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653Où est passée la gloire insolente de Goldman Sachs (GS), qui tenait le monde entre ses mains? Aujourd’hui, rapporte The Daily Telegraph du 26 avril 2010, le Sénat des Etats-Unis cartonne sur Lloyd Blankfein, le Chief Executive Officer de GS, temporairement ex-Master of the Universe. Le malheureux Blankfein se voit contraint de soutenir la thèse que, non non, la brillante banque GS n’est pas si brillante que cela, qu’elle a enregistré des pertes, comme toute banque “too big to fall” de Wall Street. Nous concluons donc que, pour sauver sa tête, the Master of the Universe est obligé de jouer la carte de l’incompétence…
La commission ad hoc de l'auguste Sénat doit entendre Blankfein demain. Il y aura du sport.
«The two sides have been battling for the moral high ground ahead of tomorrow's (Tuesday) Senate testimony by Lloyd Blankfein, the investment bank's chief executive.
»Carl Levin, a Democrat who heads the Senate committee investigating Goldman's role in selling sub-prime mortgage products, released emails over the weekend that he claimed show the bank “made a lot of money by betting against the mortgage market”.
»In response, Goldman released a 12-page memorandum highlighting the losses it suffered on US mortgage bets and divisions at the time among its executives over the future health of the housing sector. A Goldman spokesman said Mr Levin had “cherry picked” emails and that the larger document “demonstrates conclusively we did not make a significant amount of money in the mortgage market. What it does show is that we had net losses of over $1.2bn in residential mortgage-related products in the period [2007 and 2008].” [...]
»Goldman's strategy is focused on proving that it neither made money by betting on the mortgage market nor knew which direction the housing market would head. The bank said its “risk management decisions were motivated not by any collective view of what would happen next, but rather by fear of the unknown”. […]
»The Senate hearing comes as Democrat politicians grow increasingly hopeful that they will be able to force through an overhaul of financial regulation this week. Mark Warner, a Democrat member of the Senate Banking Committee, said the chances of forcing through the finance bill were “north of 80pc”, with a number of Republicans likely to line up behind the legislation.»
@PAYANT Elections, élections… Ils n’ont pas raison, ceux qui développent la thèse selon laquelle les USA ne sont pas une démocratie. Comme l’avait bien vu Tocqueville, les USA c’est “la dictature de la majorité”. Aujourd’hui, le Sénat, archi-corrompu, couvert d’argent par Wall Street comme vous et moi, comme le président lui-même d’ailleurs, tire à boulets rouges sur le maître de Wall Street, The Master of the Universe, qui tente péniblement de prouver qu’il n’est pas si bon, qu’il perd de l’argent, autour d’un peu plus d’un $milliard durant la crise, à peu près comme vous et moi.
Beau spectacle démocratique. On fera assaut de vertu au Sénat, demain, lors de l’audition de Lloyd Blankfein, qui emportera avec lui plusieurs mouchoirs pour s’éponger le front de la transpiration générée par l’émotion de s’entendre traiter d’intrigant et de profiteur de l’argent du contribuable par l’auguste commission, rangée en arc de cercle devant lui, à la romaine. Ainsi se déroule le théâtre de la démocratie washingtonienne, qui peut paraître seulement du théâtre à ceux qui entretiennent la thèse du complot et du tireur de ficelles, mais qui est en réalité la scène où se font et se défont les réputations, avec éditos moralisateurs assurés, et chute des actions en bourse pour accompagner la chose. Si Blankfein ne s’en tire pas comme il faut, c’est-à-dire avec la vertu de GS restaurée, il risque d’avoir quelques problèmes avec son conseil d’administration tandis que Goldman Sachs deviendra infréquentable.
Il se pourrait bien que, dans la foulée, le Sénat, emportée par sa vertu patricienne et romaine, vote comme un seul homme la loi de régulation de Wall Street. Tout le monde crierait alors à la réforme réussie et à la gloire de Barack Obama, ce qui n’est tenir compte que d’une seule moitié des choses. La réforme serait passée par la seule crainte de l’électeur, car tout cela répond à la proximité des élections mid term et à la colère du peuple, notamment contre Wall Street, dont les élus sont parfaitement informés. Serait alors démentie la thèse des démocrates “de gauche” qui vilipendent Tea Party parce que les thèses de Tea Party en faveur d’un gouvernement réduit et doté de peu de pouvoir favoriseraient Wall Street, qui est contre le peuple, en empêchant ce gouvernement de réguler Wall Street; justement, ce serait la colère du peuple, dont Tea Party est la partie la plus visible, qui aurait poussé le Sénat à voter la loi régulant Wall Street… Rien n’est tout à fait simple. Ce l’est d’autant moins que, comme chacun sait, le problème n’est pas, aujourd’hui, du côté de Wall Street mais du côté de Washington et du monstrueux déficit du gouvernement, ou bien du côté de l’immigration qui pousse les Etats de l’Union à en prendre à leur aise. Ou bien, ou bien…
Ainsi va le théâtre de Washington, c’est-à-dire la démocratie pure. Dans ces temps où les réalités du système sont exposées au grand jour par sa crise fondamentale, toutes ces réalités se transforment en autant de crises sectorielles. La crise du système financier globalisé est devenue la crise de Wall Street, qui est devenue la crise gouvernement sauvant Wall Street, qui devient la crise Goldman Sachs profitant de la crise du gouvernement sauvant Wall Street, et ainsi de suite. C’est qu’il y a les élections mid-term et le peuple est en colère. D’ailleurs, une fois les élections mid-term jouées, le peuple sera toujours en colère et l’on se lancera à corps perdus dans les prémisses des présidentielles de 2012.
Personne n’en sort indemne. Washington est toujours haï, le président toujours mis en cause, Wall Street désormais sous surveillance et Tea Party toujours soupçonné de noirs desseins cachés. Personne n’en sort indemne parce c’est la démocratie, que ce n’est ni un complot ni une manipulation mais le désordre le plus complet, qui dilue l’autorité et la légitimité. Tous les commentateurs qui dénoncent les complots et les dictatures derrière l’apparence de démocratie, et les autres qui ridiculisent les idées de complots et de dictatures en défendant la démocratie en l’état, débattent du faux problème. C’est bien la démocratie qui est le problème, parce qu’elle est totalement elle-même alors qu’elle est totalement en crise; parce qu’on peut se demander si, dans l’état d’exacerbation de puissance et de nihilisme, d’absence de sens, où se trouve le système (système de la communication et système du technologisme), dans cet état de crise systémique totale par conséquent, la démocratie peut elle-même être autre chose désormais qu’une crise permanente en constante aggravation. Poser cette question c’est y répondre, n’est-ce pas, tout cela aggravé du fait que personne ne sait quoi mettre à la place de la démocratie, ni même n’ose envisager qu’il faille chercher quelque chose d’autre à mettre à la place, puisque l’argument fondamental de la démocratie est évidemment, comme disait l’autre bien connu pour son alacrité et son humour de fumeur de cigares, que “c’est le pire des systèmes à part qu’il n’y en a pas d’autres”. Voici donc où nous mène notre génie politique, au cul de sac érigé en perfection du système et de la vertu politiques.
En attendant, écoutons, mardi, au Sénat, ce que monsieur Lloyd Blankfein aura trouvé pour nous démontrer qu’après tout Goldman Sachs n’est pas moins vertueux que le Sénat des Etats-Unis. Ce qui, à quelques $milliards près, n’est pas faux du tout.
Mis en ligne le 26 avril 2010 à 06H56