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1114Le stade ultime pour la notoriété d’un sujet technique et très spécifique est atteint lorsqu’il touche l’intérêt des commentateurs et chroniqueurs de politique générale. C’est le cas de la question du F-22, ou de la “crise du F-22”, avec cet article de Jim Lobe, publié le 18 juillet 2009 sur IPS et le même 18 juillet 2009 sur CommonDreams.org. Lobe est un chroniqueur désormais connu et influent sur le Web, de tendance libérale (progressiste US), nettement anti-guerre, très critique des tendances neocon et conservatrice. Bien entendu, son intérêt pour le systèmes d’arme en tant que tels, avec les aspects nécessairement techniques qui vont avec, est très limité; sur le sujet, il s’en tient en général aux appréciations politiques du Pentagone, du complexe militaro-industriel dans ses implications politiques et ainsi de suite. Son incursion dans le cas très spécifique d’un système d’arme, le F-22, montre que cette affaire a atteint un niveau de “cause nationale” qui intéresse tous les aspects dt tous les domaines politiques, y compris ceux qui sont directement affectés par l’idéologie.
Dans ce cas, Lobe prend nettement position en faveur de l’administration Obama et du secrétaire à la défense Gates, contre l’intention du Congrès (jusqu’ici) d’inscrire la commande de quelques F-22 de plus dans le budget FY2010 du Pentagone.
«In what is shaping up as one of the most consequential battles of his six-month-old presidency, Barack Obama finds himself in the trenches alongside his former Republican rival, Sen. John McCain, fighting hard to end production of an advance fighter jet that much of the defence establishment considers a wasteful boondoggle.
»Not only do they face right-wing Republicans long dedicated to the principle that the United States can never have enough weapons to fight any and all possible comers for generations to come. Normally dovish Democrats, including Massachusetts Sens. John Kerry and Edward Kennedy, are also ranged against Obama hoping to keep production lines open and expanding for the F-22 ‘Raptor’, the world's most advanced and expensive fighter aircraft, each of which costs some 143 million dollars.
«At stake is the president's determination to both hold the line on a defence budget that by itself already constitutes nearly half of the world's total military spending and give higher priority to the kinds of weapons that Washington has actually used during the wars of the past eight years versus hi-tech systems that may be more relevant to major conventional conflicts with Russia or China. [...]
»But big defence manufacturers, which have reaped enormous profits from the more-advanced and expensive hi-tech systems, have been mobilising to prevent the proposed cuts. Already in anticipation of changes, the three biggest companies – Lockheed Martin, Boeing and Northrop Grumman – boosted their multi-million-dollar lobbying budgets by between 54 percent and 90 percent last year, according to the Wall Street Journal. Of these, the fight over the F-22 is the most prominent. While Lockheed Martin is the primary contractor, Boeing also has a major stake in the plane, and they have been gearing up for a major fight over its future.
»MI>The F-22 programme currently employs roughly 25,000 workers who are spread out over 44 of the 50 U.S. states in what is a familiar strategy by the major defence contractors to magnify their political clout with both parties in Congress.
Ce commentaire, d’où il ressort nettement que le F-22 est une entreprise du Complexe, un complot du Complexe pour perpétuer des dépenses militaires absolument inutiles et génératrices de conflit. Cela semblerait être l’analyse évidente mais c’est évidemment une analyse sortie de son contexte. On sait que cette affaire est notablement plus complexe et remarquablement moins vertueuse qu’elle ne paraît.
• On sait que la question de la poursuite de la production du F-22 est directement liée à la question du programme F-35 (JSF). Gates a déjà développé l’argument que la poursuite du F-22 pourrait interférer sur le développement du F-35, programme présenté comme beaucoup plus “high-tech” que le F-22 et qui représente un formidable effort de structuration de la puissance du Complexe, d'interférence majeure dans les souverainetés nationales de nombreux pays alliés, d’incitation à une politique belliciste et expansionniste pour le prochain demi-siècle. Objectivement, la poursuite du programme F-22, qui se ferait dans tous les cas selon des volumes modestes, constitue un obstacle non négligeable sur la voie du développement du F-35, c’est-à-dire un frein à l’instrument technique principal de l’expansion de la politique militariste US pour les décennies à venir.
• La poursuite du F-22 peut également donner un peu de temps aux partisans d’achats d’avions modernisés de l’anciennes générations (F-15 et F-16), avant l’engagement dans la voie du F-35. Ces solutions alternatives “bas de gamme” représentent évidemment la plus sûre voie vers une réduction des dépenses du Pentagone et une restriction imposée à la politique belliciste et expansionniste.
• Quant au soutien du Complexe (essentiellement Lockheed Martin) au F-22, donc au lobbying des parlementaires tel qu'il est implicitement dénoncé, il est extrêmement ambigu. LM est surtout intéressé dans le développement du F-35, qui doit lui rapporter des bénéfices considérables, alors que le F-22 est de toutes les façons en fin de production (dans le meilleur des cas).
Objectivement considéré, ce que ne voient pas les commentateurs généraux projetés dans un problème spécifique passé au niveau de “cause générale”, c’est que la poursuite du programme F-22 représente dans tous les cas un obstacle dans le cours de la programmation maximale de la dynamique belliciste du système. Il est très probable que ni Gates, ni l’administration Obama n’ont pleinement compris cet enjeu-là, qui a été institué par la paranoïa de JPO (le JSF Program Office du Pentagone) et LM, qui ont fabriqué de toutes pièces l’“affrontement” F-22 versus F-35. Gates est préoccupé jusqu’à l’excès par des enjeux personnels (son hostilité à l’USAF) et par des considérations doctrinales insuffisamment explorées dans toutes leurs implications (la “guerre asymétrique”, etc.).
Mis en ligne le 20 juillet 2009 à 14H11
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