Le “Disneyworld consensus” et son incertitude angoissée

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Plusieurs exemples récents, dans une vie internationale qui n’est faite officiellement que de ces événements où nous puisons cette sorte d’exemples, illustrent la ligne de plus en plus affirmée des directions nationales réunies dans un nouveau consensus. Le successeur du fameuxWashington consensus” pourrait être désigné, entre autres expressions de la même eau, “Disneyworld consensus”. L’expression serait amplement justifiée par les actes, décisions et explications imposée par les contraintes du système de la communication à la narrative abracadabrantesque des situations.

On citera quelques exemples…

• Il y a l’exemple du discours d’Obama à Londres, devant le Parlement, tel qu’il fut présenté par les conseillers et services de communication du président (voir au 25 mai 2011 sur ce site) : «Meanwhile, Mr Obama will use a speech today to both Houses of Parliament to suggest that the West is turning a corner towards a new international order of stable growth and democratic reform. […] “We've come through a difficult decade but in some respects we're turning a corner,” a senior White House official said last night in a preview of Mr Obama's first speech on foreign soil since the death of Osama bin Laden.» Cette présentation relève effectivement du “Disneyworld consensus”, tant sa narrative est d’une impudence qui dissimule mal un réel malaise, – celui-là tout à fait inconscient sinon ils n’y survivraient pas.

• Il y a l’exemple du résultat des deux ou trois discours (le nombre importe-t-il ?) du même Obama sur le Moyen-Orient, présentés comme des initiatives nouvelles pour y établir paix et concorde démocratiques. L’article de Lamis Andoni , sur Aljazeera.net du 23 mai 2011 se suffit à lui-même par son titre et son sous-titre  : «Obama to Israel: Take whatever you want – In his latest speech, Obama's thinly veiled rhetoric proves he will do anything to satisfy his pro-Israel voter base.»

• La dernière attaque de l’OTAN sur Tripoli, avec un nombre de morts civils entre 10 et 20, et des blessés civils par dizaines, illustre la narrative de l’OTAN sur la politique suivie en Libye, présentée de telle sorte qu’on irait jusqu’à croire que sa stratégie consiste uniquement à éviter toute cible impliquant des civils. Sur CounterPunch.org, l’ancien parlementaire du Congrès Cynthia McKinney expose les réalités de ces raids qu’elle a vécus alors qu’elle se trouvait à Tripoli, le 24 mai 2011. La description est significative par rapport aux intentions de l’OTAN, et l’on peut évidemment parler d’une dialectique du “Disneyworld consensus”.

Tant d’autres exemples sont possible que seule la lassitude nous conduit à la sagesse d’en passer à la réflexion que suscite nécessairement cette situation. Il ne nous vient pas une seconde à l’idée de dresser ici un acte d’accusation. Ce serait bien de l’honneur qu’on leur ferait, de considérer tous ces organismes, chefs d’Etat, services de communication, etc., comme des accusés nouveaux, – les fameux accusés bénéficiant de la “présomption d’innocence”, dont il est tant question par les temps qui courent. Ils sont évidemment coupables, de par la seule façon, avant même de commettre le crime, de ne savoir plus ce que c’est que l’innocence ; ainsi emportés dans une narrative trompeuse et d’une rare bassesse, et éventuellement dans un bombardement délibéré, réel ou de communication, puisque seule la puissance de la matière déchaînée semble encore ranimer ou éveiller une flamme dans leurs regards vides. L’intérêt n’est pas, pour nous, à ce point (culpabilité, etc.). Nous allons plus loin, pour l’intérêt de l’enquête, et cherchons à déterminer les lignes de rupture à l’intérieur de ces conglomérats formant les “directions politiques” avec leurs satellites, leurs parasites, – entre, d’une part, les parties des directions politiques qui portent sans dissimulation leurs culpabilités, même s’ils sont impuissants (nous pesons ce mot) à les identifier, avec leurs esprits fermés en général, et seulement ouverts aux manipulations absolument impudentes des forces déchaînés de la crise du Système ; et, d’autre part, les groupes des directions et des impulsions politiques, ces bureaucraties dans leurs structures fixes, évoluant dans une situation différente, moins directement impliquées dans l’“opérationnalité” des narratives du système de la communication et des bombardements du système du technologisme, mais néanmoins orientés vers les mêmes activités “opérationnelles”. (L’un des exemples évidents pour substantiver ces “groupes de direction et d’impulsion politiques, ces bureaucraties dans leurs structures fixes…”, est l’ensemble des institutions européennes tournées vers l’action, telle la Commission européenne ou les nouveaux services du grand “ministère des affaires étrangères” de l’UE.) Ce sont ces groupes, ces situations, avec la psychologie impliquée, qui nous intéressent.

Nous avons des échos du climat de ces groupes et de ces structures, et, surtout, de l’évolution de ce climat, par des remarques de sources qui leur sont proches, quand elles n’en font partie malgré la lucidité qu’elles montrent à cet égard. (Les “maverick”, les “dissidents”, – ces sources en question, – semblent décidément une espèce indestructibles, même dans les systèmes les plus absolument totalitaires, comme celui que nous affrontons aujourd’hui, celui du Système d’obédience américaniste-occidentaliste.) Leurs remarques sont intéressantes. Elles nous conduisent à observer que, sur un laps de temps de trois ou quatre ans, et singulièrement depuis la crise de la deuxième moitié de 2008, une évolution significative a eu lieu. Auparavant, une certaine assurance, voire presque de la certitude, régnaient que le Système, s’il rencontrait des avatars, restait fondamentalement sain (“sound”, pour figurer un son harmonique), sans concurrent possible, promis finalement à triompher des avatars. L’esprit TINA (“There Is No Alternative”) régnait mais sans pression intérieure exercées sur les psychologies, sans que la chose soit présentée comme le dernier rempart devant la poussée des barbares (les barbares, par exemple les “mavericks” et autres “dissidents” déjà mentionnés). Même la crise formidable de l’automne 2008 n’avait agi que modérément sur cette psychologie et ne la changea pas fondamentalement.

Depuis 2008-2009, une évolution s’est faite jour. Pour notre part, bien entendu, nous attribuerions ce changement à l’impossibilité chaque jour observée, chaque jour confirmée, de résoudre les diverse crises, donc la grande crise du Système ; c’est l’évidence, chaque jour observée, chaque jour confirmée, que toutes les solutions tentées par la direction du Système, jusqu’aux plus grotesques dans leur énormité quantitative comme le soutien et le sauvetage des banques (ceci expliquant cela, grotesque parce que du “règne de la quantité”), aboutissent à des échecs non pas retentissants mais d’une profondeur dévastatrice et encore plus déstructurante que la situation qu’elles prétendaient rétablir et qui mena aux explosions de 2008. Cela correspond, dans le rangement que nous proposons de la réelle signification de l’évolution structurelle des événements, à l’année 2010, que nous identifions comme le tournant de l’eschatologisation du monde, donc des crises, tant avec les grandes crises eschatologiques venues de désastre dépassant les capacités humaines, que dans ce courant nouveau de révoltes humaines aux aspects divers, elles aussi échappant au contrôle humain et relevant en fait de l’eschatologisation.

Le sentiment qui prévaut désormais dans ces groupes, “ces bureaucraties dans leurs structures fixes, évoluant dans une situation différente moins directement impliquées dans l’‘opérationnalité’…”, est celui d’une perte implicite mais radicale de confiance dans la capacité du Système de continuer à fonctionner tel qu’il l’a fait apparemment jusqu’ici.

«Ce n’est certainement pas une attitude manifestée en tant que telle, explique une source impliquée dans ces processus, mais quelque chose que l’on sent, que l’on palpe au long des réunions et des divers débats… Personne n’émet de critique radicale, de remise en cause, etc., mais ceux qui sont par leurs fonctions dans les positions de devoir proposer des actions conformes à la politique du système le font sur la défensive, et prêts à reconnaître si l’on insiste un peu que ces actions sont un pis-aller dont on ignore la perspective, sinon le but. Lorsqu’on leur demande de justifier les mesures qu’ils proposent par des arguments et des analyses solides, ils ressortent l’habituel credo du système, mais sans la moindre conviction, d’une façon qui prête le flanc à des critiques radicales, lesquelles émergent parfois effectivement…» L’intérêt du témoignage de cette source, qui a effectivement à l’une ou l’autre reprise émis de ces “critiques radicales”, est bien de nous faire comprendre l’évolution d’un “climat”. Dans ces débats, aucune alternative radicale n’est proposée, parce qu’il s’agirait nécessairement d’une affirmation antiSystème qui, par définition, est impensable dans de tels milieux, et qui n’aurait d’ailleurs aucun effet constructif, parce qu’une telle “affirmation antiSystème” n’a aucune chance de prendre corps dans de telles structures complètement verrouillées en tant que telles par le Système. L’important constat à faire est qu’à l’intérieur de ces groupes, de ces structures, le sentiment (inconscient ou pas) du déclin et de la Chute ne cesse de gagner du terrain. Nous ne parlons certainement pas, ni d’une révolte ni d’une révolution, ce qui n’a aucun sens dans ce cadre. Nous parlons de la déstructuration des psychologies jusqu’à il y a peu encore absolument verrouillées par le diktat du Système. Leur évolution souterraine est un facteur extrêmement important, de type qualitatif, par définition non mesurable, par définition absent complètement des rapports du système de la communication au niveau de la presse-Système, voire des observations et des constats divers des analystes dits-“indépendants” du Système, etc.

Cette “rupture” entre les “opérationnels” (sur le font bureaucratique, de la planification et de la communication) et ces groupes dont on observe les changements au niveau de la psychologie est plutôt conjoncturelle que structurelle, bien entendu. Les premiers, rassemblés autour des dirigeants politiques, plongés dans les absurdes actions diverses machinées par le Système, comme dans la crise libyenne par exemple, n’ont pas de compréhension évidente possible de leurs positions ni de leurs actions, et donc aucune possibilité de changer d’eux-mêmes d’attitude mentale ; par définition et pour résumer, on dirait qu’ils ne pensent pas, qu’ils n’en ont ni le temps ni le pouvoir. Mais les autres évolutions identifiées impliquent qu’ils vont se trouver et se trouvent de plus en plus isolées dans leurs actions, et sont et seront de plus en plus vulnérables face aux échecs des actions et des politiques qu’ils alimentent directement. Encore une fois, nous ne décrivons pas une situation propice à une alternative nouvelle dans ce cadre (fin de l’argument TINA et “révolution”) parce que ce milieu structurel de l'“opérationnalité” du Système ne permet pas de telles possibilités. Nous décrivons un processus interne de déstructuration d’abord psychologique, agissant à la manière de termites, qui conduit le Système à une fragilité de plus en plus grande, de plus en plus menaçante, qui le rend vulnérable à toute secousse majeure, à tout séisme d’amplitude importante.


Mis en ligne le 27 mai 2011 à 09H45