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1742La Russie continue à détenir les cartes maîtresses en Syrie, mais l’on approche du point où ce jeu d’atout risque de n’être plus suffisant, voire de se retourner contre celui qui l’a en mains, parce que l’un des joueurs (le bloc BAO) n’a toujours pas l’intention, et de moins en moins l’intention, et d’ailleurs pas plus la possibilité dans l’état psychologique où il se trouve, de se conformer aux règles du jeu. D’une façon inéluctablement logique dans ce cas, la situation ne cesse de s’aggraver en Syrie, au point où l’on atteint l'étape où l’ONU peut déclarer que l’état de “guerre civile” caractérise désormais les évènements en cours (Russia Today, le 13 juin 2012)
C’est la situation que nous décrivions dans notre F&C du 4 juin 2012. (Le “cas hypothétique sérieux” envisagé comme référence étant la volonté de résistance d’Assad amenant un renforcement constant des pressions du bloc BAO de diverses façons, – l’une des dernières hypothèses en vogue étant un coup d’État contre Assad, – et conduisant effectivement à un état de “guerre civile” que nous semblons avoir atteint. )
«Dans ce cas hypothétique sérieux, les efforts des Russes pour tenter de stabiliser la situation sont non seulement voués à l’échec, mais ils vont finir par constituer un handicap de plus en plus grand pour la Russie. Certes, la Russie bénéficie de la position reconnue par tous de “maîtresse du jeu”, ce qui est diplomatiquement avantageux, mais c’est aussi une position qui est peu ou prou d’emprisonnement d’une politique littéralement pathologique du bloc BAO qui exige de la Russie d’être à la fois “maîtresse du jeu” et complètement exécutante du “jeu” du bloc BAO. Des deux aspects de la politique actuelle de la Russie en Syrie, on a vu et l’on comprend que c’est le second aspect qui prend de plus en plus d’importance. La “position avantageuse” risque donc de se transformer en une position extrêmement dommageable pour la Russie…»
Si la Russie poursuit ses efforts diplomatiques, ceux-ci sont de plus en plus marqués par un engagement anti BAO (proposition d’une conférence internationale sur la Syrie à laquelle doit participer l’Iran, cela avec l’appui de Kofi Annan et contre le bloc BAO d’une façon générale et robotisée, éventuelles livraisons d’armements utilisables dans la “guerre civile” aux cris d’horreur de Hillary et des USA dont on connaît la neutralité en la matière). Il s’agit d’une évolution montrant que les Russes envisageraient éventuellement de freiner leur engagement en faveur d’une stabilisation impossible, qui deviendrait un piège. Il y aussi eu la nouvelle selon laquelle ils auraient rejeté sèchement la proposition d’Obama de déployer plusieurs milliers d’hommes en Syrie comme “force d’interposition”, avec comme mission discrète essentielle de surveiller les armes chimiques syriennes.
Désormais, une autre situation se fait jour, qui implique la transformation de la crise en une “guerre civile totale”, avec l’extension du conflit hors des frontières syriennes et avec la possibilité d’une intervention du bloc BAO, directe ou indirecte, comme on l'a vu hier (voir le 12 juin 2012). Cette dernière possibilité (pourtant écartée officiellement pour l’instant par le département d’État), dans le contexte de l’aggravation du désordre vers la “guerre civile totale” qui semble prendre tout le monde de vitesse, devrait chaque jour perdre de son crédit comme élément décisif, et de plus en plus apparaître comme un facteur de désordre de plus impliquant encore plus le bloc BAO.
Quoi qu’il en soit, l’implication du bloc BAO est un fait, et un fait également l’extension en cours de la crise syrienne hors des frontières du pays. C’est un autre facteur que les Russes doivent considérer, et qu’ils doivent considérer comme contribuant à les faire envisager une stratégie différente qui est celle envisagée dans le F&C du 4 juin 2012 déjà cité.
La situation évolue en effet assez vite pour que les Russes se trouvent devant une très sérieuse possibilité d’une situation hors de tout contrôle, face à un bloc BAO dont ils mesurent chaque jour davantage l’absence totale de rationalité dans leur approche de la crise. (Comme nous l’avons largement noté, les seuls experts qui gardent leur raison à Washington, notamment Brzezinski et Kissinger, ne cessent de confirmer cet état des choses. Le vieux Kissinger en est à visiter Pékin, où il ne manque pas d’informer les Chinois de la triste situation de la politique étrangère de son pays.)
D’un autre côté fort bien identifié, les Russes ont reçu des échos de la conférence du Bilderberg de la fin du mois dernier, à Chantilly, en Virginie. Ces échos concernent l’attention qui a été notamment portée à la situation en Russie et, dans ce cadre, à la possibilité d’actions de déstabilisation de ce pays conformément aux méthodes désormais classique d’“agression douce”, dont l’ambassadeur US à Moscou McFaul est l’un des grands organisateurs. La présence de trois personnalités russes de l’opposition à la conférence, la connaissance que l’on a de leurs liens directs et constants avec McFaul, conduisent à faire penser que l’idée générale d’une attaque du type “agression douce” est plus que jamais dans les projets du bloc BAO, dans les parties de l’administration et de la bureaucratie US engagées dans ce sens. Sur Strategic Culture.org (le 10 juin 2012), Wayne Madsen, journaliste en général bien informé et qui suit le Bilderberg pour ses retombées politiques plus que pour ses aspects structurels et opérationnels fondamentaux, consacre une part importante de son rapport sur la conférence à cette présence…
«This year’s Bilderberg conference featured three guests from Russia. However, unlike the “establishment” figures from Western nations, including the United States, Britain, Germany, France, and Canada, two of the three Russians represented the anti-Valdimir Putin opposition. Present at Bilderberg 2012 were Anatoly Chubais and Garry Kasparov, leading anti-Putin Russian politicians.
»Chubais is reviled among a majority of Russians for shepherding the wholesale privatization of Soviet and Russian Federation state enterprises under the administration of President Boris Yeltsin and Prime Minister Viktor Chernomyrdin. The chief benefactors of the privatization were a handful of Russian entrepreneurs who soon became billionaire oligarchs. Many of these oligarchs soon found themselves in prison in Russia or in exile in Britain and Israel to avoid prosecution in Russia. Today, Chubais is the head of Rusnano, a leading Russian nanotechnology firm.
»At the Chantilly conclave, Chubais rubbed shoulders with the robber barons of Wall Street, including former Goldman Sachs and Citigroup senior executive and Bill Clinton Treasury Secretary Robert E. Rubin, Goldman Sachs International Chairman Peter Sutherland, Kohlberg Kravis Roberts & Company co-chairman Henry Kravis and former Obama Office of Management and Budget director and current Citigroup vice chairman Peter Orszag.
»Chubais has also held meetings with the U.S. ambassador to Russia Michael McFaul. McFaul has, like a number of new breed activist U.S. ambassadors, grossly interfered in the domestic affairs of the country to which he is posted. After one recent meeting with Chubais, McFaul publicly complained that Russian Russian NTV journalists were waiting for him as he departed the from the meeting. Displaying all the signs of a paranoid conspiracy theorist, McFaul bellyached that his email and phone calls were being eavesdropped upon by the Russian press thus giving the media a heads up as to his daily itinerary.
»Kasparov, the leader of the United Civil Front of Russia, and his colleague Boris Nemtsov are leading members of the Russian opposition to Putin. McFaul has openly championed the opposition cause. Moreover, Nemtsov is an old political ally of Chubais. Chubais, Kasparov, and Nemtsov represent the “neo-liberal” political ideology that is supported by the likes of international stock and currency speculator and multi-billionaire George Soros. Neo-liberals, if they were to come to power in Russia, would transform Russia into a nation totally dependent on the dictates and whims of the financial elites of New York, London, and Frankfurt. It is apparent that given the representation of bankrupted European nations at Bilderberg 2012, Chubais and Kasparov would relish a Russia forced to impose strict austerity measures on its citizens on the orders of the global banking elites, turning Russia into another Greece, Spain, and Ireland.»
Tout cela se place à l’heure d’une manifestation de l’opposition en Russie, hier, dont le Guardian rend compte ce 13 juin 2012, d’une façon évidemment élogieuse en dissimulant mal sa jubilation libérale et démocratique, et en plaçant son article, – “acte manqué” ou pas, mais révélateur sans aucun doute, – dans la même rubrique que les évènements de Syrie. Cette manifestation rappelle à tous, et à Poutine en premier, que la continuité de l’“agression douce” n’est pas une construction de l’esprit. Ainsi le rapprochement que fait le Guardian dans sa mise en page est évidemment dans l’esprit des dirigeants russes : l’“agression douce” contre la Russie est, d’ailleurs selon la logique de la “crise haute”, dans la même séquence d’évènements que la “guerre civile totale” en Syrie, et relève de la même volonté d’entropisation du monde dispensée par le dynamique du Système, dont le bloc BAO est le relais. Il serait totalement irresponsable de n’y pas voir une poussée fondamentale, dissolvante, dans une dynamique de surpuissance et d’autodestruction qui semble parvenir au stade ultime de son accomplissement.
…C’est un facteur déterminant pour le jugement russe des évènements en Syrie. La bataille pour la stabilisation semble, non pas perdue, mais d’une façon différente, tout simplement dépassée, irrelevent comme disent les Anglo-Saxons. Le facteur le plus stupéfiant dans ces constats, c’est la vitesse des évènements, l’accélération du temps historique, ou désormais métahistorique, qui fait des crises en cours des brandons enflammés répandant partout, et également dans les psychologies, le feu de la déstabilisation. En ce sens, le temps de la méditation, pour les Russes et Poutine, est sur le point d’être dépassé, et annonçant le temps du choix… D’ailleurs, il n’y a pas de choix.
Désormais, les Russes sont conduits à abandonner de plus en plus leur rôle sans espoir de “stabilisateurs” de la crise syrienne et d’envisager d’y participer en cherchant la façon la plus habile et la moins risquée pour eux. De ce point de vue, l’intérêt des Russes devient de laisser faire, sinon de favoriser l’extension de la crise syrienne hors de la Syrie, au reste de la région, pour impliquer principalement le bloc BAO dans le désordre, – ce qui serait le cas, lorsque les incendiaires type Qatar et Arabie seraient eux-mêmes touchés (les dirigeants saoudiens vivent dans cette hantise). C’est une façon d’affaiblir le Système, ou plutôt d’accélérer son processus d’autodestruction, qui permet également d’affaiblir ou de contrecarrer ses tentatives d’“agression douce” en Russie même.
Mais il y a tout de même un choix, qui est le choix suprême, pour Poutine, s’il a bien pris la mesure de la réalité générale de cette situation de dissolution en marche et d’autodestruction du Système. Ce choix, c’est celui de rendre public ce constat. Il s’agit alors d’un appel à la mobilisation générale de la population russe, fondé sur le patriotisme et la résistance structurelle, – résistance des structures, fondée sur les principes qui les soutiennent, – face à la subversion du Système. Nous avons cette idée depuis un certain temps pour la Russie (voir le 8 décembre 2011), et nous nous y tenons. C’est la seule voie assurée de résistance efficace à l’“agression douce” qui est déjà en cours, et même la voie d’une participation active au processus d’autodestruction du Système.
Mis en ligne le 13 juin 2012 à 10H54