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1046Le constat est vite fait: la crise a eu sa première tête politique («The global economic crisis claimed its first government yesterday…», écrit le Times de ce matin). L’Islande est l’une des principales victimes de la crise, presqu’une victime “parfaite”, parce que ce pays était devenu une sorte de laboratoire surréaliste de l’économie globalisée et du “turbo-capitalisme”, avant d’être le premier frappé, et le plus profondément, – et, par conséquent, le premier où sa direction politique s’effondre. Il s’agissait d’une véritable expérience du “chaos créateur” cher au capitalisme “hyper” de ces dernières années. L’expérience est achevée en une courbe parfaite, avec le chaos conservé effectivement, et la création devenue celle de l’effondrement sous toutes ses formes. La pratique a rejoint la théorie, l’a dépassée, l’a ridiculisée par sa puissance. La pratique a prouvé par l'absurde la justesse de la théorie, – chaos, sans aucun doute, et dans une mesure telle qu'on doit admettre que ce chaos-là est pure création, et création humaine certes.
«The new Government [will face] a daunting task, including the repayment of a $10 billion (£7.2 billion) bailout loan from the International Monetary Fund and foreign governments, and a bill running into billions of dollars to repay former savers with collapsed Icelandic banks — among them thousands of Britons who took advantage of sky-high savings rates.
»It was such financial adventurism that led to Iceland’s extraordinary decade-long boom — followed by its spectacular collapse. High-risk investing overseas by the so-called “Vikings”, a hard core of aggressively minded businessmen, multiplied Iceland’s GDP by ten in less than ten years. Its investments in Britain alone, including the buying up of swaths of the high street from Debenhams to Karen Millen, outdid its GDP twice over. At the same time, Reykjavik’s popularity grew as a high-end, boutique destination for European tourists.
»When the Landsbanski, Glitnir and Kaupthing banks collapsed in October thousands of ordinary Icelanders who had put their money in banking stocks found their savings wiped out. The Icelandic currency, the krona, lost a quarter of its value before it was removed from trading, and interest rates soared to nearly 20 per cent. With inflation rising, Icelanders are finding it harder to afford even the basics, never mind repay their mortgages.»
Nous avons une nouvelle terminologie, une nouvelle catégorie qui s’annonce, de “révolution” de l’âge postmoderne, – cette époque où les révolutions se font par manifestations souvent organisées minutieusement (“démonstration”, dit-on en anglais), émissions des divers moyens de communication, proclamations, symbolisation, tout cela répercuté sur les réseaux et sur les écrans, sans véritable violence et par la seule pression de l’influence des communications. Après les “révolutions de couleurs”, ces grossiers montages des réseaux néo-conservateurs, voici les révolutions identifiées par des catégories sociales d’habitude paisibles. Ce fut donc, à Reykjavik, la “Household Revolution” (la “révolution des ménagères”?), avec des manifestations massives puisqu’on a compté précisément jusqu’à 32.000 manifestants pour l’une d’entre elles, – 10% de la population. Cette “révolution”-là, reconnaissons-lui sa pureté, n'a pu eu besoin des manipulations et corruptions diverses des “révolutions de couleur”.
«The Government of Geir Haarde, the Prime Minister, resigned en masse after days of mounting anger over the country’s financial meltdown. The protests, which began peacefully after the nationalisation and overnight bankruptcy of Iceland’s three main banks, turned violent last week with the nation experiencing its worst riots in 60 years. At their height 32,000 people — more than 10 per cent of Iceland’s population — took to the streets of Reykjavik banging pots and pans in what came to be known as the “Household Revolution”.»
Il s’agit certainement d’un événement important. On mentionnera son aspect plus symbolique que vraiment politique, à cause de la très faible importance politique du pays, mais un aspect symbolique d’une grande force dans la mesure de cette exceptionnalité islandaise, – pays véritablement recomposé selon les normes du “turbo-capitalisme”. De ce point de vue, on penserait qu’il s’agit, – symbole pour symbole, en voici un significatif, – d’une impressionnante parabole de la crise, la résumant telle qu’elle a éclaté, telle qu’elle se déroule, et telle qu’elle pourrait se développer et s’amplifier bien entendu. Au bout de la crise financière transformée en crise économique, se tient évidemment la crise politique. Nous sommes alors au terme de la transformation car, avec cette évolution politique, il faut plutôt parler de la crise systémique générale.
Le cas islandais est un avertissement sans frais, mais un avertissement qui pourrait plutôt paraître comme l’illustration d’une évolution paraissant inéluctable, et qui se fait à une vitesse qui ne cesse de nous impressionner. Personne, aucune direction politique n’est aujourd’hui capable d’arrêter ce gigantesque effondrement, dont le rythme continue à accélérer, à s’amplifier en ce début d’année. L’arrivée d’Obama, attendue comme un choc politique et symbolique, – ou symbolique puis devenant politique, puisque notre politique semble réduite à la non-substance symbolique, – n’a rien changé à ce rythme, – évidemment serait-on tenté d’ajouter. Le rythme semble en effet détaché de l’action des hommes, donc des directions politique, et vivre de sa propre et gigantesque vie. Le “cas islandais”, plutôt qu’être un accident ou une exception, pourrait être dans ces conditions une préfiguration des choses à venir. Dans tous les cas, cette pensée-là va s’installer dans les têtes de nos dirigeants politiques et pèsera désormais d’un poids très lourd sur leurs comportements et leurs décisions.
Mis en ligne le 27 janvier 2009 à 07H12
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