Le cœur et la raison du président Morsi

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Le cœur et la raison du président Morsi

Depuis et avec la visite de la secrétaire d’État américaniste Hillary Clinton en Égypte, il y a une grosse décade, il ne faisait aucun doute aux commentateurs-Système et pseudo-antiSystème que la messe était dite, et Morsi mis dans le droit chemin. Il n’empêche qu’Hillary était venu assurer tout le monde de son soutien, Morsi et le SCAF des maréchaux-généraux, ce qui manque de certitude dans la consigne si l’on prend en compte l’opposition traditionnelle et de communication entre les deux, et qu’elle avait été accompagnée de jets divers et salissants de tomates, et de foules animées du même état d’esprit que les tomates, au cours de son périple.

Ensuite, Morsi avait effectué illico presto son premier déplacement en Arabie Saoudite, ce qui, toujours selon les mêmes commentateurs, signifiait à nouveau une allégeance supplémentaire. Il y avait été traité comme un chien, laissé à lui-même pour son départ de Ryad, sans délégation officielle pour l’accompagner, et après des entretiens orageux où il avait refusé de s’engager sur certains points précis. Là aussi, contrairement à la nouvelle ci-dessus, la messe n’est pas dite.

L’une des “exigences” des Saoudiens vis-à-vis de Morsi avait été une affirmation de soutien de “la lutte du peuple syrien”, surtout assortie d’aucune restriction contre une intervention étrangère d’aide à cete lutte, sinon une certaine appréciation positive. Les Saoudiens jugeaient qu’ainsi, ils verrouillaient Morsi dans une position qui lui attirerait l’hostilité des Russes et des Iraniens, en plus de celle d’Assad certes, ce qui était au moins d’une pierre trois coups. Morsi n’a pas bien écouté la consigne… La nouvelle est restée fort discrète dans la presse-Sytstème en général, ce qui nous indique bien qu’elle ne remplit personne, dans ces contrées, d’une joie excessive.

Novosti publiait la dépêche suivante, le 25 juillet 2012. Les termes employés par le porte-parole ne pourrait être démentis par personne dont beaucoup de gens à contre-coeur mais, surtout, ils pourraient être repris mot pour mot par un Assad, un Lavrov ou un Ahmadinejad.

«Le nouveau président égyptien Mohamed Morsi est hostile à l'ingérence militaires étrangère dans les affaires de la Syrie, ont annoncé mercredi au Caire les médias égyptiens se référant au porte-parole du président Yasser Ali.

»“Le président égyptien soutient le choix du peuple syrien et son aspiration à la liberté et rejette toute possibilité d'ingérence militaire étrangère dans les affaires de la Syrie”, a indiqué M. Ali. “L'aide égyptienne au peuple syrien consiste à ne pas s'ingérer dans les affaires intérieure de la Syrie”, a-t-il ajouté. Le ministère égyptien des Affaires étrangères “fait tout le possible pour assurer un règlement politique du conflit syrien”, a indiqué le porte-parole.»

Côté Hillary, la secrétaire d’État avait recommandé de ne rien dire du traité de paix avec Israël et de pratiquer une discrétion extrême du côté des contacts avec les Palestiniens, en évitant pour l’instant une rencontre avec le Hamas. Là aussi, Morsi a coupé la poire en deux, là où lui demandait de ne pas goûter du tout à la poire… C’est ce qu’on déduit de ce que nous expose la dépêche Reuters du 26 juillet 2012.

«Gaza Islamist leader Ismail Haniyeh met Egyptian President Mohamed Mursi on Thursday in an official visit that signaled a big shift in Cairo's stance toward the Hamas movement after the election of a Muslim Brotherhood head of state in Egypt. A Palestinian official said the head of Egyptian intelligence had promised measures to increase the flow of fuel supplied by Qatar to Gaza via Egypt and needed to ease the small Palestinian territory's power shortages. The sides had also discussed increasing the flow of Palestinians across the border.

»But there was no immediate sign that Cairo was ready to open up its border with Gaza to the extent sought by Hamas, something analysts partly attributed to the influence still wielded by the Hosni Mubarak-era security establishment. “Mursi's heart is with Hamas but his mind is elsewhere,” said Hany al-Masri, a Palestinian political commentator. “He will give them as much as he can but he won't be able to give them much because his powers are restricted,” he said. […] [A]s head of state, Mursi must balance support for Gaza with the need to respect international commitments, including Egypt's peace treaty with Israel. “He will be very cautious,” said Mustapha Kamel Al-Sayyid, an Egyptian analyst. “The intelligence and the military will have their say on this.”»

…La question n’est évidemment pas de savoir si Morsi doit être prudent, – il doit l’être, évidemment, – d’ailleurs, non sans observer qu’en la circonstance son “adversaire”, le SCAF des militaires, est aussi incertain que lui, qu'il doit être au moins aussi “prudent” que lui. Au reste, dans cette partie de cache-cache assortie d’une variante de type “Je te tiens, tu me tiens par la barbichette”, on sait bien qu’en Égypte, dans les situations de tension qui peuvent renaître d’un instant à l’autre, la rue reste l’arbitre de dernier ressort pour les divers acteurs du pouvoir ; et que la rue, elle, penche évidemment pour une politique extérieure hostile à l’ordre-Moubarak et que tous, s’ils doivent rechercher un soutien, tenteront d’évoluer dans ce sens.

Le schéma rejoint par conséquent un itinéraire assez classique, où les fortes influences établies pendant le régime Moubarak, qui fut un régime exemplaire d’asservissement au Système fondé sur la négation de la souveraineté avec toutes les politiques subversives qui vont avec, tendent à se dissoudre rapidement dans les conditions nouvelles. Bien entendu, des liens restent en place, des moyens de pression, des exigences, etc., mais l’essentiel est la tendance principale, le flux majoritaire. Morsi peut être ce qu’il est, avec la myriades de soupçons, de méfiance et de dénonciations à son encontre, notamment sur ses prétendues collusions avec le bloc BAO et les USA, il reste l’élu d’un courant général (hors des tendances et des partis), d’une époque nouvelle, qui vont dans le sens qu’on dit, et ses actes et ses pensées iront irrémédiablement dans ce sens. Quant au SCAF, avec ses vieux maréchaux vermoulus et blanchis sous le harnais aimable de la corruption, et d’ailleurs avec certains qui pourraient se retrouver remplacés par de jeunes effrontés, même à ce stade il est devenu lui aussi tributaire de cette dynamique. L’Égypte doit donc évoluer et elle évoluera dans le sens d’une opposition à la politique générale du bloc BAO.


Mis en ligne le 27 juillet 2012 à 12H14