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166815 novembre 2012 – On doit écarter, pour ce cas, ce qui est écrit au long de l’actualité immédiate, à suivre les soubresauts à la fois dérisoires, considérables et sensationnels de cette actualité (comme l’annonce par John McCain, ce 14 novembre 2012, que le général Petraeus est revenu sur sa décision initiale et accepte finalement de témoigner ce jeudi, devant le Congrès, à propos de l’attaque de Benghazi du 11 septembre 2012)… L’époque est à la fois dérisoire et énorme, grotesque et involontairement tragique ; cela, à l’image des nouvelles, comme celle que nous mettions en ligne in entremis, dans notre texte 13 novembre 2012.
(«…Comme ce cas qui justifie notre intervention, s’imposant durant la matinée de ce 13 novembre 2012 comme première nouvelle de l’actualité, avec les 20.000 à 30.000 pages de correspondance électronique entre 2010 et 2012, plus ou moins intimes qui le sait, entre le général du Marine Corps John Allen, successeur de Petraeus en Afghanistan, et madame Jill Kelley, du couple Kelley ami du couple Petraeus, considérée comme une rivale dans le cœur d’acier robotisé de Petraeus, puisqu’il en a un, par la maîtresse-en-titre du même Petraeus, Paula Broadwell. Le général Allen, désigné pour devenir le commandant en chef de l’OTAN [SACEUR], doit constater que ses auditions de confirmation sont suspendues et sa nomination idem, en attendant les résultats d’une enquête de sécurité nationale diligentée à propos de la correspondance Allen-Kelley.» [Extrait du texte du 13 novembre 2012, déjà cité.])
Cet a-parte, paradoxalement comme introduction, pour nous prévaloir plus que jamais de la nécessité de la vertu de l’inconnaissance. Le cas Allen-Kelley n’a été rappelé ici que pour recommander de ne pas trop s’en embarrasser pour l’instant, et, d’autre part, ce qui sera précieux pour notre propos en dévoilant l’un de ses arguments, pour nous faire mesurer dès l’entame de la chose, comme nous l’exprimons dans le texte déjà cité, le mélange du «dérisoire, type théâtre de boulevard revu à la globalisation postmoderniste, et [de] l’énormément stratégique jusqu’au secret de défense nationale, du moins à l’aune de nos références.»
Mais rassurons-nous également, par ailleurs : l’argument reste centré sur Petraeus, sur sa personnalité et sa conduite, sur ses ambitions, ce qui semblerait tenir dans certaines limites les sollicitations de disperser notre attention et la nécessité d’en appeler à l’inconnaissance. C’est à ce “centrée sur Petraeus, sur sa personnalité et sa conduite, sur ses ambitions” que nous allons nous tenir pour tenter d’apprécier le symbolisme et la signification profonde de cette affaire. Cela signifie tout de même beaucoup de choses, car, en plus d’être “une affaire”, Petraeus est un personnage comme on n’en fait peu. Il s’agit, avec lui, si l’on en a le goût, d’une prodigieuse introspection dans une psychologie d’un intérêt à mesure, mais appréciée, en concordance avec le temps, comme un phénomène d’une qualité absolument basse, complètement caractérisée, de ce point de vue qualitatif, par l’inversion. Petraeus est un homme de notre temps, mi-celluloïd, mi-fabriqué, et d’un comportement élastique et évasif selon les avatars des nouvelles et l’évolution de sa perception de sa meilleure position possible par rapport au Système, comme le montre sa volte-face sur la question de son témoignage au Congrès. Bref, il s’agit de l’archétype du général-Système.
(Ou bien il s’agit d’un héros-Système, pour ceux qui l’encensent, en général dans une première réaction, en général de type bombastique, mue par un automatisme-Système. C’est le cas de l’ex-star de CNN, Christiane Arnampour, tweetant le 9 novembre : «All I know is that one of the greatest military minds in modern American history is now off the battlefield.» Cette citation grotesque est notamment rapportée par Glenn Greenwald, le 10 novembre 2012, dans le Guardian.)
On commence effectivement à se douter de quelque chose lorsqu’un avatar aussi pompeux que John McCain croit de bonne politique pour sa réputation de déclarer (le 12 novembre) : «General David Petraeus will stand in the ranks of America’s greatest military heroes. His inspirational leadership and his genius were directly responsible — after years of failure — for the success of the surge in Iraq.» Cela se confirme, avec cet avis du colonel (à la retraite et plus ou moins dissident) Douglas McGregor, qui connut Petraeus à West Point, qui communiqua son avis à Antiwar.com le 12 novembre, et qui est cité le même 12 novembre 2012 par Kelley B. Vlahos, dans un texte aussi pimpant et insolent qu’elle est elle-même…
«Petraeus is a remarkable piece of fiction created and promoted by neocons in government, the media and academia. Think about it… […] How does an officer with no personal experience of direct fire combat in Panama or Desert Storm become a division [commander] in 2003, a man who shamelessly reinforced whatever dumb idea his superior advanced regardless of its impact on soldiers, let alone the nation, a man who served repeatedly as a sycophantic aide de camp, military assistant and executive officer to four stars get so far? How does the same man who balked at closing with and destroying the enemy in 2003 in front of Baghdad agree to sacrifice more than a thousand American lives and destroy thousands of others installing Iranian national power in Baghdad with a surge that many in and out of uniform warned against? Then, how does this same man repeat the self-defeating tactics one more time in Afghanistan?
»The answer is simple: Petraeus was always a useful fool in the Leninist sense for his political superiors — Wolfowitz, Rumsfeld, and Gates. And that is precisely how history will judge him.»
Pourquoi pas “useful idiot” plutôt que “useful fool” ? Pourtant, non, à notre sens, si Petraeus est sans aucun doute tout ce que McGregor dit de salé sur son compte, il ne doit pas être considéré pour autant comme un “idiot utile”, dans le sens d’ailleurs plus stalinien que léniniste. Les “idiots utiles” de Staline étaient idiot parce qu’ils croyaient à la fiction stalinienne et communiste des “lendemains qui chantent”, et ils étaient utiles parce qu’ils répandaient cette croyance autour d’eux. Notre conviction, à nous, est que Petraeus, lui, ne croit pas à grand’chose, qu’il n’a aucune conviction, pas fabriqué pour ça ; qu’il est construit intellectuellement selon les normes du Système, sans s’interroger à leur propos, et qu’il suit par conséquent et goulûment le hochet-Système que le Système offre à ses serviteurs : les voies de la réussite sociale et professionnelle, des honneurs et des privilèges. Nous avons déjà longuement disserté sur les qualités caméléonesques de l’homme par rapport au Système (comme, par exemple, ce 16 novembre 2007) ; le “King David”, comme ils l’appelaient, ne croirait donc à rien du tout sinon à la satisfaction des instructions de mise en scène du Système, pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes et un “surge” en Irak pour une victoire militaire. Quant à ses véritables “exploits” militaires, qui consistent à appliquer les méthodes américanistes postmodernisées (carpet bombing, dommages collatéraux, “chaos créateur”), Petraeus est un animal à sang glacé à cet égard : pas de dilemme, d’angoisse, d’interrogations existentielles ni de stress post-trautamique (par absence de trauma). Le commentaire de Mood of Alabama, du 10 novembre 2012 nous en dit assez là-dessus.
Le personnage central est donc, au départ, assez dérisoire et ne vaut que par sa carrière. Mais, pour l’instant, c’est par des comportements personnels (son aventure avec Paula Broadwell) qu’il se signale dans ce scandale spécifique. Le reste n’est que supputation, même si la supputation pèse des tonnes et réduirait en vérité le reste en poussière. Mais nous voulons, à cet égard, rester dans les traces des processus exacts du Système, et nous exprimer en fonction et à propos de ses normes, pour bien faire mesurer la bassesse du cas, comme le ferait un échotier-Système et comme l’exprime sa propre déclaration de démission : c’est donc bien pour une piètre “histoire de cœur” que Petraeus est tombé.
Donc, personnages dérisoires, argument officiel du scandale dérisoire… Pourtant, par les fonctions des uns et des autres, et la surpuissance que le Système leur ordonne d’actionner, ces personnages sont les exécutants-clef (par la mécanique des choses et nullement par la pensée, bien sûr) d’événements considérables, dont les effets secouent le Système lui-même et créent des systèmes antiSystème ; par conséquent, ils sont, eux et leurs scandales, l’objet de spéculations considérables, avec tant d’occasions d’alimenter les hypothèses (crises internes, complots, luttes d’influence, etc.). Le contraste pathétique entre la bassesse et la petitesse des données de base (acteurs, circonstances) de ces affaires, et l’énormité des événements où interviennent ces circonstances, fait que tous les secteurs du système de la communication, notamment, médiatiques, sont sollicités. Le résultat est un énorme battage, où toutes les tendances et tous les niveaux sont concernés, où toutes les hypothèses sont évoquées, donc où la base même du Système, avec tous ses sous-systèmes faussaires, ses narrative, etc., est sérieusement ébranlée et placée devant la perspective d’ouragans épouvantables, venus d’on ne sait où, selon les révélations et les angles d’attaque du système de la communication qui se délecte (aspect Janus) de cette sorte d’occurrence si spectaculaire… On détaille ci-dessous quelques aspects du “battage”, non pour en tirer une orientation affirmée et un jugement posé (l'inconnaissance nous en protège), qui seraient pour l'instant une dispersion et un affaiblissement de soi-mêlme, mais pour en faire mesurer l’ampleur et la diversité, en gardant à l'esprit la puissance d'influence et d'interférence du système de communication dans cette sorte de circonstances.
• Dans le New York Daily News, grand quotidien new-yorkais type-tabloïd, la dimension intrigue amoureuse et sexuelle fait grande recette, contribuant à diffuser l’image du scandale chez des citoyens d’habitude peu intéressés par les débats autour du Système et de ses serviteurs. Le Daily News a pris pour cible Jill Kelley (voir le 11 novembre 2012), la femme qui a en principe tout déclenché en avertissant un “ami” du FBI de soi-disant “menaces” par courriel de Paula Broadwell. Kelley, qui a une correspondance “amoureuse” avec la général Allen, est une pin-up type “Bimbo” à la poitrine dévastatrice, le sourire et la mini-jupe idem, sortie d’un feuilleton type-Dallas postmodernisé, flanquée d’un mari arrangeant, menant un train de vie infernal entre une résidence luxueuse et une Mercédès dernier modèle, avec un endettement colossal à la banque. Accessoirement, certains en font un agent de la CIA. Il n’empêche que des passages de cet article du 11 novembre sont intéressants, hors les frasques de Kelley qui en disent d’ailleurs long sur l’ambiance à Tampa, Floride, autour du quartier-général de Central Command… Le passage sur une déclaration du père de Paula Broadwell, précisément :
«But Broadwell’s father said Sunday his daughter is the victim of character assassination and implied the bombshell story is just a smoke screen for something bigger. “This is about something else entirely, and the truth will come out,” Broadwell’s dad, Paul Krantz, told the Daily News outside his home in Bismarck, N.D. “There is a lot more that is going to come out,” said Krantz, claiming he was not allowed to elaborate. “You wait and see. There’s a lot more here than meets the eye.” He said he supports his daughter “100%.” “I stand by my daughter. She is an exceptional person,” Krantz told The News, adding that Broadwell, a West Point grad, and her family were “doing well, considering.”»
• Les sources les plus sérieuses, complètement étrangères sinon hostiles à l’esprit du Daily News, viennent donc pêcher de l’information même dans cette source peu appréciée. C’est notamment le cas du site WSWS.org ((le 14 novembre 2012), dont le sérieux dans le traitement de l’information est proverbial. WSWS.org ne sait que faire du scandale Petraeus, dans sa dimension affichée (adultère), mais sentant tout de même qu’il y a là-dedans quelque chose d’important. Son compte-rendu est long, très neutre, précis et détaillé. Il n’empêche que WSWS.org cite le Daily News et le père de Paula Broadwell dans ses déclarations affirmant qu’il y a une machination contre sa fille ; malgré le contexte “léger”, l’hypothèse est chargée d’une force explosive considérable, éminemment politique et déstructurante.
• Il y a le rayon des hypothèses “politiques” plus sérieuses sur les à-côtés et les en-dessous, ou les au-dessus du scandale Petraeus. On les a déjà évoquées le 13 novembre 2012. Les textes à ce propos ne cessent de défiler comme, par exemple, celui de Patrick Buchanan, le 13 novembre 2012 dans Antiwar.com. Il en est de même pour les agitations au Congrès, où, malgré la complicité-Système permanente et l’atmosphère de vénération qui entoure Petraeus, il semble que certains se doutent de quelque chose. Ce domaine est bien entendu ouvert à toutes les perspectives et surprises diverses, à l’image de la déclaration du père de Broadwell («This is about something else entirely, and the truth will come out... There is a lot more that is going to come out…»)
• Un accès secondaire mais nullement sans importance est celui qui de la mise en cause de la presse-Système, pour son attitude d’égale vénération pour Petraeus. Glenn Greenwald, le franc-tireur inépuisable des turpitudes du Système, donne une analyse critique dévastatrice de cette attitude, le 10 novembre 2012 dans le Guardian. Cette sorte de critique, dans un cas aussi important et aussi spectaculaire, est particulièrement déstabilisante, sinon déstructurante, pour les habitudes d'une presse-Système et même pour certains segments de l'information sur l'Internet, habitués à accorder leur soutien plus ou moins aveugle aux militaires. Des articles très critiques “des généraux” sont désormais publiés (voir «Have America's Generals Lost their Way?», le 13 novembre 2012, de Spacewar.com/AFP). Certains, comme Spencer Ackerman, de Danger Room (voir le 11 novembre 2012) font leur mea culpa. La démarche d’Ackerman est présentée de la sorte, par Vlahos, d’Antiwar.com, déjà citée plus haut : «Journalists are even admitting they were duped, sucked in with the rest of the courtiers and COINdinistas perpetuating the positive war narrative and the military idolatry […] ‘Wired’s Spencer Ackerman probably offers the most poignant and honest lament in this regard, though Ackerman, really, was never one of the greatest offenders.»
• Enfin, il y a la rubrique des complots considérables. Le fameux “Sorchal”, de WhatDoesItMean, boit du petit lait en développant une théorie qu’il a commencé à présenter le 20 juillet 2012, concernant un complot des militaires contre Obama. Sorchal donne sa dernière évaluation le 13 novembre 2012. Pour lui, le complot actuel, puisque complot il y a, ressemble à la tentative de coup d’État de 1933 contre Roosevelt, dont le général Butler avait été chargé, et qu’il (Butler) dénonça lui-même, sans pour autant parvenir à empêcher que l’affaire soit enterrée dans la vertueuse atmosphère démocratique de la Grande République. (Voir le 6 août 2007.) Sorchal annonce d’autres péripéties et signale que les grands dirigeants de l’administration Obama (Obama lui-même, Clinton, Panetta) vont se trouver ou se trouvent rassemblés en Australie, et qu’ils y prépareront une riposte décisive.
Les choses étant considérées d’un autre point de vue, comme nous l’annoncions, et toutes récriminations mises à part, il y a quelque chose de magique et d’une très grande beauté potentielle dans ce Moment-Petraeus (la majuscule s’impose). Le point de vue tient en ceci que la médiocrité du propos, la bassesse des acteurs, la petitesse de leurs actes sans grande importance, commencent à faire se former ce qui pourrait être un monstre colossal capable de faire trembler l’immense Amérique rancie (citons Philippe Sollers) et le colossal Système déchaîné qui la dirige au doigt et à l’œil… Enfin, qui ne voit la magie de cette petite “souris-Système” au départ de la chose, et la beauté de l’“Himalaya” dont elle est grosse et qu’elle pourrait mettre à bas ?
Certes, c’est prendre l’affaire au pied de la lettre, – une escapade romantico-sexuelle du héros militaire de notre temps, transparent et caméléonesque à la fois. L’affaire, réduite à ce minimum minimorum, tient pourtant la route dans cette tendance de passer du dérisoire au colossal : dans ce Système, vous pouvez massacrer qui vous voulez, des Indiens aux Afghans en passant par les Philippins, les Japonais et les Irakiens, mais il faut savoir tenir sa braguette selon les lois écrites et non écrites des fourches caudines des “Filles de la Révolution américaine” (Daughters of the American Revolution). Les voies du Seigneur et de Sa justice sont impénétrables, si l’on peut dire. Par conséquent, Petraeus est pris et que nous importent les manigances dont il est le coupable applaudi et vénéré ; cette fois, sur ce cas, il est bien ferré. Ainsi commence une affaire banale, voire dérisoire et ridicule dans ses constituants initiaux officiels, et complètement inattendue dans ses effets qui se développent à une rapidité fulgurante. C’est un de ces schémas qu’on n’imaginerait pas pour faire un mauvais sort au Système (on pense plutôt à des révoltes, des coups d’État, des catastrophes), et qui pourrait effectivement présenter les constituants d'une formule qui fonctionnerait.
Bien entendu, on ne peut s’en tenir là, et il est évident qu’une grande quantité d’événements plus ou moins bien dissimulés, de prolongements d’une grande importance, etc., peuvent se cacher derrière l’origine du scandale qu’on réduit à ses termes les plus simples. Il n’empêche qu’au départ, cette affaire est effectivement réduite à ces termes-là, – bref, c’est la “souris-Système”. Il n’empêche également que cette “souris-Système” a déjà commencé à faire sentir ses effets, de type himalayens :
• Il y a le malaise qui s’est emparé de l’affaire de Benghazi et de ses multiples inconnues, jusqu’à faire penser qu’il pourrait s’agir de ce que nous avons nommé “le point Oméga inverti” du Système, là où toutes les maladresses, les hostilités internes et les inconséquences du Système se trouvent rassemblées pour faire basculer la dynamique de la surpuissance dans le trou noir de l’autodestruction. Il est manifeste que le scandale Petraeus en a brutalement exacerbé l’effet de communication, l’effet public, et a pesé d’un grand poids pour effectivement exposer ce cas particulièrement important à l'attention du domaine public des préoccupations inévitables et pressantes.
• Il existe désormais une menace de capotage brutal du démarrage du second mandat d’Obama, que le président voulait grandiose en tentant d’imposer un accord sur la loi de séquestration de la dette. On notera que cette hypothèse n’a rien à voir avec la substance du cas, avec la valeur ou non de la position d’Obama, avec la détermination ou pas de ses adversaires. Il s’agit simplement du constat de l’orientation du système de la communication et du volume de son activité. Pour une telle opération (un accord sur la loi de séquestration), il faut une mobilisation médiatique et de communication, une disponibilité de l’attention publique et politique, pour que les acteurs impliqués s’inquiètent de cette pression et modifient leurs positions en fonction de cela… Que reste-t-il de disponible avec l’affaire Petraeus, avec un système de la communication dont on sait que la particularité est sa tendance à concentrer toute son attention, aux dépens du reste, sur le sujet “du jour” ?
• Il y a le prestige des forces armées, institution pivot du Système et l’une des institutions, sinon la seule à résister à l’amertume et au mépris du public pour ses directions ; le prestige des forces armées est désormais complètement en jeu, mis en procès sur la place publique, menacé par ce torrent que commence à déverser le scandale Petraeus. (Voir notre texte, ce 14 novembre 2012.) Cette position incertaine est une véritable menace pour le Système, qui a besoin pour sa stabilité, dans le domaine de la communication toujours, de points d’appui stable et puissant ; l’armée en tant qu’institution est (était), aux USA, le plus stable et le plus puissant ; qu’en restera-t-il, avec le scandale Petraeus et ses suites ?
En plus des événements et hypothèses spécifiques, il faut observer qu'on trouve à l'oeuvre une logique intéressante sinon profonde, peut-être dévastatrice dans ses effets. Le triomphe du Système, c’est le déchaînement de sa surpuissance (succédané postmoderne de notre “déchaînement de la Matière”). Cela implique nécessairement que les sapiens-acteurs liés au Système et qui le servent, évoluent de plus en plus vers le statut de figurants, avec une psychologie et un caractère à mesure. Il faut une telle évolution qui est une abdication de soi-mêmee pour s’incliner devant la puissance-reine du mécanisme et ne pas s’interroger sur le sens de la chose, sur la signification de son nihilisme et sur l’univers atroce que tout cela engendre, avec comme horizon l’entropisation du monde ; il faut des êtres faibles, à la psychologie infiniment vulnérable, sans réel savoir ni mémoire, sans goût de la tradition, le plus souvent sensible à rien d’autre que l’apparence fugace de tout ce qui brille (les boules de l’arbre de Noël de l’uniforme des généraux et cette sorte de chose).
Plus augmente la surpuissance, plus s’impose cette sorte de serviteur. Le sapiens-serviteur devient ainsi le “maillon faible”, comme ils disent. Certes, le Système voudrait bien s’en débarrasser, – et peut-être est-ce le cas pour Petraeus aujourd’hui, – mais il ne s’est pas développé avec cette opportunité à l’esprit. Son développement s’est assuré de l’aide de l’espèce humaine comme meilleure méthode concevable, et il ne cesse d’affaiblir ses membres qui le servent directement par ses exigences. Par conséquent, le surpuissant Système doit faire avec son “maillon faible”, et même de plus en plus faible, et ainsi le sapiens-serviteur devient-il son tendon d’Achille. Au plus le Système affirme et développe sa surpuissance, au plus il affaiblit ses serviteurs-sapiens et favorise leur chute, et cette chute qui compromet de plus en plus le Système, sa cohésion, son efficacité, son rythme d’affirmation. Ainsi le réflexe mécanique de “purge” conduit-il à réduire la fonction mécanique de surpuissance jusqu’à la possibilité de l’inversion, comme dans le cas du “point Oméga inverti”. C’est une façon originale et dynamique d’adapter aux possibilités des circonstances du scandale Petraeus la fameuse équation “surpuissance = autodestruction”.
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