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1127…Mais, peut-être, dans ce titre, le mot principal est-il absent: “France”. L’article que Tony Halpin, dans le Times du 2 octobre 2009, consacre à la vente possible du porte-hélicoptères Mistral (avec d’autres à suivre) à la Russie est du plus grand intérêt, à cause de la façon dont il dit certaines choses et pour certaines choses qu’il ne dit pas. Ce “plus grand intérêt” ce résume au titre, aux trois premiers paragraphes et à un autre paragraphe plus loin, le reste de l’article reprenant les diverses déclarations des Français et des Russes, et les à-côtés qui accompagnent cette vente possible qui est évoquée depuis quelques mois.
Le titre nous dit: «Russia to buy warship from France in first Nato arms deal since Cold War.»
…Et les quatre paragraphes (trois + un) que nous citons:
«Russia is close to buying a warship from France in its first deal to import military technology from a Nato state since the end of the Cold War.
»Bernard Kouchner, France’s Foreign Minister, and Hervé Morin, the Defence Minister, made it clear that they supported the sale of a Mistral assault ship to Russia during talks in Moscow yesterday.
»The move is likely to alarm other Nato states after Russia indicated that it was seeking a bigger deal to upgrade its armed forces with advanced Western technology. It could also raise tensions in the Black Sea, where Russia has threatened to act against Georgian naval vessels if they block ships from travelling to the separatist region of Abkhazia.» […]
»Mr Kouchner did not specify the terms of any political accord but the final decision will rest with President Sarkozy, who is likely to come under pressure from the United States not to sell advanced military hardware to Russia that could be used in any future conflict with Georgia.»
Effectivement, l’affaire qui concerne directement la France et la Russie, dans une transaction du type que la France a toujours considérée du seul point de vue de sa souveraineté et de sa politique de sécurité nationale, est ici complètement présentée dans un cadre littéralement “intégré” dans la perspective OTAN, où la France ne semble présente que d’une façon anecdotique – mais suffisamment pour être implicitement accusée de ne pas respecter les règles otaniennes. («…first Nato arms deal since Cold War», «…in its first deal to import military technology from a Nato state since the end of the Cold War», «The move is likely to alarm other Nato states after Russia indicated that it was seeking a bigger deal to upgrade its armed forces with advanced Western technology») Au second degré, on pourrait considérer cette forme d’appréciation comme un clin d’œil marqué d’ironie, éventuellement amère, pour saluer le “retour” de la France dans le commandement intégré de l’OTAN… Nous sommes sûrs que certains y songeront.
Dans tous les cas, il s’agit d’une indication précise et précieuse – les fréquentations du Times à cet égard étant connues – de la bataille politique qui va accompagner, en sous-main, cette transaction franco-russe. On comprend d’ores et déjà que la chose est considérée du point de vue stratégique (stratégiquement politique), ce qu’elle est évidemment, pour être aussitôt transcrite en termes politiques, appuyés sur la nécessaire “solidarité” de la France, nouveau membre à part entière, avec l’OTAN, sous l’amicale surveillance du Pentagone. Même si l’expression «first Nato arms deal since Cold War» est approximative par rapport à ce qui s’est déjà fait entre l’OTAN et la Russie, on en comprend l’esprit: le premier grand accord stratégique et politique entre la Russie et “un pays de l’OTAN”, qui se trouve être la France.
Pour nous, le terme “premier grand accord stratégique et politique” est tout à fait justifié par les circonstances, l’importance et les caractères du système (le Mistral et ce qu’il représente), par l’ensemble des facteurs qui créent l’“esprit de la chose” telle que nous l’avons défini dans notre Bloc Notes déjà cité. Le point de vue ainsi défendu, qui est otanien et atlantiste, et typiquement britannique selon cette approche, est tout à fait acceptable. Il s’agit d’apporter une entrave à des orientations de politiques d’indépendance de pays de l’OTAN, au nom de la solidarité otanienne, dans la mesure où ces politiques peuvent concurrencer le courant atlantiste et otanien, au profit des USA, et dont les Britanniques estiment tirer profit dans leur situation européenne.
Cela ne signifie nullement que nous estimions que la France soit ““piégée”, parce qu’elle dispose d’une dynamique bien assez puissante pour passer outre et que d’autres forces que celles manifestée par ce point de vue sont à l’œuvre, qui sont objectivement favorables à la politique française. Cela signifie que la logique otanienne qu’implique le rapprochement français de l’OTAN commence à se manifester, contradictoirement et même d’une façon antagoniste, par rapport aux politiques naturelles de la France. Cela signifie que la France, dans cette sorte d’affrontement moucheté autour d’une affaire comme la vente du Mistral, devra choisir, et nous estimons qu’elle choisira, et que son rapprochement otanien devra s’en accommoder. On mesurera alors ce que vaut ce “rapprochement otanien”, et nous pensons effectivement qu’il ne vaut pas grand’chose. D’une façon générale, la logique otanienne ainsi exposée est une politique en plein reflux, y compris au regard de la politique US (rapprochement avec la Russie), tandis que les autres courants, y compris “les politiques naturelles” de la France, bénéficient de la puissance de la nouvelle dynamique historique à l’œuvre, notamment depuis la crise du 15 septembre 2008.
L’interprétation donne à penser quant à l’importance politique que pourrait, que devrait acquérir cette vente du Mistral. Elle confirme tous les facteurs que nous avons déjà avancés (le rapprochement que nous avons fait avec les tractations France-Brésil, le facteur BRIC, etc.).
Mis en ligne le 3 octobre 2009 à 05H52
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