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1123…Nous parlons de la réalité afghane. Les dernières nouvelles sont vraiment très mauvaises, ce qui introduit un certain sens de tragique. Surtout, ces nouvelles concernent plusieurs aspects. The Independent du 28 octobre 2009 fait un article sur cette situation.
«The loss of eight more American soldiers yesterday, the resignation of a highly regarded US Foreign Service officer, and new tensions over next week's Afghan election run-off have combined to intensify pressure on Barack Obama as he edges towards a crucial decision on a major increase in US troop strength in Afghanistan.
»On Friday the President is to hold a further meeting with his military chiefs. He will be doing so at the end of the bloodiest single month in the conflict. The latest deaths bring to 55 the number of troops already killed in October, more than the previous high of 51 in August. They came the day after 14 US personnel died in separate helicopter accidents. In all more than 900 US soldiers have so far lost their lives in an eight-year war whose end is not in sight.»
S’il fallait choisir, nous dirions que, dans le contexte de la brutale aggravation de la situation en Afghanistan, c’est la démission de Matthew Hoh, le fonctionnaire en question, qui prend la plus grande signification. L’homme est un diplomate très bien considéré, un ancien capitaine du corps des Marines qui s’est couvert de gloire en Irak au combat, qui a également administré des missions de logistique très complexes. Aucune accusation d’être anti-guerre ou incompétent ne peut être lancée contre lui. Il explique dans sa lettre de démission qu’il juge la guerre, telle qu’elle est menée, absurde et contre-productive, “lui rappellant horriblement le Vietnam”.
Dans ce contexte, deux passages de l’article de The Independent doivent être mis en exergue. Ils doivent susciter des réflexions approfondies parce qu’ils témoignent d’une situation extraordinaire, nécessitant un commentaire… Voici ces deux passages.
«The resignation, revealed yesterday in The Washington Post, has sent shockwaves through the administration, which made repeated and strenuous efforts to change Mr Hoh's mind – including a one-on-one meeting with Richard Holbrooke, the special envoy for Afghanistan. “We took his letter very seriously,” Mr Holbrooke told the newspaper. He described Mr Hoh as a good officer, and admitting that he shared much of the diplomat's analysis, although not his conclusion. […]
»Later this week the now-resigned diplomat will meet with the chief foreign policy adviser of the Vice-President Joe Biden, the leading advocate in the administration of the approach favoured by Mr Hoh: a greater focus on Pakistan coupled with a scaled-down US combat presence in Afghanistan. “We have to draw the line somewhere, and say this is their problem to solve.”»
@PAYANT …Ces précisions montrent une situation complètement inhabituelle autour de cette démission. En général et même d’une façon systématique, dans le système américaniste, lorsqu’un fonctionnaire de ce rang démissionne pour quitter le service pour désaccord sur la politique officielle, quelle que soit l’excellence de ses raisons, quelles que soient les jugements intérieurs favorables que peuvent avoir l’un et l’autre de ses collègues ou supérieurs, il est officiellement ostracisé, rejeté des cercles officiels, souvent mis à l’index de facto. Le système et sa politique ne peuvent qu’avoir raison contre un individu et cet individu devient une sorte de “dissident”. En général, il se reclasse effectivement dans une sorte d’opposition “dissidente”.
Avec Hoh, rien de semblable, et c’est un fait extraordinaire. On a discuté avec lui (Holbrooke, en plus!) avant sa démission des raisons de sa démission, et si l’on a sans doute tenté de le dissuader de démissionner, c’est sans doute bien mollement puisqu’on lui a dit par ailleurs qu’il avait raison quant aux causes de sa démission. (Peut-être même Holbrooke a-t-il soufflé à Hoh quelques arguments supplémentaires pour expoliquer sa décision!) C’est comme si sa démission avait un sens collectif presque officiel, et plus du tout individuel, comme si Hoh exprimait à l’intérieur de l’administration Obama, avant d’en démissionner, un désaccord de cette administration avec elle-même, pour la politique qu’elle serait conduite à mener, ou qu’elle mène déjà, ou qu'elle se juge obligée de mener.
Maintenant que Matthew Hoh a démissionné, l’un des principaux adjoints de Biden va s’entretenir avec lui, non sur les modalités de sa démission, mais bien sur ses conceptions. Pour un peu, on ferait l’hypothèse qu’il va être réengagé comme conseiller de Biden! On irait jusqu’à croire qu’en démissionnant, tout s’est passé comme s’il rejoignait de facto un autre camp à l’intérieur de l’administration, qui est celui de Biden, qui est ouvertement contre le renforcement en forces que demande McChrystal. Conclusion: est-ce que Biden lui-même est en “dissidence”, ce qui renvoie dans l’esprit à l’exhortation d’Arianna Huffington à Biden – “démissionnez si des troupes supplémentaires sont envoyées en Afghanistan!”… Ou bien, plus simplement, le camp de Biden est beaucoup plus en position de force qu’on ne croit et la démission de Hoh doit être examinée à cette lumière. (Dans ce cas, on pourrait même avancer l'hypothèse que la démission de Hoh satisfait certains dans l'administration Obama en leur donnant des arguments pour renforcer l'opposition à un engagement type-McChrystal.)
La démission de Hoh n’est pas (ou pas seulement) un cas individuel et l’expression d’un malaise individuel parmi certainement d’autres. Elle revient de facto à exprimer un malaise ouvert, voire officialisé par le traitement dont bénéficie Hoh à l’intérieur de l’administration Obama. De plus en plus, on doit alors considérer que les hésitations d’Obama marquent, à côté de l’hypothèse d’un caractère peut-être indécis, une réalisation grandissante de la gravité de la situation en Afghanistan et un scepticisme toujours grandissant vis-à-vis d’un engagement massif, comme le général McChrystal le demande. Cela signifie qu’il y a peut-être, sans doute, une dynamique en cours dans ce sens dans l’administration Obama, et une réelle possibilité de révisions déchirantes à l’horizon. D’autre part, le risque d’une telle possibilité est immense, et nous parlons d’abord du risque intérieur (de la situation intérieure d’Obama), tant l’Afghanistan est devenu un enjeu radical, presque de rupture, entre la faction de l’engagement maximal (notamment du côté des républicains et de “parti de la guerre” en général) et celle de l’amorce d’un retrait. C’est ainsi qu’on peut parler d’une situation tragique à Washington, bien mise en évidence par les conditions de la démission de Hoh, bien plus que par sa démission.
Mis en ligne le 28 octobre 2009 à 08H50
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