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1250Du temps où une poussée anti-nucléaire, dans les années 1980, avait mené à des réflexions sur une complète dénucléarisation, ce dont même Reagan et Gorbatchev parlèrent, les adversaires de ce mouvement avaient leur argument tout prêt, qui était d’affirmer qu’“on ne peut désinventer le nucléaire”. Cela revenait à dire, “messieurs, le diable est sorti de sa bouteille, nul ne l’y fera plus rentrer”, – ou bien, évoquait-on l’image de la boîte de Pandorre...
Prenez la même phrase, mettez Wikileaks à la place du diable (du nucléaire), et vous y êtes… Deux extraits d’un texte MSNBC du 4 décembre 2010 :
«Although the future is uncertain for the website [Wikileaks], it has opened a Pandora's Box of secret-spilling that some believe could prove difficult to reverse. “Whatever happens to the domain name and the actual organization, the idea unleashed by WikiLeaks is going to continue,” said Joshua Benton, director of the Nieman Journalism Lab.
»Ben Laurie, a data security expert who advised WikiLeaks before it launched in 2006, agreed. “The concept is not going to die. It's really hard to keep things shut down if they want to stay up,” he said. “Look at everything else people would like not to happen online — phishing, spam, porn. It's all still there.” […]
»Assange said in Friday's online chat that WikiLeaks had taken steps to make sure it was not silenced, sending the “Cablegate3 material and other secret documents in encrypted form “to over 100,000 people.” “If something happens to us, the key parts will be released automatically,” he said. “History will win.”
»Whatever happens to Wikileaks, the anti-secrecy cat may be out of the bag. Schmitt, the former WikiLeaks spokesman, has said he wants to set up a rival secret-spilling site, and others may follow.»
Un aspect essentiel de la crise actuelle, qui s’avère effectivement d’une nature différente des deux premières attaques de Wikileaks (sur l’Afghanistan et sur l’Irak), c’est le rythme très lent de la diffusion des documents jusqu’à maintenant (1.100 sur 250.000 !), qui est en train de créer une situation de déstabilisation permanente dans les structures d’influence du Système, si ce n’est déjà fait. Le résultat est exposé par un article de The Independent du 6 décembre 2010, qui explique que les USA vont être obligés de procéder à une énorme “purge” interne pour déplacer tous leurs diplomates compromis auprès des gouvernements concernés par les dépêches diplomatiques qu’ils ont écrites et signées de leurs noms. (On pourrait ironiquement faire un parallèle entre cette purge forcée qui s’annonce et les vagues de purges staliniennes qui décimaient les bureaucraties en place, emportant les plus expérimentés et les plus capables, – comme la purge de l’Armée Rouge en 1936-1937, – et rendaient ces bureaucraties totalement inefficaces pendant des années. Bien entendu, le respect sans bornes que nous devons à la vertu du Système limite ce parallèle à l’aspect bureaucratique technique puisque ce même Système, avec une conscience aiguë des droits de l’homme, ne va pas jusqu’à la deuxième phase stalinienne, la liquidation après la purge, et ne répond pas à la motivation fondamentale de ces purges, qui était le soupçon du système stalinien concernant la fidélité de ces structures bureaucratiques…)
L’alternative reste, en cas d’urgence concernant le sort d’Assange ou de Wikieaks une diffusion massive des dizaines de milliers et plus de documents restants, ce que Assange a nomme “l’option thermonucléaire”. L’effet et les conséquences des premières diffusions sont tels que même ce retour à la première tactique aurait des résultats dévastateurs. Il semble bien, en effet, que, malgré les premières réactions plutôt modérées, les pays et les gouvernements concernés, – c’est-à-dire à peu près the Rest Of the World, – vont demander des mesures individuelles contre les diplomates impliqués, voire, dans certains cas (le Premier ministre turc Erdogan), entamer des actions officielles.
«The Obama administration was yesterday facing a crisis in its diplomatic service, amid growing evidence that the ongoing publication of a tranche of supposedly-confidential communiqués will make normal work difficult, if not dangerous, for important State Department employees across the world.
»A mere 1,100 of the roughly 250,000 secret documents obtained by the website have so far been published, leading to fears that the unhelpful revelations will continue for months to come, destabilising US relations with almost all of its key allies and inflaming tensions with already-hostile governments in the Middle East and beyond. “In the short run, we're almost out of business,” a senior US diplomat told the Reuters news agency, saying it could take five years to rebuild trust. “It is really, really bad. I cannot exaggerate it. In all honesty, nobody wants to talk to us ... Some people still have to, particularly (in) government but ... they are already asking us things like, ‘Are you going to write about this?’”
»The Pentagon, the CIA and the State Department are reported to be identifying which members of staff have been named as the authors of the most unhelpful memos to have been published by WikiLeaks. They will need to be removed from what are among America's most strategically-important postings.»
On imagine l’importance de la déroute que représente pour les USA, ou le Système d’une façon générale, une telle perspective. Le Système général repose, pour sa cohésion globale, sur l’influence qui est diffusée par le système de la communication, et essentiellement le système d’influence que représente l’énorme appareil diplomatique et de pression des USA. Les effets détaillés par l’article cité, qui reprend lui-même des confidences de diplomates faites au site The Daily Beast (le 4 décembre 2010), montre que le piège qui s’est mis en place spontanément avec la différence abyssale (voir notre F&C du 29 novembre 2010) entre la présentation virtualiste des directions politiques du monde et les réalités exposées par ces dépêches, est en train d’opérer avec une extraordinaire efficacité.
Mis en ligne le 6 décembre 2010 à 05H43