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747Il y a une façon de dire : “Vous vous plaignez de crever, mais regardez comment les autres crèvent bien plus et bien mieux que vous, et en silence, eux…”, – une façon de dire cela qui révèle son homme ; ou plutôt “qui révèle sa femme”. Il s’agit en effet d’une créature du sexe émancipée selon les canons du modernisme, dito Christine Lagarde, glorieuse (parce que Française) directrice du FMI, en remplacement du mâle défaillant parce que trop entreprenant, le DSK passé aux oubliettes du Système. (Le Système sait y faire pour purger son personnel et promouvoir qui doit rester en fonction, selon les normes.)
Lagarde donne donc quelques confidences au Guardian, le 25 mai 2012, en vouant les citoyens grecs aux gémonies au nom du malheur des citoyens du Niger (plutôt les enfants, pour faire bonne mesure). Fondement de l’argumentation (répétition développée de ce qui précède) : “Vous autres Grecs, qui souffrez et vous plaignez de vos souffrances alors que vous cherchez à ne pas payer vos impôts, prenez donc exemple sur les enfants du Niger qui souffrent et crèvent, eux, bien plus que vous, et sans protester, et qui payeraient sans aucun doute leurs impôts s’il en était encore question dans ces pays pulvérisés et privés de toute structure de civilisation et d’ordre selon nos conceptions aux effets si glorieux…”. La leçon est sans appel, et l’on espère que les Grecs voudront bien en tenir compte en la fermant, en cessant de gémir, en votant comme il se doit, en payant leurs impôts, en laissant l’euro et l’Europe poursuivre leur route glorieuse et ainsi de suite.
«In an uncompromising interview with the Guardian, Lagarde insists it is payback time for Greece and makes it clear that the IMF has no intention of softening the terms of the country's austerity package. Using some of the bluntest language of the two-and-a-half-year debt crisis, she says Greek parents have to take responsibility if their children are being affected by spending cuts. “Parents have to pay their tax,” she says. Greece, which has seen its economy shrink by a fifth since the recession began, has been told to cut wages, pensions and public spending in return for financial help from the IMF, the European Union and the European Central Bank.
»Asked whether she is able to block out of her mind the mothers unable to get access to midwives or patients unable to obtain life-saving drugs, Lagarde replies: “I think more of the little kids from a school in a little village in Niger who get teaching two hours a day, sharing one chair for three of them, and who are very keen to get an education. I have them in my mind all the time. Because I think they need even more help than the people in Athens.”
»Lagarde, predicting that the debt crisis has yet to run its course, adds: “Do you know what? As far as Athens is concerned, I also think about all those people who are trying to escape tax all the time. All these people in Greece who are trying to escape tax.” She says she thinks “equally” about Greeks deprived of public services and Greek citizens not paying their tax. “I think they should also help themselves collectively.” Asked how, she replies: “By all paying their tax. “Asked if she is essentially saying to the Greeks and others in Europe that they have had a nice time and it is now payback time, she responds: “That's right.”…»
Il ne nous paraît pas qu’il faille accuser madame Lagarde de cynisme ou d’autoritarisme. La particularité de nos directions politiques chargées d’assurer la bonne marche du Système dans sa voie autodestructrice est que les psychologies de leurs membres sont ainsi constituées pour former un obstacle à la perception juste de la réalité, et un barrage à toute incursion de l’intuition haute. Reste alors essentiellement leur raison, qui fonctionne avec ses dévoiements de subversion dont elle est accablée et qu’on connaît bien, aidée en cela par une information et une documentation rassemblées pour la conforter dans l’orientation que suggère cette subversion méthodologique. Il en résulte un cloisonnement de la perception selon des apriorismes favorables au Système, et une logique impeccable qui s’en déduit. L’affaire grecque, telle que Lagarde la considère, n’est alimentée que par les critiques diverses, dont certaines fondées, sur le comportement courant de ce pays (c’est-à-dire hors la crise existentielle du Système, ou crise haute). Aucune référence n’est faite à cette crise dans sa dimension financière, d’où elle vient, qui l’a provoquée, le traitement appliqué à ceux qui en sont la cause avérée, etc., – sachant que, dans tout cela, la Grèce n’a aucune responsabilité, – d’ailleurs parce que, moustique au milieu des géants, elle serait bien incapable d’en avoir. Or, ce que dont souffre la Grèce, comme l’euro, comme l’Europe, comme le reste du monde, comme la civilisation/contre-civilisation, chère madame Lagarde, ce n’est pas du comportement courant de la Grèce mais de la crise haute… Et l’on sait bien que le danger que fait courir la crise grecque au reste ne tient pas à la Grèce, mais en l’enchaînement des terreurs et paniques psychologiques nourries par cette crise haute à l’occasion de la crise grecque, et terreurs et paniques que cette montagne de fromage pourri qu’est le Système ne s’effondre.
Quant à la référence à l’enfant du Niger, qui nous ferait prendre le FMI pour une ruche bourdonnante d’humanisme et de larmoiements romantiques sur le sort des damnés de la terre, elle est tellement déplacée qu’elle ne mérite qu’une allusion ou l’autre, sur le traitement fait à l’Afrique par le Système et enchaînant jusqu’au sort des petits enfants dans les villages du Niger, notamment selon la thérapie de choc de notre système de capitalisme-turbo qu’a si bien exposée Noami Klein (La stratégie du choc). Dans tous les cas, que madame Lagarde sache au moins ceci : qu’avec un Système d’une telle surpuissance (à hauteur des vertus qu’on lui prête), tout, absolument tout ce qui s’est produit dans le monde de notre contre-civilisation depuis au moins 1945 (et nous remonterions même jusqu’à 1776-1825), est de sa complète et totale responsabilité (celle du Système). Par conséquent, si l’on veut faire le procès de la Grèce, – certes, pourquoi pas, ce pays est loin d’être sans vices ; mais qu’on le fasse après celui du FMI, celui de Wall Street, celui du CMI, celui de l’américanisme, celui du bloc BAO, celui du Système, – s’il reste encore un juge disponible, après tous ceux qu’on aura dû envoyer en maison de repos, épuisés par la tâche accomplie…
Mis en ligne le 28 mai 2012 à 06H06
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