Le complot de la théorie du complot

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Le complot de la théorie du complot

Bouleversé par les attentats du 11 septembre 2001, le grand public a cherché un réconfort auprès de théories totalisantes, officielle ou conspiratrice. Cette dernière dans sa version la plus sensée soutient que les évènements de ce jour fatidique ne sont que la partie émergée du coup d’état des néoconservateurs. La popularité de cette vision téléologique s’appuie sur une non-exhibition médiatique, qui prouverait sa pertinence (le fameux proverbe “seule la vérité dérange” est utilisé à toutes les sauces). Cette thèse est bénéfique, car permet d’ouvrir les yeux sur certaines apparences trompeuses. Les partisans des théories du complot sont souvent taxés d’anti-américanisme primaire, mais il serait plus judicieux de les décrire comme des pro-américanistes secondaires.

La conception binaire du monde terrestre est un des aspects du péché originel. Dans tous nos féériques livres d’histoire, nous comprenons qu’au sortir de la guerre 39-45, le monde a été partagé en deux : d’une part, l’Empire Américain (pardon, le monde démocratique où le peuple nomme son souverain) et de l’autre, l’Empire Soviétique (mea culpa, le monde démocratique avec le souverain qui applique la volonté du peuple). Luttant contre ces leurres dialectiques et cette réalité simpliste, les Non-Alignés ne sont toutefois pas parvenus à désosser ce carcan de l’esprit. Dans ce dualisme, chacun prenait l’autre pour Ahriman (le dieu du mal dans le Manichéisme), cela permettant de rejeter tout le mal sur l’Adversaire (dans son sens propre ou dans son acception hébraïque : Satan). Loin d’affaiblir ce dernier, cette haine réciproque amplifie la puissance psychologique de l’ennemi en le rendant incontournable pour toute question. Le dogme humaniste matérialiste, qu’ils avaient en commun, permettait des accusations farfelues, puisque l’homme ainsi divinisé pouvait accomplir toute sorte de miracle. Avec la chute, cette doctrine aurait dû tomber en désuétude, mais les anti-américanistes ont remplacé l’URSS, par le grand Rien ou par de nouvelles icones politiques.

L’Empire survivant serait, sournoisement, derrière tout. “Prenez-garde tout ces pseudo-ennemis ne sont que l’autre face de Janus”, disent-ils en substance, à l’exception de leur propre paroisse, bien entendu.

Fidèles comploteurs, réfléchissez ! Apercevoir votre ennemi partout, c’est le rendre plus fort que ce qu’il n’est réellement. Les États-Unis s’appuient sur leur force psychologico-médiatique pour dominer, tandis que tous les autres facteurs de puissance donnent des signes clairs d’effondrement (idéologiques, économiques, militaires,…). Heureusement, vous mettez votre cœur à l’ouvrage pour les soutenir dans cette épreuve. Vous êtes les as de la contradiction: vous insistez sur les divergences initiales de la version officielle, mais c’est justement le signe d’une absence de préméditions; vos experts, tout aussi“ impartiaux”, relèvent des incohérences physiques concernant la grandeur du trou de Pentagone ou la vitesse de l’effondrement des tours; tandis que votre carte maîtresse est l’oubli médiatique de la destruction d’une troisième tour, or pourquoi ce bâtiment devrait occulter la disparition du Centre du Monde du Commerce, ce lieu saint parodique? En outre, vous imaginez votre ennemi machiavélique dans la conception de sa stratégie, mais vous tirez des enseignements à partir d’erreurs que n’aurait pas faites un enfant de 4 ans! Paradoxe.

S’il est le Malin, ces éléments ne peuvent être que de fausses pistes… et vous remplissez simplement la fonction d’idiots utiles (personnes faisant involontairement le jeu de son adversaire) d’un ennemi insaisissable.

Ismaël Malamati