l’Ukraine, MH17 et trente ans de société médiatique française”(nous l’avons raccourci comme on le voit, pour des raisons graphiques et de mise en page-. Ce travail entend analyser l’évolution sociopolitique du monde français médiatique et de la communication depuis le début des années 1980 et la situation actuelle, avec l’accent mis sur la perception et la présentation de la situation ukrainienne. On se doute, comme le titre lui-même le dit, que cette présentation est nécessairement critique, – et d’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement, la critique profonde n’étant dans ce cas que la voie vers le rétablissement d’une certaine objectivité, – et un tel travail s’apparentant aussi bien à un diagnostic détaillé d’une pathologie profonde, qui est celle du monde français de la communication, ou du système français de la communication, qu’à une étude sociologique.
En raison de l’importance quantitative du travail, nous avons décidé, en accord avec monsieur Dedieu, de le diviser en quatre parties. La première partie (le 14 décembre 2014) présentait le cadre général de l’étude, une appréciation critique générale, les origines de l’évolution observée, les premières manifestations de cette évolution jusqu’à la guerre du Kosovo qui marque sans aucun doute un très important tournant dans l’évolution pathologique du système de la communication français (et celui du bloc BAO, dont la France fait aujourd’hui intégralement partie, et une partie diablement zélée). La deuxième partie, le 19 décembre 2014, conduisait l’étude du comportement de la presse française, l’évolution de sa structuration, de ses appréciations, etc., depuis le début du XXIème siècle. La troisième partie décrut la situation actuelle de notre journalisme atlantiste devenu pavlovien, essentiellement à la lumière du traitement de l’affaire ukrainienne.
dedefensa.org
Un exemple parmi tant d'autres concernant la presse professionnelle dite grand public. D'abord il s'agit d'une information sortie par dépêche d'agence de presse internationale, l’AFP, qui relaie l'information d'une association de mères de soldats russes de Saint-Péterbourg qui affirme que plusieurs centaines de corps de soldats russes sont rapatriés du Donbass et plus généralement d'Ukraine. Évidemment information fort à propos dans le contexte du moment avec l'hystérie antirusse et les narrative de mauvaise foi qui vagues après vagues tente de convaincre une opinion publique occidentale matraquée jour après jour, de l'implication russe en Ukraine de manière appuyée avec troupes conventionnelles et funérailles qui vont avec. Elle est donc reprise par l'ensemble de la presse en ligne, du Nouvel Obs en passant par RFI etc... Très peu de temps après la parution de la dépêche qui connaît évidemment un retentissement mondial, sort une deuxième information sur des sites indépendants. Mais cette deuxième information n'est pas reprise par les sites mainstream comme le Nouvel Obs qui avaient initialement relayé la première information.
Ce n'est pas très fair-play, d'autant plus que la deuxième information donnait des éclaircissements plus qu’intéressants. On y apprenait par exemple que la NED (et il suffit d'aller sur le site de la NED pour vérifier) avait versé 85 000 dollars à cette association de mères de soldats, celle de Saint-Petersbourg en 2011. Puis on fouille un peu plus sur le site et on trouve 94 000 dollars en 2009 toujours pour cette même association (la NED ne détaille plus à partir de 2012). Ce n'est pas tout, la NED a versé 60 000 dollars en 2009 à l'Union des Comités des mères de Russie de la vertueuse Valentina Melnikova, qui se défend de toucher de l'argent de l'étranger depuis. Et pour cause une nouvelle loi la classerait de manière judicieuse comme agent de l'étranger si c'était le cas. Vous trouvez aussi 25 000 dollars en 2011 pour un Conseil des mères de soldats de Pskov, et décidément vous vous dites que la NED aime vraiment beaucoup Ivan, le soldat russe. Il pourrait intéresser le lecteur de savoir qu'un organisme de subversion connu pour être le faux nez de la CIA finance cette association tenue par une femme bien entendu exemplaire. Malheureusement le Nouvel Obs n'en a pas parlé, il faut dire que ce serait un peu compliqué à expliquer au lecteur, ce monde imbriqué fait de coups tordus venus de chez nous vers chez eux. Bref l'info fut démontée sur les sites de contre-informations mais le grand public lui croit toujours à la version des soldats russes en Ukraine.
Mais il faut surtout lire l'interview donné par la correspondante en Russie de RFI à sa rédaction, qui l'interroge sur cette déclaration d'une présidente d'association de mères de soldats affirmant qu'il y avait de nombreux soldats russes en Ukraine. Elle explique le sort malheureux dont sont victimes ces associations: «Et puis, le Comité des mères de soldats de Saint-Pétersbourg a été déclaré par le ministère de la Justice «agent de l’étranger», ce qui est une appellation très infamante en Russie, qui jette la suspicion. Sont ainsi nommées toutes les organisations qui touchent de l’argent non russe, même si la somme est insignifiante.»
La NED connu de tous les services de renseignement pour ce qu'elle est, un organe de subversion pour les services américains, versant des sommes conséquentes et cela se traduit par «des sommes insignifiantes» et de «l'argent non russe». Joli coup de dissimulation d'information importante. A moins que l'on soit dans l'ignorance simple, ou le conformisme de fer visant à ne pas tenir compte d'informations trop insinuantes d'une situation réelle qui dépasserait, et de loin, la narrative simpliste du début. Ce qui pour un journaliste à l'esprit conformiste alimenté depuis si longtemps à l'affectivité, aux standards de la pensée-Système, n'est pas recevable.
Mais pour finir sur ce sujet laissons la parole à Ron Paul, homme politique paléoconservateur américain ou en tout cas, à un article paru sur son site.
« But are these committees really just innocent NGOs that seek to defend young Russian soldiers being sent off to fight in foreign lands? Or are they well-financed and trained arms of US propaganda used to bolster Washington's line that Russia has invaded Ukraine? The US government has in the past been generous in funding the Russian Soldiers' Mothers Committes. In a 2011 report of the US government-funded National Endowment for Democracy, we learn that the US government granted the Committees more than $150,000. In 2010 they received approximately the same amount from the US government, and in 2009 they received nearly $200,000. We cannot tell how much the US government has funded these organization in more recent years because the NED, which demands transparency in others, refuses to publish a list of its grantees any longer. It is certainly possible that these Committees, which were initially formed to help Russians avoid conscription, have not been co-opted into serving as a propaganda tool for the US government. However the fact that they have long accepted US government money and are now a key component of Washington's propaganda strategy may suggest otherwise. The Soldiers' Mothers Committees were required last year under Russian law to register as foreign agents due to US government funding of their operations.»
L'autre manip' grossière mais qui ne mange pas de pain faite avec la candeur (et il en faut pour relayer les narrative) de celui qui relaie sans se rendre compte, de manière quasi-indolore, fut le nombre de cartes de l'Ukraine avec des légendes franchement malhonnêtes. Comme Sud-Ouest qui sert à ses lecteurs une carte censée appuyer un article sur la situation dans le Donbass où la légende de la carte stipule jour après jour, pour la zone représentant l’Est du Donbass tenue par Novorossia (autour de Louhansk, Donetsk, etc.), «zone contrôlée par les forces russes et pro-russes».
Mais il arrive que la société du spectacle s'emballe et propose un théâtre étrange. Nous pensons à ces journalistes ukrainiens, qui sans le vouloir, s’étaient retrouvés au milieu d'un chaudron où les troupes de Kiev avaient été encerclées. Nulle propagande des milices du Donbass dans ce simple fait car dans notre époque complètement folle, le tout se passant dans un pays, l'Ukraine, où la société du spectacle et de l'information n'hésite pas à produire un spectacle à la fois pathétique et violent, grotesque, grand-guignolesque même, il se trouve donc que les chaînes de télévisions ukrainiennes ont fait leur petit lait de ses situations catastrophiques pour les soldats de Kiev.
Ce fût souvent de façon subie plutôt que choisie où l'ont voit cet extrait d'émission de chaîne de télévision ukrainienne où la journaliste s'entretient par téléphone lors d'une émission d'info avec des chefs d'unités encerclés qui appellent à l'aide, dénoncent la gabegie du nouveau gouvernement, le matériel qui n'arrive pas et se trouve détourné suite à des corruptions nombreuses, la traîtrise et la bêtise de leurs commandants, le tout en direct. Et l'officier le laisse entendre, ils ont sous estimé gravement les militants du Donbass se battant sur leur propre terre. Mais point d'armée russe encore une fois, seulement des batteries lance-missiles GRAD bien utilisées.
Les chaînes de télévisions ukrainiennes pensaient accompagner la narrative officielle de Kiev en faisant du journalisme embedded et des émissions à la Breaking News pour suivre heure après heure la situation sur le terrain (un peu modèle guerre du Golfe 1991 chez nous, où le ridicule côtoyait le brassage de mousse à longueur d'émissions). Malheureusement pour elles, elles se sont retrouvées par téléphone, et leurs téléspectateurs avec elles, embarquées en plein milieu de la catastrophe avec les appels à l'aide désespérés des chefs d'unités hurlant à la trahison. On peut sans conteste y voir un fameux et joli coup du côté Janus du système de la communication tant développé par dedefensa, et à juste titre.
Nous l'abordions plus haut, le cas du journaliste du Sunday Times lors d'un Talk-Show populaired'Ukraine. Il va casser toute la belle narrative qu'ils récitaient tous, sur le plateau de l'émission. Alors qu'il fait partie d'un journal pro-Kiev anglo-saxon, ils pensent tous qu'au lieu de faire son travail de journaliste, il les aiderait dans leur belle diatribe antirusse. Alors que l'été 2014 n’était pas encore arrivé, le discours antirusse et notamment la narrative de l'armée russe dans le Donbass servait déjà à expliquer les ratés des hommes de Kiev dans l'Est de l'Ukraine. Et voilà qu'il leur dit depuis son duplex qu'il n'a vu que des hommes des régions concernées, prêts à se battre pour leur terre, qu'il n'y a pas vu de Russes, mais seulement des “locaux” ulcérés par ce que leur fait subir le pouvoir de Kiev, et extrêmement déterminés. Il a été bien reçu par les participants à l'émission, encore plus par le cagoulé (!) d'un parti extrémiste sur le plateau (l'échange vaut le coup d’œil).
Ces deux exemples furent une victoire tactique mais sans portée décisive bien sûr pour les anti-Kiev. Mais cela montre que ce système d'information et la société du spectacle peuvent jouer des tours lorsqu'on l'utilise à outrance, et ses effets ne sont pas garantis voire même totalement inversés.
Claude-Marie Vadrot est un journaliste qui se définit sur son blog et sa page wikipedia comme «à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d'environnement et de protection de la nature». On le sent un peu perdu dans cette crise avec ces nazis décomplexés, ces bombardements au sein de l'Europe et tous ces coups tordus de tous les côtés. Ses habillages idéologiques d'habitude si confortables volent en éclats. Il écrivit un article sur son blog de Mediapart le 10 Septembre 2014 sous le titre « L'Ukraine, l'incroyable aveuglement d'une partie de l'extrême gauche et de l'extrême droite » où il essaie de mettre tout le monde dans le même panier, Otan et Russie, mais charge la mule russe de gros cailloux et la mule Otan/US de petits grains de sable. Pour lui les preuves concernant la destruction de MH-17 seraient en faveur des États-Unis et de Kiev puisque ce sont les Russes qui ont fourni le matos et que les rebelles on abattu l'avion par mégarde (narrative largement démontée depuis). Toujours selon Vadrot, La Crimée fut victime d'une annexion où l'Ukraine n'a pas pu donner la pleine mesure de nos valeurs fraîchement importées à Kiev en organisant un vote sur tout le pays la concernant. Résultats du vote dont on imagine déjà le résultat soit dit en passant. La belle narrative sur les blindés russes qui ressort dans son papier également fait partie du package (camouflage Centre Europe), ainsi que l'affectivité et les droits de l'homme, le racisme et le reste. Mais on voit bien qu'il est perturbé par les gros sabots trop visibles de ceux censés se mêler de leurs affaires de l'autre côté de l'Atlantique, et non pas amener la subversion en Europe de manière déclarée. Alors il fait des concessions, lui l'amoureux de la nature dans les zones de conflits, il n'aime pas beaucoup les US, l'Otan, la CIA et leur agressivité affichée, aussi il leur demande de faire moins de bruit afin de poursuivre la belle narrative antirusse sans fausse note. Et sans devoir se coltiner des débats sur l'Ukraine un coup avec des militants d'extrême gauche, un coup avec des militants d'extrême droite (quelle commodité de langage, once again) qui lui rappellent sans doute d'autres responsabilités que les Russes.
Il se lamente :«Que de nombreux Français soient méfiants, voire hostiles à la politique intérieure et étrangère des États-Unis, comme je le suis, cela peut facilement se comprendre. Que l’extrême droite française rêve plus ou moins en secret du pouvoir anti-démocratique de Poutine appuyé sur la religion, le racisme et le nationalisme, cela ne surprendra certainement pas un grand nombre de Français. Mais qu’une partie de l’extrême gauche française soutienne Vladimir Poutine au nom de son tropisme anti-américain me paraît être un dévoiement de la pensée de gauche et des valeurs démocratiques qu’elle est censée promouvoir. Cela défie l’entendement. Même si cela passe par la détestation de la CIA, de l’Otan et de l’Europe et une accumulation de mensonges.
Que le nouveau pouvoir ukrainien soit loin d’être parfait, même s’il a été élu dans un scrutin reconnu démocratique par les observateurs, ne justifie pas cet aveuglement systématique qui amène certains militants d’extrême gauche et tous les militants d’extrême droite à trouver à l’unisson toutes les excuses possibles et imaginables à la Russie et à nier les évidences : un pouvoir du Kremlin exploitant dans son pays le nationalisme provoqué pour attaquer un autre pays après l’avoir privé d’un territoire annexé, la Crimée, sans le moindre recours à une consultation démocratique.»
Encore un qui a du être tétanisé par la poussée maximaliste de début septembre dans les médias nationaux et internationaux. Avec entre autre à la Une de Libé du 3 Septembre 2014 un soldat de Novorossia armé qui regarde sournoisement (évidemment, regardez comment il nous en veut, et comment il tient son fusil automatique, le sourire presque en coin), titrée en gros «Ukraine : guerre contre l'Europe», ainsi que les articles de Françoise Thom qui ont encadré tout ça fin Août-début Septembre, on peut comprendre pourquoi il embraye comme les autres...Pavlovisme de la pensée.
On lui conseille de lire plutôt les articles de Robert Parry, un journaliste d'investigation, principalement connu pour la divulgation et le suivi de l'Affaire Iran-Contra pour l'Associated Press et Newsweek, si on fait un comparatif rapide entre la page wikipédia citée plus haut et celle-ci. Entre l'amoureux de la nature et celui qui travaille sur les réseaux et l'appareil d'Etat, labellisé AP, on n'hésite pas vraiment lorsque Robert Parry, au contraire de Vadrot, publie avec des vétérans du renseignement américain un article qui en appelle à Angela Merkel pour stopper cette narrative totalement honteuse et suicidaire sur l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les montages grossiers utilisés à cet égard. D'ailleurs, si à part les trois mille volontaires russes qui se battent sous leur propre initiative, non freinés dans leur démarche par l’État russe vu les liens forts unissant ces deux populations, il y avait des unités blindés russes en Ukraine, elles seraient à la frontière ouest du pays en trois jours, la zone serait survolée d'hélicoptères d'appui et le ciel protégé par les Sukhoï. Et tous les experts sérieux le savent.
D'ailleurs selon le dernier décompte (à mettre à jour régulièrement sous peine de ne plus être à la page), l’Ukraine en est à 36 invasions par la Russie en 9 mois. C'est dire le délire contenu dans les narrative servies à l'opinion publique, qui finalement et de manière débonnaire, avale sans broncher. Sans trop y croire, en y croyant quand même. Faites le test autour de vous, vous en trouverez un certains nombres qui aura bien mordu à l’hameçon, celui-ci, il faut dire, contenant 36 encoches.
On rappellera à Claude-Marie Vadrot de se renseigner sur les avancées de l'affaire MH-17, qui pointent les responsabilités supposées bien plus précisément, en dehors de toute narrative mais en s'en tenant aux éléments fournis, du côté de Kiev et sa junte de fou furieux. C'est bien d'ailleurs pour ça et ils le savent tous, qu'après l'hystérie du début sur cette affaire, elle est soigneusement étouffée depuis. Mais après tout, comme tout le reste Libye, Syrie, Irak etc...
Il aura fallu trois ans de montages et de narrative énormes pour que Frantz Olivier Giesbert qui a l’habitude de tirer sur les ambulances se pose enfin des questions, reconnaisse que lui et ses collègues font absolument n'importe quoi...et rende les honneurs à Seymour Hersh.
Extraits de son édito du Point du 26 Juin 2014 (le mis en gras l'est par nous) : « Sur le régime de Bachar el-Assad, la cause est entendue : il est immonde. Mais faut-il pour autant faciliter la tâche des djihadistes sunnites, as de l'égorgement, qui, tout en prenant le contrôle du nord de l'Irak, cherchent à renverser le pouvoir syrien pour liquider les chiites dans la foulée ? La réponse est non. Au lieu de quoi nous acceptons toutes les désinformations, pourvu qu'elles aillent dans le sens que nous voulons donner à l'Histoire.
Quand "Le Monde" a révélé l'attaque chimique de la Ghouta, qui a fait plusieurs centaines de morts, rien ne prouvait qu'elle avait été perpétrée par le régime d'Assad, il est vrai capable de tout, surtout du pire. Damas en a pourtant été accusé par le journal, le gouvernement français et les services secrets américains, ce qui permettait de justifier les frappes à venir. Or un long rapport scientifique du Massachusetts Institute of Technology (MIT) établi par Richard Lloyd, un ancien inspecteur de l'Onu, assure, après avoir étudié notamment les lanceurs, que les tirs ne pouvaient provenir que des zones rebelles, autrement dit djihadistes. Bien sûr, on a mis un mouchoir dessus : circulez, y a rien à voir, a décrété notre bonne presse. De même, quand le grand journaliste américain Seymour Hersh a découvert que le groupe djihadiste Front al-Nosra disposait de gaz sarin, information que Barack Obama se serait empressé de dissimuler, c'est à peine si l'information a été relayée.»
Ce qui dérange toute personne sensée qui s’intéresse aux médias de son pays, c'est que tout cela, les personnes qui s'informent correctement le savaient depuis le début. Tout le monde dans le champ de la contre-information savait que la stratégie du marketing massacre ayant pour but de toucher au cœur les opinions publiques occidentales, baignant dans l'affectivité, était utilisée par les jihadistes.
Mais pour la presse mainstream bien sûr, rien de surprenant à ce qu'Assad envoie du gaz sarin dans un quartier résidentiel où la population lui est fidèle (selon Otan), à 500 mètres des ambassades, la semaine où des observateurs internationaux viennent sur le terrain pour observer, qui plus est lorsqu'il prend l'avantage sur le terrain de manière visible. Même un enfant de 10 ans aurait compris que ce n’était pas le colonel Moutarde avec le chandelier. Pas la presse officielle. Pour elle, le scénario de blockbuster où Assad serait aussi bête qu'un méchant de série Z était tout à fait possible à servir à ses lecteurs. Ou comment prendre ses narrative pour des réalités.
Le journaliste spécialiste des réseaux d'influence, Emmanuel Ratier, de son côté avait démontré que pour appuyer la narrative belliciste mais totalement faussaire, c’était l'attaché de presse du Ministre de la Défense Le Drian qui avait rédigé une note censée être écrite par les services de renseignements militaires français (donc un faux document), démontrant que le Gaz Sarin venait bien des hommes de Bachar Al-Assad.
Même dans les commentaires des lecteurs de l'article du Monde qui relayait cette note écrite pour une presse qui ne pose pas de question, les lecteurs faisaient remarquer le côté amateur de la rédaction, très floue, basée sur l'émotion bref très peu note de renseignement. Emmanuel Ratier a démontré en analysant le fichier joint en PDF par le Ministère (qui l'a supprimé ensuite) que c’était une note directement envoyée et rédigée par un communicant, Sacha Mandel, et non pas une note rédigée par un service de renseignement. Un fausse note, en somme.
«Ce Sacha Mandel est sans nul doute le conseiller presse de Jean-Yves Le Drian… et un ancien d’Euro RSCG, disciple de Stéphane Fouks, le «spin doctor» français, spécialiste des manipulations politiques, qui a toujours fait équipe (depuis l’université) avec l’ancien grand maître du Grand Orient de France Alain Bauer et l’actuel ministre de l’Intérieur, Manuel Valls.» nous explique Emmanuel Ratier dans son article de sa revue Faits et Documents.
« Sacha Mandel […] a participé au pilotage des dossiers clefs. Départ d’Afghanistan, entrée en guerre au Mali, puis lancement du Livre blanc : il a fallu convaincre à la fois l’opinion publique et les militaires eux-mêmes.» précise Actu Defense repris dans le papier d'Emmanuel Ratier.
On remarquera aussi que Jack Dion de Marianne avait également pris ses distances avec le matraquage médiatique et dénoncé la manip' en cours :«En France, rien de tel. A de très rares exceptions, la presse et les éditocrates se sont rangés derrière la version officielle comme des soldats derrière leur lieutenant. Chacun, à sa manière, reprend un discours répété en boucle. La fameuse « ligne rouge » a été franchie avec l’utilisation d’armes chimiques par Bachar Al-Assad. Il faut donc le « punir » - élément de langage conçu dans les agences de com de la Maison Blanche et repris tel quel par un François Hollande transformé en petit messager.»
Ce que tout cela démontre c'est qu'entre l'article de Seymour Hersh (ou celui de Robert Parry) qui démonte tout le processus de mensonge des US, et le silence radio de la presse française qui s'est alignée sans poser de question sur des informations que l’État français savait soit fausses (pour les avoir écrites) soit très bancales, c'est que l'objectif numéro un n’était pas d'informer mais réellement de dindonner l'opinion publique. Profitant de populations occidentales toujours dans leur phase lacrymale sur ces sujets. Le tout pour bombarder la Syrie. Et est-ce vraiment la nécessité de la France de bombarder la Syrie ou plutôt celle des États-Unis et de l'Otan ? Poser la question c'est y répondre.
Le plus tragico-comique de cette séquence, outre le mensonge grossier et les discours lénifiants « droitsdelhommistes » cyniquement utilisés pour déclencher une guerre illégalement, fut de voir la France être utilisée en supplétive zélée davantage pro-guerre que les anglo-saxons. Ces derniers sentant que la narrative ne prenait pas et ne voulant quand même pas risquer de manière trop visible de passer pour des criminels de guerre ont reculé ; les Anglais avec un parlement votant la non intervention en Syrie et un Congrès américain prêt à faire la même chose. François Hollande qui avait docilement fait décoller ses Rafale, se fit humilier en devant annuler l'ordre d'intervention au dernier moment sans même qu'Obama ne daigne faciliter la position de son allié français. Ne serait-ce qu'en le prévenant, permettant ainsi aux français de préparer une sortie honorable. Ainsi, la France qui utilise un instrument de sa souveraineté gaullienne, ses Rafale, à contre-emploi comme en Libye, pour avantageusement remplacer des Eurofighter poussifs, des F-22 manquant d'oxygène, ou des F-35 pour le moment en bois ou en 3D dans des blockbusters, et voilà que la docilité ne paye décidément pas avec les anglo-saxons. Vous vous soumettez et vous remerciez de les servir, point.
La presse télévisuelle notamment n'est plus en état, et depuis longtemps, d'aller contre la narrative officielle ou le sens que veut donner aux événements l'appareil d’État. Pour faire court nous nous référençons au travaux de Pierre Bourdieu, notre propre expérience de méta-journalisme au sein de France 2 il y a quelques années pour des travaux universitaires ainsi que l'article écrit par Marc Endeweld sur Michel Naudy qui y raconte sa rencontre et les débuts de Jean-Michel Aphatie. Marc Endeweld a enquêté sur les placardisés du service public et démontré ce que toute personne qui a fréquenté un peu cette maison a pu constater. C'est-à-dire une telle proximité avec le pouvoir, les réseaux, la connivence crasse et trop visible, des jeux d’ego absolument énormes, bref le spectacle narcissique et nombriliste, que l'information n'est qu'un produit d'accompagnement. Information qui doit évidemment coller avec la coloration souhaitée mais le combat éditorial n'est même plus un enjeu. Il n'y a pas de débat puisqu'on placardise et on uniformise dans le sens souhaité selon le chef de service du moment et le sens du vent, au gré du copinage le plus servile. Ce n'est pas une caricature, les médiateurs, les communiqué du SNJ, notre propre expérience et les enquêtes le démontrent.
Extraits du papier de Marc Endeweld … «Communiste en rupture, Michel Naudy se souvient alors de s’être laissé attendrir par l’accent d’Aphatie, et séduire par ses compétences : « C’était le meilleur et de très loin. Il écrivait très bien, était très malin, et savait décoder la politique. J’ai donc proposé de l’intégrer. » Un bon journaliste donc, mais Naudy me dénonçait son opportunisme : « Débuter dans un journal à l’ultra-gauche et terminer à Canal + est significatif d’un sens inné de ses intérêts personnels. C’est le trajet de ceux qui veulent faire une carrière. Quand il était à Politis, il était dans la ligne du journal. En fait, Aphatie n’a pas de ligne politique sinon celle de ses employeurs. » En résumé, un journaliste ça ferme sa gueule, ou ça démissionne.»...
...« Samedi 2 février 1991, lors de la première guerre en Irak, au journal de midi, Marcel Trillat, alors directeur adjoint de l'information à Antenne 2, dénonce la mise en scène américaine de la guerre. Cette intervention fait scandale dans le Landerneau médiatique et Trillat se retrouve, quelque temps après, correspondant à Moscou pendant deux ans. Dominique Pradalié, rédactrice en chef des journaux du week-end, a moins de chance. Elle est "débarquée" après s'être inquiétée de l'absence de pluralisme. Pour le journaliste qui exprime un point de vue différent à la télévision, c'est à ses risques et périls. La télé est parole d'évangile. La critiquer ouvertement, c'est tomber dans l'hérésie.
»"Face à ce rouleau compresseur", Rachid Arhab, à l'époque chef du service politique de la deux et présentateur remplaçant du JT, exprime également son désaccord sur la ligne éditoriale adoptée pour couvrir la guerre. Dès janvier, on l'écarte de l'antenne. Aujourd'hui, il se souvient : "On ne vous met pas au placard du jour au lendemain. Au départ, on me demandait de moins en moins de remplacements, on m'utilisait moins. C'était extrêmement déstabilisant". L'année suivante, on le remplace à la tête du service politique sans rien lui dire. Depuis, il n'a jamais pu obtenir d'explications : "Il ne faut pas se cacher les choses, à l'époque la France était très va-t-en-guerre, la direction a eu les pétoches par rapport à l'état d'esprit général". Le service politique qu'il dirigeait était plutôt impertinent à l'égard des dirigeants : "l’Élysée avait bondi plusieurs fois. J'ai payé une sorte d'indépendance d'esprit".»
Pour un simple sujet sur une perquisition dans le bureau de Thierry Breton alors Ministre de l’Économie et des Finances, mais ancien administrateur de Rhodia et du comité d'audit, une reporter à France 2, nous racontait qu'elle avait toute la direction derrière elle pendant qu'elle montait le sujet. Et c'est comme ça pour tout sujet sensible. La presse grand public française a admis son rôle sans aspérité de courroie de transmission d'une oligarchie libérale mondialisée. Les médias ont bien compris que déranger le moins possible était leur nouveau sacerdoce. La société du spectacle a besoin d'accompagnement-médias favorisant l'expression favorable du marché (softnews et infotainment), pas d'opposant à sa surpuissance.
C'est sans doute pour cela qu'un directeur adjoint de l'information d'une grande chaîne nationale française que nous interrogions mi-Octobre 2014, nous a avoué lorsque nous abordions le contexte ukrainien avec lui, que «si vous voulez mon avis, ce ne sont pas les russes ni leurs alliés qui ont abattu cet avion». Alors que ce même directeur de l'information envoie en même temps sur le terrain des journalistes sous entendre exactement le contraire. La puissance du Système contraint le journaliste, qui dans son for intérieur sait qu'il est sous influence, à suivre sa narrative sans broncher ou si peu.
Lorsque nous lui fîmes remarquer les poussées maximalistes concernant le massacre de Ghouta en Syrie, il rétorqua « attendez, on l'a dit que c’était flou et que les jihadistes avait du sarin », oui certes mais un sujet sur combien dans l'autre sens ? « oui c'est vrai, vous avez raison ».
Bref, ce journaliste haut placé dans la hiérarchie du système médiatique, au détour d'une conversation informelle et amicale n'était pas loin de reconnaître, à la volée, l'ensemble des griefs légitimes portés à l'encontre de la presse française. Cela démontrerait-il ce que nous savons tous, nous anti-Système conséquents, c'est-à-dire la faiblesse morale et intellectuelle de leur position ?
La nouvelle sortie un peu partout sur la toile, bien entendu, confinée à la presse anti-Système concernant le livre récemment sorti du journaliste Udo Ulfkotte du Frankfurter Allgemeine Zeitung, nous laisse pantois tellement elle appuie notre propos jusqu'à la caricature. Udo Ulfkotte raconte comment la CIA utilise de manière outrancière la presse grand public pour faire passer des informations pour manipuler l'opinion.
« Dans ce livre, il détaille la manipulation des médias et des journalistes par les agences de renseignement étasuniennes et notamment comment le Frankfurter Allgemeine Zeitung sert « comme une prostituée les intérêts de Washington en manipulant ses lecteurs au profit des États-Unis » au travers de multiples organisations pilotées depuis Washington, comme l’Atlantic Bridge, la Commission trilatérale, le German Marshall Found, l’American Council on Germany, l’Aspen Institute, etc.
»Ces informations ont été depuis confirmées par Willy Wimmer, ex-secrétaire d’État du ministère allemand de la Défense, qui a accusé le département d’État américain d’ingérence dans le travail de la presse allemande. »
L'atlantisme dans la presse allemande, c'est donc la CIA et ses gros sabots, des ordres directement donnés aux journalistes qui n'ont plus qu'à signer un article déjà rédigé par les services US etc etc...
De son côté Emmanuel Ratier nous confiait, alors que nous lui demandions s' il avait eu à faire à des situations semblables « lorsque j'ai fait, il y a quelques années, un papier sur les Américan Presence Post, que personne ne connaît en France, dont il y a plusieurs antennes en France et ailleurs, qui sont des officines de renseignements et de surveillance pour les intérêts US alors qu'elles sont présentées comme des antennes diplomatiques et administratives dépendant des consulats américains, j'ai reçu quelques appels par la suite. Comme vous le savez ma lettre où je publie est une lettre d'informations confidentielles qui fonctionne avec une formule d'abonnement. J'ai reçu pourtant quelques jours plus tard des coups de fils de quatre ou cinq journalistes qui voulaient absolument me rencontrer pour me parler et faire un sujet sur moi et discuter de mon article. » Des journalistes américains en poste à Paris, lui demandions-nous naïvement ? « Non, des journalistes français, je ne peux pas vous dire si c'était Valeurs actuelles ou Le Point, mais c'était des journalistes des rédactions françaises. Le problème pour eux, c'est qu'ils vous prennent pour un imbécile et de manière grossière. Car je sais très bien que mon travail ne va pas les intéresser car ils ne pourront pas le publier, comme à chaque fois. Alors lorsqu'ils vous appellent, vous comprenez qui est derrière et qui les envoie. Ils viennent sur demande des services US pour glaner des renseignements et récupérer ce qu'ils peuvent mais comme on les voit venir de loin...Un peu comme lorsque j'ai sorti récemment mon livre sur Manuel Valls, j'ai reçu plusieurs appels de journalistes qui voulaient absolument me rencontrer pour discuter. En fait, ils voulaient récupérer le livre pour voir ce que j'écrivais sur Valls avant sa sortie, le tout pour le Ministère de l'Intérieur. » Et quel est selon vous leur niveau de compromission avec les US ? « Elevé » (rire).
De son côté, Philippe Grasset relate dans une série d'articles ses relations avec les officiels US lorsqu'il était journaliste en poste chargé des questions de défense pour un grand quotidien francophone en Belgique. Ces travaux mettent en évidence que finalement les méthodes étaient plus diffuses et moins grossières que maintenant. Pour un but, à savoir instaurer un lien, de la connivence, une chaleur, en plus d'une proximité idéologique et un partenariat de travail sous emprise, avec des journalistes influents sur des sujets importants, touchant les domaines sensibles de l'influence et de la puissance. Le tout pour les US, visant à s'attacher une couverture éditoriale bienveillante de la part d'un journaliste européen, pour influencer la sphère médiatique et celle des décideurs en plus de l'opinion publique sur des enjeux qui touchent aux liens stratégiques USA/Europe et ce dans de nombreux pays.
Ceci pour les US semble fondamental, mais ce que nous tentons de démontrer dans notre propos c'est que même le journaliste stagiaire du Nouvel Obs qui s'occupe des chiens écrasés est déjà prêt à travailler pour eux. Ce stagiaire pourra bientôt avantageusement remplacer Jean Guisnel, chargé des questions militaires et de défense pour Le Point qui ne se soucie guère du problème atlantiste pesant sur les médias. Lui, il en rit et il l'accompagne avec le sourire, participant au Poutine bashing. Il faut dire qu'il ne se pose pas de questions non plus sur le 11 Septembre, bref une parfaite antenne relais du Système.
Jean-Dominique Merchet de l'Opinion, lui aussi journaliste spécialiste des questions de défense appuie là où ça fait mal, alors qu'on l'a entendu ou lu bien plus conciliant par le passé avec l'administration américaine, qui faisait pourtant avaler déjà beaucoup de couleuvres à la France (texte en gras mis par nous): «On rétorquera que la décision française est prise au nom de la morale politique. A la veille d'un sommet de l'Otan et après avoir répété le contraire pendant des mois, l’Élysée a cédé à la pression de nos alliés américains et européens. En France, les milieux néo-conservateurs, de droite et de gauche, violemment hostiles à la Russie, ont eu gain de cause. Ce faisant, en s'alignant sur la doxa atlantiste, la France a sans doute perdu un atout diplomatique de taille dans le dialogue avec Moscou. Car, sauf à vouloir faire la guerre à la Russie, il n'est d'issue à la crise actuelle que dans la désescalade et la négociation - la France ne cesse, à juste titre, de le rappeler. Il n'est pas sûr que la décision d'aujourd'hui y contribue, au moment où un cessez-le-feu est évoqué dans l'Est de l'Ukraine.»
Il n'y aura bientôt plus besoin pour les services US d'infiltrer le journalisme spécialisé des cercles qui comptent pour orienter l'opinion en faveur de la Pax Americana en Europe et du Statu quo géopolitique, car tout l'appareil journalistique français, et même les niches loin de ses questions, est rempli de personnel prédisposé favorablement aux sensibilités US et leurs intérêts.
Rappelons nous, les analyses de Cédric Housez du champ lexical des propos de Lorraine Millot employés en 2006 pour parler des hommes russes (et ce n'est qu'un exemple entre cent), permettent de penser que les journalistes qui ont une vision plus nuancés et simplement honnêtes sur les questions touchant à la Russie ou l'Ukraine, doivent se cacher à l'heure qu'il est dans les rédactions. A part Le Figaro, propriété de Dassault, qui s'inquiète un peu quand même de voir le contrat Mistral partir en fumée, se projetant avec horreur dans les difficultés que cela va amener par ricochet, sur le contrat Rafale avec l'Inde. Sinon les portes sont grandes ouvertes dans tout les titres de presse grand public et blog Mediapart, pour des Françoise Thom et autres petits agents de l'Otan et des réseaux US. Et c'est bien sûr open-bar concernant la sémantique anti-russe.
La presse allemande, elle, vient de se rendre compte que le public est de plus en plus au courant de sa servilité vis-à-vis des US. Du coup elle dose son propos, ne mettant pas la narrative über alles, les liens de l'Allemagne avec la Russie limitant le ridicule, qui en France, n'est pas freiné. Cette presse allemande a donc parfois dénoncé ses propres turpitudes avec de nombreux articles et parodies mettant bien en avant le caractère complètement délirant de la couverture de l'Ukraine et la Russie par les journalistes allemands.
Et puis finalement avec tout ce qui est en train de sortir sur le sujet, ce que nous dit Paul Craig Roberts (économiste et journaliste paléoconservateur américain, sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan 1981-1982, un des pères fondateurs des Reaganomics, ancien rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal ) n'est plus seulement grossier comme descriptif de la situation des classes dirigeantes européennes, mais c'est sans doute totalement vrai : « My Ph.D. dissertation chairman, who became a high Pentagon official assigned to wind down the Vietnam war, in answer to my question about how Washington gets Europeans to always do what Washington wants replied: “Money, we give them money.” “Foreign aid?” I asked. “No, we give the European political leaders bagfuls of money. They are for sale, We bought them. They report to us.” Perhaps this explains Tony Blair’s $50 million fortune one year out of office'».
Jean-Jacques Jespers, l'ancien médiateur de la RTBF, spécialiste de la déontologie des médias et qui donnent des cours de journalisme, a été interrogé par le journaliste Olivier Taymans qui a fait un très bon documentaire auprès des professionnels des médias sur la presse et le 11 Septembre intitulé "Épouvantails, autruches et perroquets – 10 ans de journalisme sur le 11-Septembre". Il nous donne une explication lorsqu'il parle des tabous dans les médias et plus généralement de leurs comportements entraînant souvent une occultation de la vérité ou un manque d’honnêteté. Ceci peut tout à fait s'appliquer à l'Ukraine et l'affaire MH-17.
«Il y a une espèce de seuil au-delà duquel le sujet tabou ne sera plus tabou. C'est au fond le buzz, c'est-à-dire le bruit que fait le sujet. Donc pour l'instant c'est un sujet tabou parce que les éléments troublants ou les éléments de remise en question qui ont été découverts et qui ont été diffusés sont diffusés dans un réseau avec une extension qui n'a pas encore atteint le niveau au-delà duquel ça devient un événement médiatique qui va être relayé par les grands médias. Mais toute la question est de savoir si ce seuil est ou sera un jour atteint. Mais ça n'a rien à voir avec la vérité. Ça n'a rien à voir avec le sérieux de ceux qui font les enquêtes. Ça a à voir avec le système d'élaboration de la crédibilité en matière médiatique. Et ce système d'élaboration de la crédibilité médiatique il est un système en soi, qui est un système de références au fond. Et c'est à l’intérieur de la communauté médiatique que ce constitue la crédibilité d'un fait ou d'un événement ou d'une vérité entre guillemets. »
Mais faut-il le préciser, France 2 qui avait elle aussi un médiateur de l'information (plusieurs se sont succédé), à la Jean-Jacques Jespers avec émission hebdomadaire après le journal de 13h du Samedi, a eu la bonne idée d'exploser le concept de médiation de l'information “façon puzzle”. Nous ne rentrerons pas dans le détail, mais nous pouvons affirmer pour l'avoir vécu et avoir interrogé nombre de personnes concernées, que cette fonction de médiateur de l'information, la Direction de France Télévisions a d'abord voulu l'utiliser, comme tout média qui crée ce type de poste, pour des relations publiques plus efficaces. Elle a très vite voulu stopper les velléités de remise en question du traitement de l'information par ses rédactions, but ultime du poste et de l'émission de médiation. La vie de médiateur au sein d'une rédaction (le poste est indépendant en théorie seulement) n'est pas une sinécure, sauf si vous faites des RP. Ce qui fut majoritairement le cas avant de mettre carrément un agneau en charge du poste puis de supprimer l'émission hebdomadaire. Plus de risque comme cela d'être embêté pour de bêtes histoires, de déontologie, de tabous, de propagande par des téléspectateurs dont l'avis rebondit sans faire mouche sur le cuir épais du journaliste, à qui on ne la fait pas.
Jean-Jacques Jespers rajoute :«Je crois que le journaliste aujourd'hui qu'il soit journaliste d'investigation ou non, il est un peu comme tout le monde. Il est consommateur de médias d'abord. Il est consommateur de cette espèce de consensus médiatique et de tout ce que ce processus médiatique produit comme image du monde comme cadrage du monde, comme framing. Ça c'est un concept extrêmement important. Et donc il est victime de ce framing, de ce cadrage du monde. Et il se situe, et en plus ses supérieurs hiérarchiques le pousse à se situer par rapport à ce cadrage là. Et bien je pense que la plupart des informations que nous percevons aujourd'hui, la manière dont nous les recevons et bien on les perçoit à travers ce cadrage. Et ce cadrage est déterminé en grande partie par le marché, les sujets qui marchent, dont tout le monde parle sur lesquels on va investir. Et là je crois que l'on est dans une situation où le droit de savoir, le droit à l'information qui est un droit fondamental, reconnu par les textes internationaux, reconnu par tout le monde est en train de s'effilocher. On a de plus en plus l'impression que les médias ne sont pas des moyens d'informer mais des moyens de créer une espèce d'ambiance favorable à la vie dans la société de consommation où nous sommes. Et moi je pense que cette évolution elle est due à un changement profond de nature de ce que le journaliste considère comme étant sa place dans la société, son positionnement dans la société. Il y a une sorte de prolétarisation où les journalistes se considèrent comme les exécutants d'un projet éditorial, ont de moins en moins prise sur ce projet éditorial et le projet éditorial c'est vendre.»
C'est peut-être une histoire de framing alors si pour la première fois dans l'histoire d'un conflit, un lecteur d'un site comme The Saker savait dans le détail bien avant les lecteurs et journalistes des journaux mainstream, un mois avant que les journalistes ne rendent compte ou ne s'en rendent compte, que l’opération de répression dans le Donbass tournait au fiasco. Les journalistes annoncèrent ensuite (car ils y croient sans doute pour la plupart, de notre point de vue), une invasion russe permettant d'expliquer pourquoi des blindés sont présents en nombre contre Kiev. Ça permettait de continuer un “cadrage du monde” qui devait coller à peu près avec la situation sur le terrain, c'est-à-dire de fiasco pour Kiev. Et cela pour justifier, d'une manière ou d'une autre, les prises de blindés lourds de Kiev par les séparatistes du Donbass. Les blindés cannibalisés par Novorossia dans les chaudrons après leurs redditions, furent donc transformés en maigrelettes colonnes blindées russes par les médias occidentaux, photo satellites à l'appui. Des photos aucunement probantes, et pour cause ! Ce n’était pas le but d'y voir clair sur ces photos, elles devaient juste habiller la narrative de manière à la rendre plus crédible. On voit le manque de sérieux et de connaissance des choses militaires dans le journalisme mainstream, qui leur fait dire tout et n'importe quoi et à n'importe quelle heure. La narrative était grossière mais elle a quand même tenue quelques semaines. En attendant, l'invasion des brigades mécanisées russes est toujours attendue (et les preuves aussi). Comme on attend toujours une enquête sérieuse sur MH-17 venant d'un journaliste français d'un média grand public.
Espérons que le “cadrage du monde” se modifie pour enfin voir les journalistes français faire leur travail honnêtement, ce qui au vu de la situation actuelle relève d'un vœu pieu. Et lorsqu'on écoute Serge Halimi en l'an 2000, on comprend que le phénomène d'effondrement de la crédibilité et d'honnêteté de la presse ne fait qu'empirer d'année en année :
« Il faut rappeler que l'opinion ça se travaille, toujours, et il faut rappeler comment. Et souligner qu'à cet égard, la France, l'état de son journalisme compte au nombre des plus sinistrés du monde démocratique. Parce qu'un certain nombre de choses que je vais vous révéler j'imagine, ne sont des révélations à peu près nulle part ailleurs, dans aucun autre pays démocratique, mais en France ce retour sur l'information, ce retour sur ce qu'on nous avait dit et cette confrontation de ce qu'on nous avait dit avec ce qu'on sait ne s'est pas fait. Sans doute parce que les journalistes sont tellement avancés au service de l'Otan et en même temps qu'ils s'avançaient au service de l'Otan, ils ont tellement célébré leur mérite et la qualité de leur information qu'il leur a été impossible ensuite de faire ce retour sans mettre, pour une fois définitivement en morceau, le crédit que l'on accorde à cette profession»
Étonnant comme ça n'a pas pris une ride. Mais la suite nous rajeunit même de 15 ans pour se rendre compte que le Big Now produit effectivement les mêmes phénomènes médiatiques, mais grossis et plus vulgaires, avec les narrative mal fagotées de notre époque où même les montages et matraquages se révèlent de plus en plus inopérants, voir carrément bordéliques. Avec une caste médiatique parisienne qui s'hystérise et s'atlantise de plus en plus, au fur et à mesure des années et ne laisse plus passer aucune tête. Ah, si ! les éditorialistes, comme Giesbert, 9 mois après, une fois le sujet froid et sans enjeu. Ou des éditos de 10 lignes tout seul dans son coin un peu honteux d'un journaliste des questions de défense (Merchet). La prose blasée d'un éditorialiste isolé (Jack Dion) qui commence à en avoir marre de devoir passer pour une idiot pavlovien à cause de ses collègues, qui font de la profession, un véritable travail de collaborateur servile de l'Otan et de la guerre. Et encore un autre (Vadrot) qui pense faire un article à charge et équilibré entre US et russes mais donne le bon dieu sans confession à l'un et puni “de visu” l'autre. Bref l'honneur est sauf...
«Et il faut rappeler dans le cas d'une guerre comme le Kosovo, que nous vivons dans un pays où adosser aux médias audiovisuels, quatre ou cinq publications bien pensantes et qu'en général, on catalogue à gauche Le Monde, Télérama, Libération, le Nouvel Obs et une autre de votre choix pour ne pas les nommer exerce un tel magistère, avec une telle suffisance, que c'est la recherche de la vérité et non pas son occultation, le recoupement de l'information et non pas la précipitation qui sont stigmatisés. Et qu'ils sont d'autant plus stigmatisés qu'ils leur arrive de s'opposer à la ligne éditoriale de ces journaux que j'ai cité. Une ligne éditoriale qui ignore, qui abhorre l'autocritique. Ces journaux et quelques autres disposent de ce que Pierre Bourdieu a appelé dans un autre contexte, le monopole de la diffamation légitime, il donne le « la » éthique, c'est-à-dire que tout ce qu'ils se permettent devient sans risque pour tout les autres. Alors il ne faut pas refuser de se poser la question que se pose Régis Debray, dans son livre « l'Emprise », je le cite : « pourquoi la France est-elle le pays d'Europe où la vassalisation par un petit clergé médiatique et la plus saisissante ? Pourquoi ce qui se publie très innocemment, dans le Guardian, le Toronto Star, le Los Angeles Times sur la guerre du Kosovo et les emballements de la propagande qui l'ont rendu possible est devenu impubliable en France dans des organes équivalents ? » Il a suggéré plusieurs réponses, donc je cite toujours « la mise en réseau d'un ou deux quartiers de Paris sur un territoire exigu à fuseau mental unique, une autocratie marchande qui se prend pour un rempart et symbole de la démocratie l 'omniprésence au centre d'un monde opulent, d'un surpouvoir, celui des médias sans risque ». Ces réponses là, à mon sens , il faut les avoir à l'esprit pour comprendre ce qu'il s'est passé il y a dix huit mois et ce qu'il, soyons en certains, se reproduira, mais peut-être cette fois avec notre vigilance en prime. »
En effet, Serge Halimi avait raison, cela a lieu aujourd'hui sous nos yeux en Ukraine: mêmes montages, mêmes narrative adaptées au contexte ukrainien, même utilisation de l'affectivité cynique et faussaire et même diabolisation des sources discordantes. L'horreur de ce qu'il se passe en Ukraine aura juste changé une chose, c'est de révéler le côté ultra cynique de la presse qui cette fois est obligée de se coltiner des narrative positives pour Kiev avec des Nazis revendiqués et assumés, des assassins en puissance, des massacres diffusés sur internet deux jours après, des bombardements de populations civiles filmés et insoutenables, et des officiels US qui sont enregistrés à leur insu en train de comploter comme dans une cours d'école pour renverser un régime, etc... Le tout sous nos yeux ébahis de voir jusqu'où ils vont aller.
Frédéric Dedieu
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