Le “centre” US tremble sur ses bases…

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Le “centre” US tremble sur ses bases…

L’Institut de recherche statistique PEW Research Center a publié une de ses études régulières, le 15 avril 2013, d’un particulier intérêt pour ses résultats. (PEW Research Center est le meilleur établissement statistique d'opinion publique aux USA. Il effectue des enquêtes très détaillées et travaillées aux USA. Il constitue un outil incontesté de mesure statistique du sentiment des citoyens US sur une variété de sujets.) Le sujet est fondamental : l’opinion du public sur le gouvernement, c’est-à-dire les structures fédérales et des États de l’Union comme il est de coutume aux USA. Plusieurs records ont été battus.

• Jamais l’opinion défavorable au “centre” (le gouvernement fédéral) n’a été aussi basse (dans les annales du PEW Research Center), avec 28% d’opinions favorables. (On entend par “gouvernement fédéral” toutes les institutions de Washington, mais essentiellement le gouvernement, ou l’exécutif. Sont également pris en compte de facto, par la formation même de l’opinion des personnes interrogées, les appréciations sur le Congrès et sur la Cour Suprême.) Au contraire, l’opinion générale sur les gouvernements des États et les gouvernements locaux reste stable et favorable (respectivement 57% et 63%).

• Pour la première fois depuis l’élection (en 2008) d’Obama, cet événement qui a été un puissant moteur en faveur de la centralisation, ou de la défense de la centralisation, une majorité de démocrates est défavorable au gouvernement fédéral (de 51% en 2012 à 41% en 2013 d’opinions favorables). L’hostilité des républicains au gouvernement central continue à chuter et atteint des pourcentages rocambolesques : 13% d’opinions favorables en 2013 contre 20% en 2012. Il faut noter par contraste que républicains et démocrates ont à peu près les mêmes opinions favorables des gouvernements d’État et locaux.

«Even as public views of the federal government in Washington have fallen to another new low, the public continues to see their state and local governments in a favorable light. Overall, 63% say they have a favorable opinion of their local government, virtually unchanged over recent years. And 57% express a favorable view of their state government – a five-point uptick from last year. By contrast, just 28% rate the federal government in Washington favorably. That is down five points from a year ago and the lowest percentage ever in a Pew Research Center survey.

»The percentage of Democrats expressing a favorable opinion of the federal government has declined 10 points in the past year, from 51% to 41%. For the first time since Barack Obama became president, more Democrats say they have an unfavorable view of the federal government in Washington than a favorable view (51% unfavorable vs. 41% favorable). Favorable opinions of the federal government among Republicans, already quite low in 2012 (20% favorable), have fallen even further, to 13% currently.

»The national survey by the Pew Research Center, conducted March 13-17 among 1,501 adults, finds positive ratings across party lines for state and local governments overall…

»Currently, 41% of Democrats say they have a favorable opinion of the federal government, compared with 27% of independents and just 13% of Republicans. By contrast, state and local governments are viewed favorably across-the-board. Nearly identical percentages of Democrats (56%), Republicans (57%) and independents (59%) have a favorable opinion of their state’s government. Similarly, local governments receive positive ratings from 67% of Democrats, 63% of Republicans and 60% of independents…»

Par exemple, le Washington Post, un des journaux phares de l’establishment et partisan de l’interventionnisme et du bellicisme si constant chez les élus républicains et dans le gouvernement Obama, ne s’est pas précipité pour accorder une grande place aux résultats de cette enquête PEW : un entrefilet repoussé dans une rubrique technique (le 16 avril 2013), rien de plus pour l’instant. C’est un signe que l’establishment, les élites-Système de Washington, n’ont guère apprécié cette enquête et ne comptent pas lui faire une très grande publicité, dans tous les cas pas avant d’avoir réuni des arguments contre. Il est vrai qu’elle est, cette enquête, particulièrement inquiétante pour Washington et pour le Système, qui reposent tout entier sur l’omniprésence du “centre” fédéral…

Comment les élus républicains interventionnistes et bellicistes, qui recommandent par conséquent un gouvernement fort, vont-ils continuer à conserver leurs positions alors que leur base populaire ne cesse de s’effriter (de 20% à 13% en un an) et qu'un alternative existe avec la composante populiste type Tea Party, avec Rand Paul comme leader naturel ? Comment l’administration Obama va-t-elle pouvoir poursuivre son effort de centralisation, d’hyper-sécurisation du pays avec restriction des droits civiques et des autonomies locales, action des différents services de sécurité souvent à la limite des normes démocratiques, etc., alors que l’“effet Obama” a subi un tel revers? Entre 2012 et 2013, il y a eu la réélection de ce président qui base sa popularité et ses conceptions politiques sur un brio certain de communication, ce qui aurait dû relancer au moins temporairement le soutien du gouvernement chez les démocrates. Au contraire, ce soutien s’effrite encore plus que chez les républicains, au point qu’on peut même parler d’un événement proche d’une rupture, avec le basculement symbolique des “favorables” de la majorité à la minorité (10% d’opinions favorables de moins chez les démocrates, et les opinions favorables au gouvernement désormais minoritaires avec 41%). Même à la fin du mandat Carter, l’expérience la plus catastrophique pour une administration démocrate du point de vue de la popularité (assez injuste du point de vue de sa politique), on n’avait pas approché de telles données défavorables et une telle tendance évolutionnaire à la fois.

Cet ensemble de résultats, entre deux années où les événements, bien que chaotiques, ont néanmoins été moins défavorables au gouvernement central que dans les trois années précédentes, constitue et devrait représenter un choc significatif. Mais il ne devrait guère en être fait état dans la presse-Système (voir le Post), parce que les mauvaises nouvelles intérieures qui contredisent les consignes implicites du Système ne passionnent guère cette presse. Reste que la vérité exprimée par cette enquête existe et subsistera, et elle constitue un remarquable effritement des structures gouvernementales, c’est-à-dire du “centre” si nécessaire au Système et, nécessairement, une avancée considérable de la dissolution de son autorité, et surtout de sa légitimité. La porte est ouverte, au sein du milieu des politiciens du Système, à des choix éventuels, selon les circonstances, en faveur des pouvoirs d’États et locaux contre le “centre” dans certaines circonstances pressantes et significatives. Nous voulons dire, sans nécessairement parler de conceptions ou de choix idéologiques, que le choix des gouvernements d’État et locaux en cas de crise structurelle sévère aux USA, de préférence et peut-être contre le “centre”, devient un investissement politicien intéressant, même pour des politiciens liés au Système.

Il faut bien insister sur cette circonstance que, dans ces USA en crise profonde depuis 2008, il n’y a pas eu d’épisodes plus dramatiques entre 2012 et 2013 que dans les années précédentes, et même moins, avec notamment une élection présidentielle qui s’est passée sans incident majeur et dans le sens de la stabilité, en faveur d’un président (président africain-américain) symbolisant des valeurs de communication très conformes à la narrative en vogue, à la mode de la communication politique, favorable par conséquent à l’“image” d’une Amérique moderniste et humaniste fabriquée pour plaire au public et lui donner la meilleure conscience possible. Un tel résultat de l’enquête PEW dans ces circonstances marque un événement important, voire, sinon un tournant, dans tous les cas l’accélération extrêmement dangereuse d’une tendance structurelle d’effritement de l’axe du “centre” qui maintient lac cohésion des USA. Ces résultats sont infiniment plus importants et plus révélateurs que, par exemple, la popularité du président qui dépend de facteurs émotionnels et de circonstance, et attachés à une fonction symbolique, tout cela par définition fugace et sans signification profonde. C’est pour cette raison que ce résultat devrait constituer un très grave motif d’inquiétude pour les directions politiques et les élites du Système à Washington, – ce qui ne sera certainement pas le cas, tant ces directions et ces élites sont occupées à se déchirer entre elles, et n’ont plus aucune capacité d’une réaction collective organisée, même pour défendre leur caste. D’ailleurs, ceci expliquant cela… C’est cette lutte civile et politicienne interne à Washington, en vase clos, produisant l’impuissance et l’inefficacité considérables du gouvernement central et des organes de pouvoir qui lui sont liés (le Congrès, notamment), qui alimente puissamment l’attitude collective du public ainsi mise à jour.

Le dernier point à souligner se trouve dans le constat que cette tendance structurelle ainsi mise à jour participe du mouvement général de repli sur les dimensions locales, ce mouvement que certains nomme “déglobalisation” (bien plus juste que “démondialisation”), qui va en effet contre la tendance globalisante d’intégration forcée, déstructurante et dissolvante pour l'identité des populations, voulue par les élites. Ce mouvement rapproche ainsi la population US du reste des populations du bloc BAO, et le sort des directions politiques US de celui des autres pays du bloc BAO. Cela accentue le sentiment d’une crise générale du Système (la crise d’effondrement, pour nous) de type transversal, qui s’affirme désormais au-delà des conceptions et apparats nationaux, voire des intérêts nationaux eux-mêmes. Face à ce mouvement, il n’y a pourtant aucune raison que le gouvernement Obama, qui s’appuie, dans son action nationale, de plus en plus sur la coercition et sur la pression à la limite de l’illégalité, et parfois pression réellement illégale, ne modifie cette action. On a vu combien nous estimons que Washington restera aveugle au signal que constitue cette enquête, et, par conséquent, l’administration poursuivra son action policière, incivique et ultra-sécuritaire. Cette action rencontrera par conséquent de plus en plus d’obstacles, de plus en plus de résistance, et les tensions déstructurantes affectant la substance même des USA ne feront que s’amplifier.


Mis en ligne le 16 avril 2013 à 05H32