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725Il apparaît de plus en plus évident que Barack Obama n’obtiendra pas une ratification du traité START-II avec l’actuel Congrès, et qu’il entre dans l’inconnu avec le nouveau Congrès, qui présente un visage radicalement nouveau. Le Guardian du 16 novembre 2010 nous met en garde à cet égard.
«Barack Obama's hopes of reshaping US foreign policy stand on the brink of failure tonight, after two of his most cherished initiatives — nuclear disarmament and better relations with Moscow — were dealt serious setbacks. [...]
»[I]n Washington, a Republican leader in the Senate signalled that the nuclear arms control treaty Obama signed in April with Russian president Dmitry Medvedev is unlikely be ratified this year. Most observers say that if the treaty – known as New Start – is delayed until next year, it will be as good as dead, as the Democratic majority in the Senate will be even thinner.»
@PAYANT Aucune surprise, vraiment… L’affaire, comme toutes les autres dans la capitale américaniste, suit son cours vers le blocage habituel. Le traité START-II n’est absolument pas considéré sur son contenu ni sur son apport dans les relations Russie-USA, mais à partir d’un sentiment général, notamment chez les républicains, d’hostilité latente à l’encontre des Russes, d’autant plus difficile à contenir et à réduire que cette hostilité est simplement fondée sur l’humeur, et une humeur de réflexe. Il s’agit de l’humeur des espérances et des ambitions déçues depuis la période Bush, de réduire la Russie à un état satellitaire, comme elle le fut à l’époque Eltsine. La chose étant impossible, toute entreprise tendant à un état de conciliation et d’arrangement sur une base à peu près égalitaire est considérée comme proche d’une trahison des intérêts nationaux des USA. Il n’y a rien à faire contre un sentiment nourri de tant d’irrationalité, et appuyé sur la certitude d’une puissance écrasante des USA qui n’existe plus. Ce sentiment ne s’était pas trop manifesté dans ce Congrès qui vit ces dernières semaines, à cause de la majorité démocrate. Désormais, il semble bien que les républicains aient choisi de bloquer toute tentative de BHO de faire ratifier ce traité durant les susdites semaines restantes, d’attendre le nouveau Congrès, où la surenchère maximaliste sera de mise, dans un climat de désordre général avec les démocrates en recul très net et le parti républicain extraordinairement divisé. Dans tous les cas, START-II ne sera en rien la priorité de personne parmi les républicains, qui se déchireront essentiellement sur les questions budgétaires, et entre leurs ailes interventionniste et isolationniste. Il faudrait un miracle pour faire passer START-II d’ici la fin décembre, et un miracle suscité par un président de plus en plus réduit à l’état de potiche.
C’est la probable nouvelle situation que les Russes vont désormais devoir envisager du côté US, qui met en question toute la dynamique de l’amélioration des relations USA-Russie mise en route avec l’arrivée d’Obama. Dans cette affaire, les Russes se trouvent devant un problème qu’ils devinent depuis le début 2010, mais qu’ils ont, peut-être imprudemment, écarté jusqu’ici, notamment en s’alignant sur les positions occidentalistes dans l’affaire iranienne. Depuis le début 2010, les Russes constatent l’affaiblissement accéléré d’Obama, tout en espérant malgré tout que la puissance supposée de la fonction laissera assez de pouvoir à Obama pour maîtriser le dossier. De ce point de vue, il est possible que les Russes vivent encore selon la perception de la situation de la Guerre froide où, malgré les vicissitudes intérieures US et à part le cas extrême de Nixon, ils ont toujours eu en face d’eux un président puissant. Mais cette puissance était la conséquence d’une situation, qui était la situation de l’équilibre stratégique nucléaire USA-URSS qui exigeait impérativement un exécutif fort. Cette perception russe est renforcée par la tradition régalienne de ce pays, avec un exécutif centralisé extrêmement fort. Mais la situation générale a évolué (fin de la domination stratégique du fait nucléaire) et, surtout, la situation intérieure US s’est considérablement aggravée, jusqu’à cette crise de désordre, d’impuissance et de paralysie des pouvoirs que l’on connaît. Avec la crise latente de START-II, et si cette crise se concrétise par une absence de ratification d’ici la fin de l’année, les Russes vont être placés devant la nécessité d’un choix.
Il apparaît donc assez probable que la direction russe va devoir faire une nouvelle appréciation de la politique générale, de ses rapports avec les USA et de la situation pour elle-même sur cet axe Est-Ouest, passant par l’Europe et la situation transatlantique où se situent ses relations avec les USA. En effet, un échec de START-II, ou un délai sans limite qui ressemblerait comme un frère à un échec, ne concernerait pas seulement la situation nucléaire, mais toute la situation des relations avec les USA et, d’une façon générale, la situation de sécurité générale de cet axe Est-Ouest. Schématiquement, on dirait que les Russes, après une expérience qui pourrait être appelée “ligne Medvedev” (mais soutenue par Poutine), reviendrait plutôt vers la “ligne Poutine” jusqu’en 2007-2008. Mais, bien entendu, la situation de 2010 n’a rien à voir avec la situation de 2000-2007 qui a vu se développer cette “ligne Poutine”.
Le fait fondamental, bien entendu, n’est pas un changement de la Russie mais un changement complet de la situation américaniste. En deux ans, depuis 2008, alors qu’on croyait être déjà au fond de l’abîme avec Bush, la dégradation de la situation US a été prodigieuse de vitesse et de profondeur. Il n’y a plus de pouvoir cohérent à Washington mais une rivalité de pouvoirs divers, jusques et y compris au sein du parti victorieux (le parti républicain), déchiré entre interventionnistes et isolationnistes. Même ceux qui pourraient être les plus proches des Russes (les isolationnistes, dont on jugerait qu’ils sont pour l’apaisement dans les relations internationales) sont d’abord intéressés par des problèmes budgétaires et de déficit, éventuellement d’affrontement avec la puissance du Pentagone, et nullement par l’établissement d’une nouvelle politique extérieure plus et mieux structurée selon leurs conceptions. On pourrait même penser que leurs conceptions, violemment unilatéralistes, adversaires des cadres multinationaux, des grands accords internationaux (après tout, c’est ce que disait Washington dans son discours d’adieu de 1797 où il avertissait contre le danger d’accords politiques avec l’étranger), pourraient très bien les pousser à s'opposer à un accord START-II qui implique un droit de regard sur la puissance US et sacrifie ainsi à l’“internationalisme” qu’ils détestent. On peut donc dire que les perspectives pour START-II, et pour la poursuite de l’amélioration des relations USA-Russie par conséquent, apparaissent fortement compromises.
Pour autant, les Russes ne sont pas seuls, – c’est-à-dire qu’ils ne sont pas les seuls à être confrontés à la nécessité d’une révision de leur politique américaine. L’effondrement et la paralysie du système de l’américanisme sont entrés brutalement comme le nouvel élément majeur effectif des relations internationales, avec le G20 de Séoul où l’isolement des USA et l’effacement du président Obama ont été les facteurs politiques principaux (avec l’émergence de la Chine, certes). Tous les grands acteurs du monde prennent aujourd’hui comme un fait majeur l’évolution catastrophique des USA, et cela vaut évidemment pour les grands pays européens. On voit sans aucun doute ce qu’est le sentiment allemand à cet égard, et ce seul élément indique déjà ce que pourrait être une politique de substitution de la Russie à la dégradation, de ses relations avec les USA. On sait qu’il y a une dynamique en cours dans ce sens, qui privilégie l’éventualité d’un axe Russie-Allemagne-France, éventuellement avec la Pologne, comme on l’a vu à Deauville récemment. Les Français n’ont pas de stratégie, si l’on s’en tient à leur président, qui a la stratégie des sondages pour l’élection présidentielle et de sa popularité au plus bas ; mais cette absence de pensée stratégique permet toutes les pensées possibles et, pour l’instant, Sarko s’est précipité pour revêtir les atours du gaullisme ; qu’il soit ridicule dans cette sorte de costume n’empêche que cela implique une stratégie et une politique, qu’il suivra parce qu’il croit cela dans son intérêt, et l’on comprend que cela irait dans le sens général exploré ici. (Qu’est-ce qu’on ferait dans ce cas de l’accord de défense franco-anglais ? On verra, mais nous n’y verrions pas un grand obstacle, tant cela est contraint par des impératifs budgétaires, et sans contrepoids sérieux du côté transatlantique vu l’état des USA ; l’affaire aurait sa place toute désignée dans le désordre général.)
Dans ce cadre général, nous verrions le rôle de l’OTAN en rapide diminution, à l’image de ses mentors US. L’OTAN est lancée dans son exercice favori d’un “nouveau concept stratégique” dont le résultat est en général de ne donner aucun effet constructif, et, au contraire de conduire à l’une ou l’autre catastrophe salée ; l’Afghanistan est le résultat du précédent “concept”, de 1999, et on peut prendre la mesure de l’exploit. Mais cette fois, avec le nouveau “concept”, il faudrait voir combien de pays se laisseraient prendre aux dérapages et erreurs catastrophiques qui seront sans aucun doute commises en son nom, ou dans tous les cas proposées, d’autant que plus personne, y compris les USA, n’a plus les moyens de rien… Quant à la défense anti-missiles, dont on va fêter l’apothéose à Lisbonne, nous la verrions plutôt comme une pomme de discorde et de mésentente majeure au sein de l’OTAN, comme seule l’OTAN et la bureaucratie du Pentagone ont le secret, qu'elles entretiennent jalousement. Les relations avec la Russie dans ce domaine devraient impliquer des divergences considérables comme c'est le cas depuis des années, qui commenceraient à se profiler, comme la précision du côté US que la Russie serait intégrée dans le réseau après que ce même réseau aurait été mis en place au sein de l’OTAN. Notre appréciation est que cette affaire n’a pas fini d’empoisonner l’atmosphère au sein de l’OTAN et entre l’OTAN et la Russie… Alors que l’OTAN, avec ses deux joujoux, le “nouveau concept” et les anti-missiles, croit avoir touché le gros lot, notre appréciation est au contraire qu’elle est en train de se charger de deux nouveaux fardeaux supplémentaires et inutiles, en plus de la catastrophe afghane. Le blocage probable USA-Russie pour cause de coma de START-II, aurait comme effet, aura comme effet selon nous, de stopper net les possibilités d’entente profonde entre lac Russie et l’OTAN.
Mis en ligne le 17 novembre 2010 à 16H58