Le corporate power, ou le totalitarisme entropique

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Le corporate power, ou le totalitarisme entropique

L’Institut de Technologie de Zurich a effectué une étude détaillée sur le corporate power (la chose n’est pas désignée par cette expression), ses structures, sa puissance, sa répartition. Cette étude aurait aussi bien pu s’intituler “global governance de facto”, ou encore le coup d’Etat silencieux, etc., en termes d’experts-Système appointés. Nous préférons des expressions telles que “totalitarisme du désordre” ou, mieux encore, et encore plus loin, ou plus près du but si l’on veut, – le “totalitarisme entropique”. Russia Today fait, ce 22 octobre 2011, un rapport sur ce rapport, à partir d’un article du New Scientist

«Bankers really do control the world! That’s according to Swiss researchers who, in an exhaustive scientific study, mapped out a blueprint showing the real architects of global economic power. From freemasons to the Council on Foreign Relations to Bilderberg, the belief that secretive groups control the world’s economic and political system are quite possibly as old as human civilization itself. But while Occupy Wall Street protestors may be slightly exaggerating in calling themselves the 99 per cent, a recent study conducted by the Swiss Institute of Technology in Zurich shows that they aren’t too far off the mark.»

L’étude, s’appuyant sur des données multiples à partir de 2007, est partie d’une base de données portant sur 37 millions de sociétés dans le monde, s’est concentrée sur 43.000 d’entre elles qui ont une structure transnationale et disposent de liens d’actionnariat entre elles, puis sur 1.318 d’entre elles, puis sur 147 d’entre elles regroupée dans ce que les chercheurs nomment une “super-entité” contrôlant 40% des revenus globaux, tout cela pouvant encore être “réduits” à une “super-super-entité” de 50 groupes. (Euredit SPRL, éditeur de dedefensa.org est compté, nous semble-t-il, hors catégorie.)

«Drawing from a 2007 Orbis database, which lists 37 million companies and investors spanning the globe, the researchers focused on 43,000 transnational corporations and the share ownership which connected them. Based on their analysis, the Swiss team found that a core of companies, the majority of which are in the banking sector, yield excessive power over the global economy, the weekly New Scientist magazine reports.

»Within this group, 1,318 companies with intertwined ownership structures were on average connected to 20 other companies. Representing some 20 per cent of global operating revenues, the study also shows this group of 1,318 controls the bulk of the largest blue chip and manufacturing firms. In terms of the real economy – the part which produces actual goods and services – they take in some 60 per cent of global revenues.

»The team was further able to break down this group into what they described as a “super-entity” of 147 companies that controls some 40 per cent of the network’s wealth. “In effect, less than one per cent of the companies were able to control 40 per cent of the entire network,” says James Glattfelder, one of the researchers behind the study, as cited by the New Scientist.

»And when it comes to the top 50 groups within the super-entity, more than a few would be familiar to those who have been camping out in downtown Manhattan over the last month. Bank of America Corporation, Morgan Stanley, Goldman Sachs Group Inc, Merrill Lynch & Co Inc, and JP Morgan Chase & Co were included among the top 25.»

Divers points bien connus sont confirmés et mis en évidence, comme l’interconnectivité de tous les composants de ces “entités”, qui accentue au moins l’apparence d’unité mais qui implique surtout qu’une erreur de l’un entraîne des catastrophes en cascade impliquant les autres. Les auteurs du rapport écartent tout soupçon d’une étude pouvant alimenter l’idée “complotiste” d’une direction occulte du monde, créé de facto par ces rassemblements de richesse, partant de puissance, et structurée de facto en tant que telle. Le point le plus précisément intéressant à cet égard se trouve dans les réponses d’un expert en macroéconomie de Londres, interrogé par le New Scientist.

«One question not answered by the study is just how much political power the financial elite are able to wield. John Driffill, a macroeconomics expert at the University of London, told the New Scientist that the interests of 147 companies would most likely be too diverse to sustain collusion. But while the capitalist network which controls our economy might not be an active conspiracy, they will inevitably have some interests that correspond. The desire to fight any attempts to regulate the network most likely remains a point they can all agree on.»

…Ce point suffit à résumer une situation générale. Autant il est évident que ce capitalisme corporate tel qu’on le connaît aujourd’hui, qui est le capitalisme-Système tout entier rassemblé dans sa puissance prédatrice et dissolvante, le capitalisme de La doctrine du choc de Naomi Klein, est nécessairement producteur de désordre pour établir son pouvoir absolu, autant ce pouvoir absolu est incapable de s’unifier en une politique cohérente sinon quelques règles grossières (le maintien de la dérégulation) qui ne font que pérenniser le désordre. Cette absence de cohésion réellement politique est une réalité que nous avons toujours soulignée à propos du corporate power. Encore ne souligne-t-on pas assez, dans la réponse citée ci-dessus, que non seulement “les intérêts des 147 sont trop divers pour qu’il y ait collusion”, mais que ces intérêts “trop divers”, en constante évolution, conduisent à des concurrences féroces et à des batailles fratricides, – particulièrement dans la phase actuelle du processus. La faillite de Lehman Brothers, qui est à l’origine de la crise de septembre 2008, s’est faite notamment parce que Hank Paulson, alors secrétaire au trésor et homme de Goldman Sachs, a laissé faire, selon les intérêts de Goldman Sachs favorable à l’élimination d’un concurrent. Il n’existe plus, entre les banques de Wall Street, la discipline de fer qui existait au début du XXème siècle, quand un homme comme John Pierpont Morgan, qui avait une autre envergure que les actuels dirigeants des banques, était capable d’imposer, au nom de sa banque, une solidarité absolue aux autres grands de Wall Street, notamment pour éviter des krachs boursiers. (Cette situation est générale dans le corporate power : aujourd'hui, Lockheed Martin, avec son JSF en grandes difficultés qui menace la stabilité du groupe, n'a pas de plus acharné adversaire que Boeing, qui veut concurrencer le JSF avec son F/A-18 malgré les pressions du Pentagone pour freiner cette attaque prédatrice.)

Il ne s’agit donc pas d’une réelle dictature, de la “super-entité”, ou d’une dictature “du 1% de 1%” (au moins), mais bien de la dictature du désordre prédateur et dissolvant. La logique générale de cette étrange “dictature” est nécessairement, par tous les moyens et canaux de diffusion des pressions de propagande et de contrainte qu’on lui connaît, une logique d’entropie générale, physique, environnementale, cosmique, psychologique et spirituelle. A cet égard, l’étude montre une situation d’une netteté incomparable ; elle explique, justifie, et même recommanderait implicitement, des mouvements tels qu’“indignés”, “printemps arabe” et Occupy Wall Street, qui opposent à cet engrenage du désordre entropique, un désordre populaire contrôlé qui a tout intérêt à ne définir aucun but sinon celui du contre-feu. (Nommerions-nous cela la “doctrine du contre-feu” opposée à la “doctrine du choc”, toujours selon l’image souvent citée dans nos colonnes de la technique du contre-feu utilisée contre les grands incendies ? Allumer un incendie secondaire, contrôlable, devant la marche de l’incendie principal incontrôlé, lequel rencontrera ainsi à un moment donné une bande de terre brûlée qui le privera de toute alimentation et le réduira décisivement.) L’essentiel est d’abord de susciter la confrontation du désordre (celui des réactions populaires) contre le désordre de leur dictature, pour mettre en évidence combien, effectivement, le produit du coporate power est d’abord le désordre, ce qui est en général soigneusement dissimulé par les doctrines économistes et les pouvoirs politiques qui leur sont acquis. (Il est évident que cette réflexion assimile “indignés”, “printemps arabe” et Occupy Wall Street, parce que tous ces mouvements procèdent, de très près ou de très loin mais tout aussi fondamentalement, d’une réaction contre cette même dictature du désordre qui est la source même du pouvoir du bloc BAO, lequel pouvoir est la véritable cible de toutes ces protestations. S’il y a totalitarisme dans ce Système, c’est bien du “totalitarisme du désordre” dont il s’agit, et ce totalitarisme du désordre serait alors bien mieux défini en étant identifié comme le “totalitarisme entropiqueper se.)

(Dans cet affrontement, les pouvoirs politiques jouent un rôle de plus en plus restreint et, lui-même, extrêmement désordonné et contradictoire, qui peut être exploité par la résistance au corporate power. Ces dernières années ou, dans tous les cas, les deux dernières décennies depuis la fin de la Guerre froide, ont vu un ralliement complet du pouvoir politique au corporate power. Paradoxalement (mais assez logiquement selon l’entraînement vers le désordre plus que vers la puissance contrôlée), ce ralliement est loin d’être un atout décisif pour le corporate power. Dans ce qui devrait être sa situation idéale, le corporate power, incapable d’élaborer une politique, a certes besoin de l’alignement du pouvoir politique sur ses intérêts, mais il lui faut également un pouvoir politique fort qui puisse, de lui-même, élaborer une politique intelligente et efficace pour servir les intérêts généraux de ce même corporate power. Le pouvoir politique actuel, justement et paradoxalement à cause de son ralliement au corporate power, est devenue d’une bassesse, d’une médiocrité et d’une faiblesse extrêmes ; il ne sait plus, ni conduire cette politique intelligente et efficace, ni organiser en son sein la discipline et la coordination qui importent. Il est lui-même un désordre complet, et en état de dissolution, – et cela ne fait pas l’affaire du corporate power…)

Enfin, ayant cité plus haut le mot magique de “Système”, nous en venons naturellement au parallèle évident entre le corporate power avec sa logique de désordre entropique, et notre conception du “déchaînement de la Matière” comme explication historique du développement de ces deux derniers siècles en une contre-civilisation. Cette logique du désordre entropique, ou totalitarisme entropique, est évidemment une plongée fondamentale vers l’état général informe de la Matière originelle, et cette plongée étant, elle, le but naturel du “déchaînement de la Matière”. Une étude telle que celle qui est citée et détaillée, et qui rend pathétiques les diverses propositions de réforme du système financier actuel et autres tentatives de “dompter le tigre” d’une façon arrangeante, rend compte que la seule possibilité d’une issue de sauvegarde repose sur la destruction du Système tel qu’il existe. (Il faut “chevaucher le tigre” pour le vaincre, et non tenter de le dompter “d’une façon arrangeante”.) Les tensions actuelles, les positions exacerbées, les catastrophes des directions politiques qui ne sont plus capables de jouer leur rôle de régulateur satisfaisant du Système tel que le veut le corporate power, doivent évidemment convaincre que l’enjeu de la bataille en cours porte effectivement sur des issues d’anéantissement entre les adversaires qui s’affrontent.

 

Mis en ligne le 24 octobre 2011 à 05H46