Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
556La “course à la présidence” (US) du point de vue de la désignation des candidats est faite, sinon terminée, du côté démocrate, avec la candidature à sa propre succession de Barack Obama qui règle la chose. Elle est agrémentée d’une énorme capacité de levée de fond du président US, avec sans doute autour de $60 millions durant le dernier trimestre. Aussi l’intérêt se trouve-t-il du côté du parti républicain, le GOP (Great Old Party), où la course est extrêmement ouverte et implique des candidats à la désignation fort bien placés, extrêmement originaux sinon iconoclastes par rapport à “la ligne du parti”.
Sur Huffington.Post, le chroniqueur Jason Linkins poursuit une observation régulière de l’évolution des candidats, évidemment surtout au sein du GOP. Ses derniers commentaires, mis en ligne hier, sont particulièrement intéressants. Son estimation des candidats les mieux placés dans la dynamique de la campagne, tous partis confondus, est très intéressante. (Il ne s’agit pas d’un sondage de quelque sorte que ce soit mais d’une évaluation en fonction des diverses observations de Linkins, qui concerne l’organisation tant dans la dynamique de la campagne que dans les moyens, l’impact sur le public dans les diverses manifestations des candidatures, etc., – donc, une évaluation subjective sur les “candidatures les plus performantes”). Linkins classe en première position le président Obama, en deuxième position Romney, en troisième position Ron Paul, en quatrième position Michelle Bachmann. Les deux premières positions renvoient essentiellement à des candidats installés sur des moyens institutionnels (position dans le parti, soutien des structures du parti, soutiens institutionnels du Système) ; les deux autres renvoient à des moyens dynamiques, en pleine évolution, où l’écho et la popularité des deux personnalités auprès du public sont déterminants et en pleine ascension. Nous nous intéresserons surtout aux deux derniers cas, parce qu’ils sont essentiellement dynamiques, les deux premiers étant statiques selon des références conformistes et sans originalité, – quoique sujets à des fluctuations vulnérables de positions acquises (c’est alors que leurs cas deviendraient intéressants).
• Le cas Ron Paul est extrêmement significatif. Le 10 juillet 2010, Linkins publie quelques remarques enthousiastes sur Ron Paul, qui réussit notamment l’exploit d’être n°2 parmi les leveurs de fonds du GOP, derrière le milliardaire Romney. Paul n’agit bien entendu (au contraire de Romney) que par une action populaire par l’intermédiaire d’Internet, selon son habitude. (Voir Jack Towne, le 6 juillet 2011 : « Ron Paul, the Republican congressman from Texas, took a strong second place in the fundraising race for the GOP nomination, taking in $4.5 million for the July quarter.») Romney a levé $18 millions durant la même période, ce qui est moins que pour la même période en 2007, pour l’élection de 2008 ($23 millions).
Linkins est enthousiaste pour Paul, dont il reconnaît en passant que ses succès sont, comme à l’habitude, l’objet de la même sollicitude de black out de la part de la presse générale. Rapportant l’exclamation de Paul («I'm in this race to win!»), Linkins s’exclame à son tour : “On ferait lieux de le reconnaître !” (comme un candidat très sérieux).
«Is Ron Paul poised to take his perennial candidacy to the next level? We won't get a clear indication of whether that could happen until August's Ames Straw Poll. All the same, it's hard to not be impressed with the way the Paul campaign have gone about carefully laying the groundwork. Whatever the limitations of Paul's voracious fanbase, the campaign is absolutely a veteran effort, and it shows. This week, the most underreported story, frankly, was Paul's fundraising success. No, he's not anywhere near Mitt Romney levels, but he bested the rest of the GOP field this past quarter. “I'm in this race to win!” exclaimed Paul. You better recognize!
»Paul has already put his money to good use, snatching up a prime parcel of land at the forthcoming Ames Straw Poll. Now he'll try to grow his Iowa base of support ahead of the poll by getting his message out with a modest radio buy. He's also going to hit the trail in Iowa with his son, Senator Rand Paul, who arguably has achieved what his father is setting out to do – expand past the Paul fanbase into Tea Party and even establishment GOP terrain.»
»And in Texas, polls show that Paul continues to beat all comers – including, potentially, Rick Perry.»
• Bachmann a une énorme dynamique, un potentiel formidable, reposant sur sa personne plus que sur son programme, – y compris le fait qu’elle soit une femme, en général reconnue comme séduisante (on débat beaucoup de son sex-appeal), en même temps qu’elle affirme certaines positions exceptionnellement extrêmes, notamment dans le domaine culturel de bases (hostilité aux mariages des homosexuels, de toutes les valeurs libérales et permissives de société, etc.). Sur des dossiers plus classiques, ses positions reflètent plutôt le désordre, avec des positions qui peuvent sembler contradictoires (favorable à l’arrêt de l’engagement US en Libye, adversaire des mesures de réduction de l’engagement US en Afghanistan sur les conseils de John McCain). Bachmann est la candidate extrémiste du désordre général avec un programme disparate, alors que Paul est le candidat extrémiste de l’ordre général avec un programme très strict. Bachmann affirme une personnalité par nature et par comportement antiSystème, tandis que Ron Paul, affirme une personnalité rationnellement antiSystème, toute entière appuyée sur le rangement et le contrôle d’un programme extrémiste absolument libertarien, fondamentalement déstabilisant pour le Système (effectivement antiSystème, avec l’abolition immédiat de la Fed, la fin immédiate de la politique expansionniste belliciste, etc.).
Sur Bachmann, Jason Likins écrit notamment ceci, ce 10 juillet 2011 :
«Michele Bachmann continues to be the hottest brand in the GOP presidential contest. She's performing strong in Iowa, but the biggest news this week is how well she's doing in New Hampshire. Although New Hampshire is long thought to be a safe haven for Mitt Romney, Bachmann's been muscling her way into the conversation and up the poll rankings. She's now in second place, trailing by single digits, and closing in on Romney. And if Bachmann prevails in Iowa, she need only perform respectably in the Granite State to get her ticket punched to the primaries beyond. Right now, if the Bachmann camp has a concern, it's that it's become too big, too soon. But that's a pretty nice problem to have.
»Bachmann took to the airwaves in Iowa this weekc releasing an ad in which she promised to be "the unifying choice that will beat Obama." Of course, she also promised to default on America's debt and plunge the entire country into economic calamityc so maybe we'll all be unified around total and irreversible destitution. It's okay, though, because she is pretty sure that God will take care of the poorc so there's no need for the government to concern itself with their welfare. Of course, that promise is typically thought to be redeemed in the afterlife, but whatever! The meek shall inherit the Earth as soon as they form a Super PAC and receive unlimited corporate money!»
Le tableau est impressionnant… BHO domine tout du côté démocrate, mais la situation que sa présidence a générée est telle que sa candidature est extrêmement aléatoire, et sa réélection loin, très loin d’être assurée. Situation paradoxale : le super-favori, l’homme dont la réélection est si assurée que nul ne conteste sa position de candidat démocrate, – comme une sorte d’onction divine pour ce président Africain-Américain reflétant l’idéal de la société multiculturelle, – est dans une situation où sa réélection est de moins en moins assurée. Cela, par exemple, mais sacré exemple, avec une situation économique qui a pris un tour d’une franche dégradation.
Du côté du GOP, situation d’un intérêt prodigieux. Un candidat que l’establishment encense et salue à tour d’articles nombreux et élogieux, dans une position statique, avec une situation de milliardaire qui lui donne des moyens mais une popularité douteuse par les temps qui courent, qui fait plutôt du sur-place dans sa bonne position. Mais nous sommes dans une situation dynamique. Les deux compères Paul-Bachmann représentent, eux, la dynamique même. La performance de Ron Paul, surtout, est remarquable : occuper une position si forte alors que le système de la communication fait tout pour l’ignorer. Bachmann, elle, a une personnalité explosive, et, donc, un formidable potentiel d’affirmation dans un cadre de dynamique immédiate ; le revers de la chose est qu’une telle affirmation peut également entamer brusquement un mouvement inverse si la personne de Bachmann commet l’un ou l’autre impair de conséquence. La remarque de Likins est juste : «Right now, if the Bachmann camp has a concern, it's that it's become too big, too soon ...». Sa remarque suivante : «But that's a pretty nice problem to have», est contestable, à cause des possibilités de dérapage, d’emballement dans une dynamique contraire, etc. C’est une position de force paradoxalement fragile et vulnérable ; il n’est pas sûr que ce soit l’idéal.
Ron Paul, c’est bien différent : c’est l’ordre du désordre, ou bien pour paraphraser l’autre, “le désordre tranquille”. Le terme “désordre” est employé relativement à la situation du Système, la seule appréciation intéressante ; son programme, en effet, est, du point de vue du Système, un désordre iconoclaste absolument inacceptable. Le paradoxe vertueux de Paul est que cet incontestable désordre est, objectivement, une proposition générale très structurée, logique, qui représente un exemple d’ordre remarquable dans un programme. Ne cherchez pas à savoir ce que deviendraient un Ron Paul président et son programme, car le fait même d’envisager la perspective “Ron Paul président” serait si formidablement révolutionnaire qu’il déstabiliserait tout avant même l'élection, et offrirait des conditions nouvelles qui conditionneraient des perspectives et des hypothèses à mesure, complètement nouvelles. Nous l’avons déjà dit, une telle perspective (“Ron Paul président”) serait si complètement déstabilisante, si elle devenait vraiment sérieuse, qu'elle serait en soi un événement aussi considérable, peut-être plus, que l’hypothèse suivante (“Ron Paul élu président”). Nous serions, avant même l’élection, dans la situation explosive de la terra incognita, perspective épouvantable pour le Système.
Il est possible de considérer qu’une perspective “Bachmann présidente” serait également considérée comme quelque chose d’approchant d’une “perspective épouvantable pour le Système”, tant cette pétroleuse a dans sa besace bien des idées profondément déstabilisatrice. Qui plus est, les deux compères, Paul et Bachmann, sont des personnalités affirmées, qui savent ce qu’elles veulent et ne s’en laisseront pas conter. Il y a d’ailleurs, dans cette situation, une autre inconnue qui est celle de leurs sentiments réciproques, Paul-Bachmann, – que pense l’un de l’autre, et vice-versa, – qui pourrait jouer un rôle. Bref, une campagne qui s’annonce étrange, troublante et explosive ; dans tous les cas, sans précédent.
Mis en ligne le 11 juillet 2011 à 07H36