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1021Les USA sont en train d’examiner l’option de retirer les 40 avions de combat F-16 de la base de Misawa, et peut-être (malgré les nuances d’interprétation à cet égard) une partie des 50 F-15 de la base de Kadena, toutes les deux sur l’île d’Okinawa qui fait partie de l’archipel nippon. C’est le quotidien Japan Times qui détaille la nouvelle, ce 13 septembre 2009. On admettra aussitôt que la circonstance est étrange dans ce qu’elle a de contradictoire, puisque cette possibilité de retrait des forces US intervient alors qu’un nouveau gouvernement japonais s’installe, qui a à son programme une revue complète du statut des bases US au Japon, voire des pressions pour un certain retrait nouvelle, et que les USA annoncent fermement que rien ne doit changer; puis, soudain, cette annonce d’un possible retrait.
«The U.S. government sounded out Japan in early April about pulling out all of the approximately 40 F-16 fighters from Misawa Air Base in Aomori Prefecture, possibly beginning later this year, sources close to Japan-U.S. relations said Friday.
»As part of the ongoing review of the U.S. defense strategy by the administration of U.S. President Barack Obama, the United States at the time also told Japan of an idea to remove some of the more than 50 F-15 fighters at its Kadena Air Base in Okinawa Prefecture, they said.»
Suivent diverses considérations sur la question des bases US, les conséquences de la possibilité de ce retrait alors que la pression nord-coréenne est ressentie par le gouvernement japonais (dans tous les cas, celui qui a récemment quitté le pouvoir), la satisfaction des habitants d’Okinawa autour de ces bases, qui ont mauvaise réputation et qui font beaucoup de bruit, etc. Le tout est terminé par ce que nous pourrions désigner comme le pot aux roses – c’est-à-dire la vraie raison de ce possible retrait, qui n’a rien à voir avec une très sérieuse “ongoing review of the U.S. defense strategy”, qui pourrait faire croire à des analyses stratégiques sérieuses, et tout à voir en vérité avec les contraintes budgétaires qui conduisent l’USAF à des réductions d’effectifs puisque tout son budget est englouti dans le fantasmagorique programme JSF (F-35)…
«A Japanese government source said next-generation F-35 fighters could be flown from Guam and stationed at Misawa on a rotational basis if the F-16s are pulled out. But full production of F-35s has not made headway, and deployment of the planes is unlikely to start for at least five years, so there could be a period where there are no U.S. fighter planes regularly stationed at Misawa Air Base.
»At a news conference on April 6, U.S. Defense Secretary Robert Gates proposed ending the production of F-22 fighters. He also proposed decommissioning 250 older fighters, including F-16s.»
@PAYANT Il est difficile de ne pas être interloqué et préoccupé par l’annonce presque simultanée que le Pentagone entend ne pas renégocier l’accord du début de l’année sur les bases US au Japon, pour ne pas interférer sur “l’ordre de bataille” US au Japon, et que le Pentagone explore la possibilité de retirer quelque chose comme 40 à 70 chasseurs. (Les 40 F-16 plus, peut-être, une trentaine de F-15 sur les 50 de Kadena, ce qui représente une part importante – autour de 30%-50% – des capacités de combat de l’USAF au Japon. En effet, la possibilité de retrait des F-15 n’est nullement écartée par le retrait des F-16, elle est seulement différée et reste sous examen.) L’effet est évidemment, d’une part, comme on l’observait le 2 septembre 2009, de contraindre le nouveau gouvernement japonais dans une attitude plus exigeante vis-à-vis de la question des bases US; d’autre part, avec cette annonce d’un possible retrait, d’encourager encore plus ce nouveau gouvernement dans ses exigences vis-à-vis des USA et dans son examen de la possibilité que le Japon assume lui-même une plus grande part de sa propre sécurité.
L’explication de ce hiatus dévastateur tient dans la crise structurelle de la puissance US, notamment au Pentagone, qui tend à affecter de plein fouet, également, les capacités de la coordination des moyens et des politiques de cette puissance. Les pressions du Pentagone pour un maintien du statut actuel des bases US dépendent de la direction politique du Pentagone pour les affaires internationales, tandis que l’affaire des retraits des forces US est considérée comme un domaine technique, dépendant essentiellement de l’USAF, et qui est traité par PACAF (commandement USAF dans le Pacifique) avec ses propres réseaux. Aucune coordination n’existe entre les deux initiatives, et il est probable qu’il n’y a même pas eu d’échange spécifique d’informations. L’USAF traite cette affaire du point de vue budgétaire et de la structure de ses forces, et nullement d’un point de vue politique.
L’USAF a pris la décision de retirer, en 2010, 250 chasseurs F-16 de première ligne (sur un peu plus de 1.500 chasseurs de tous types en première ligne) pour pouvoir continuer à financer à hauteur le mastodonte JSF/F-35. (D’autres retraits pourraient avoir lieu en 2011 en 2012.) Le retrait du Japon est la conséquence de la réduction des capacités de l’USAF, avec la nécessité de renforcer d’autres points d’appui ainsi que les forces continentales US avec cette ponction de près de 15% de sa capacité combattante. Par ailleurs, on voit que c’est justement du F-35 qu’on attend le rétablissement d’une situation de sécurité objectivement compromise, du point de vue US par le retrait envisagé du Japon. Le problème est de savoir quand le F-35 sera disponible en unités opérationnelles (n’ajoutons pas, mauvais esprit: “le problème est de savoir s’il sera…”). Dans les circonstances actuelles, et admettant l’hypothèse que tout se passe bien dans le développement du programme – hypothèse hautement risquée, inutile de le dire – il faudra au moins 5 à 7 ans pour qu’une unité de la taille d’une escadre (72 appareils), le minimum structurel nécessaire pour des rotations conséquentes vers la Japon, soit opérationnelle à Guam. Cela – autant la crise budgétaire que l'engagement massif dans le JSF – permet de mesurer d’une part l’affaiblissement désormais effectif du dispositif de sécurité de l’“empire” US, d’autre part les risques qui sont pris avec les pays alignés comme le Japon. On comprend que le Japon, encore plus avec la tendance de son nouveau gouvernement, pourrait estimer que l’affaiblissement de sa propre sécurité avec l’affaiblissement des forces US doit être compensé par un accroissement décisif de ses propres capacités, et donc de l’autonomie nationale.
Avec le JSF en développement peut-être indéfini et les réductions des capacités de l’USAF, ce processus ne fait que commencer. Des possibilités de réduction seront aussi envisagées en Corée du Sud et au Royaume-Uni, où sont stationnées des forces importantes de l’USAF. La réduction des forces se fait, comme on le remarque, dans un mouvement centripète (la sécurité du Japon étant, selon ces plans idylliques, confiée en partie à la base-arrière de Guam, vers l’Est, c’est-à-dire vers les USA continentaux). Quelles que soient les explications techniques et les assurances bien fragiles type-JSF en service, la chose sera perçue comme un mouvement général de repli de la puissance US, avec une tendance isolationniste privilégiant la sécurité des approches de la masse continentale US, comme il est d’ailleurs logique d’attendre. Il s’agit d’un cas très illustratif de la modification forcée d’une politique en conséquence de la crise budgétaire et structurelle du Pentagone. C’est la première fois que commencent à apparaître les conséquences politiques et stratégiques du choix du développement du programme JSF, qui pèse d’un poids budgétaire disproportionné sur la puissance US. Tout problème du JSF – et l’on sait que c’est une friandise récurrente – va se traduire de plus en plus directement en termes de pression sur la politique de déploiement offensif de la puissance US, en faveur d’une tendance de repli isolationniste.
Mis en ligne le 14 septembre 2009 à 06H46