Le désordre et le profil psychologique du “messianique” Bibi

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Le désordre et le profil psychologique du “messianique” Bibi

Les effets de la “révolte” des généraux et hauts fonctionnaires israéliens contre Netanyahou comprennent désormais des commentaires extrêmement élaborés, y compris de commentateurs qui n’ont pas l’habitude de faire de différences dans le “bloc” des dirigeants israéliens de l’actuelle période de déchaînement maximaliste. C’est le signe que ce “bloc” s’est nettement fissuré suite aux attaques quasi insurrectionnelles qui vont de Dagan à Diskin.

Un commentaire intéressant à cette lumière est celui de Uri Avnery, le 5 mai 2012 sur Antiwar.com. Avnery est un vieux militant israélien de la paix, qui a à son actif diverses initiatives audacieuses, comme d’avoir été le premier Israélien, en 1974, à établir un contact avec l’OLP, puis le premier à rencontrer Arafat en 1982. Il a été député à la Knesset et est fondateur du Gush Shalom (“Bloc de la Paix”). Avnery détaille d’une façon assez objective, – c’est-à-dire en refusant de trop se bercer d’illusions de son point de vue, – ce qu’il appelle “un putsch contre la guerre” en Israël. Il le définit de cette façon, qui rappelle effectivement ce que nous décrivions de façon générale le 2 novembre 2011, en détaillant la rupture antagoniste en cours dans les pays de bloc BAO entre la catégorie des hauts fonctionnaires et autres hauts responsables des questions de sécurité et les directions politiques… «…In our country [Israel] we are now seeing a kind of verbal uprising against the elected politicians by a group of current and former army generals, foreign intelligence and internal security chiefs. All of them condemn the government’s threat to start a war against Iran, and some of them condemn the government’s failure to negotiate with the Palestinians for peace.»

Avnery ne tire aucune conclusion de cette analyse, ni de perspective et des conséquences de cet événement pour l’avenir (y compris pour les élections anticipées de septembre, pour lesquelles Netanyahou est favori). Il s’attache par contre au portrait que Diskin a tracé de Netanyahou (et de Barak éventuellement), de son comportement “messianique”, – ce qu’il nomme ses “tendances messianiques”. (La phrase exacte de Diskin est : «I will tell you things that might be harsh. I cannot trust Netanyahu and Barak at the wheel in confronting Iran. They are infected with messianic feelings over Iran…») Avnery termine par une appréciation de la personnalité de Netanyahou au travers d’un rapide rappel de ses origines et de sa jeunesse…

«The man accused by his security advisers of messianic tendencies was exposed to personal scrutiny by another event this week. His father, Ben-Zion Netanyahu, died at age 102, having remained of clear mind to the end. At the public funeral, he was eulogized by Binyamin. As could be expected, it was a kitschy speech. The son addressed his dead father in the second person – (“You taught me”…“You formed my character” etc) – a vulgar practice I find particularly distasteful. He also shed tears on camera.

»There is no doubt that the father had a huge influence on his son. He was a professor of history, whose whole intellectual life was centered on one topic: the Spanish inquisition – a traumatic chapter in Jewish history comparable only to the Holocaust.

»Ben-Zion Netanyahu was an extreme rightist, obsessed by the idea that Jews might be exterminated at any moment, and therefore cannot trust any Goy. He held Menachem Begin in contempt, considering him a softy, and never joined his party. His intellectual attitude was reinforced by a personal trauma: his eldest son, Yoni, the commander of the spectacular Entebbe raid, was the only soldier killed in this operation. It seems that he didn’t have such a high opinion of his second son. He once remarked publicly that Binyamin was unfit to be prime minister, but would make a good foreign minister – an uncannily accurate judgment, if one sees the job of the foreign minister as marketing.

»The home in which “Bibi” grew up was not a very happy one. The father was a deeply embittered man. As a historian, he was never accepted by the academic world in Jerusalem, who disavowed his theories. (Mainly, that the Inquisition did not persecute the Marranos – Jews who had accepted Christianity rather than leave Spain – because they practiced Judaism in secret, but out of pure anti-Semitism. This was an attack on one of the most cherished tenets of Jewish mythology: that these Jews had remained true to their faith to the point of sacrificing their lives at the stake.) Not getting a professorship in Jerusalem, the father emigrated to the US, where Binyamin grew up. The father never forgave the Israeli establishment. The myth of the Great Historian laboring at his titanic task was a daily reality at home, in America and, later, back in Jerusalem. The three sons had to walk on tiptoe, not being allowed to make any noise that could disturb the great man, nor to bring their friends home.

»All this shaped the character and world view of “Bibi” – the specter of imminent national annihilation, the role model of the fiercely rightist father, the shadow of the older and much more admired brother. When Binyamin now speaks endlessly about the coming Second Holocaust and his historical role in preventing it, this need not be just a ploy to divert attention from the Palestinian issue or to safeguard his political survival. He may – frightening thought!!! – actually believe it.

»The picture that emerges is exactly that painted by Yuval Diskin: a Holocaust-obsessed fantasist, out of contact with reality, distrusting all Goyim, trying to follow in the footsteps of a rigid and extremist father – altogether a dangerous person to lead a nation in a real crisis.

»Yet this is the man who, according to all opinion polls, is going to win the upcoming elections, just four months from now.»

…Il s’agit bien d’un portrait psychologique au travers d’une évolution psychologique («All this shaped the character and world view of “Bibi”…»), que Avnery semble considérer comme la cause fondamentale du “messianisme” relevé par Diskin. Ainsi semble-t-il écarter le fait du “messianisme” comme une sorte de “doctrine” nécessairement extérieure à lui, et qu’aurait embrassée Netanyahou. Pourtant, on retrouve cette tendance “messianique” chez d’autres dirigeants israéliens, et, bien entendu, chez de nombreux autres dirigeants américanistes-occidentalistes (bloc BAO), essentiellement d’une façon affichée depuis 9/11 ; cela était évident dès l’origine de cette séquence historique chez des hommes tels que Bush, Cheney, Tony Blair, d’une façon souvent explicite (le “tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous”, de GW Bush, dit immédiatement après 9/11). On retrouve cette même tendance, explicite ou implicite, chez de nombreux autres dirigeants du bloc, souvent admise implicitement, comme une chose allant de soi, comme une sorte de façon d’expliquer la situation du monde, et le monde lui-même, sans autre élaboration ; et cette tendance ne se limite certainement pas à leur hostilité aux islamistes, elle s’étend de plus en plus, surtout depuis la crise de 2008, à diverses autres catégories, sinon à tout ce qui apparaît comme antiSystème au travers des “dissidences” diverses au sein des pays du bloc BAO et des politiques qui s’écartent de “la ligne” du Système. En écoutant les explications des attitudes au sein des institutions européennes vis-à-vis de l’Argentine (le 4 mai 2012), en observant cette mobilisation radicale, cette sorte de fureur contre l’Argentine qui prend une attitude jugée comme antiSystème, nous avons cette impression non d’un jugement rationnel et circonstancié mais bien d’un comportement, d’une psychologie “messianique” (cela, sans préjuger des résultats, qui seront peut-être dérisoires, là n’est pas la question puisqu’il n’est question que d’une attitude). On relève la même attitude psychologique vis-à-vis de la Russie, et de la haine terrible qui se manifeste contre Poutine (là aussi, sans préjuger des résultats, ni même de la politique, qui est souvent d’accommodement avec la Russie).

Enfin, un autre jugement d’Avnery, sur Dagan, ou bien Diskin, confirme dans la pensée que cette vision “messianique” est également une position qui varie et qui peut changer selon la pression de la perception que la psychologie individuelle a des évènements, ou plutôt de la vérité des évènements ; en effet, dans ce cas, la psychologie “messianique”, qui est une expression de la psychologie terrorisée”, serait une construction pure de la psychologie, tandis que l’évolution hors de cette tendance serait une reconnaissance de la vérité des évènements. Pour le comportement de Dagan jusqu'à ses récentes prises de position, Avnery observe ceci, qui, dans le contexte où nous nous exprimons, accrédite l’hypothèse d’une psychologie “messianique”, mais qui, dans son cas, aurait effectivement évolué de la façon qu’on a observée :

«For eight years, longer than most of his predecessors, Dagan led the Mossad, Israel’s foreign intelligence service, comparable to the British MI6. (“Mossad” means “institute”. The official name is “The Institute for intelligence and Special Operations”.) Nobody ever accused Dagan of pacifism. During his term, the Mossad carried out many assassinations, several against Iranian scientists, as well as cyber[ ]attacks. A protégé of Ariel Sharon, he was considered a champion of the most aggressive policies.»

Toutes ces observations nous conduisent à offrir l’interprétation, qui est dans le fil de nos conceptions générales, que cet aspect “messianique” exprimant dans des circonstances données la “psychologie terrorisée” des directions des pays du bloc BAO, est l’effet direct des pressions du Système. Il faut admettre l’hypothèse que ces pressions du Système ont une forme active et élaborée, presque intellectuelle, qui soumet en les orientant les psychologies au Système, comme si le Système était un acteur majeur, d’une puissance considérable, une entité dotée de ce qui pourrait apparaître comme une influence active et pressante, effectivement élaborée, “comprenant” parfaitement le biais par lequel cette influence peut pénétrer les psychologies pour les orienter dans le sens qui importe à ses projets, – lesquels sont nécessairement négatifs et dissolvants, le Système étant passé du mode de la surpuissance à celui de l’autodestruction pour le but général d’une entropisation du monde. On peut même avancer l’hypothèse que ce but, et l’autodestruction qui y conduit, rejoint finalement la tendance cosmique originelle que nous identifions sous l’expression, référencée historiquement pour notre séquence historique, du “déchaînement de la Matière”.

Le problème, pour ce processus, est que les psychologies investies n’ont aucune conscience d’un tel but d’entropisation ; lorsque certaines d’entre elles constatent les effets dans la “vérité des évènements” de cette tendance et peuvent envisager inconsciemment que l’effet final serait cette entropisation, elles se révoltent contre ce processus. Plus les évènements se précipitent et montrent cette vérité en même temps que se développe une situation eschatologique hors du contrôle humain, plus il y a de révoltes et plus le désordre gagne ces directions. Dans ce cas, l’aspect individuel joue effectivement son rôle, certaines psychologies étant plus rétives à une modification de conformation que d’autres, lorsqu’elles s’avèrent extrêmement faibles et infectées dès l’origine par des facteurs personnels (cas de Netanyahou). Dans ce cas, on n’est pas loin d’une forme de démence, et la situation créée est encore plus instable et productrice de variations et d’antagonismes extrêmes. On peut donc à coup sûr, selon ce raisonnement, juger que le désordre psychologique des directions qui sont asservies au Système va très rapidement dépasser en intensité et en conséquences catastrophiques et surtout complètement contradictoires le désordre que créent leurs actes. En un mot, le “personnel” du Système est de moins en moins sûr, puisque, malgré tout, chargé du caractère paradoxalement vertueux du “humain, trop humain” observé par Nietzsche…


Mis en ligne le 7 mai 2012 à 04H56