Le GAO relance l’affaire du choix du KC-45

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Le choix de EADS/Northrop pour le ravitailleur en vol KC-45 de l’USAF fut considéré, à la fin mars, comme un événement d’une prodigieuse importance parce qu’une société européenne (non-britannique) se voyait attribuer un programme militaire stratégique US fondamental. Cette décision est aujourd’hui placée devant une inconnue de taille, avec l’annonce que le Government Accounting Office se range indirectement du côté de Boeing qui avait fait appel de la décision de l’USAF; le GAO met en cause le processus de décision de l’USAF.

L’AFP rapporte, le 18 juin, les conditions de la décision du GAO.

«A congressional audit Wednesday backed Boeing's protest over a huge aerial refueling tanker contract awarded to Northrop Grumman, and recommended the Air Force review the deal.

(…)

»The Government Accountability Office said its review “led us to conclude that the Air Force had made a number of significant errors that could have affected the outcome of what was a close competition between Boeing and Northrop Grumman.”

»The GAO said the Air Force conducted “misleading” discussions with Boeing about its compliance with requirements and gave too much slack to Northrop Grumman on some points.

»It also said the Air Force made “unreasonable” cost calculations that, when corrected, made Boeing the lower bidder over the life of the contract.

»“We recommended that the Air Force reopen discussions ... obtain revised proposals, re-evaluate the revised proposals, and make a new source selection decision, consistent with our decision,” the GAO said.»

Il s’agit incontestablement d’une décision d’une grande importance, avec de multiples conséquences.

• D’abord, l’honorabilité du GAO est un fait unanimement accepté. Il est difficile d’attaquer sa position d’un point de vue polémique, voire politique. Tout juste peut-on contester ses évaluations techniques, et encore très difficilement si l’on considère l’expertise des fonctionnaires du GAO. Il n’empêche que la décision a un poids politique incontestable, en parant Boeing en bonne partie de la vertu du GAO, et a contrario en jetant le doute sur l’autre partie. La conclusion du GAO est une recommandation et n’a pas de force contraignante; mais le climat décrit ci-dessus, autant que la polémique initiale qui accueillit la décision de l’USAF lui donnent une autorité dévastatrice. Il est hors de question de penser que la décision de l’USAF ne sera pas revue.

• Les adversaire de la décision de l’USAF triomphent modérément, assurés qu’ils sont d’une assise solide pour mener une offensive dont l’essentiel est déjà acquis.

«“We welcome and support today's ruling by the GAO fully sustaining the grounds of our protest,” Mark McGraw, vice president of Boeing Tanker Programs, said in a statement. “We look forward to working with the Air Force on next steps in this critical procurement for our warfighters.”»

• “En face”, également, on mesure ses réactions. Gallois, le président d’EADS a déclaré : «Même si nous sommes désappointés, il est important de reconnaître que l’appréciation [du GAO]… concerne l’évaluation du processus de sélection, pas les mérites de l’avion.» C’est effectivement le cas, selon un officiel du GAO qui a parlé au Daily Report de l’Air Force Association, le 19 juin:

«A GAO official told the Daily Report that the recommendations do not suggest that the Air Force “start over,” that is open the competition to other bidders, but rather refine the way that it asks for information and evaluates the answers it gets. The GAO said that it also denied some of Boeing’s complaints—without saying which ones—because records failed to show that the Air Force had done anything wrong “with respect to those challenges.” Further, the agency pointed out that its ruling shouldn’t be construed as a comment on the relative merits either of Boeing’s KC-767 or Northrop Grumman’s KC-30 tanker models. The GAO’s decisions focused only on the procès ?.»

• L’USAF est dans une situation singulière, très défavorable du point de vue de sa position politique et bureaucratique. Elle fait figure d’accusée pour le processus de sélection qu’elle a suivi alors qu’elle clame à tous vents que le lancement du processus de production du KC-45 est urgent à cause de ses besoins cruciaux dans le domaine, – de là à ce qu’elle soit accusée de mettre en danger la sécurité nationale en retardant à cause de ses erreurs un programme essentiel pour la sécurité nationale, il n'y a qu'un pas que certains franchiront. D’autre part, sa situation générale est très défavorisée au Pentagone, où elle vient de subir une purge sans précédent, et où elle se trouve en opposition frontale avec le secrétaire à la défense Gates. Du point de vue technique, les conclusions du GAO devraient aboutir à un nouveau processus de sélection, – selon le Daily Report: «A similar ruling in the Air Force’s combat search and rescue helicopter competition has led to a two-year litigation delay in getting that program under contract, suggesting that the launch of the tanker program could be delayed at least that long, as well.»

• Il est très probable que la prise de position du GAO va conduire, d’une façon indirecte, à inscrire la question du KC-45 dans le maelström réformiste qui attend le Pentagone sans doute avec la nouvelle administration. La position du GAO semble en effet, toujours selon le Daily Report, ranimer des intentions interventionnistes du Congrès dans le processus de décision de l’USAF, avec un état d’esprit nettement protectionniste à la clef.

«Some members of Congress see an opening to get more involved in the tanker acquisition now that the GAO has recommended that the KC-X award to Northrop Grumman be set aside because of Air Force contracting mistakes. And the protectionist spirit appears to be high. Rep. Norman Dicks (D-Wash.), in whose state KC-767 bidder Boeing has a considerable presence, said that “it is now up to Congress to review the matter and to make its judgment” about how to replace the tanker fleet. Unsurprisingly, he feels that “we should proceed expeditiously to build the best aircraft—the Boeing KC-767—here at home.” Sen. Patty Murray (D-Wash.), another staunch Boeing support, said, “It is Congress’ job to determine whether major defense purchases meet the needs of our warfighter and deserve taxpayer funding. The Pentagon must both justify its décision [to buy the KC-30] and address the flawed process that led to today’s [GAO] ruling.” Murray said members of Congress have been “stonewalled” by the Pentagon in getting details of the tanker pick since Boeing’s protest was lodged in March. She said the GAO’s finding still didn’t address “key policy issues this contract raises—such as illegal subsidies, real-world operating costs, economic impacts, and the importance of maintaining our most critical advantage: innovation through American defense-oriented research and development.” Congress, she said, “needs answers before handing billions of American defense dollars to a subsidized, foreign company focused on dismantling the American aerospace industry.”

• Dans cette logique de l’entrée en piste du Congrès, l’importance de l’affaire va remettre le choix du KC-45 dans l’arène politique, au moment où la campagne présidentielles entre dans sa phase finale. Tous les ingrédients sont là pour nourrir cette orientation, dans deux directions: l’argument de la protection de la base industrielle US et de l’emploi aux USA appuyé sur la décision du GAO; l’attaque contre John McCain, archi-ennemi de Boeing et pour lequel la décision du GAO constitue indirectement un démenti. La vertu évidente de la décision du GAO va permettre de rendre très vertueuses toutes les critiques intéressées (protectionnistes, anti-européanistes) et politiciennes (mise en cause de McCain) déjà entendues dans cette affaire.


Mis en ligne le 19 juin 2008 à 10H02