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19184 septembre 2013 – A cet instant de cette phase paroxystique de la crise syrienne, il nous importe de fixer les grands arguments et les considérations essentielles du débat, selon notre point de vue et d’ailleurs pour nous-mêmes, pour notre démarche d’analyse. Il est donc question de la Syrie comme archétype présent d’une politique générale que nous avons définie d’un point de vue général, selon notre classement, comme la politique-Système selon notre jargon (voir notre Glossaire.dde du 17 novembre 2012). Cela indique bien qu’il s’agit d’une forme fondamentale de politique, exercée hors de toute considérations de circonstances, d’implications de la vérité de la situation, comme un “modèle” dont l’application doit être absolue, impérative, jusqu’à servir d’une sorte de dogme apprécié hors de toute contingence, appliqué, voire imposé à tous ces pays qui se trouvent directement sous la coupe du Système. Nous avions déjà identifié, sous des dénominations précises offertes par Harlan K. Ullman impliquant une définition approximative, cette politique telle qu’elle était déjà suivie, – alors sans l’avoir conceptualisée sous l’expression “politique-Système”, c’est-à-dire sans cherche encore à comprendre ses fondements même. Il s’agissait de la “politique de l’idéologie et de l’instinct” de type bushiste (voir le texte du 29 mai 2009, sous le titre «Le cœur du sujet» que nous reprenons dans son extension pour ce texte), puis de type BHO clairement en nette amélioration dans le sens de la déstructuration et de la dissolution (voir le 16 février 2012, où nous offrions la qualification suivante de la politique d’Obama : «BHO, c’est GW-turbo»). Voilà pour le préliminaire.
Passons à la Syrie, d’abord pour dire ce dont nous ne parlerons pas, dont nous parlons guère en général. Il s’agit de la question ardemment controversée de l’“attaque chimique“, de ses responsabilités, de ses auteurs. C’est un débat polémique, sans fin, qui n’a aucune chance d’être tranché dans la fièvre actuelle. Nous nous demandons même, dans des circonstances où la communication est un fait totalement subjectif, manipulable, etc., et cela dans tous les sens, si la “vérité” sera jamais connue ; les guillemets dans ce cas montrent bien combien cette question de la vérité dans ce cas nous paraît à la fois aléatoire, insaisissable, et finalement accessoire. La justification fondamentale pour notre désintérêt est que cette question du chimique est la conséquence d’un enchaînement de faits qui sont autant de tromperies, de simulacres, etc., éventuellement là aussi dans tous les sens, qui nous interdisent définitivement d’en venir “au cœur du sujet”. C’est là que l’inconnaissance nous sert d’argument péremptoire. Il ne nous a jamais paru intéressant de distinguer les responsabilités des uns et des autres en Syrie (et le régime Assad ne peut être, par définition et expérience évidente de cette sorte de situation, exonéré de crimes et horreurs, de la même façon que les rebelles, parce que justement l’enchaînement dont nous parlons rend la chose, – les horreurs de tous les cotés, – absolument inéluctable). S’attarder à cette question, c’est être emprisonné dans une polémique qui ne peut qu’abaisser sinon interdire la réflexion, et enfermer l’esprit dans la poigne terrible du jugement emprisonné, – alors que c’est le fait de la “politique-Système“ as a whole, avec ses causes supérieures qui, seul, a de l’intérêt pour nous.
De toutes les façons, on doit montrer l’inanité de la cause en elle-même, par l’historique de la chose (l’usage du chimique), par l’hypocrisie évidente des accusateurs et ainsi de suite. Cela n’exonère personne, y compris Assad, de quelque responsabilité que ce soit si c’est le cas, mais fait précisément du procès de la Syrie et de la punition “morale” qui va avec, au degré d’intensité et d’hystérie qui l’affecte, une infection et une perversité intellectuelle, une inversion de l’esprit qui sont la marque de cette époque et du bloc BAO, – sans surprise aucune, puisque le bloc c’est le Système, qui représente toutes les manifestations déstructurantes et dissolvantes possibles.
Pour clore une fois pour toutes ce faux-débat des vrais-dévots, mesurant la bassesse affreuse de cette époque, nous allons signaler l’une ou l’autre citation d’un article de
A propos des “preuves” psalmodiées avec une émotion de mormon qui vous tire les larmes par un Kerry déguisé en croisé, voici ce qu’en dit WSWS.org (mais d’innombrables sources peuvent être consultées, certes) ... «However, anyone who reads this report, which surfaced on the Internet shortly after Kerry’s speech, will find not one shred of probative evidence. The document, barely three pages long, includes a series of unsubstantiated assertions that are tailored to the US policy aim of manufacturing a pretext for direct intervention in a US-provoked civil war aimed at toppling the Syrian regime of Bashar al-Assad. [...] The document consists of a series of assertions that begin with the words, “The United States government assesses with high confidence” and then indict the Syrian government for the alleged August 21 attack.»
Pour l’autre citation, c’est l’occurrence qui envisage l’hypothèse extrême : Assad effectivement utilisateur de chimique ... Assad ne serait donc pas un saint, ce qui est par ailleurs l’évidence, mais aussi et surtout car c’est bien le cœur du sujet là aussi, qui sont-ils, ces gens-là, pour le juger, en général dans leurs talk-shows arrosés de “pub”, dans une position d’irresponsabilité et d’ignorance complètes de la vérité des situations ? Les voici ...
«Who is he [Kerry] kidding? US imperialism has the least right to preach morality in the Middle East or anywhere else on the planet. Over the past decade of war it directly killed tens of thousands Iraqis, including through the use of depleted uranium munitions and white phosphorus shells, while creating the catastrophic conditions that claimed the lives of hundreds of thousands more. What were napalm and Agent Orange, massively deployed during the war in Vietnam that claimed over 3 million lives, if not chemical weapons? And it is US imperialism alone that has employed the most horrific of weapons, the atomic bomb, killing nearly a quarter of a million Japanese civilians in Hiroshima and Nagasaki.
»Every war it has waged over the past period has been based on lies, from the fabricated Gulf of Tonkin incident in Vietnam to the nonexistent weapons of mass destruction in Iraq. The impending war on Syria is no exception.»
Certes on pourrait ajouter des monceaux de faits sur les horreurs sans fin, en Irak (on peut rappeler Falloujah et ce qu’il resta), en Afghanistan et ailleurs, ainsi que d'autres occurrences plus anciennes (voir le 27 août 2013). Tout le monde le sait, parce que tout le monde qui juge Assad a le devoir de savoir, – ou bien tout le monde se tait ... Telle est l’alternative, qui réduit la revendication “morale” qui est l’ossature de communication de la “politique” du bloc BAO à la vanité de l’écume des jours ... Point final sur ce point du débat pour notre cas, et nous passons à l’essentiel qui est une toute autre façon d’apprécier ces caractères irresponsables et inacceptables de cette même “politique” du bloc.
Un texte du Russe Fédor Loukianov, éditeur de Global Affairs, président du Conseil de Politique Etrangère et de Défense et membre du Conseil Russe pour les affaires Internationales, est d’un particulier intérêt. (Nos lecteur déjà pu lire diverses références à Loukianov : voir, par exemple, le 24 décembre 2012.) Dans cet article du 27 août 2013 sur Al Monitor.com, Loukianov prend comme thème général la possibilité que l’actuelle phase paroxystique de la crise syrienne peut gravement compromettre la perspective de Genève-II et considérablement aggraver les relations déjà très tendues entre les USA et la Russie. (Cette perspective s’est largement renforcée et aggravée avec les événements de ces derniers jours.) Loukianov met en cause la doctrine d’intervention du bloc BAO, la fameuse “R2P” (“Right To Protect” en intervenant chez les autres lorsqu’on juge ex cathedra et pour soi-même qu’on en a le devoir moral, donc le droit absolu), déjà manifestée dans les années 1990 (ex-Yougoslavie jusqu’au Kosovo de 1999). Il rappelle, à l’adresse du bloc BAO, que dans deux circonstances vitales, – les accords de Dayton de 1995 et la capitulation de Milosevic en juin 1999, – c’est l’intervention des Russes auprès du même Milosevic qui permit d’une façon décisive que ces deux occurrences se terminassent à l’avantage du bloc BAO. Si l’envoyé d’Eltsine, Viktor Tchernomyrdine, n’avait pas annoncé le 3 juin 1999 à Milosevic que la Russie ne le soutenait plus, provoquant sa décision de cesser toute résistance, l’OTAN aurait dû procéder à une invasion terrestre, avec conséquences... (Les perspectives étaient très difficiles, sinon pire pour l'OTAN, l'époque.) Cette fois, observe Loukianov, le bloc BAO, s’il attaque la Syrie, n’aura aucune aide de la Russie dans ce sens, “avec conséquences”... Chacun en tirera sa conclusion.
Mais le passage le plus intéressant pour notre propos est la dernière partie de l’article de Loukianov. Il y a d’abord une analyse prospective opérationnelle, qui contient l’indication intéressante que l’arrivée du nouveau président iranien provoque un rapprochement entre l’Iran et la Russie alors que tout était braqué sur un rapprochement entre l’Iran et le Bloc BAO. Cette dernière possibilité nous paraît bien improbable, vu l’état d’esprit et le modus operandi du bloc BAO ... C’est sur ce cas précis d’un intérêt particulier pour nous que Loukianov termine justement, ce cas qui est le principal sujet de préoccupation de la direction russe qui en a déjà identifié clairement la déraison et l’irrationalité : pourquoi le bloc BAO agit-il comme il le fait ? (Nous soulignons de gras les passages qui nous semblent les plus éclairants.)
«... In general, the attacks from the US Navy aircraft carriers on targets in Syria will have an inflaming effect on public opinion in Russia, akin to the scene of the NATO missiles setting Belgrade on fire in 1999. Syria is perceived as somewhat more familiar and dear than a distant and strange Libya. The common perception is that Americans are totally out of control and they bomb anybody they want to. If nobody stops them, one day they will make a landing in our own backyard. This is a very common opinion in Russia, and it appeared right after the Cold War when the use of force by NATO became routine.
»Exacerbation of the conflict in Syria will cast a shadow on the meeting of the G-20 nations in St. Petersburg. Yet more fun should be had at the informal summit of the BRIC countries at the beginning of September and the meeting of the Shanghai Cooperation Organization (SCO) in mid-September. The latter meeting will be joined by Iran (the observing country), as well as China, where Vladimir Putin will have his first meeting with the new president, Hassan Rouhani. Russia will, most likely, try to bring together as many representatives of influential countries that strongly object to interference, especially by force, into somebody’s internal affairs. And the BRIC countries, SCO in particular, may as well support the enthusiasm.
»The direct military assistance to the Assad regime, in the event the conflict expands, won’t be easy simply due to the limitations of physical delivery of weapons. However, closer cooperation with Iran which, no doubt, is going to support Assad to the end, may help create additional opportunities. Since Mahmoud Ahmadinejad has left, Tehran is leaning toward Moscow, which was rather harshly addressed by the former president. Iran and Russia will do their best to straighten out the power balance in Syria, which is definitely not going to benefit from the interference of NATO leading to a rapid activation of the weapons supply to the revolutionaries.
»The direct involvement of foreign states in the Syrian crisis will take it to an essentially different level. One thing is the most upsetting: Something must have happened to democracy in the 21st century. Back in the day, the cunning diplomats representing the leading powers kept themselves busy with intrigues, under-the-table dealings and intense negotiations. War was legitimate, but considered as a last resort (excluding, of course, the classic aggressors focusing on military expansion).
»Today, step by step, starting with Yugoslavia, a story with a poor script repeats itself. An internal conflict appeared in the country within the zone of the attention of the international community. The countries with most leverage immediately make their decisions as to who is the “bad” guy and who is the “good” guy. Thereafter, they begin to engage in fruitless diplomacy, not for the sake of mediation and peace-making, or to achieve a mutually acceptable resolution, but rather to make the “bad” guys surrender to the “good” guys. Then the “international community” heaves a heavy sigh in despair. As a rule, this is exactly the time when some ugly incident, akin to genocide, arises and leaves no room for the “last hope.” And here it comes, in a blink of an eye, a full scale war of the most powerful alliances in the history of mankind against the “bad” guys (almost always the regimes), in order to let the “good” guys win.
»Let’s set aside the moral principles of justice; they do not rule in politics. Though it does look miserable. It all begins with some acute problems, usually arising from deep historical animosities between the nations and religions, which end up in a simplified black-and-white paradigm. In the end, the almighty ones make vain attempts to figure out what went wrong and why the “good” guys turned out to be so ungrateful.
»And, finally, the worst news is such actions could have been explained if there were some sort of strategy behind it, some clearly defined purpose.
Le sujet de l’analyse de Loukianov est évidemment une problématique que nous suivons de notre côté depuis longtemps. Dans notre article du 24 décembre 2012, nous nous référions déjà à une de ses analyses dans le même sens pour développer la nôtre, toujours sur ce même sujet mais selon un développement plus poussé en employant des paramètres sépicifiques. D’une façon générale, nous avions conclu qu’il y avait dans la politique du bloc BAO une suppression complète de toute approche rationnelle, notamment pour la cause d’une raison totalement subvertie et d’une psychologie complètement appauvrie par la proximité et l’influence écrasante du Système. Cela se traduit par une affectivité dominante et dévastatrice, qui soumet ce qu’on n’ose plus guère nommer “politique“, et les décisions qui vont avec, à des facteurs divers relevant de l’idéologie la plus sommaire et la plus terrorisante, ainsi qu’à des considérations nombreuses de communication.
Il existe effectivement, dans ce contexte, une véritable “terrorisation” de la psychologie (voir le 16 avril 2012 et le 18 juin 2012) qui infecte l’intelligence, l’esprit, et au bout du compte pour ce qui concerne l’action dite “politique”, le jugement. Les causes “opérationnelles” déclenchant cette attitude sont conceptualisées sous la forme de narrative, instrumentées à partir de diverses manipulations de communication, si nombreuses et de plus en plus impudentes dans le conflit syrien depuis largement plus d’un an (voir le 2 avril 2012), dont le but est de fabriquer une réalité répondant aux impératifs de l’affectivité. Dans notre texte du 11 juin 2012, nous écrivions :
«Le constat est effectivement que l’effacement d’une raison efficace, une raison “loyale à la perception de la réalité”, ouvre la porte au déferlement de l’“affect” en termes psychologiques, ou pure affectivité, dans les réactions à la situation de Syrie. Cet affect n’est évidemment pas suscité par un plan de manipulation puisqu’on a vu que la raison, qui seule peut produire humainement de tels plans, est absente dans son rôle habituel de rangement des ambitions et des projets humains. L’affect prépondérant dans ces réactions est donc la cause autant que le produit des manipulations innombrables qui caractérisent le compte-rendu de la vérité de la situation syrienne, qui est bien entendu une vérité complètement fabriquée, – littéralement, selon notre jargon, une narrative. Il s’agit d’une auto-manipulation, ou techniquement d’une auto-mésinformation, suscitées par une affectivité qui a complètement pris le dessus dans l’attitude psychologique, et qui affecte l’observation des faits et le jugement selon des normes idéologiques de type hystérique elles-mêmes véhiculées dans la psychologie avant d’être transcrites en “idées” de type-standard et homogénéisées (droits de l’homme, humanitarisme, etc.).»
Nous avons recherché et continuons à développer cette recherche sur les causes fondamentales de cette situation, qui touchent principalement les pays de ce que nous nommons le “bloc BAO” (voir notre Glossaire.dde du 10 décembre 2012), c’est-à-dire de ce qu’on a coutume de nommer “les démocraties occidentales” dont le développement, l’idéologie et les valeurs sont directement issues du Siècle des Lumières et des stades révolutionnaires qui ont conclu ce siècle, qui sont toutes absolument représentatives des fondements de ce qu’on nomme selon l’entendement général mais lui-même fortement idéologisé, “la modernité”. Dans notre rangement propre, bien entendu, nous retrouvons ces entités du bloc BAO comme directement héritières, et intégrées dans le phénomène, de cette sorte de trinôme métahistorique représenté chronologiquement par le “déchaînement de la Matière” marquant la rupture terrible de la fin du XVIIIème siècle, le Système qui en est la création opérationnelle, et l’équation surpuissance-autodestruction représentant la courbe dynamique de fonctionnement du Système.
Dans les effets opérationnels, la “politique” générale engendrée par cet ensemble est caractérisée par des effets chronologiques de déstructuration, de dissolution, avec le but ultime de l’entropisation qui est l’homogénéisation totale de toute structure et de toute élaboration dans une sorte de néantisation, un “rien” qui ne manifeste plus aucun caractère spécifique. (Dans notre jargon, il s’agit de la formule “dd&e”.) Lavrov parle dans le chef du but du bloc BAO de la recherche d’un “chaos contrôlé” en Syrie (Russia Today, le 3 septembre 2013 : «However, it appeared that Russia's partners in the matter – especially those who back the rebels – were less interested in the conference[Genève-II] than in creating “controlled chaos”, as Lavrov put it»). Notre perception est que Lavrov décrit la recherche de ce que le bloc BAO croit être, ou fait semblant de croire pour justifier son entraînement, une tactique finalement constructive (référence au concept extrêmement pauvre et cosmétique, puisque n’ayant jamais fonctionné en tant que véritable “chaos”, de “chaos créateur”) ; notre appréciation est que cette “tactique constructive” est en fait une étape d’une dynamique à un stade située quelque part entre dissolution et entropisation. (Il faut observer que cette remarque de Lavrov, en plus de nombreuses autres de dirigeants russes autant que du texte du Loukianov, montrent combien les Russes sont de loin les plus avancés dans la recherche d’une explication acceptable du comportement du bloc BAO et des USA.)
La cause fondamentale à laquelle conduisent ces différentes observations ne peut, selon notre conviction, que renvoyer à ce que nous nommons “métaHistoire”, ou métaphysique de l’Histoire, ou encore Histoire devenue métaphysique. Les facteurs intervenant sont évidemment du type qu’on identifie à la notion très large de Mal, et qu’on doit rechercher dans des domaines que seule la métaphysique peut définir. Nos lecteurs peuvent consulter les textes divers, sur ce site, qui traitent de cette question, notamment ceux du 4 janvier 2013 et, surtout, du 14 février 2013.
A partir de ces remarques, on comprendra que nous nous trouvons, avec l’actuel épisode paroxystique de la crise syrienne, dans un cas contradictoire, – un peu comme une sorte de contradiction entre tactique et stratégie, comme si la tactique risquait de conduire au contraire du but stratégique recherché. Ce que nous avons décrit plus haut fait aisément comprendre que nous tenons le Système et la politique qu’il produit comme des phénomènes absolument destructeurs, dont on ne peut que souhaiter la destruction avant d’envisager quoi que ce soit, quelque réforme que ce soit. (Une “réforme” du Système avec le Système existant toujours ne pourrait être qu’un piège, la puissance du Système absorbant cette réforme, éventuellement à son avantage, ce qui en retournerait l’usage contre ses initiateurs sincèrement antiSystème à l’origine.) Pourtant, nous-mêmes (y compris nous-mêmes à dedefensa.org) n’échappons pas à ce réflexe, à partir de notre critique constante du Système, de souhaiter l’échec de ses initiatives, et de travailler dans ce sens. Mais l’on comprend bien que nous sommes dans le domaine tactique, puisque le Système n’est pas détruit et que nous ne sommes en rien assurés d’obtenir un résultat globalement positif, – et que c’est même le contraire qui est probable. Ainsi, lorsqu’on critique l’action actuelle du Système dans l’affaire syrienne, en faveur de la guerre, et si l’on voit cette action confrontée à un échec, peut-on dire que ce succès tactique est également stratégique ? Cela n’est nullement assuré, puisque le Système reste en place. Au contraire, si on le voit progresser dans sa dynamique de surpuissance (vers la guerre), on peut avancer l’argument décisif tenant à notre analyse générale que cette dynamique de surpuissance va se transformer par sa propre action en dynamique d’autodestruction.
Selon cette logique, on pourrait avancer comme argument le développement de l’extrême de cette logique elle-même, qui serait de dire que l’entrée en guerre voulue par le Système serait une issue souhaitable dans la mesure où la situation aurait toutes les chances de verser dans un chaos qui, très rapidement, grâce aux capacités largement démontrées du Système de son incapacité de produire et de développer quoi que ce soit dans un sens structurant et contrôlable, passerait de l’illusion du “chaos contrôlable” au “chaos incontrôlable” qui est la nature même, et nature irrésistible, du chaos. Le Système, engagé dans le chaos, se trouverait alors engagé dans sa phase d’autodestruction. Bien entendu, cette perspective semble terriblement destructrice et épouvantable, sauf qu’on peut se demander si la situation actuelle dans la séquence depuis 9/11, ne fournit pas bien autant de destructions épouvantables sans que le Système ait engagé son existence. Car le fait est qu’aujourd’hui, dans les conditions de tension qu’il connaît et qu’il a créées et constamment aggravées d’ailleurs, accablé de crises, rongé de l’intérieur par ses termites, le Système engagerait son existence dans une telle aventure syrienne aussitôt élargie géographiquement et opérationnellement.
Cette hypothèse n’est pas unique dans son aspect “opérationnel”. Elle peut être pondérée par la chronologie de l’effet-blowback, impliquant que le “chaos” engendré par une guerre aurait très probablement et très rapidement des effets de désordre profond dans les pays du bloc BAO, qui reviendraient finalement à ce que le chaos s’installe également au sein même des directions politiques-Système et au sein du cœur de l’appareil du Système bien autant, et peut-être plus rapidement que sur le théâtre d’opération considéré. Cette issue est favorisée par le nombre très grand de crises très pressantes de toutes natures existant actuellement au sein des pays du bloc BAO, dans divers domaines, et notamment dans le domaine clef des pouvoirs en place. Cela nous conduit à une autre hypothèse “opérationnelle”, qui peut être considérée comme alternative ou complémentaire. Il s’agit de considérer que les événements, rebondissements, voltefaces, incertitudes, etc., qui défilent depuis une décade à peu près, et à quelle vitesse, contribueraient avec une rapidité à mesure, à éroder considérablement les pouvoirs en place au service du Système. Ces événements sont dus aux conditions incertaines et créatrices de désordre et d’inorganisation, dues essentiellement à la puissance du système de communication obligeant à des positions et à des évolutions chaotiques, empêchant à la fois le regroupement et l’organisation des forces du Système, alors que pourtant le but (faire la guerre à la Syrie) est extrêmement bien identifié. Du coup, les tensions suscitées par ce but extrêmement dangereux et si bien identifié suscitent des pressions qui contribuent au contraire du regroupement et de l’organisation des forces du système, produisant alors un effet-blowback avant même que l’événement suprême (la guerre et le chaos) ait été accompli, – un effet-blowback d’un événement avant que cet événement ait eu lieu complètement ou même soit largement entamé, si l’on veut...
Dans ce cas, on rencontre l’occurrence où la tactique incertaine exercée contre l’action du Système, se transforme en une stratégie dont le but devient clair : rechercher la déstructuration et la dissolution du Système, qui peuvent d’ailleurs évoluer d’une manière cachée, sans que nous nous en apercevions directement, avant même que le Système ait pu parvenir à une attitude offensive cohérente. La dynamique d’autodestruction aurait pris le pas sur la dynamique de surpuissance d’une façon autoritaire, sans avoir à attendre le déroulement de l’équation de transformation dynamique de surpuissance-dynamique d’autodestruction. Vu les circonstances actuelles, et notamment la décision d’Obama de faire intervenir le Congrès, ce qui implique un délai inattendu qui accentue un désordre déjà considérable, – pourrait-on voir un “chaos contrôlé” existant peut-être déjà dans le bloc BAO, devenir un “chaos incontrôlé”, prenant bien entendu et nécessairement une autre forme que ce qui se passe en Syrie et dans la région ? ... Et, dans ce cas, intervenant avant qu’il ne se passe quoi que ce soit de fondamentalement nouveau en Syrie et dans la région dans la phase actuelle de pressions et d’attaques venues de l’extérieur et du fait du bloc BAO ?
... Quoi qu’il en soit de l’hypothèse (des hypothèses) envisagées, l’idée considérée ici est qu’il existe une concurrence potentielle entre deux “chaos contrôlés”-devenant-“incontrôlés”, – entre la situation syrienne sous la menace du bloc BAO, et la situation à l’intérieur du bloc BAO menaçant la Syrie. Le plus rapide à se développer ne serait pas nécessairement celui auquel, nous Occidentaux si habitués à notre propre supériorité, nous serions en général conduits à penser. Nous sommes à un moment où l’Histoire devenant métaHistoire a son mot à dire, qui supplanterait tous les autres. Si elle consentait à le dire, les événements nous réserveraient nécessairement des surprises.
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